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Le Matal 1 Fambir 1511 à 21h34
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| Hohen
Je me demande si ce n’est pas la pire idée que j’ai eu depuis que je suis né. Rejoindre ma Chambellan et d’autres luthiers au même endroit dans un bar que je connais de réputation comme haut de gamme. Je me souviens y avoir postulé il y a longtemps comme serveur. J’avais un style trop rustique m’avait dit le gérant. Depuis, je n’avais pas voulu y remettre les pieds.
Mais je ne me voyais pas dire à ma supérieure « non merci patronne, suis pas à l’aise déjà quand on est deux pour discuter alors en plus, si ya tout le Luth réunit, vais faire une syncope et puis le bar, on m’a dit que j’étais trop pouilleux pour travailler chez eux ». Alors, je n’ai rien répondu, vais rappliquer, les laisser discuter et me mettre dans un coin en attendant de recevoir mes ordres. Oui, voilà un plan qui me plait davantage.
Alors je reprends le chemin vers les Chats. J’ai toujours l’air aussi misérable, mais je ne sais pas encore à quel point, je n’ai pas vu mes comparses sur leur 31. Rustique un jour ou toujours, qu’importe. Je dirai que la Chambellan Edaregord m’attend.
D’ailleurs, je le dis à l’entrée vu que mon style vestimentaire « n’est pas au diapason du style de la maison » me dit une armoire à glace à l’entrée. Où ai-je mis l’épée de mon paternel que je lui fiche au travers de la gorge…voyons-voir. Mais je rentre, le passe-droit du larbin de la Chambellan fonctionne. Encore dans l’ombre, je constate avec horreur qu’effectivement, tout le Luth symbiosé doit être probablement là. La seule présence qui me rassure est Croot. Aussi mal à l’aise en public que moi, peut-être même plus. Mais c’est un artiste. On lui pardonnera. Moi non. On ne me pardonnera pas non plus mes vêtements définitivement et indubitablement misérables en comparaison des Luthiers déjà présents. J’ai l’air de quoi avec ma chemise froissée et ce vieux pantalon oscillant entre le marron et le noir.
Dans mon dos, un vieux sac de toile bleu marine. Je doute pouvoir l’utiliser ce soir. Je n’ai pas besoin de jouer la comédie pour être mal à l’aise au milieu des autres luthiers, je le suis véritablement. Hésitant, j’approche et m’incline.
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Le Matal 1 Fambir 1511 à 21h36
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| Agliacci
En observant la discrète pirouette qu’exerce Antiorn sur Croot, Agliacci a soudain une illumination : il vaudrait mieux pour elle, à l’avenir, d’éviter de se mettre trop en travers du chemin de ce nelda-ci.
Quatre secondes et demie seulement lui avait suffi pour faire apparaître Croot dans le cercle de la même manière qu’un prestidigitateur tire des colombes de son chapeau ( là-dessus, l’artiste se trompe. Il s’agit en réalité de trois quart. Ce qui est pile poil la mesure suffisante pour effrayer n’importe qui de censé. Et elle l’est, même si son boulot est de ne jamais le paraître). Et ceci, sans même cligner des yeux.
La tydale accueille le nouveau venu avec le sourire.
Euh…merci bien ? …
Tenez, prenez ce tabouret-ci...
Elle ne répond rien aux allégories galactiques du nelda. La Bonne Etoile ? Le fond cynique de sa conscience lui fait gravement remarquer que les étoiles ne tiennent plus tellement au plafond céleste ces derniers temps. Cela vaut-il d’être énoncé ? Agliacci juge que non. L’ambiance est prometteuse et étrangement agréable. Elle n’aimerait pas la ternir d’une pique insouciante. Une certaine détente s’empare même des mouvements vifs de la tydale, alors qu’elle s’écarte pour laisser une meilleure place à Croot.
Elle laisse son regard vagabonder à nouveau sur la foule éparse de l’auberge, qui lui renvoie une expression éberluée. Un cercle de vide et de silence se trace autour du groupe de symbiosés. Tacitement, les clients reconnaissent que quelque chose d’important doit se passer autour de ce sidi-brahim. ( Lorsqu’un certain nombre de personnes nonchalantes et télépathes se réunissent au même endroit, on s’attend toujours à ce qu’elles magouillent quelque chose : c’est une sorte de règle narrative universelle.) Tacitement, ils observent la scène de loin en grignotant des cacahuètes, mais personne ne semble vouloir entraver ou gêner le regroupement qui s'esquisse et prend forme.
