Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

Epopée Libertaire

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Sujet lancé par Vyk
Le 19-11-1510 à 17h02
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Posté par Vyk,
Le 23-01-1511 à 09h26
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Vyk

Le Vayang 19 Nohanur 1510 à 17h02

 

Le doux vent qui flotte ramène avec lui les embrun marins. En contre-bas le port s'anime, les pèches font l'objet d'allègres négociations.
Accroupie au bord du toit, elle laisse son regard se balader sur le large panorama que lui offre cette position élevée.

Lentement elle se redresse, lance un imperceptible sourire par dessus son épaule.
Sa jambe s'avance dans le vide, elle fait un pas.



***

Voila, c'est ici que cela commence. Non pas à Lerth, étrange patrie de l'assommant propage moyen, mais à Jypska, cité dédiée aux songes embrumés de vapeurs de Carnine et dont les murs portent les innombrables témoignages.


En vérité son voyage avait déjà débuté depuis un certain temps. Elle avait frôlé la mort, plusieurs fois, et avait même fait la douloureuse expérience des piliers d'âmes. Elle s'était retrouvée perdue, amoindrie.
Il faut croire que c'est lorsque l'on a tout perdu que le vrai chemin se révèle à vous. Le havre de la cité du rêve fut plus que réparateur. C'est à l'intérieur des palissades que s'opéra ce que les Témoins appellent volontiers la révélation.
Le Père avait un plan, plus tortueux que le plus malade des esprits du Centre. Les hordes étaient lancées à sa poursuite, elle en avait fait l'amère expérience, et dans son esprit de fillette il s'agissait de la correction méritée d'un parent sévère.
Or, comme toutes les fillettes, elle avait grandit, murit. Son assurance s'était forgé en même temps que S'sarkh lui dessinait des courbes ensorcelantes, et l'armait d'un sémillant raisonnement. Il avait fait germer en elle ce grain de folie, cette logique insolite et fascinante.



Père n'avait pas éprouvé de rancœur envers elle, à aucun moment. Les bêtes et les sbires étaient des épreuves, autant de signes à traduire. Aucun ne l'épargnerait, tous tâcheraient de l'anéantir, c'était leur mission.
Elle aussi avait une mission, grandiose bien entendu, cependant il lui fallait encore en trouver le sujet. Le plan du Père était ainsi fait. Rien ne coule de source, rien n'est simple. S'sarkh réserve l'évidence aux simplets, la clémence aux faibles. Ses favoris sont gratifiés des plus belles attentions, les plus violentes, les plus fatales.
La libertaire ne pouvait en être plus heureuse. Père l'aimait.






Ici commence l'épopée. Parée de cette foi inaltérable, le cœur léger, elle fait face à son futur.

Où aller en suite ? Elle laisse au sort le choix de la prochaine destination, le plan est en route, les évènements confirmeront si le hasard fait bien les choses.
Une poignée d'osselets jetés en l'air, elle n'en saisi qu'un au vol et l'approche de son visage pour en lire l'inscription.
Ce n'est pas ce à quoi elle s'attendait, mais n'était-ce pas le but finalement ? Défier la logique, s'égarer pour trouver le bon chemin. Le petit os glisse entre ses doigts.
Lentement elle se redresse, lance un imperceptible sourire par dessus son épaule.
Sa jambe s'avance dans le vide, elle fait un pas.


Et disparait !
***




*** ***


L'amante religieuse

 
Vyk

Le Vayang 31 Dasawar 1510 à 11h07

 
Avant, bien avant....

***
Le corps noueux du tydale semble comme à son habitude se contorsionner pour le moindre mouvement. Sa peau burinée ne porte pas un seul tatouage, pourtant ses épaules sont scarifiées de glyphes abscons. Sa maigreur repoussante est accentuée par son torse nu et sa simple toge salie. Les trophées qu'il porte à la ceinture sont sans équivoque.
Le masque dans lequel il a enfermé son visage ne laisse échapper qu'un souffle rauque et des ordres concis. La fillette obéit, bien malgré elle, car lui n'est pas homme à être tourné en dérision.


La matinée commence par l'exercice quotidien, les doigts du maitre se tordent alors que des mots énoncés dans la langue des sorciers émanent de son carcan.
Elle l'imite, et bientôt un éclair de lumière crépitant jaillit de leurs paumes pour se lier dans la faible distance qui les sépare. Il remporte sans mal le duel de volonté, Vyk n'est pas son élève la plus prometteuse. Elle est pourtant celle en laquelle il se retrouve le plus, indépendante, futée, parfois il profite de son masque pour tordre ses lèvres dans un sourire satisfait que personne ne pourrait déceler.

