Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

Promenons-nous dans les bois

pendant que les loups bouffent pas...
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Sujet lancé par Saerass Telmar
Le 14-10-1509 à 15h12
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Posté par Saerass Telmar,
Le 31-12-1509 à 16h18
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Saerass Telmar

Le Merakih 14 Otalir 1509 à 15h12

 
"Si les fabres me tuaient,
je les trucideraient.
Parce que le pillier,
y'm ressusciterait,
et comme j'les aiment pas
s'ils s'en prennent à moi
j'irai les r'trouver
pour les massacrééés..."


Trois jours...

Trois jours que ses chairs déchirées par la sournoiserie des ronces, des branches, des pierres sur lesquels il trébuchait, des abominations auxquels il se raccrochait, et des insectes qui le torturaient nuits et jours, laissaient se répandre le vermeil liquide de sa vie.

Quelques épais et maladroits bandages entouraient la plupart des membres de son corps plus odorant que la moyenne ; du sang, le sien et celui d'un étrange étranger à la larme gravée, tachait ses vêtements ; et ses longs cheveux plaqués contre son front en sueur, gênaient sa vision et l'empêchaient d'éviter d'autres dangers.

Mais trop fatigué pour chercher à se dissimuler aux yeux des créatures l'environnant, il avait décider d'avancer directement vers les montagnes qu'il apercevait derrière les arbres, et c'est d'un pas tremblant malgré sa jambe assurée et son sourire carnassierèment comblé qu'il chantait, et gambadant presque avec une désemparante ingénuité, baton en main, il évitait de justesse l'attaque d'un Fabre, puis d'un second, et continuait d'avancer, mué par une incompréhensible joie, une euphorie de plus en plus pressante, tel un petit garçon au bord d'une crise de nerf parce qu'on lui promettait une sucrerie qui ne venait pas assez vite...

Sauf quà l'immense différence, lui Sae, savait que cette sucrerie viendrait, qu'il était proche d'elle, que chaque muscle de son corps brûlait dans sa difficile progression, mais qu'il se rapprochait de son but, que cette insoutenable impatience était savoureuse, et sa douleur nécessaire, et belle parce qu'elle était justement la promesse d'un effort, d'une récompense, d'une réussite, puis d'un souvenir. Alors il était heureux, et il chantait ce qui lui venait à l'esprit, parce que dans la forme des arbres, le bruissement des feuilles, le souffle du vent, la couleur du ciel et l'odeur de son sang, il sentait que ses pieds foulaient le chemin du S'sarkh...


"Et puis mon papa
y savait tout ça,
moi j'le savais pas
mais le S'sarkh voudra,
et puis moi aussi
j'ai mon ptit avis
Parce que mon destin
c'est d'me prendre en main
oui d'me réveiller,
pour aller sauver
tous les grands bambins
tous les ignorants
qui n'y savent rien
qui seront mourants..."


 
Saerass Telmar

Le Dhiwara 18 Otalir 1509 à 22h00

 
Quatre jours...

Quatre jours qu'il franchissait les montagnes, traversait des bois ténébreux, survivait au clair de lune au sommet d'un arbre, fuyait les abominations carnassièrent et autres rejetons errants, quatre jours qu'il bandait ses blessures, perdait plus de sang qu'il n'en empêchait de couler, et quatre jours, que perdu et toujours plus proche de la mort, son regard se décrochait peu à peu des étoiles, lentement écrasé par la pesanteur de la terre, pour tomber vers l'horizon. Quatre jours encore, que ses pensées désaprennaient à voler, brûlées par le feu des nuages. Quatre jour enfin, que son corps mourrait pour que devienne son esprit.

