|
|
|
Le Matal 12 Otalir 1510 à 23h19
|
|
|
| *** Au détour d’une route ou d’un chemin, il pourrait sans surprise arriver à des voyageurs de croiser une étrange roulotte aux proportions impressionnantes, tirée par un équilion aux écailles argentées tout aussi imposant. Sur la devanture de cette roulotte délicatement décorée, on peut y lire : "Au Relais des Mous".
Le Relais des mous est une taverne itinérante, menée par un nemen répondant au nom de Koïya’NisKa’tsih.
La première chose qu’on ne peut manquer de remarquer chez Koïya’NisKa’tsih, avant même ses traits, sa démarche ou son allure, c’est qu’il est constamment entouré d’une multitude de mous.
Flottant autour de lui, posés sur ses épaules, sur ses genoux lorsqu’il est assis, ou encore glissés dans une poche, sur le sol, ou perchés non loin, des mous de tous types l’accompagnent en toute occasion.
Voilà d'où vient le nom de son auberge.
Comme tous ceux de sa race, Koïya’NisKa’tsih est fin et élancé, se mouvant avec une grâce séduisante, et sa peau à la pâleur diaphane est tatouée en différents endroits visibles de plusieurs runes plus ou moins complexes. Ses vêtements colorés, le plus souvent dans des tons de vert, semblent taillés dans un tissus des plus fins qui ondule avec une légèreté étonnante à chacun de ses mouvements.
Son visage aux traits délicats et androgynes affiche souvent un air à la fois avenant et quelque peu absent, bien que son regard soit parfois empreint d’une profondeur qui peut mettre mal à l’aise. Il s’exprime d’une voix claire et chantante, mais souvent avec mysticisme et théâtralité, aimant user de rimes et de paraboles qui rendent parfois ses conversations difficiles à suivre.
A son propos, les rumeurs prétendent non seulement que Koïya’NisKa’tsih fut un des premiers êtres symbiosés de Syfaria, mais surtout qu’il aurait opéré des symbioses avec plusieurs mous !
Si cela s’avérait vrai ce serait déjà en soi une exception, mais ce que l’on raconte sur ce nemen ne s’arrête pas là : certains prétendent, ou plutôt redoutent, que sa multiple symbiose lui confèrerait des pouvoirs psychiques sur les autres symbiosés : son esprit, renforcé de ceux de ses multiples mous, lui permettrait de contrôler ceux des autres et de les plier à sa volonté...
Mais là encore, ceux qui soutiennent ou agrémentent cette thèse n’ont rien d’autre que de vagues et fugaces impressions, et aucunes preuves véritables sur lesquelles s’appuyer...
Ainsi Koïya’NisKa’tsih trimballe sa roulotte aux allures de palace à la surface de Syfaria depuis de nombreuses années, s’arrêtant parfois quelques jours, parfois plusieurs semaines là où le portent ses roues et le pas trainant de son équilion d’argent, abreuvant ceux qui s'y invitent aussi bien de boire ou de manger que de discussions alambiquées... et pas toujours faciles à suivre.
Evitant généralement les plus grosses cités de poussières pour leur préférer les villages ou les campements de voyageurs, Koïya’NisKa’tsih n'a finalement quasiment jamais croisé la route de poussiéreux symbiosés... jusqu'à présent. *** | |
|
|
|
|
|
Le Matal 12 Otalir 1510 à 23h28
|
|
|
| *** Jusqu'à présent.
Car après plus d'un an d'immobilisation sur la Plateforme des Conques d'Ulmendya pour révision et réparation, la roulotte repartait avec une symbiosée à son bord.
Après de longues heures d'absence, le nemen était revenu annoncer le départ, provoquant une petite tempête de mous fébriles dans toute la pièce.
Et il était plutôt bien pratique que la Témoin n'ait pas changé d'avis, car le plancher tangua soudain...
Faire ?
Se taire...
Savourez, Lasha.
Destinée,
Terre à terre,
Vole rarement.
Le visage pâle du nemen se fendit d'un sourire indéfinissable tandis qu'il surveillait par la porte restée ouverte son équilion se faire soulever par une gondolfière, stoique, comme le reste du bâtiment, à travers l'immense puits de la capitale nemen jusqu'à la surface enneigée de Syfaria. *** | |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Le Matal 16 Nohanur 1510 à 00h58
|
|
|
| *** Koïya'NisKa'tsih se fendit d'une large révérence et d'un sourire énigmatique, puis se redressa soudain pour rejoindre son comptoir au fond de pièce en quelques bonds légers, la porte se refermant d'un claquement soudain derrière lui.
En route, mauvaise troupe !
A ces quelques mots, la pièce se remplit de mous tourbillonnant dans tous les sens. Le ballet dura quelques instants, puis les créatures colorées reprirent leur place en divers endroits de la salle.
Dehors, le paysage commençait à défiler tranquillement.
Le nemen commença à s'agiter derrière son comptoir, préparant, nettoyant, ravivant les braises du poele, commençant manifestement à préparer un diner.
Alors, Lasha. Racontez-moi.
Racontez-vous.
Racontez-nous !
Aimez-vous le vert ?
*** | |
|
|
|
|
|
|
|
Le Sukra 20 Nohanur 1510 à 00h39
|
|
|
| *** Le nemen s'arrêta un instant, puis sourit, levant devant les yeux de Lasha des espèces de tubercules en cours d'épluchage d'une couleur pâle légèrement rosée.
Non, ce soir, nous dinons en rose !
Vous n'avez rien contre le rose, n'est-ce pas ?
Koïya'NisKa'tsih termina d'éplucher ses tubercules, les découpa en rondelle avec une dextérité et une aisance admirables avant de les verser dans une grande casserole, dans laquelle il ajouta ensuite diverses pincées de ce qui était probablement des épices, et déposa le tout, recouvert d'un couvercle, sur la cuisinière derrière lui, dont il raviva les braises.
A propos de rose,
Ou de morose,
Un soudain dédain pour la prose ?
*** | |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Le Merakih 26 Jangur 1511 à 10h15
|
|
|
| *** Koïya'NisKa'tsih remplit les deux assiettes creuses de soupe à la couleur rosée, et commença à manger, s'interrompant pour répondre.
Un mou, puis un mou, puis un mou, puis un mou, puis un mou, puis un mou, puis un mou...
Nouvelle cuillerée de soupe.
Ils vont et viennent, Lasha.
Petit bourgeon, mou délicat, mou joyeux, mou triste, mou lointain, mou parti, poussière de mou...
A ces mots, peut-être parce que la discussion porte sur eux, certains se rapprochent et se perchent sur les épaules et la tête du nemen, qui s'esclaffe aussitôt en les chassant gentiment, d'un geste emprunt d'une grande douceur, pour pouvoir continuer à manger. *** | |
|
|
|
|
|
|
|
|