Les Mémoires de Syfaria
Transe Onirique

Au fil de l'onde

ou le reflet d'un reflet
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Sujet lancé par Antiorn
Le 01-01-1510 à 23h50
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Posté par Antiorn,
Le 18-04-1512 à 17h48
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Antiorn

Le Vayang 1 Jangur 1510 à 23h50

 


Cette image s'est imposée à lui, bienveillante et sereine. Un baume sur ses appréhensions quant à son exploration du Second Monde. Antiorn est assis face au lac et écoute le bruit des ondes venant se briser sur le rivage de galets. Il sent le vent chaud sur son visage. Il observe le ciel qui se pare d'un manteu d'étoile alors que les derniers rayons du jour tirent leur révérence en un magnifique camaïeu orangé.

Harmonie.
Il est si rare de pouvoir s'offrir de tels instants. De se sentir à sa place.
D'abaisser sa garde sans crainte.

Ainsi tel était le visage clément du Rêve... Qu'y avait-il à apprendre de tout cela ? L'artiste serait bien resté ainsi jusque son réveil et transformé le Songe en fuite des épreuves quotidiennes de Syfaria. Cela aurait été facile. Rester assis, admirer le ciel. Rêver à mieux.

Mais il devait bien avoir quelque chose à tirer de tout cela.
Soupirant, il se relève à contre-coeur.
Il ne sait pas pourquoi le Rêve l'a amené ici mais il sait ceci: il ne pourrait être ailleurs.
Il le sent. Dans chaque fibre de son être.

Lentement il s'approche du rivage et enlève ses bottes. Bientôt l'onde délicieusement tiède liche ses orteils.
Une invitation...
Le Blanc Nelda retire sa tunique et la lance sur le sable. Lentement et avec délectation, il avance.
Qui a dit que l'apprentissage se devait d'être ardu ?
Qui a dit que chaque segment du chemin devait être souffrance ?

La nuit est pleinement parée d'astres. Antiorn, l'eau à la taille, perçoit la voûte étoilée et son reflet sur l'onde immobile. Il y note des différences flagrantes. Les constellations diffèrent, la couleur des reflets est sensiblement plus bleutée.

Son regard croise sa propre image réfléchie. Son double est sensiblement identique à la différence près que son pelage est de jais. Perplexe, Antiorn l'observe un moment. Il n'ose piper mot. Pas qu'il soit particulièrement supersticieux, mais certains disent que rencontrer son double est synonyme de mort prochaine.
Pourquoi prendre la chance.

Un Sombre Double pour le Blanc Nelda. Une pensée pour Achara. L'artiste sourit à son reflet qui lui sourit en retour. Il est si facile de s'entendre sans la barrière des mots.
Satisfait, il plonge dans son reflet.
Il accepte la part d'ombre.
Ce côté de lui qu'il est et qu'il n'est pas.
Il accepte de plus qu'il n'est plus seul.
Embrasse la dualité.

Deux confrères au pays du rêve.
Au fond du lac, l'artiste pense à ce qui fait de lui un confrère. Ce qui le différencie des autres Rêveurs qui arpentent le Second Monde.

Dualité, ambiguité, amour des histoires et chevaliers de la chimère. Individualité au service de la collectivité. La vérité et le mensonge sont des notions malléables. On arrive parfois à des résultats plus vrais en tissant un bon récit. Le Mensonge est. Et en cette qualité, c'est aussi un part de Vérité.

La route sera longue mais qu'importe, il ne la fera pas seul. Il a une consoeur à retrouver. Ce voyage les aura, en fin de comptes, ramenés à leur point de départ.
Eux-mêmes.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Antiorn

Le Luang 11 Jangur 1510 à 19h37

 
Le Blanc Nelda passe un certain temps sous le miroir de l'eau puis remonte à la surface, regaillairdi. Les étoiles sont les mêmes. Un ciel pour tout Syfaria. Mais il se trouve à présent au centre d'un oasis ceintré de datiers. En quelques brasses le confrère a pied. Bien que le fueillage des arbres l'empêche de percevoir la ligne d'horizon, il sait qu'il se trouve au sein de l'Amody. Le vent lui murmure.

Il se souvient le désert. Les chemins ardus. L'air sec. Le soleil qui plombe, les nuits glaciales. L'abord des montagnes et la mine d'ackash doré. Nemeth et les caravanes. Umbre et la musique sous les étoiles. La vie grouillante et cachée du désert.

Et la Perle Sombre, cité improbable au peuple orphelin. Havre de tous les possibles, du crime le plus hideux au don le plus altruiste.

Antiorn sent le sable glisser entre ses orteils alors qu'il s'approche de l'orée de l'oasis. Tout près, les murailles d'Arameth le saluent. De sont point de mire, les Six Pyramides dominent la cité endormie.

La cité dit:
"Pourquoi te sauves-tu, Antiorn le Blanc Nelda ? Sans cesse sur la route tu prétends me servir, abandonnant tes responsabilités au sein des caravanes pour arpenter le monde librement ?"

Appuyé sur un palmier, l'artiste fixe la cité un instant, une éternité, puis répond.
"Je ne te sers pas mais sert la Confrérie et son peuple. Toi, tu es une maîtresse furie et cruelle à laquelle je reviens sans cesse mais que je dois fuir tout autant. Je sers les Six."

Les Pyramides prennent la parole.
"Nous sers-tu vraiment ? Ou prends-tu la fuite dans ces moments doux que tu as récemment partagés ?"

Le Blanc Nelda reste là. L'impression d'être exactement à sa place s'estompe.
Le doute s'installe.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Antiorn

Le Merakih 17 Agur 1511 à 17h51

 
***

Longtemps plus tard...

Antion Rêve.
Il rêve comme il n'a pas rêvé depuis des lustres...