Ce qui ne gêne pas franchement la Luthière, du reste bien ravie que ses habituels clients comprennent à qui ils pinçaient les fesses (un des désagréments de la condition de serveuse.) Sans doute y réfléchiraient-ils à deux fois la prochaine fois qu'ils verseraient un pourboire.
Un carré, dites-vous ? lance-t-elle soudainement, laissant de côté l’échange innocent que semblent tisser Antiorn et Achara. Permettez-moi de vous dire, Messire, que vous vous trompez…
Repérer Hohen dans une foule ? Rien de plus facile. Il n’y avait qu’à chercher l’élément qui avait l’air le moins à sa place.
Elle détaille l’Ordinant s'incliner avec un brin de surprise, mais ne dit rien. Au groupe :
La cinquième roue du carrosse…
Bonjour, Hohen, fait-elle en saluant du chapeau et se décalant à nouveau pour permettre à l’ordinant de prendre place.
Il n’en faut pas plus pour que la tydale disparaisse à nouveau à la recherche d’un cinquième verre, qu’elle repose sur le comptoir avec une autosatisfaction évidente et prédatrice. Elle exécute le service avec une efficacité rôdée d’habitude. Ah, cette fois, ce n’est pas Rosie qui viendra servir des verres à ses invités !
Par un excellent timing temporel, c’est le moment que choisit le crépuscule pour exhaler un dernier souffle orangé qui vient mourir sur les multiples miroirs qui ornent la salle. Les Chats prennent une teinte d'incendie qui n'est pas pour lui déplaire.
Ce qui correspond au moment où Agliacci repose lentement la bouteille cristalline et vide sur le comptoir. Le cinquième - et dernier ? - invité aura raflé la dernière goutte. Quelques lueurs tamisées y dansent fugacement et puis, plus rien.
Le regard de la tydale semble se perdre au loin, avant de revenir avec une attention redoublée sur le rassemblement. Cinq Luthiers symbiosés. Chacun d'eux avec une personnalité à part, faite d'une étoffe sur-mesure et unique. A les regarder simplement, Agliacci ne peut s'empêcher de sourire, ravie d'avoir une petite place dans ce conciliabule où elle apprécie chacun. Si par-dessus le marché, ils planifient réellement un voyage artistique au fin fond de l'île...
Elle inspire, et reprend calmement :
Il me semble que nous sommes au complet et que tout le monde est servi.
Si je puis me permettre…
Levant son verre à l’adresse du groupe.
A la vôtre !
Que les Muses vous soient toujours accueillantes...
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Le Dhiwara 6 Fambir 1511 à 00h49
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| Agliacci incline la tête, reconnaissante à Antiorn pour cette onirique ouverture. De la même manière qu'il a tantôt ramené Croot vers eux, il lui offre un appui verbal pour se lancer dans ses élucubrations. Elle se demande – oh, pas longtemps ! – ce qui peut bien traverser la tête du Blanc Nelda pour lui faire ces yeux songeurs.
Son verre laisse échapper un faible tintement alors que son pied épouse le comptoir.
Vous voulez savoir ? demande-t-elle, suave, en se penchant vers le groupe. Les yeux de l’artiste pétillent de malice et de gaieté, et elle écarte doucement les mains, paumes ouvertes. Mais Dame, Sieurs, la réponse pourrait vous gonfler le cœur d’espoir, vous abêtir d’enthousiasme, que dis-je ! Vous donner la folie des grands airs et vous visser la tête aux étoiles pour de bon, sans chance de retour ici bas ! Sottises que mes métaphores ! Sottises que de croire ! Foutaises, enfin, que d’incliner l’oreille à ce que chuchotent les Muses –car si elles le chuchotent, elles ne le crient point. Leurs voix sont des lanternes à mes nuits bohémiennes. Accrochées aux horizons, elles me lancent, m’invitent, me séduisent, me brûlent et me glacent tout à la fois ! Des sirènes, des chimères, des pensées jetées en l’air…qui, je l’espère, sauront vous être tentatrices, aimantes et câlines ; et faire couler le rocher, et fleurir le désert ! Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert, L’empire familier des ténèbres futures.
