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Peuple Fraternel,
De grands chantiers s’engagent, qui présagent d’une période troublée où nous devrons plus que jamais faire preuve d’esprit de corps.
Les rapports de nos espions s’accumulent sur mon bureau, et tous sont convergents : les étrangers s’activent, se renforcent, s’enhardissent. Ils quittent les lopins boueux que les Nemens leur ont octroyés et se dispersent, se répandent en tous sens, sinistre et inquiétante diaspora d’êtres souvent difformes, étranges ou intrigants, jusque dans nos terres, jusque dans nos villes, jusque dans nos rangs. La belle machine qu’est la Fraternité s’articule autour de nous, nobles rouages d’une société parfaite ! Elle se passerait bien de ces grains de sables exogènes qu’apporte un vent mauvais...
Hélas ! Qu’il est loin, le temps béni des Portes ! Qu’il est loin, l’âge d’or qui nous voyait arpenter des mondes paradisiaques, vierges de tout parasite et de toute malfaisance !
C’est regrettable, mais c’est ainsi...
Il n’est pas question d’entrer en guerre totale contre l’ensemble des communautés environnantes, fussent-elles barbares ou décadentes au dernier degré, fussent-elles au cœur de la conspiration qui nous emprisonne ici, en Syfaria : héritiers d’une histoire multiséculaire glorieuse et terrible, nous sommes civilisés. Le PROGRES, tel est notre credo, tel est notre horizon, tel est notre seul dieu !
Et le progrès, mes frères, se nourrit de labeur et de paix.
Sans doute verrons-nous, dans les jours, les semaines et les mois qui viennent, d’obscurs visiteurs déambuler parmi nous. Des espions se mêleront aux pèlerins : Soyez prudents. Soyez patients. Et par-dessus tout : soyez distants. Ils fouineront, ils questionneront, ils minauderont pour quémander des miettes de nos savoirs et de nos savoir-faire ? Ne lâchez rien. Le secret est notre meilleure arme. Mettez en pratique ce vieil adage, énoncé par mon père Balthazar aux portes du Carousel : « Un frère digne de ce nom n’a pas d’amis. Il n’a que des frères ».
Pour dialoguer avec les peuplades étrangères, pour nouer des relations commerciales à notre avantage, pour juguler dans l’œuf leurs velléités d’agression et déjouer leurs pauvres complots, j’ai nommé des émissaires. La Bulle Rouge tarde à faire connaître le sien, mais ce sera chose faite dans quelques jours, à l’issue d’un rigoureux processus de sélection. L’Ambassadeur, le Diplomate et la Voix parleront au nom de tous, sous l’autorité des hauts dignitaires et de ma personne. Ils géreront les « affaires étrangères », telle est leur lourde charge : c’est à eux que vous devrez adresser vos suggestions, vos doléances ou vos informations, dès lors qu’elles toucheront à des non-frères.
Abordons maintenant des sujets plus réjouissants.
Vous le savez : une nouvelle hiérarchie se met en place et sera officialisée en fin de semaine.
Cette hiérarchie verra la plupart d’entre vous reconduits dans leur fonction actuelle. D’autres seront quelque peu dégradés ou promus, n’y voyez aucune forme de sanction ou de reconnaissance, c’est là le jeu de dominos usuel lors des inévitables chambardements qui accompagnent toute révision structurelle. Ce n’est pas à des frères que je vais expliciter ce genre de processus, connu de quiconque a déjà bâti quelque chose, autrement dit : connu de tous.
Pourtant, cette nouvelle hiérarchie est un magnifique appel d’air que les plus hardis d’entre nous sauront exploiter professionnellement. Voici pourquoi :
Celles et ceux qui inscriront dans leurs guildes de nombreux volontaires, apprentis, acolytes ou soldats, en seront dignement récompensés. En effet, les plus hauts statuts ne seront accessibles qu’à la condition d’avoir suffisamment de frères à la base. La règle usuelle en matière de progression veut qu’aucun poste ne soit pourvu tant que ceux qui lui sont subordonnés demeurent vacants. En clair :
Pas de Lieutenant sans Sergents, pas de Sergent sans Soldats !
Pas de Secrétaire sans Militants, pas de Militant sans Apprentis !
Pas de Président sans Sociétaires, pas de Sociétaire sans Disciples !
Au terme du remaniement qui s’annonce, je ne souffrirai aucune critique : si votre guilde végète, vous végétez ! Nul ne sera nommé à de hautes responsabilités sans raison ! Tout ministre n’est que l’émanation d’un ministère, comme je ne suis que l’expression du peuple : si ce que vous incarnez meurt... vous mourez.
Alors, frères et sœurs du désordre : proposez, recrutez, fédérez ! Qu’autour de vous s’articulent les meilleures idées, les meilleurs projets, les meilleurs atouts.
Nous sommes faits pour réussir, et par Stentor, je vous le jure : nous réussirons !
Elchior, fils de Balthazar, de la lignée Gilgesh
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