***


La nuit est un silence de plomb.
Le sable est immuable.
Les dunes, immobiles.
Nul vent ne souffle sur le Laomain.
Nul vent ne souffle sur Korsyne.

Antiorn observe les murs de la cité déserte.
Ils sont intacts. Les portes son ouvertes.

Il s'engouffre dans la cité.
Nulle effluve ne l'assaille.
Nulle veine noirâtre n'est visible.
Korsyne est comme il l'a toujours connue... simplement encore plus silencieuse.

Il arpente le marché, suit les allées de tentes.
Ses pas le ,mènent vers la shamesha, puis vers la demeure de son maître Sirilius.
Il contemple l'habitation, distant.
Il n'ose entrer. Il n'ose toucher à quoi que ce soit.

Korsyne est vide.
Immobile.
En stase...

Cela doit bien signifier quelque chose...
la question demeurant toujours ce que cela peut bien être.

Le Rêveur retourne sur ses pas.
Contourne les tentes,
repasse par les marchés,
emprunte les portes béantes.

Il se souvient un soir.
Il se souvient une nuit.
À l'extérieur des murs, il bifurque vers la droite.
Arpente trois dunes.
Il y est.

À ses pieds, les restes d'un feu.
Un instrument à moitié brûlé.
Quelques bouteilles vides.
Squelettes d'une époque révolue...


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Antiorn

Le Luang 16 Astawir 1512 à 20h31

 
***
Encore une fois Antiorn arpente le Rêve.
Action téméraire à tenter seul.
Certains diront carrément stupide.
La Vigie serait probablement la première, étant à portée de main pour faire son office.

Mais Antiorn est plus têtu qu'il ne sait se l'admettre.
Et les premières expériences aisées en bordure de ce monde l'ont rendu trop confiant.

Cette foic-ci, il coule...
***




***
Les flots le lèchent et l'avalent sans aucune possibilité de protestation.
Son univers est un puissant maeltröm.
Rien d'autre n'existe si ce n'est la sensation de se noyer avant même d'y avoir plongé réellement.
Le bruit est assourdissant.
Douloureux.
La spirale saline est sans fond.

Mais quand donc le contrôle lui a-t-il échappé ?
La réponse est pourtant toute simple.
Dès le début.

Son radeau de fortune file en spirale effrénée vers les tréfonds des flots.
Sa course est inexorable.
La fin, inévitable.

Vagues, embrums et tourbillons prennent vie tout autour de lui.

Le scrutent.
Le pèsent.
Le jugent.
L'avalent.

La vie le quitte peu à peu.
Petite bulle par petite bulle,
alors qu'il se noie.

Tout au fond des ténèbres, la Créature-Océan le déguste.
Et lui il s'offre.
Comme il s'offrira au S'sarkh s'il le faut.
Mais il ne peut mourir ici.
Pas maintenant.

Son corps est dans sa chambre sur le bateau de Batyias.
Il s'en souvient.
Il n'est pas d'ici.
Il est du Mensonge.
Le Mensonge qui est en soi une part de Vérité selon Firydor...
Il est en route vers le S'arkh avec Batyias...
Il aurait du demander à la Vigie d'être là.
Il a été trop orgueilleux.

Et son âme s'en meurt loin de son corps...
***


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Antiorn

Le Matal 17 Astawir 1512 à 21h07

 
***




Au début vient l'impression d'abandon.
La réalisation rationnelle que lutter ne mènerait à rien.
Le torrent est immense.
Lui est un point.
Il est un sacrifice.
Le dernier point de la spirale.

Puis l'air vient à manquer.
La Peur gagne du terrain.

"Votre peur de faillir leur sera utile",
avait dit le Kaer'nem S'sarkh.

Oui mais ici...
à quoi rime-t-elle au juste ?
À qui sert-elle ?

Alors il se débat.
Fend l'onde de moulinettes futiles.
Perd ses dernières précieuses bulles de vie.
Toujours la Créature-Océan l'observe.
Le déguste.

Lui se résigne.
Tristement.
Faire tout ce chemin pour se perdre dans le Rêve...


***



N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Antiorn

Le Merakih 18 Astawir 1512 à 17h48

 
***


Il flotte ainsi sous les flots.
Un instant, une éternité.
Ici le Temps n'a pas d'emprise.
On lui avait déjà confirmé...
Le Rêve est intemporel.

Où donc ? Il ne sait plus.
Une autre Réalité.
Un autre Monde.
Le tout est lointain et son esprit s'engourdit.

Tout semble tout à coup immuable.


Il y a belle lurette qu'il a perdu ses précieuses bulles.
Du moins il lui semble...
Il a échoué.

Il devrait être ailleurs.
Il le sent.
Mais ne s'en souvient.

Il a une tâche à accomplir.
Une dernière tâche même.
Le reste ne devrait importer.

Alors que fait-il ici à mourir seul dans la noirceur de son esprit ?
À sombrer, lentement mais sûrement ?

Une dernière bulle le quitte.
Mais cette fois-ci il est décidé.
Cette fois-ci il la suit.

Par un procédé qu'il ne saurait s'expliquer il est désormais une bulle.
Une bulle qui file vers la surface.
Vers la vie.

Une bulle qui est son dernier souffle.
Son dernier espoir.
Sa renaissance.

Son corps est oublié.




Une bulle devient légion.
Il est un nuage d'écume quittant la noirceur.
Il est un souffle de vie.

En son sein chaque inspiration,
chaque souffle,
chaque note...

Il est sa vie.
Puis, enfin, il est un univers.
Son univers.



Et à ce moment il sait qu'il est tiré d'affaire.
Il sait où il retourne.
Il se souvient de sa route.

Il se demande seulement quelle leçon retenir de cette mort avortée.
***


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

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