Elle fait une pause, éclate d’un rire léger, secoue la tête.
J’aimerai former une troupe itinérante jusqu’à Syrinth pour y interpréter quelques symphonies. Et, si cela marche, dans d’autres villes – cela serait avec grand plaisir, pour ma part. Je sais que j’ai une conception peut-être naïve de notre Art, et plus encore des rudesses de la vie syfarienne – mais voilà l’idée initiale du projet dont je souhaitai vous parler. Ce qui me tient à cœur, c’est d’abord de regrouper un petit orchestre, soit-il non-symbiosé ; j’ai une faiblesse pour la musique depuis toujours, et les symphonies et opéras de la Confrérie sont tellement beaux et voluptueux que ce serait presque un crime de ne point en faire profiter autrui ! Si la troupe pouvait accueillir de surcroît d’autres artistes de spécialités différentes, et des compagnons symbiosés, vous ferez, ma foi, pâlir Circé face à l’enchantement que j’en tirerai. J’avais imaginé que nous pourrions loger dans les fundeqs, et nous déplacer par voies aériennes si la route s’avère trop dangereuse ou impraticable…
Voilà l’idée, mes chers juges, bourreaux, compagnons. J’espérai non seulement que ce voyage serait propice à l’épanouissement de l’Art et à sa figuration en d’autres contrées ; mais bien aussi qu’il permettrait d’enrichir nos propres connaissances de celui des autres factions, qui a si souvent inspiré les circonvolutions du nôtre. Conférer et Confrérer, prendre et donner, s'adonner et apprendre...
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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Le Dhiwara 6 Fambir 1511 à 15h13
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| Citation :J’aimerai former une troupe itinérante
Crooot s'imagine sur scène et son estomac forme une boule avec laquelle pourrait jouer de jeunes neldas.
Citation :regrouper un petit orchestre
Il frotte machinalement la bosse trônant au sommet de son crâne, récoltée lors de son dernier concerto pour chien battu, dans les rues d'Arameth.
Son estomac commence à se retourner.
Citation :...jusqu’à Syrinth...
Sortir d'Arameth...
La topographie anatomique intérieure du nelda ravirait ce bon vieux Pétrorius, féru de puzzle organique.
Ce qui est dedans doit rester dedans. Il lui faut tasser le flux gastrique provoqué par le stress.
Une gorgée.
Deux gorgées.
Vide.
La même chose s'il vous plait madame.. monsieur ?... euh ?
Pardon.. euh... à boire ?
Avez vous pensé dame Agliacci, à des rôles pour chacun d'entre nous ?
Il tarde à arriver ce verre...
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Le Merakih 9 Fambir 1511 à 22h34
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| Agliacci reste sage comme une image jusqu’à ce que Rosie fasse son apparition traînante près d’eux, grattant d’un doigt sa barbe naissante (et le fard qui recouvrait ses joues.)
Qu’esse-t’as dis, mon p’tit louveteau ? marmonne-t-il à l’adresse de Croot, lui offrant un des regards les plus inexpressifs et patibulaires de tout Syfaria.
Un Braxat aurait l’air plus intelligent que Rosie. En même temps, n’importe quoi prenait l’air perspicace à côté de Rosie.
T’veux quoi à lamper ?
Rosie…intervient Agliacci. Sa voix d’ordinaire chantante et folâtre prend des allures de tremolo mal joué. Brrrr ! C’est à se demander où Suri Dinar est parti chercher cet employé-là ! J’ai préparé une autre bouteille dans la cave. Un Castel-Ménossan, tu sais ? Tu…euh, pourrais aller le prendre et nous en servir ?
Ouais. J’peux.
…oui ?
Ouais.
…s’il te plaît Rosie ?