La danse des arbres était douce et belle, Lekhrian trouvait que c'était leur chant qui était beau. Mais aussi triste, sombre, inquiétant. Derrière chaque arbre, chaque buisson, chaque fleur, se cachait une créature redoutable guettant l'occasion de la tuer efficacement lorsqu'elle ne le chargeait pas à vue. Comment la beauté de ces lieux, la grâce des arbres, la paix semblant régner sur la forêt, pouvait dissimuler tant d'ombres et de mystères ? Quels mystères ? Ceux que personne ne voient. Ceux qui ne se voient pas, ne s'entendent pas, ne se touchent pas, ne se sentent pas, ne se goûtent pas, ceux qui n'existent pas. C'était comme un chemin de feuilles noires sur un duvet de nuages. Tout était là sans qu'il n'y ait rien. Mais s'il fallait qu'il sache cela, ses pas devaient le mener ailleurs, il devait endurcir son corps, préparer son esprit à combattre, méditer, et bientôt, oui très bientôt, lorsque la lune rouge sourira de nouveau, il commencera à répandre sa parole. Son mou était content qu'il pense comme cela, après leur séjour difficile à Arameth ils allaient enfin devenir petit à petit la voie du S'sarkh. Pourtant il leur resterait une chose à faire. Les autres témoins avaient lancés une expédition dans les montagnes, il faudrait bientôt qu'il les rejoignent. D'ailleurs, il se demandait s'ils étaient morts. Et si leur sang coulait par terre. Et ce que ça faisait si... Mais il était fatigué, et ses pensées déraillèrent progressivement pour s'égarer dans des choses plus abstraites encore, mêlé aux vagues interrogations et conseils de Lekhrian dont l'esprit fusionna alors avec le sien pour ne former qu'une unique pensée, vague et complexe, mais étrangement belle et touchante.
.
Le temps passait, le témoin progressait, les paysages défilaient, et il se soutenait de toutes ses forces sur son baton ferré en progressant péniblement au milieu de la nuit, perdu au milieu d'une fosse aux rejetons, le buste et la jambe gauche profondément lacerés, cerné de toutes parts et innocemment joyeux. Il fixait depuis quelques temps d'un air hagard les courbes gracieuses que produisait autour de lui un petit oiseau de feu jouant dans le ciel. Il se rapprochait même de plus en plus ! Bientôt il pourrait peut-être le toucher...


dit :
Sae ! Prend garde à ce qu'elle ne soit pervertie !


La boule de feu décrivit un vaste arc-de-cercle dans les airs, et nerveusement, piqua à toute vitesse sur l'adolescent dans un cri suraiguë ! Se tournant mollement vers elle, alarmé par son mou, Saerass planta son baton dans le sol, et poussa de toutes ses forces sur celui-ci en tentant de se jeter sur le côté. Mais son corps répondait avec peine, et l'affreuse créature, gueule de feu béante et muée par une rage bestiale, perçut son mouvement et d'un vif mouvement d'aile elle dévia sa trajectoire pour venir le percuter de plein fouet ! Le choc lui coupa le souffle, et le corps incandescent brûla ses bandages pour atteindre sa chair. Ses crocs se plantèrent dans son torse, qu'il laboura frénétiquement dans des gerbes de sang. La douleur fulgurante contracta ses poumons qui s'emplirent d'air avant d'être recraché dans un hurlement de jouissance torturé. L'inssupportable cri de la bête s'insinuait dans le crâne de sa victime, remuant des souvenirs et des sensations à peine enfouies en lui.

Lekhrian gémit de terreur. La mort était là, il la sentait, il pouvait presque sentir sa main glacée arracher la vie de la seule chose à quoi il tenait dans ce sombre monde. Il savait qu'elle allait le prendre, et que sa voix détruirait les barrières de conscience de son ami, et le laisserait se faire engloutir par les gigantesques et terribles vagues noires de la folie. Sa vie passait devant ses yeux, la voix de la mort lui en rappelait une autre, le masque de la mort lui rappelait une autre de ses victimes, et le fragile ordre de son âme fut chamboulé, et ses plus obscures pensées, ses blessures les plus intimes mises à nues. Et cela était intolérable. Alors dans un élan de désespoir et de compassion, le fidèle Lekhrian se jeta sur la créature, entravant ses mouvements, subissant ses flammes, et bientôt les coups destinés à son enfant ! Pour la première fois de sa vie il sentit la faiblesse de son être, l'éphémérité de sa vie. Il devait user de ses pouvoirs pour se téléporter et se mettre hors de danger, sans eux il n'était rien, mais cette chose s'en reprendrait alors à Sae, qui ne supporterait jamais une blessure de plus et risquait de mourir définitivement dans le chaos de sa courte vie. Alors il se téléportait autour de la chauve-souris à toute vitesse, subissant ses coups mais l'éloignant de son protégé tant bien que mal. Car elle était trop vive, trop acharnée pour qu'il résista longtemps, et son jus de pamplemouse coula bientôt en abondance ! Mais brusquement, dans un éclair de conscience, le jeune témoin, agonisant dans l'herbe, ressentit la douleur de son ami...

