|
|
|
|
|
Le Vayang 15 Jangur 1510 à 10h53
|
|
|
| Nul son, si ce n'est parfois quelque bruit étouffé de provenance incertaine, ne nous accompagne. A cette heure indue, ces dames travaillent... mais en silence. Mes bottes de cuir épais sont phagocytées par les lourds tapis de laine qu'elles foulent, au rez-de-chaussée.
Sur ma gauche, j'avise un bel escalier de pierre, poli par des milliards de petits pas féminins. Il mène bien à la bibliothèque, selon mon accompagnatrice qui me laisse à son seuil. Je l'emprunte et, au bout d'un long couloir cossu, j'entre dans une vaste salle au parquet gémissant, haute de plafond, décorée de lampions peints suspendus au bout de longues chaines argentées. Les étagères en fer forgé, chargées de livres, trahissent la nature de l'endroit.
Les lieux sont vides de toute présence, si ce n'est la paire de Dames qui en occupe le centre. Elle sont debout, postées près d'une table. Je m'approche, me découvrant :
Madame le Chambellan, Aviha Comédienne, mes hommages vespéraux.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
| |
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 17 Jangur 1510 à 05h17
|
|
|
|
« Construire pour plus que le lendemain.
C’est… honorable. »
Monomanie incompréhensible du lendemain. Une notion qui m’échappe. Ou que je fuis. Qui indéniablement, m’effraie et me hante, me glisse entre les doigts lorsque je tente d’y faire face.
Je rive un regard clair et perçant sur la courtisane. Il ne fait pas partie du jeu gestuel que nous avions instauré dans notre orchestration de demi-tromperies et d’illusions. Il révèle…quoi ? Un éclat de vrai ? – une sombre colère chargée d’envie ? - , je ressens une nouvelle fois l’impulsion de bondir sur mon interlocutrice, de saisir son visage entre mes mains et de …et de quoi ?!
Je ne veux y penser. Je détourne le visage et dissimule mon trouble sous un patin de sérénité. Bientôt, bientôt le temps aura encore changé ; car tout change, c’est un fait. Tout change.
.
« D’une certaine manière, nous le faisons tous. Tant que nous avons l’Espoir. » finis-je par commenter, soudainement radoucie « Je doute que même malgré mes belles paroles, je ne sois pas non plus esclave du durable et de la sécurité. »
J’avoue cette petite faiblesse sans honte. A quoi aurait-il servi de nier ?
Mais peu encline à continuer sur ce sujet, je dévie la conversation. Inutile de re-mentionner l’étrange courrier qu’avait reçu la Chambellan. Nous sommes toutes deux assez au courant de ce qu’il implique. Cherchons quelque chose de plus simple.
« Pandore a une belle bibliothèque. La Boîte prend soin de ses protégées… »
Mes doigts se sont glissées sur les feuilles laissées ouvertes de l’étourdie demoiselle de nuit, qui a quitté la salle un peu plus tôt. Mes yeux suivent quelques mots, quelques lignes. Un sourire sincère s’étire sur mon visage. Je reprends le ton moins sombre et plus allègre dont plus l’habitude.
« Tu es sûrement déjà allée à la bibliothèque d’Arameth, Lyrianne ? Comment est-elle ? Lors de mes voyages, on n’a cessé de m’en parler. »
Avec mon arrivée relativement récente, je n’avais guère eu le temps de visiter réellement les murs et les espaces dont j’avais tant entendu vanter la beauté et la gloire et que je mourrai d’impatience de découvrir. Ne supportant pas l’inactivité, je m’étais de suite engagée dans diverses activités qui me tenaient largement occupées. Je souris. J’aurai l’occasion de réparer cette erreur dans les mois à venir. La bibliothèque…Mes doigts quittèrent la surface du velin à regret.
Les saluts de Petrorius me tirent de ma réflexion. Depuis notre surprenante rencontre au bord de la fontaine (j’en garde encore quelques…rafraichissants souvenirs), je n’avais pas conversé de nouveau avec le gentilhomme. Je lui adresse un signe de tête courtois :
« Aysh’hin, Docteur. »
Et je retourne à ma paresseuse lecture, sachant bien que c’était le rôle d’Elyane d’expliquer les récents évènements dans lesquels je n’étais plus ou moins…qu’une hasardeuse arrivée au bon moment, au bon endroit. Du reste, je me contenterai de garder l’oreille alerte.