Sans un regard, le mastodonte travesti se détourne du comptoir et s’écarte, à la recherche du précieux breuvage, emportant avec lui son allure de créature frankensteinique. Agliacci reprend son souffle, et se tourne vers Croot pour répondre à sa question :
Non, pas vraiment, avih. Je ne veux pas que…eh bien, que ce voyage soit hiérarchisé. J’aimerai, dans l’idéal, que chacun s’y sente libre et fasse ce qui lui plaise, mène ses propres études, apporte sa propre pierre. Mais il est évident qu’un tel déplacement ne se ferait pas dans l’indolence ; pour orchestrer le voyage d’un orchestre, si petit soit-il, j’aurai besoin de techniciens et de matassins, par exemple…Si quelques acteurs se réunissaient, pourquoi pas envisager de monter une pièce ?...Un peintre pourrait créer des décors sur place, ce qui enjoliverait la scène. Un dessinateur comme vous pourrait constituer des chroniques de voyage, des croquis de créatures, des villes, y coucher ce qu’il jugera bon d’en retirer : je sais bien que les bibliothécaires raffolent de ce genre d’ouvrages, et des précis anatomiques sont toujours les bienvenus en ville… des descriptions architecturales sur les cités proprement dites, des études comparées,…( Rosie revient et ressert les verres. C’est un rouge, cette fois, avec du corps, à ne pas en douter.) Mais je m’égare. Ce que je voulais dire, Crooot, c’est que je sais que chez les symbiosés en particulier, les talents et les passions sont diversifiées…je pourrai vous trouver un rôle à jouer, ne serait-ce que sur scène, mais je ne voudrai pas vous entraver dans vos propres recherches et, euh…
Merci, Rosie…On discute, là ! (Rosie s’éloigne, le pas traînant.)
Donc, il me faudrait d’abord savoir ce que vous aimez faire et quel rôle vous voudriez vous-même jouer.
Dois-je comprendre, Crooot, que si je le projet prend forme, vous viendrez ?
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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Le Vayang 11 Fambir 1511 à 15h34
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| Les oreilles de Crooot se dressent:
Citation :(...)Un peintre pourrait créer des décors sur place, ce qui enjoliverait la scène. Un dessinateur comme vous pourrait constituer des chroniques de voyage, des croquis de créatures, des villes, y coucher ce qu’il jugera bon d’en retirer : je sais bien que les bibliothécaires raffolent de ce genre d’ouvrages, et des précis anatomiques sont toujours les bienvenus en ville… des descriptions architecturales sur les cités proprement dites, des études comparées(...)
Il avale son ballon de carmin pour délier sa langue pâteuse, emplit le verre à nouveau et se lance.
Si vous me prenez par le coté pictural, je ne peux pas refuser.
Mes aquarelles sont à votre disposition. Mes carnets vous sont ouverts.
Mes pinceaux prêts à laisser leur trace.
Le vin capiteux tourne et retourne dans sa prison de verre, se réchauffe et laisse échapper des fragrances éthyles, promesses de vérités toutes crues.
Il vide le contenant de son contenu et met une autre touche de rouge au bout de ses doigts.
A mesure que j'en parle, le monde au delà des portes d'Arameth me fait de moins en moins peur.
Je me ferai un plaisir de dépeindre sur papier le paysage qui se déroule sous nos pattes. Je me ferai un honneur de faire escale avec vous et d'entreprendre un carnet de bord de cette troupe.
Crooot observe à travers le verre soufflé, un monde rubicond où se mêlent ordinant, artistes, chambellan et serveur vaguement androgyne. Il fait disparaitre le filtre écarlate de son instrument de vaisselle optique et rend à ses compagnons leurs couleurs vraies.
Le résultat est bien moins graphique.
Il décide donc de noyer à nouveau son verre de liquide entêtant et de s'en teindre la langue.
Par contre je suis pas certain de... de rendre quelque chose sur scène... si ce n'est mon déjeuner. Notez je pourrais me...gri... grimer. Me maquiller. S'il vous faut un arstitste... prein... peintre pour vous colorer la flace... fla.. laf... la flasque... enfin le visage, comptez sur moi.
Jouant distraitement avec son verre, pour composer d'improbables figures géométriques à partir d'auréoles lie de vin laissées par le fond du godet, Crooot attrape distraitement la bouteille pour la porter à ses lèvres.
Par un habile système de vases communicants, la flasque est débarrassée de son précieux liquide aussi rapidement que le nelda de ses Inhibitions.