Lekhrian, son grand compagnon d'aventure et de pensée, son plus précieux ami, la seule personne capable de le comprendre et de le soutenir, lui, ce fragile mou qui avait tant veillé sur lui, se sacrifiait pour l'épargner ?! Mais pourquoi, pourquoi faisait-il cela, était-il fou, il ne pourrait jamais rescusité, ils mourraient tous les deux définitivement ! Il devait arrêter ça, son sang coulait, il était blesser, la chiroptère était assez loin maintenant, mais elle s'accrochait à lui, et Sae sentit qu'il n'en pouvait plus. Soudain, d'un geste désespéré, il rassembla sa mana, tendit ses mains vers la créature et incanta à toute vitesse le premier sortilège entropique qui lui vint à l'esprit. Aussitôt ses mains s'auréolèrent d'une lumière bleutée, et dans un geste de rage il projeta cette énergie chaotique sur cette monstruosité. Le sort traversa la ciel et percuta sa cible dans un doux crépittement. L'espace d'une fraction de seconde, son corps fut perturbé, et elle perdit subitement le contrôle de ses pattes qui relâchèrent le mou. Alors bizarrement elle sembla oublier leur présence, et comme si de rien n'était elle continua de battre des ailes et s'envola vers les montagnes de l'ouest. Mais Lekhrian, un instant parvint à se suspendre dans les airs, puis il vacilla avant de tomber, de chuter dans le vide, inconscient, sanguinolent, et peut-être mortellement atteint !


 
Saerass Telmar

Le Merakih 21 Otalir 1509 à 20h05

 
Quatre jours et même en plus deux fois quelques minutes.
Les loups ont bouffés.
Bon, là je suis mort, alors il faut pas m'embêter.
Il était une fois l'histoire d'un Luth.
Les rimes c'est pas beau.


 
Saerass Telmar

Le Matal 3 Nohanur 1509 à 21h13

 
" Lekhrian ! cria t-il d'une voix déchirée. Lekhrian...! soudain une toux rauque et gargouillante lui arracha la gorge, mais puisant dans ses dernires ressources, il parvint à murmurer d'un souffle... ... ne meurt pas... "

Le jeune Témoin trainait son corps avec frénésie, son sang coulait entre les doigts de sa main compressant son torax et retardant sa mort, tandis qu'il battait des jambes et de sa main libre pour se rapprocher de son si cher ami. Mais les hautes herbes l'empêchaient de distinguer cette boule minuscule tombée du ciel, les larmes embrouillaient sa vue et la panique, la peur, l'étroit anneau de douleur et de solitude qui menaçait de briser son esprit l'emportaient dans un élan de désespoir, et lorsqu'il fut proche de l'endrot où il croyait être Lekhrian, il se mit à balayer l'endroit de son corps, se roulant dans l'herbe, battant des jambes et des mains en espérant rencontrer une surface solidement molle qui répondrait à son contact et qui réveillerait en lui le souvenir de cette peau chaude et rapeuse qu'était celle de Lekhrian. Mais sa vue se brouillait de plus en plus, ses incessants et vains appels mentaux faiblirent progressivement, et ses larmes s'asséchèrent pour ne laisser qu'un regard vide et injecté de sang. Il revoyait cette scène devant ses yeux, ses pas d'enfants le menant innocement dans la bibliothèque de Lerth, ce sombre cercueil, le ciel noir, illuminé d'étoiles scintillantes, si belles, si belles, si lointaines et si silencieuses, puis les cris de rage, les avertissements, les pas précipités, son frêle corps saisissant les appels de Lekhrian, comprenant le danger, son petit corps tétanisé devant le livre de Malastrée, martyrisé par les appels au secours de son père, par le bruit des lames s'entrechoquant, le terrible cri de guerre poussé par la femme, le choc du Chiroptère le propulsant à terre, la détresse de Lekhrian, le bruit de deux aciers tranchants pénétrant des corps vivant, encore chaud... La mort de son père Lekhrian, la chute de Lekhrian, libéré des griffes de son bourreau pour mieux agoniser à ses pieds...

