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Le Merakih 25 Nohanur 1509 à 22h32
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| Assistant Prévôt, songez-y, Edoar. C'est plutôt une bonne proposition.
Par les temps qui courent (et ils courent plutôt vite), c'est moins dangereux que Chambellan.
Vous risquez de vous faire suriner par le premier péquin venu lors de ces longues nuits d'hiver passé dans les rues, vous risquez de mettre les pieds dans des enquêtes dont vos supérieurs ne veulent pas parce que vous fouillez dans leur petits papiers en remontant des réseaux de corruptions et de trafics qui rapportent, vous risquez de vous faire éventrer par les monstres qui peuplent les ombres d'Arameth et ses alentours, vous risquez de ne jamais être en mesure de fonder une famille ni de marcher sur vos deux jambes, vous risquez de passer les plus belles années de votre existence à aller chercher le chat de Madame Gralis coincé dans un arbre et à vous occuper des problèmes de voisinage...
Nan, faut regarder le bon côté des choses. C'est moins risqué que...Chambellan.
Chambellan, vous disparaîtrez un beau jour, comme ça, "pouf" et personne ne reparlera plus jamais de vous.
Franchement, Eddy Les-Deux-Sorts, pensez-y. Vous êtes déjà fameux au sein de cette élite de bras cassés du Poinçon.
Alors qu'au Limonaire....Vous n'êtes qu'un Chambellan anonyme, finalement.
Celui qui succède à Yorazenor qui succède à Trinité...
Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?
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Le Merakih 25 Nohanur 1509 à 23h51
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| Exaltation. Fièvre.
Au fil des mots qui se croisent, se battent ou s'accouplent au sein du consensus, je prends conscience d'une évidence si fondamentale, si essentielle, que je ne puis plus longtemps la garder pour moi...
Notre agora mentale n'est pas le lieu que nous croyons qu'elle est.
Elle n'est pas cette arène où nous prétendons exister par nos pensées interagissantes.
Elle n'est pas même l'antichambre du monde des idées, idées qui descendraient ici pour s'actualiser à travers nous, pantins de poussière.
Elle est l'ensemble des mots.
Les mots. Il y a une pièce au nom étrange, au coeur du limonaire : l'observatoire des mots. En êtes-vous l'instigateur, Chambellan Edaregord ? Ou n'est-ce là qu'une piste semée par d'autres ?
Les mots sont ici. Ils naissent, vivent et meurent dans l'esprit-gestalt né de notre communauté spirituelle. Ils nous utilisent, nous manipulent, nous brutalisent afin que nous parlions, pensions, et leur donnions substance. Toute notre histoire se résume à ce complot : nous croyons faire des jeux de mots, mais les mots se jouent de nous !
Je suis les mots que j'exprime, et rien d'autre. En vous, je vois des êtres factices, vides de sens et pourtant, plein de termes aux significations variées. Des récipients d'autant plus creux qu'on les croit pertinents, en les considérant - à tort - à leur propre échelle. Des baudruches, tels nous sommes. Des sacs à mots.
Nos interactions ne sont qu'apparentes. Nous les supposons signifiantes et créatrices parce que nous les voyons de haut, floues, incapables de concevoir que les flux sémantiques qui les parcourent sont des axes de transports. Nous sommes victimes d'un biais statistique. Des billions de mots transitent ici même ; ils forment des noeuds, des ondes additives et soustractives et nous, pauvres structures fugaces, pauvres formes éphémères nées de cette soupe écumante, nous prétendons être ?
Quelle médiocre vanité !
Aujourd'hui, je suis entré dans l'observ...
Siam dit :Docteur ?
C'est l'heure de votre intraveineuse.
Plait-il, m... monsieur Siam ? Mon intra..?
Oh. Oui. La Diathine. En effet, mon ami. Je vous remercie.
Vague douleur, se traduisant par un léger sentiment de peur.
Soulagement.
Ahem.