Prar le même cu... coup si tu veux je te brab...barbrou...barbouille ton petit corps svelte de mignonne petlite danseuse. Agla...Aglia...Aglaïcci... ma belle, t'as les yeux qui sentent le luth.
Chosie ta clouleur et je badigeonne ta petite peau de pêche.
Montrant la bouteille vide
Achara ! Commande la petite sœur et goute moi ce nectar. Un régllale.
J'ai toujours voulu vlous dire que toi et Antiorn vous allez trèèèèèès bien...enss... ensslemb'.
Je vous aime les amis. Vous êtes ma nouvlelle flamiiiii....humpfff.
Un hoquet de surprise.
Un sanglot inexpliqué..
Un voile sur le regard.
Le nelda tombe lourdement au milieu de ces confrères et commence à ronfler bruyamment.
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Le Sukra 12 Fambir 1511 à 22h41
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| J'écoute. Patiemment. Dans mon coin.
L'idée est séduisante il faut reconnaître. L'idée de diffuser notre cher Art est pourtant inquiétante. Quelque chose de précieux, une fois partagé, perd de sa valeur. Cependant, contre un féroce sentiment d'égoïsme se bat celui de partager nos sentiments et nos joies. Si seulement il en était ainsi pour tout et partout. Je vis dans un monde imaginaire ou tout le monde serait gentil, à commencer par nous. Mais la réalité est autre. Et c'est à cette réalité que je dois me rattacher.
Je vois aussi une occasion pour moi de voyager, peut-être d'ouvrir des portes jusque là fermées. Syrinth la Sainte refuserait sûrement un confrère isolé. Mais une troupe de théâtre subirait-elle le même sort ? De sorte que mon projet de voyage serait un peu plus réalité. L'expérience mérite d'être tentée. Me rendre utile pour un tel projet serait une fierté. Voyager et servir le Luth. Là était l'accord parfait entre ces deux parts de mon être.
Je sirote doucement mon verre. Généralement, on ne boit pas en service. Mais si tout le monde s'y met, je me dis que ce doit être autorisé. Mes élégantes artistes le font bien. Alors, docilement, je suis le mouvement. Mais c'est avih Crooot, qui met l'ambiance. Le pauvre a employé la même technique qui est mienne, boire pour se donner du courage. Aussi efficace que dangereuse, pas assez et l'assurance ne vient pas. Trop et c'est la catastrophe.
Petit corps svelte de mignonne petite danseuse ? Certes mais quand même...Ah les ravages de l'alcool. Peut-être qu'il était mieux qu'il s'écroule ainsi. Qui sait où il aurait pu aller s'il avait continué sur cette lancée. Je dépose mon verre sur le bar en souriant et me penche pour soulever doucement l'artiste somnolant.
Il n'a pas l'air mais il pèse lourd le bougre. Je me retiens de pester contre cette race si imposante à transporter et j'arrive après quelques instants, à l'adosser contre une chaise. Il ronfle aussi fort qu'une machine fraternelle en pleine action.
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Le Dhiwara 13 Fambir 1511 à 16h56
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L’instinct de serveuse de la tydale s’éveille à partir du moment où Crooot s’amuse à les regarder de derrière son verre de rouge. Précisément, le dit instinct bondit hors de son lit, va chercher sa matraque, déclenche toutes les alarmes de son esprit et, ricanant, l’informe qu’un prochain mâle finira bientôt la tête dans le caniveau et que c’est encore elle qui va devoir s’y coller. Or, les neldas, qu’est-ce qu’est c’est lourd ! Sans la force phénoménale de Rosie, Agliacci serait bien en peine de les traîner dehors vers quatre heures du matin.
Fascinée par la descente rapide de l’artiste, la tydale ne fait pourtant aucun geste pour l’empêcher de se resservir.
Il lui apparaît avec évidence que ce dernier est fou dingue d’Achara. Mais alors, du dingue-dingo, le genre de sentiment qui vous tourneboule le ventre et vous enserre le cœur à nu, les nuits passées dont jamais personne n’est revenu, l’émotion brute qui fait mourir tous les poètes des rues, et les chanteurs, encore, qui s’en sont tus ! Agliacci en est sûre, certaine, à son instinct de serveuse se rajoute celui de femme, et tous deux établissent un pronostic aussi rapide qu’extrême : Crooot est désespéré d’amour. Quel verdict ! Fière de sa théorie psychologique – qu’elle ne peut certes pas prouver, mais un instinct féminin a-t-il jamais trompé femme qui vive ? – elle laisse complètement passer les remarques de Crooot quant à sa plastique. Néanmoins, certains détails dans son discours l’interpellent :
Crooot est-il au courant ?!