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
| |
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 17 Jangur 1510 à 08h16
|
|
|
| Pandore n'est qu'au travers de ses filles, elle a tout intérêt à les protéger et les choyer. Un lupanar sans courtisane n'est rien de plus qu'une grande demeure aux gouts douteux.
Pour la bibliothèque d'Arameth j'y suis en effet passé à plusieurs reprises, certaines de mes sorties réclamaient de moi des connaissances que je ne possédais pas. Je t'avouerais toutefois que je suis loin d'en connaitre les recoins, je me suis le plus souvent borné à demander les ouvrages de références aux maitres des lieux ou encore aux simples habitués. Il n'en reste pas moins que je n'ai encore jamais réussi à mettre ces derniers en défaut.
***
Elyane adresse un sourire et une fois encore rend son regard à l'artiste, un rien provocante, un rien mutine...
Et voila que la porte s'ouvre, Faryl se retourne et salue amicalement le nouveau venu, le courrier ne semble pas lui peser plus que n'importe quel tracas du quotidien.
***
Bonsoir Petrorius, j'apprécie grandement la célérité avec laquelle vous avez répondu à mon appel... Je suis sincèrement navré d'avoir eu à vous arracher à vos habituels occupations. Enfin permettez que je vous éclaire rapidement sur la raison de votre venue, autant ne pas gaspillez votre précieux temps.
J'étais en entretien amical avec Agliacci lorsque j'ai été interrompu par l'une des filles. La chose en soit est exceptionnel, le mot d'ordre étant limpide, il convient de ne jamais déranger un entretien... Je vous laisse imaginer la persuasion dont le coursier a du faire preuve pour pousser une fille de Pandore à rompre cette règle élémentaire... J'ai donc abusé de la patience de notre amie pour ouvrir le courrier... Le contenu était pour le moins étrange et... odorant. Le plie, un parchemin grossier et taché, semblait abrité autre chose, je n'ai pas pris le risque d'y toucher...
| |
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 17 Jangur 1510 à 12h48
|
|
|
| Oh. Je vois.
Je me donne une contenance. En vérité, je ne vois rien du tout. Une correspondance pestilentielle ? C'est la cause du présent émoi ?
Je me souviens alors de notre précédente conversation. La Chambellan de compagnie est prudente et réfléchie. Si elle se méfie de son courrier, il y a lieu de considérer la chose. Elle peut craindre un poison, une substance ignée, un acide minéral ou un alcalin violent. Elle peut redouter une sorcellerie retardée. Qui sait ?
J'ai de l'expérience en alchimie profane, mais point en sorts. J'espère bien que cela suffira.
J'ouvre ma sacoche. J'en sors un scalpel, un ciseau et une pince fine. J'enfile des gants de cuir mince, propre mais marqués par de nombreux contacts avec des substances agressives. J'essuie consciencieusement mes bésicles avec un chiffon doux, je les enlève au profit de demi-lunes, bien pratiques pour observer de près. Enfin, j'enfile un masque de lin, préalablement désinfecté à l'alcool de vinaigre. C'est souverain contre les miasmes et les humeurs méphitiques.
Ainsi affublé, je me tourne vers ces Dames. Elles ne défaillent point, ce qui m'étonne.
Je soupçonne même la Comédienne de s'amuser. Tsss !
Montrez-moi cela ?
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
| |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Le Julung 21 Jangur 1510 à 19h47
|
|
|
| Par précaution, je lace un plastron de cuir et j'enfile un tablier de coton épais : mon gilet de soie m'a couté cher, j'apprécierais de le conserver en l'état. Puis je m'avance, j'entrouvre la fenêtre si ce n'est déjà fait, et je reviens examiner la vasque renversée.
