***
Elle était morte et de ça, aucun souvenir.
Du reste non plus : ses souvenirs à présent se déclinaient en plusieurs images sans rapport les unes avec les autres, c'est comme si tout avait volé en mille morceau dans sa tête sous la violence des coups et plus rien n'a vraiment de sens.
De toute façon, quand y'en avait, elle le saisissait rarement, c'est pas comme si ça posait un vrai problème.

Ou si.
Elle est agitée.
Un oeil qui tique, un bras qui tremble, le poil qui frise et la moustache qui tombe.
Elle est mal.

Ses pensées s'étirent, flasques, sortent d'un bout de sa cervelle abîmée pour s'en aller mollement par l'oreille droite. Elle les laisse couler, fromage au soleil trop chaud, c'est vrai que ça tape, mais elle avait l'habitude, avec le désert.
C'est autre chose.
De la bouillie, du prémaché pour mouch'tin qui n'a pas encore de dents.
Cervelas raplaplat.

Elle entend bien les voix, peine à répondre, les mots s'enfuient, braxats dans une prairie, puis leur courir après, les ranger comme elle peut, elle comprend bien encore, les mots gardent leur sens mais comme s'ils ne se reconnaissaient plus, refusent de se mettre ensemble, caracolent, virevoltent,
Et ça ça fatigue, mais ça fatigue...

Elle trainait non loin de la ville.
Regardait d'un oeil torve les fleurs, si petites, si petites...

Puis elle a dit à Penthésilée qu'elle rentrerait à la maison.
Elle n'a pas de maison.
N'en a plus.

Elle erre, le poil terne et la mine maussade, dans Jypska qu'elle ne reconnait pas.
Ici ou ailleurs...

Là, la mer, les pieds dans l'eau, elle regarde fixement les vaguelettes s'écraser contre ses mollets.
C'est régulier, c'est apaisant.

Son dos se voute, ses yeux se ferment.
En quelques jours, elle a prit trente ans.
***

***
Elle est dans un lit.
Ses yeux collés s'ouvrent difficilement, son poil gluant de sueur la gratte,
Mais elle ne bouge pas.

Dans sa tête une mare d'idées verdâtres, poissons morts, flottants mollement à la surface.

Un tic agite nerveusement son oeil droit.
Tic tic tic
Depuis combien de temps est-elle là ?

Elle s'épuise à respirer,
La poiscaille pue, tout est pourri, il n'y a rien, rien à quoi se raccrocher.
Ou peut-être, car il faut chercher, il faut quelque chose, ou sinon moisir sur cette couche, lasse
Peut-être, le poisson blanc, un peu moins flasque, il a l'oeil moins terne,
Le prendre, mais elle serre trop et dans un gaz nauséabond il coule à son tour

Ah malheur, perdu pour un pet trop minus !

L'espoir se perd dans les profondeur vaseuses de la mare, elle n'en voit plus que le reflet,

Pétrominus, trouis, trorius,

Un saut désésperé, inespéré !

Petrorius, oui, oui, Petrorius !
***

***
Si cette pensée ne s'en sort pas, si elle ne va pas assez loin, si elle crève, alors là, vraiment : c'est surement fichu.
***

***
Le médecin a entendu.
Le médecin ne viendra pas forcément.

Mais juste : être reçue, même mentalement, par un professionnel, quel soulagement alors !
Ca vous raffermit le ciboulot, vous revigore les idées, vous donne des ailes , des ailes, des ailes à se lever, là de votre couche, d'un coup, d'un seul, après plusieurs semaines allitée, Haha, à vous la vie, la viande, la vinasse, la...
Chute.

Car si un médecin a de grands pouvoirs même à distance, celui de guérir nécessite un peu plus de travail qu'une pensée et demi.