" Noooon ! "

Il était là, il le touchait, Lekhrian ! Il n'était pas mort, mais gravement blessé et inconscient ! Que faire ? Il n'avait aucun moyen de le soigner, sa vue baissait de plus en plus, ses yeux devenaient vitreux, il sentait la main froide de la mort aspirer sa vie, lentement, mais si vite ! Il fallait agir ou tout deux mourraient définitivement, tout serait perdu, il trahirait le S'sarkh, son destin, sa voie, les siens, Syfaria, et la mémoire de son père ! Le seul souvenir de cet être définitivement perdu lui arracah un gémissement de douleur. La mort, la mort, la mort, la MORT ! Il n'en voulait pas, non, il n'en voulait pas, pas encore, c'était trop tôt, si tôt, si injuste, si lamentable, si triste ! Mais que pouvait-il faire pour la tromper, comment pouvait-il utiliser les dernières secondes de sa semi-vie pour l'affronter et la dominée ?! Douce torpeur des secondes qui passaient, tu petit mou amorphe tenu tendrement dans ses bras, douce torpeur du chaos des dernières pensées qui se battaient contre l'engloutissement de la folie des souvenirs de sa vie qui défilaient devant ses yeux... Sa misérable vie d'enfant aimé, amant du calme et de la sérénité, amant du S'sarkh et de son destin, misérable vie d'enfant trahit par ses origines et arraché à une forme d'innocence pour s'ouvrir sur le monde et survivre dans la nature. Il trouva Lekhrian et contempla la nature de Syfaria, il regarda ses mystères sans jamais y toucher, sacourant leurs secrets de loin, avec la patience mesurée d'un homme qui sait ce qu'il sera. Et longtemps il se prépara, endeuillé et blessé mais vivant, il pensa, rêva, dansa, et fit même jaillir de ses doigts ingénus la folle étincelle de l'entropie ! ... Oui ! L'entropie ! L'entropie seule pouvait encore sauver Lekhrian!

 
Saerass Telmar

Le Vayang 27 Nohanur 1509 à 20h20

 
Solitude d'un mou

Le doux vent caressait l'herbe de la plaine, les brins s'abaissaient tendrement, puis avec douceur, se redressaient pour respirer l'air frais l'espace d'un instant, puis se penchait à nouveau, parfois sous l'impulsion d'un courant plus fort, plus vivifiant, et continuait sa dance ingénue sous le regard du soleil brûlant. Sa chaleur, réconfortante, se faisait de plus en plus intense, elle agaçait le petit corps enfoui dans cette forêt de fraicheur, qui n'en appréciait justement que d'autant plus le frisson au contact de ce vent, si froid. Puis ce fut la lumière, paisible, discrète, légère, elle teintait chaque brin d'une couleur unique, lui offrait des nuances en jouant sur leur forme si uniformément différente, et leur offrant une foule de masques compatissants et protecteurs, accompagnés par ce ciel vertigineux, cet infini de fascinantes nuances, bientôt dominées par un bleu uni et éternel, traversé ça et là par d'innocents nuages dans lesquels il aimerait se reposer quelques instants de plus... Mais avec cet infinitude, ce froid, cette chaleur, vint la violence de l'aveuglant disque d'or et les cris affamés, déchirants, torturés, de quelques abomination rôdant dans les environs !

Puis soudain. Le réveil.