D'abord, je me fie à ce que je sens : comme bien des gourmets, j'ai le nez fin. Quelle est cette pestilence qui se dégage ? Est-ce l'odeur, âcre et doucereuse, d'une charogne en décomposition ? Est-elle seulement organique ? Les humeurs corporelles me sont familières, comme à tout chirurgien : j'identifie sans peine la bile, le sang frais ou caillé, la lymphe, les urines, les selles et tutti quanti. S'agit-il de composés végétaux ? Un naturaliste habitué aux herbiers ne se laisse point décontenancer par la première plante venue, surtout si cette dernière est médicinale ou toxique. Il en va de même des champignons. La substance est-elle minérale ? Là, le parfum peut s'avérer léger, voire inexistant. Je connais les poisons les plus connus, comme les sels d'arsenic ou l'acide cyanhydrique. Mais les mélanges exotiques sont bien plus difficiles à identifier.
En fonction de ce que j'inhale, je passe à l'étape suivante : la manipulation. J'ai mes gants, mes pinces, mes ciseaux...
Et donc, je soulève la vasque.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
| |
|
|
|
|
|
Le Vayang 22 Jangur 1510 à 03h33
|
|
|
| ***
Elyane ne s'avance guère dans la chambre, est ce un sursaut de panique,un doute persistant... Il est difficile voir impossible de déchiffrer les pensées de cette dernière, son regard vrille la vasque comme si ce simple fait pouvait en faire disparaitre le contenu...
L'odeur en dément, le regard n'est pas suffisant et maintenant que l'odeur se fait moins prenante, il semble possible d'en déceler la nature. Sans certitude, l'odeur semble animale... Bien que légèrement différente elle semble rappeler celle des rongeurs, mas nul odeur de charogne...
Le contenu de la vasque est semblable à la description faites par la courtisane, une missive roulée écrite sur un parchemin douteux aux tâches nombreuses. Le parchemin semble imbibé par son contenu bien qu'il soit impossible d'en juger sans l'ouvrir...
Elyane en retrait, jette un regard en direction de l'artiste installée loin de la scène aux abords de la fenêtre dans la seconde "pièce". Tout autant qu'elle, la situation semble la dérouter...
***
| |
|
|
|
|
|
|
|
Le Sukra 23 Jangur 1510 à 11h50
|
|
|
| Et je fais bien.
Dérouler le papyrus gras exacerbe l'odeur âcre et tenace qui se dégage de la substance huileuse qui l'enrobe. Elle évoque ces musc que l'on rencontre dans les glandes anales des rongeurs et des mustélidés, et qui leur servent de marqueurs territoriaux. Mais la faible viscosité et la couleur claire du liquide qui suinte lorsque je presse le bord du document avec ma pince démentent cette provenance... j'ai manifestement affaire à de l'huile végétale, dont le parfum naturel est masqué par celui d'un produit organique mélangé ou dissout.
J'étale un peu du liquide sur une coupelle de verre et j'y dépose une goutte d'eau régale. L'huile change de couleur, virant du jaune paille au rose. Si j'insiste, elle devient claire.
Derrière mon masque de lin, je souris de contentement, plutôt satisfait de mon observation. L'acide concentré a attaqué deux produits successifs : d'abord l'huile, qui n'est donc qu'un excipient, puis le principe actif - de couleur rose - qu'on y a mêlé. J'en sais désormais suffisamment pour me redresser, aller ouvrir la fenêtre en grand, puis revenir manipuler le parchemin en conservant mes protections corporelles bien en place.
Tout en achevant de dérouler le document pour en découvrir le message éventuel, je m'exprime d'une voix déformée par le tissu :
L'intérieur du tube et le parchemin lui-même sont imbibés d'une huile végétale - olive ou noix, peu importe - dans lequel on a dissous un principe actif toxique par contact : un poison vésicant, violemment inflammatoire, extrait d'un gros scarabée nommé Baloua d'Eudisse.
La préparation alchimique n'est pas très pure, puisque l'odeur prégnante qui nous importune trahit la grossièreté de l'extraction réalisée : votre charmant correspondant s'est apparemment contenté d'écraser quelques abdomens d'insectes et d'en filtrer les humeurs méphitiques, avant de les mélanger à de l'huile culinaire. De plus, si vous aviez manipulé ce colis sans précautions, vous n'en seriez point décédée. Vos mains auraient souffert de brulures douloureuses et, ce qui est plus pernicieux compte tenu de votre profession, de cicatrices fort laides et pérennes.