La veilleuse rallonge Mraw'La sur sa couche en soupirant.
Elle en a vu d'autres.
Ce qui l'agace cependant : elle n'est pas censée veiller sur une guerrière, elle a beaucoup plus important à surveiller : les Rêvants.
Elle tapote la patte de la malade et avoue
***

***
Moins souvent, moins souvent, mais comment peut-on la laisser seule !
Ça fait une éternité !
Elle roule et reroule pour essayer de trouver une position confortable, mais son corps est comme les voiles d'un transport nemen sans vent, flasque, grand, trop, impossible à manipuler.
Elle gémit pour éviter de crier.

Elle ne sait pas si la veilleuse est partie depuis dix minutes ou quelques jours.
Et pourtant dans sa tête c'est long, trop trop trop long, elle veut sortir, sortir, elle veut entendre de nouveau les bruits de la ville, quelqu'un qui lui parle, n'importe qui, n'importe quoi, elle voudrait se laver, se sortir la peau comme un vieux cuir, le laver, le relaver, gratter la chair, le tirer sur des bâtons pour qu'il sèche bien, le battre pour qu'il s'assouplisse, graver avec une pointe de fer rouge : il ne faut pas il ne faut pas il faut sortir

Des larmes d'impuissance mouillent ses bajoues tremblantes.

Si ouverte qu'elle est à toute envie de changer sa situation, elle parvient à entendre un petit appel, lointain.
Sa symbiose n'est pas perdue,
Elle dysfonctionne, comme tout le reste.
Le consensus n'est pas mort, juste apparemment inaccessible.

Il faut un réparateur.
Et si la veilleuse la laisse c'est une décision qui vient de plus loin, alors trouver peut-être un autre moyen...
Un petit moyen tout jeune...
***

***
Elle a bu la préparation froide que la veilleuse lui a laissé et parvient à se redresser - peut-être sous le coup des vertus curatives de la potion, mais surtout grâce à l'amertume qu'elle lui laisse dans la bouche.
il lui faut de l'eau fraiche.

Et quand il est face à elle, elle qui a du mal avec les mots, elle le regarde, confuse.
C'est elle qui est sensée s'occuper des autres.
Mais allons, si on ne tente rien...
***

***
Elle n'avait jamais remarqué ses yeux, si grande comparée à lui, et là, allongée, elle plonge dans l'émeraude sans se noyer : l'intelligence de l'or parsemée ça et là dans cet océan lui permet de ne pas se perdre.
Elle a peut-être eu raison.
Elle espère avoir eu raison.
***

***
La patte de Liam dans la sienne, elle est soulagée.
C'est autre chose que les grosses patasses de la veilleuse bourrue qui s'occupait d'elle !
Ca palpite, c'est frais, doux, et tout petit.
Ca fait des guilis dans la gorge, et ça pique un peu les yeux.

Elle se dit que, peut-être, après hein, quand dans sa tête ça sera moins mélangé, elle devrait se pencher sur la question des jeunes autrement qu'en ayant des palpitations désagréables et de la sueur le long du dos,
Qu'en les fréquentant un peu plus, cela pourrait lui permettre de ne pas devoir y penser en terme d'enfant de, ce qui suppose de refouler en bloc tout ce que cela signifie : les choses honteuses, si dégoutantes qu'on ne peut même pas se les dire tout doucement dans la tête.
Oui, oui plus tard, un autre jour, lointain.

Ses yeux se perdent on ne sait où pendant qu'elle écoute Liam.

Elle se concentre pour répondre.
***

***
Elle lui tend une bourse pleine.
***

***
Elle s'appuie plus lourdement sur son oreiller, fatiguée de l'effort qu'elle fournit, mais persuadée de son utilité, elle tiendra.
***

***
Mraw'La en bonne connaisseuse hume le parfum de la soupe.
Mais qu'a-t-il donc rajouté là dedans ?

Il faut gouter pour savoir.
Elle lape un peu le plus liquide,
Du miel, oui.
Mâchouille
De la semoule, d'accord.
Accélère,
Mais la troisième chose, là...