Je vous souhaite bien le bonsoir, amis Confrères.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous. | |
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Le Julung 26 Nohanur 1509 à 09h51
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| Ca me fait plaisir d'imaginer que d'ici quelques semaines, quand tu auras fini de déféquer à cause de la gentillesse de Bathi et de l'intolérable inactivité de ton Horloge fumante qui - soyons honnêtes - n'a jamais rien produit de bien beau en dehors de lignes supplémentaires sur la longue liste de Chambellan disparus ; d'ici quelques semaines donc, Eddy, quand tu en auras assez de faire la leçon à deux, trois apprentis débiles qui confondent leurs doigts avec leurs baguettes et qui geignent pire qu'une Inoria au moindre mot, à la moindre critique ; d'ici quelques semaines, enfin, quand t'auras entravé à quel point c'te foutu Limonaire sent la marde - tu me rejoindras au Poinçon pour assumer tes véritables fonctions d'Inspecteur Eddy.
Avec un long fusil nelda, une coupe de poil méchante mais beau gosse, un cigare bon marché coincé entre des lèvres malveillantes et une voix caverneuse digne de Môssieur Bois de l'Est.
Ouaip, chuis plutôt rassuré, limite content de penser qu'on rebossera ensemble, dans de pareilles conditions, contre les criminels et autres théoriciens du langage pervertis par de trop belles appellations sans fondements autre que celui - bien profond - de leur capricieux inventeur (bhé ouais, ici on ne parle plus de sac à mots mais de sac à merde).
Fin bref. Vivement que j'reviende pour te filer ton casque, ton pilier et ta plaque !
PS : de mémoire de sicaire, personne n'a jamais utilisé le sobriquet "Brebre". Ou peut-être Philippe, mais je crois qu'il est mort.
Se suffire, c'est être puissant.
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Le Vayang 27 Nohanur 1509 à 14h02
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| Confrère Ordinant, je vais m'efforcer de vous rassurer :
J'ai toujours été tel que vous me percevez : aventureux, sur le plan spirituel... et des plus casanier, sur le plan matériel.
Ma petite vie est simple, calme et bien rangée. Je n'ai pas d'ombre. Je paie mes taxes. Je parcours, jour après jour, le même cheminement triangulaire : Châtelet, Cabinet, Asile.
Sous mon crâne chapeauté s'agite une eau aux marées chaotiques, mais je la contiens.
Attribuez ces fuites consensuelles à ma piètre maitrise de la symbiose. Considérez simplement que cette dernière met en exergue quelque chose que je n'ai pas l'habitude d'infliger à mon prochain.
Ca passera, ce n'est qu'une question de temps.
Et de médication.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
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Le Sukra 28 Nohanur 1509 à 23h16
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| Non, non. Je vous assure. Ma parole ne dépasse jamais ma pensée. C'est d'ailleurs physiologiquement impossible ! Vous imaginez, vous, si votre corps pouvait se passer des directives de votre cerveau et bêtiser d'un seul coup, comme ça, sans que la boite à méninges n'ait émit d'avis ? P'tin, ça serait vachement bizarre - non, pire que ça, ça foutrait les chocottes encore plus que d'imaginer le Limonaire avec des gars compétents. Enfin, quoi, ça ne vous semble pas cheule comme une gousse à moustache de dire qu'un gars - genre moi - peut se passer de son sac à neurones pour postillonner - et même s'il s'agit de deux ou trois costumés ? Perso, ça m'fiche sur le tchu. Bon, alors, que l'grand Chef ne jase pas des masses quand il retrousse ses manches, j'veux bien, après tout c'est normal et des gars comme le Doc Piedmontus pourront sûrement vous parler de l'inconscient mieux que moi (savez, tout c'qui se passe en dehors de la sphère consciente de l'individu, l'activité psychique invisible en quec sortes) ; mais bon, faut pas dire des trucs comme "la parole dépasse parfois la pensée" parce qu'après les jeunes gars qui savent pas, ou qui sont un peu débiles, y vont penser que c'est un fait et quand ils le répéteront en soirée à la donze quy veulent lever, pour faire bien, pour faire malin, bha y vont avoir l'air drôlement jaja quand ils verront les doigts pointés vers eux et les goules grandes ouvertes de rire.
Nan, franchement, faut arrêter de bêtiser sur le consensus quoi. Hergranore est parti, on va pas l'remplacer.
Merde alors.
Pensez aux jeunes galériens.
Se suffire, c'est être puissant.
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