Ce qui peut signifier deux choses :
- Soit votre expéditeur est un escroc à la petite semaine qui tente, au mieux de ses moyens, de vous intimider ou de vous blesser... sans doute dans l'espoir de vous racketter prochainement,
- Soit vous recevez, par ce biais douteux, un avertissement en provenance de gens plus... organisés, dirons-nous. Un message que l'on pourrait résumer en :
Aujourd'hui, le piège est grossier.
Mais demain ?
J'étale le parchemin bien à plat, sous mes yeux.
Que révèle-t-il ?
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
| |
|
|
|
|
|
|
|
Le Sukra 23 Jangur 1510 à 16h56
|
|
|
| Je me redresse, doublement intrigué : et par la nature du message, on ne peut plus laconique, et par l'ombre - de terreur ? - qui traverse le regard enfiévré de la Chambellan.
Un instant silencieux, je réponds finalement :
Sous réserve qu'aucune sorcellerie cachée ne vienne interférer avec ce que je sais de ce colis, ma Dame, oui. Vous pouvez certainement vous approcher et le consulter.
Mais je puis vous éviter cette tâche et vous décrire son contenu, oralement ou mentalement, selon votre choix.
Je l'ai sous les yeux, présentement.
Votre préférence sera la mienne.
Je n'en dis pas davantage. La dignitaire est troublée. C'est tout sauf anodin, chez quelqu'un possédant son degré de maîtrise. Elle semble redouter quelque chose de bien précis. Je dirais même qu'elle part déjà du principe que le contenu, ce "9" que je lis sans ambages - si le parchemin est bien posé à l'endroit - est infiniment plus malsain que son enrobage empoisonné.
Je me tais donc, et j'attends.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous.
| |
|
|
|
|
|
Le Sukra 23 Jangur 1510 à 22h42
|
|
|
|
Si l’opération en elle-même me laisse impassible, les explications de Petrorius me font tiquer ; mes mains, dans leur carcan de cuir et de velours, se resserrent un peu plus et se mettent à battre une mesure rapide sur le bord de mes cuisses.
La mesure d’un air prompt et nerveux que je sifflote tout bas.
Je coule un regard à Faryl qui, dans son état, ne semble pas s’en rendre compte. M’aurait-elle laissée faire courir mes doigts plus longtemps sur le papier, et mon impatience m’aurait coûté cher ; un parfait contrepoint à nos discussions précédentes…et un point marqué en sa faveur : la curiosité n’est pas sans conséquences. En réalité, j’avais déjà les mains assez marquées pour ne pas souhaiter en rajouter…
La maîtrise et le sang-froid de Faryl se fissure, laissant une brèche dans ses yeux bruns ; une brèche d’inquiétude… Je détourne le visage pour focaliser à nouveau mon attention sur ce qui nous préoccupe tous dans la pièce : le velin empoisonné. Tous, vraiment ?
Et quelle idée, quelle émotion me souffle, que ce n’est pas là une inquiétude mortelle- mais celle, bien plus intéressante, de la reconnaissance ?
De ma place, je ne vois pas plus l’inscription mystérieuse du parchemin. Et, ayant, pendant l’heure passée, appris à aborder un certain…respect doublé à la fois de confiance et de méfiance pour la courtisane, j’hésite à briser mon immobilité. J’ai en tête que le geste serait vulgaire.
La mesure et le sifflotement d’opérette s’arrête. Douce, je demande :
« Tu reconnais l’expéditeur, Elyane ? »
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
| |
|
|
|
|
|
Le Dhiwara 24 Jangur 1510 à 03h14
|
|
|
| ***
Et voila que le masque coule de nouveau sur les traits de la courtisane, l'ombre quitte son regard, sa voix retrouve son charme et son élégance. Se redressant et s'approchant, le pas agile d'Elyane avale les quelques mètres alors même qu'elle rompt le silence.
***
Non je vous remercie, je vais tout de même m'approcher, menace ou pas je ne vais pas simplement me recroqueviller et trembler dans ma chambre... Je vais certes prendre les mesures adéquates, mais je ne vais pour autant arrêter de vivre. Docteur, vous venez de me confirmer que vous engager n'était pas une simple lubie. Vous avez ma reconnaissance.