Aurait-il par hasard assisté à ses numéros de « danse » au Lid’Do (taverne des bas-fonds, bien connue grâce à tous les aristocrates qui viennent s’y encanailler), aux prémices de sa symbiose, à l’époque où elle n’avait pas même les moyens d’être sur la paille ? Agliacci se remémore les dits numéros avec une impudeur qui lui est toute caractéristique, et décide que, bon, effectivement, cette idée avec la peinture, là, ben, ce n’était pas une si bonne idée que ça, tout compte fait. Si la célèbre Mme la Fente-née apprenait ça, elle pouvait dire au revoir à son premier rôle en tant que Juliette, car Juliette, tout le monde le savait, ne faisait pas d’effeuillage…une fille de grande vertu, la Juliette, une girouette de l’amour, une des meilleures tragédiennes de son temps : se tuer pour l’homme qu’on aime et qu’on voit mort, là, devant soi ! Vraiment ! Crooot et Achara ? Antiorn et Achara ? De la gnognotte à côté de Juliette. Une pointure de la tragédie, une catharsis sans pareille, la Juliette. Et Agliacci avait pour mission de faire larmoyer toute la Confrérie sur son amour brisé, coupé à la racine, avant même d’avoir pu éclore et écouté le chant des alouettes ! Ce qui faisait de Juliette, au goût d’Agliacci, une des plus divines idiotes du monde théâtral (c’est vrai, quoi, Roméo méritait-il qu’on en fasse tout un plat ? Aucune réponse n’est attendue à cette question), mais elle donnait la réplique au célèbre Bèl-Mondeau, grand acteur d’Arameth, dont le nom figurait toujours sur les bonnes affiches ! Autant dire que c’était le succès assuré pour les mois à venir, pour peu que personne ne soit au courant de son curriculum vitae exact. Crooot était-il un danger éventuel pour sa carrière de tragédienne ? Faudrait-il l’éliminer subrepticement ?
En fait, j’ai toujours aimé le bleu, répond-elle poliment, l’air distrait, au corps étourdi du nelda.
Elle se penche pour aider Hohen à adosser l’artiste, et secoue la tête d’un air triste :
La différence entre le poivrot et l’alcoolique. Le dernier boit avec patience et passion. Le premier s’imagine que tout est piquette et vinasse. Enfin…le résultat est toujours le même.
Le caniveau, en l’occurrence, même si la philosophe artiste ne le mentionne pas à ses camarades.
C’est vrai que Crooot a bien choisi son moment ! Agliacci peste intérieurement. Alors que – elle l’avait vu dans ses yeux – Hohen allait enfin dire quelque chose ! A tous les coups, il était partant ! Cela aurait fait trois voix sur cinq, du solide pour convaincre la Chambellan qui, ne l’oublions pas, est la seule à avoir la main sur les finances du Luth. Il fallait parfois être d’un pragmatisme vénal désabusant. Etant donné que la troisième voix venait de se moucher comme une lampe qu’on éteint, il n’y avait plus qu’à espérer qu’Achara ne prendrait pas ses artistes pour ce qu’ils sont, c'est-à-dire des gens qui ne se contentaient pas de pouvoir causer des problèmes, mais causaient ces dits problèmes.
Agliacci jette un coup d’œil sincèrement peiné à Crooot, songeant : « ça doit être difficile pour lui, de voir Achara si proche d’Antiorn ! »
Et rajoutant : « bah, ça me fera un excellent moyen de pression si ce dernier mentionne quoi que ce soit à propos de danse, de table, de peinture et de vêtements affriolants. »
Je crois bien que j’ai des sels sous la main…attendez…ah, voilà ! (Alors, que disait ce cabotin de Pétrorius déjà…).
Et d’agiter un flacon de carbonate d’ammoniaque à l’odeur infecte sous la truffe de Crooot.