Elle voudrait rester ici, avec lui, non pas qu'elle l'apprécie particulièrement, elle n'a simplement d'autre endroit ou aller. Ce jour là pourtant il va la chasser de sa demeure. Le maitre est conscient qu'il manque encore beaucoup à son apprentie, sa jeunesse devant être façonnée par la rudesse de la survie.
Sans ménagement il lui tonne l'injonction de quitter les lieux, lui expliquant brutalement qu'il lui avait enseigné tout ce qu'elle devait savoir, qu'elle avait eu le temps nécessaire pour apprendre, et qu'un jour de plus serait une perte de temps.

C'est avec une lueur d'incertitude dans le regard qu'elle quitte le taudis.

Tout était dit. Alors qu'elle s'éloignait pour rejoindre Lerth, le tydale émacié sait que la graine est plantée, il ne reste plus qu'a la voir germer.

Sa main caresse machinalement l'un des cranes pendant à son coté.
Bien à l'abri de son masque il sourit.

***


*** ***


L'amante religieuse

 
Vyk

Le Dhiwara 23 Jangur 1511 à 09h26

 
*** Encore un pas, puis deux, on change de sens et on recommence, peau contre peau. Les battements des cœurs s'harmonisent.

La valse interminable met les corps à l'épreuve, la chaleur lancinante, quelques gouttes perlent entre eux. Une main frôle la douceur d'un visage, glisse le long de courbes indécentes. Certaines caractéristiques raciales les séparent, pourtant chacun semble trouver bien vite ses marques sur la chair de l'autre.

Lui le mystique, improbable Nemen aujourd'hui déchu, Elle fille que le déclin renie. Ses longs doigts arachnéens se perdent dans sa toison multicolore. Leurs projets dépassent l'entendement, jusqu'au bout elle restera à ses côtés, elle l'a juré.
Pour elle il s'est parjuré, abandonnant tribu, femme et enfants, il a promis de la suivre jusqu'au bout du monde, de lui donner tout ce qu'elle pourrait désirer, de partager ses aventures par delà l'ombre et jusqu'au néant.



Syfaria sur un plateau d'argent.



Autour d'eux la faune s'est tue, dissimulée devant le spectacle impudique, plus obscène encore que l'union contre nature dont elle est l'annonciatrice. Lui la désire plus que tout, et elle également, ses halètements ne trompent pas, encore moins ce regard de braise qui déjà le consume, ces lèvres fruités, entre-ouvertes, laissant s'échapper des soupirs voluptueux. Elle se donne à lui, lui est déjà à elle, sans réciproque.

Son troc ne pourrait le rendre plus heureux, l'ennui casanier contre la passion. La lassitude d'une vie au pli, accompagnée de l'interminable liste de règles sociales et de devoirs à ré-accomplir encore et encore, contre une existence d'aventures, de découvertes, de débauche sans cesse renouvelée.

Pour elle il a tout laissé, il a même déjà oublié. Soudain les étoiles explosent, la chevauchée dont il est la monture prend fin dans une apothéose dont il n'avait pu que rêver. Il lui murmure des mots à l'oreille. Elle le serre fort, si fort.

Trop fort...

Il lui parle, la raisonne, la supplie, sans effet. Alors que les cuisses enserrent un peu plus sa cage thoracique à chaque respiration affolée elle lui adresse le plus amoureux des sourires, maintenant au sol d'une seule main ses poignets liés, penchée sur lui elle lui caresse tendrement le visage de sa main libre, émettant un long et apaisant chuuuuut soufflé.
Ses doigts fins descendent sur les lèvres, effleurent le menton, empoignent très délicatement la gorge anxieuse.

La douleur s'amplifie lentement. D'embarrassante elle devient criante, puis hurlante, atroce. Lorsque les premières cotes cèdent elle devient aiguë et insoutenable. Ses vocifération hystériques se transforment en glapissements incompréhensibles alors que le pouce de l'amante s'enfonce inexorablement dans le creux osseux de sa tranchée.

Elle le rassure, lui dit que tout ira bien, qu'ils seront très heureux et qu'ils resteront ensemble pour toujours. Il cesse alors de se débattre.



Elle a raison. Il sera à ses cotés, à son coté.
Pour toujours.
***

***


***



L'amante religieuse

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