Elle avale le tout et dans un soupir, se recale au fond de son coussin.
***

*** L'esculape arrive enfin à la tente qu'on lui avait indiqué. Il entra et retrouva Liam et Mraw'La.
Krong venait prendre des nouvelles de la convalescence de la guerrière. ***

*** Krong se lava les main puis s'assied au chevet de son patient.
Il pris délicatement la main de la Nelda et dit ***

*** L'esculape commença donc son auscultation. Il regarda avec soin les membres de l'escarpe. Puis il s'attarda longuement au niveau de l'abdomen. Ensuite il pris la tête de la Nelda et commença a appliquer la palpation crano-faciale.
Une fois terminé son examen. Le Nelda pris le bassin d'aisance et examina les sels.

Une fois terminé l'eculape s'assied sur une chaise. Il commence par prendre une pipe et sortie d'une petite bourse quelques feuille de carnine. ***

*** Krong alluma la pipe et la présenta à Mraw'La. ***

*** Tout en tenant la pipe, Krong s'adressa à Liam. ***

***
En pleine forme, hein ?
Mais alors les fourmis, le corps en compote, le ventre retourné et les yeux qui tiquent, est ce que vraiment tout ça vient de sa tête à l'envers ?
La carnine lui redonnera-t-elle une parole correcte, une pensée sensée ?

Elle remercie Krong et lui fait confiance : elle prend la pipe, aspire un bon coup pendant que s'organise un petit coup à ses côtés.

La fumée emplit ses poumons et brouille son intérieur.
Peu habituée à fumer, elle a les yeux qui piquent et le fond de la gorge qui gratte.
Avant de partir trop loin, elle regarde le museau renfrogné de Liam et lui gratouille la patte.
***

***
Son esprit flotte, au milieu de l'étrangeté qui se forme autour d'elle : deux mâles autour d'une femelle alitée.
C'est gênant, mais les formes des deux Neldas se fait moins nette, la situation plus floue, elle a les yeux qui partent, une patte se lève, est-ce la sienne ? Puis c'est son corps, comme un ballon, il s'emballe, s'envole, s'enfuit, sans avoir mal, c'est étrange mais cette enveloppe ce n'est pas elle, elle elle reste sur le lit, sous la couette : un petit quelque chose mou, sans substance. Elle se regarde, se reconnait.

Elle dort.
***

*** L'esculape ayant fait ce qu'il devait se leva et ramassa sa pipe ainsi que ses effets.
Puis d'une voix faible dit à Liam : ***

*** Ils se dirigèrent à l'extérieur et s'approchèrent de la taverne. ***

*** En interpelant le tavernier ***

*** Une fois assis les deux neldas commencèrent à discuter. ***

***
Mraw'La a les yeux ouverts, elle se concentre sur les quelques motifs qui ornent ses draps.
Sans saisir les interprétations qu'ils doivent cacher elle suit les lignes, les courbes
Elle se balade, elle se promène,
D'un coussin à , hop ! , un autre
Elle en remonte un autre, poilu, vzzzioup, jusqu'en haut de... d'une... d'une oreille
C'est
***

***
Elle cligne plusieurs fois des yeux pour se réveiller totalement, fait craquer son épaule droite sur laquelle elle a trop dormi et se redresse.
***

***
Elle rêve d'un soleil qui réveille les morts, celui du désert, qui vous mords dès les premiers pas dehors.
Ou d'un plus pâle, tant pis.
Même d'une brise fraîche, allez.
D'air, en tout cas.

En se levant, chancelante.
***

***
Elle se redresse, comme un ressort fatigué et mal huilé mais se dresse quand même,
Le dos tordu, la tête en l'air,
De l'air de l'air de l'air
Elle sort au bras de Liam.

Son sourire s'élargit à mesure que ses yeux se ferment sous l'effet de la lumière vive du dehors.
Elle est debout.
Dans sa tête c'est encore un peu mâché mais elle a la force de marcher,
Quel soulagement !
***

***
Elle a les articulations raides et sa démarche est celle d'un pantin usé
Dernière ligne droite
Des odeurs, des couleurs,
Tout l'attire, comme avant, dans l'étalage plus ou moins organisé des vendeurs.
***