" Saeraaaass... ! "

Une douleur, fulgurante, le tétanisa. Son regard affolé chercha quelque chose à quoi se rattacher, mais son corps ne bougeait plus et son esprit paniqué ne sentait plus la présence de son symbiote. Dans un pénible effort il tenta de basculer son corps et de rouler sur le côté. Mais ses muscles engourdis répondaient mal, puis une insupportable nausée l'assaillit soudain et c'est dans un répugnant hoquement qu'il parvint à se dégager des herbes collées à son corps par son propre sang et à vomir, happé par un incompréhensible vide.

Lorsqu'il n'y eut plus rien à recracher, Lekhrian parvint à se poser un instant pour rouler plus près d'une touffe d'herbe qui lui accorderait un peu d'ombre. Son épuisement général lui empêchait tout réel mouvement, et l'insoutenable brûlure sur le côté de son corps lui bloquait toute réflexion. Il se trouvait dans un état de choc profond, totalement perdu, seul, terriblement seul, et incapable de tenir le moindre raisonnement. Protégé de la violence des rayons du soleil, et relativement à l'abri des gifles du vent, son regard éperdu balaya l'espace.
De l'herbe, beaucoup d'herbe, immenses, et du sang, le sien, là où il se trouvait, mais à côté, un peu plus loin, de l'herbe encore, mais de l'herbe écrasée et balayée par quelque chose. Ensuite, encore plus de sang, des litres de sang à perte de vue, et au centre, une tâche, énorme. Quelque chose de flou, d'informe. De beau... Qui est-ce...? Les ténèbres. Le mou s'évanouit.


 
Saerass Telmar

Le Luang 21 Dasawar 1509 à 12h05

 
Les nuages étouffaient le ciel, la pluie glissait contre le vent et noyait dans sa froide sauvagerie l'otarcique clairière. Au loin, des hurlements ; quelqu'un mourrait. Ici, la paix. La faim. Oui, juste la faim et sa solitude.C'était douloureux. Il ne pensait à rien d'autre, il n'existait rien d'autre que cette faim et un vague malaise dont il ne parvenait pas à découvrir la source. Il errait, perdu, sans aucun but, dans cette triste forêt, évitant les prédateurs, narguant les rares voyageurs qu'il oubliait l'instant suivant. Il vivait dans l'incompréhension des choses, du temps, de l'espace, et de son existence. Et seul la faim le privait du bonheur. Sûrement.
Ce jour là il en avait rencontrer d'autres, comme lui. "Pauvres créatures innocentes." avait-il fallit penser. Puis il était monter sur la cime d'un arbre, et là, avait disparut. Sur un autre arbre.


Et soudain un flash, une lumière aveuglante, une effusion de pensées, de conscience, de connaissance, de mémoire !
Saerass !!!

Il était là, il le sentait, il se souvenait. Toute souffrance s'évanouit et l'affreuse vision de son corps abandonné aux charognards disparut dans ce bonheur qui lui gonfla le coeur. Il était vivant, les pilliers lui avaient rendu, grâce au S'sarkh !

*Lekhrian... je suis revenu.*

Sa voix ! Quelle joie de l'entendr... sa voix ! Elle était méconnaissable... étais-ce bien la même personne ; qu'avait-il vu, fait ou subit dans le monde de la mort pour qu'un si brusque changement se produise ?! Même son ton était... vide ? Il paraissait si indifférent, et à la fois si grave...

*Sae, qu'est-ce qui se passe, où es-tu, comment te sens-tu ?*

*Tu es mon symbiote, concentres-toi et tu me trouveras.*

Mais oui, quel idiot, il en oublait même ses pouvoirs... ! Mais il se sentait encore faible... peu importe, il pouvait bien faire un effort pour lui ! Libérant son esprit, le fidèle mou se projeta dans le lien qui l'unissait à son compagnon, et avec un violent effort il parvint à le retracer à toute vitesse pour parvenir à localiser le corps de Saerass. Alors il maintint la concentration, oubliant son épuisement toujours présent malgré lui, et il tira son corps jusqu'à son esprit, galvanisé par ce bonheur si inattendu... et sa peur de découvrir ce que Sae avait vu...
Quelles horreurs avaient pu le changer à ce point ? Comment ne pouvait-il pas ou si peu le reconnaitre...? Soudain le remord et l'impuissance le submergèrent et sa concentration se brisa. Le mou perdit le contrôle de son corps projeté dans la direction trop approximative de l'endroit où se trouvait son esprit qui, saisit de panique, tenta de se raccrocher à lui et de le guider avant qu'il ne lui échappe défintivement...