Voyons voir à présent ce qui couvre donc ce "charmant" vélin
***
Avec une précaution trahissant plus que ses paroles, la fille se penche sur le parchemin comme sur un animal blessé qui pourrait tenté dans un acte désespéré de lui sauter au visage. Après un long instant, elle se détourne... et prend une profonde inspiration avant de répondre.
***
Agliacci... Je n'ai pas la moindre idée, ou plutôt si j'ai une myriade d'idées sur le possible expéditeur mais aucune ne semble s'accorder avec ce gribouillis... Si c'est bien un 9 ou un 6, cela ne m'avance pas plus que cela, c'est même le contraire...
| |
|
|
|
|
|
Le Matal 26 Jangur 1510 à 00h33
|
|
|
| Si j'avais plus de sens commun que de curiosité crasse, je me tairais.
Je parle donc, presque malgré moi :
S'il est un chiffre lourd de sens à la Confrérie, c'est bien le six, ma Dame.
Six horloges, six Chambellans, six artefacts...
Le neuf, pour sa part, est plus commun. Mais tout aussi clair. Ou pas.
Voudrait-on signifier en un signe que l'on souhaite faire du neuf parmi les six - Horloges, Chambellans, Artefacts - l'on ne s'y prendrait point autrement.
Siam dit :Vous lisez trop de romans policiers, Docteur.
On ne lit jamais trop de romans policiers, monsieur Siam.
Siam dit :Oh ! Vous ne seriez pas un peu fou, par hasard ?
On n'est jamais fou par hasard, monsieur Siam.
Siam dit :Humf... vous n'auriez pas un peu bu, alors ?
Si l'un de nous deux est complètement rond, c'est bien vous, monsieur Siam.
Docteur Petrorius.
Médecin. Arracheur de dents. Aliéniste.
Sur rendez-vous. | |
|
|
|
|
|
Le Matal 26 Jangur 1510 à 22h03
|
|
|
| Etrange, n’est-ce pas, comme les choses s’entrelacent, comme les fils se nouent, se lient – et l’individu devient uni, devient toile et trame, inextricable dans ses actions et leurs conséquences. Etrange comme le un devient quelque chose de bien plus. Comme la poussière s’accumule…en agrégat de charade.
Immobile – impavide ? – je caresse la scène du regard. Une nouvelle fois, je songe, avec une pointe de mélancolie, que le docteur et moi-même avons bien des ressemblances. Malgré le fossé que creusent nos âges et nos mœurs, j’entends. Le même rapport à la curiosité et les mêmes mains baladeuses sur le visage dissimulé du mystère. Et aussi cette touche que je ne saurai trop définir, qui vacille entre la naïveté, l’excitation et la franchise, bref, cette touche qui nous fait dire tout haut ce que nous pensons bien bas.
Oui, voilà : un besoin de vrai dans ce que nous faisons.
Mais me voilà qui m’emporte encore dans mes songeries, justement. Grimace, Colombine. Et croise les bras sous ta poitrine.
Nous sommes arrivés à la même hypothèse, et je suis sûre que nous ressassons silencieusement les mêmes idées, mais je me retiens de le formuler. Sa faille est évidente : le message est simple – trop – et destiné à une seule personne dans cette pièce, faisant de nous, pauvre variables dans l’équation, des étrangers à son algorithme.
Choses que ne doit pas non plus ignorer la sensuelle courtisane.
Mais comme aurait dit mon idole artistique...
"Pour leurrer le monde, ressemblez au monde."
….Des étrangers. Vraiment ?
Incapable de rester en place, j’ai toutes les peines à ne pas faire les cents pas ou arracher de leurs mains le parchemin empoisonné. En faire des confettis, peut-être.
« Eh bien, ceci explique pourquoi nous avons la vilaine réputation d’être paranoïaques : trop de romans policiers. » dis-je, mi figue, mi-raisin. « Mais en parlant de policiers… »
Je désigne vaguement le vélin, et reprend d'un ton aussi courtoise que lisse, le visage légèrement incliné :
« …quel genre de tour comptez-vous faire prendre à l’affaire, Chambellan ? »
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
| |
|
|
|
|
|
|