Le choc fut, une fois de plus, brutal. Il roula sur la terre sèche, heurtant de petits cailloux qui virent se planter dans sa peau tandis que l'irritante poussière se glissait entre ses paupières et l'empêchait de voir où il allait. Mais bientôt un dernier choc, un peu plus rude que les autres, stoppa sa course effrenée. Lekhrian cligna des paupières, tordit son petit corps torturé pour se débarasser de la poussière et tenter d'apercevoir ce qui l'avait arrêter... Puis une ombre imposante se glissa au-dessus de lui. Le mou mit quelques temps avant de discerner la forme d'un Tydale, grand, svelte, aux cheveux longs, bruns, et sales... Son pied avait du l'arrêter... Puis ces vêtements trop courts, et... ces yeux... Deux yeux d'un bleus sombre, si profond... Un regard perçant ; triste et froid, comme un vieillard qui aurait vu trop de choses dans sa vie. Mais il y avait aussi quelque chose d'autre, quelque chose de dissimulé derrière cette barrière de glace. Comme une... certitude, absolue. Une idée, peut-être un idéal recherché, mais de manière désespérée et... passionnée...

" Bonjour Lekhrian. Il est temps d'y aller maintenant. "

Lekhrian ? Il connaissait son nom ? Cet homme, -il le voyait clairement maintenant- balafré, ensanglanté, torturé, était Saerass Telmar ? Il aurait réussit à se téléporter jusqu'à lui ? C'était possible mais lui... qu'était-il devenu...?! Sa voix, grave et douce, avait finie de muée, sa taille avait elle aussi augmentée et seul les quelques légères rougeurs sur son visage indiquaient sa jeunesse.
Mais aussi, pourquoi ne l'avait-il pas reconnu tout de suite, il aurait du sentir son esprit, sa personnalité, entendre ses pensées et voir les images qui défilaient devant ses yeux... Rien de ceci ne se passait. Lekhrian sentait le lien qui les unissait mais ce lien était comme vidé de toute substance, il était naturel, mais superficiel ; indispensable, mais étrangement inutilisable, inutile...


dit :
Par le S'sarkh, mais qu'est-ce qui se passe ?!


Hum... ? Pourquoi cries-tu dans ma tête ? J'ai marcher sur le chemin blanc, guidé par sa voix. Allez, viens.

Il partait déjà. Et le coeur du mou se serrait de désespoir.

 
Saerass Telmar

Le Julung 31 Dasawar 1509 à 16h18

 
Assis sur un rocher, à l'ombre d'un arbre, Lekhrian observait le sombre Tydale assis à deux pas de lui à même le sol, le regard perdu dans le vide... Des mois étaient passés sans qu'ils ne croisent autre créature pensante que des abomination et autres engeances du S'sarkh. Après les oppressions de la foule, la survie au coeur des terres sauvages. Ce voyage avait été tellement différent de leur ancien périple, qui paraissait si lointain déjà ! Avant de rencontrer les témoins et leurs pensées communes ils avaient traversés Syfaria en se cachant de tout pour vivre dans le silence et y rechercher Sa compréhension. Mais là... ce périple, était si terrible...

Un seul mot : Survivre.

Seule cette idée et une foi aveugle envers le grand S'sarkh avaient guidés leurs pas. L'angoisse d'être perdu dans des contrées au danger souvent mortel, l'oppressante forêt aux murmures grinçants et hostiles, l'absence de lumière, le sentiment de n'être jamais seul, la tension exercée sur les nerfs si fragiles d'un gamin, la fatigue, la peur, la pluie, le froid, la faim, la douleur... et Elles ! Aucun endroit n'est à l'abrit du danger, partout leurs empreintes souillent le sol et leurs yeux démoniaques se cachent et attendent le moment opportun lorsqu'elles ne chargent pas avec une sauvagerie des plus bestiales ! Alors la fuite. Ou la mort. Toujours fuir. Puis un jour, à nouveau, le soleil, brûlant... Et des souvenirs, des larmes qui ne coulent pas. Deux être torturés, abandonnés, seuls et désespéremment passionnés par leur douleur. C'était le seul moyen de s'accrocher à la vie.

Les mois s'écoulèrent, comme le sang de leurs plaies béantes. Une ou deux fois ils rencontrèrent un Némen qui les soigna et, avec bonté, leur chanta des contes qu'ils apprirent, améliorant ainsi leur connaissance de cette langue bénie. Lekhrian ne laissait pas s'échapper de telles occasions d'enrichir ses connaissances, et des heures durant, il débattait avec eux sur d'inépuisables sujets. Partageant réflexions diverses et philosphiques, il passa des moments mémorables, bien loin de la dureté de la vie sauvage. Sa sagesse innée et sa compréhension des choses lui valait la sympathie de ces amis par trop souvent inaccessibles. Et contrairement à Sae, il savait tirer entièrement profit de leurs rencontres, si éphémères... Puis c'est à contrecoeur qu'ils se quittaient, leurs pas les menant sur des chemins par trop différent.
Et enfin, Saerass décida de rentrer à Lerth. Il avait, dit-il froidement à son mou, besoin d'acquérir la puissance entropique qu'il ne trouverait pas dans les plaines infestées de rejetons, mais uniquement en apprennant les sorts que d'autres avaient passés leur vie à créer. A nouveau, Lekhrian eu peur. Bien que l'entropie lui avait sauver la vie, il la redoutait particulièrement et ne supportait pas l'idée que son précieux ami devienne un de ces fous crains de tous. Le Tydale capta cette pensée. Alors la rancoeur naquit envers son inutile compagnon qui ne le comprenait plus et cherchait par de sournoises suggestions à l'empêcher de grandir, de devenir plus fort et plus capable d'affronter les épreuves, sous le prétexte de le protéger et de le garder des regrets que provoquerait sa soit-disante immaturité.
Le fossé se creusait chaque jour, pourtant ils savaient qu'ils avaient besoin l'un de l'autre et qu'il ne pouvait en être autrement. Etais-ce une autre épreuve du S'sarkh ? Le lien entre un poussiéreux et son symbiote était primordial au sein de ce monde dont les espoirs de salut reposaient sur leurs capacités hors du commun. Mais ils avaient connus la mort, la solitude, et la sauvagerie. Et ces choses les avaient détruis, transformés ; peut-être enrichis ? Ces douleurs seraient complémentaires ? Etais-ce vraiment ainsi qu'ils pourraient avancer sur le vrai chemin ? Ces souffrances étaient-elles nécessaires et pas tout simplement absurdes ?! Lekhrian doutait. Les Némens fonctionnaient tout à fait différemment, et les autres factions, qu'il connaissait toujours si peu, vivaient eux aussi, normalement. Bien que plus exposés aux attaques des rejetons ils n'en étaient pas moins saint d'esprit et d'après ce qu'il avait vu, tout aussi capable de trouver leur raison d'être. Pourtant c'était bien cette foi et cette douleur qui unissait les Témoins et protégeait leur presque-île du massacre. Mais cette explication ne lui suffisait pas, il y avait forcément autrement chose, d'autres desseins étaient en oeuvre, d'autres forces, d'autres énigmes, d'autres réponses restaient à trouver. Tant de choses à faire... tant de questions qu'il ne parvenait pas, ou à peine, à formuler... Il se sentait affreusement seul, et il avait besoin d'aide.

Lerth. La scintillante. Ils n'y feraient sûrement qu'un court passage, à peine remarqué... Pourtant il lui faudrait saisir cette occasion.



FIN DE LA PROMENADE

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