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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Le Julung 17 Fambir 1511 à 00h07
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| Bizarre.
Ça ne marche donc pas ? Les sels sont pourtant puissants.
Manque-t-il quelque chose à son numéro ?
La révélation lui vient en un éclair. Les conventions narratives !
Comment a-t-elle pu oublier les conventions narratives ?!
Il est bien évident que, lorsque quelqu’un s’évanouit, ses plus proches amis sont obligés de lui frapper violemment le visage afin que ce dernier reprenne conscience. Ou de projeter un verre d’eau à sa figure. Ou, dans le cas de deux individus de sexe opposé, de se rouler une galoche interminable. C’est une sorte de principe universel. N’importe qui ayant ouvert un bouquin une fois dans sa vie est au courant. De tout temps, l’homme a toujours donné des gifles aux inconscients, et, de tout temps, cela a toujours suffi à les ramener au doux pays de la conscience. En général d’humeur assez furibarde, mais hein, on ne pouvait pas tout avoir !
On comprendra qu’Agliacci, ne pouvait sciemment pas gaspiller un Castel-Menossan à arroser des neldas en état de coma éthylique, et encore moins embrasser la truffe aux fragrandes…singulières de Crooot, opte pour la solution la plus simple, la plus efficace, c’est-à-dire qu’elle distribue deux gifles généreuses sur le faciès de l’artiste.
Les conventions narratives, fait-t-elle en guise d’explication, rayonnant d’innocence. (Mais avec le sourire au coin.)
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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Le Vayang 18 Fambir 1511 à 11h26
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| Crooot ouvrit un œil en se demandant comment il avait pu s'assoupir.
Il tenta de se relever discrètement.
L'avait on remarqué ?
Il se creusa les méninges pour remonter le fil de la conversation.
Citation :Dois-je comprendre, Crooot, que si je le projet prend forme, vous viendrez ?
Qu'avait il répondu à ça ?
Il jeta rapidement un œil autour de lui à la recherche d'indice.
Sa tunique sentait l'alcool, ses joues lui cuisaient et il se trouvait à présent à coté d'Hohen quand il avait commencé cette conversation à coté d'Agliacci.
Agliacci qui... Par tous les diables pourquoi ce regard ? Il connaissait ce regard et associé à ce sourire en coin il n'augurait rien de bon...
La tydale semblait attendre quelque chose de lui.
Dubulb, j'ai loupé un truc ?
Dubulb' dit :
Tu te souviens pas ? Héhéhéhé ! Oh tu n'as rien loupé de bien grandiose.
Je te résume rapidement:
Tu te souviens la dernière fois que Pétrorius t'a prescrit un sirop pour ta vilaine toux ?
Euh ? j'ai fini dans une fontaine en chantant à tue-tête:
"Le nelda d'Arameth, qui pue qui pète,
qui prend son cul pour une trompette"
Il y avait un peu d'alcool dans ce sirop...
Dubulb' dit :Il y avait aussi beaucoup d'alcool dans les verres que tu as avalé ces dernières minutes:
Je te fais un rapide topo:
*Tu as proposé à Agliacci de lui repeindre son (-)petit corps svelte de mignonne petite danseuse(-)
*Tu as déclaré ta flamme à tout le monde en leur annonçant que tu les aimais.
*Tu as ébouriffé la queue de ta chambellan, l'as embrassé à pleine bouche en présentant ton majeur à Antiorn...
Quoi ?
Dubulb' dit :
Je plaisante pour Achara et Antiorn.
Tu leur as juste donné tout tes vœux de bonheur.
Achara t'a dégrisé à coup de flux.
Aller, tout le monde te regarde.
Vas-y champion !
Crooot ouvre la gueule, les oreilles baissées, la truffe sèche et la queue entre les pattes:
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Le Matal 22 Fambir 1511 à 18h04
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| C’est un silence presque religieux que provoque chez Agliacci le discours de Crooot.
Par les Six, ce dernier peut vraiment avoir de l’allure, quand il le veut. Pour un peu, elle applaudirait presque !
La consoeur essuie ses paumes contre le tissu rêche de son pantalon alors qu’elle se redresse calmement, opinant de la tête aux paroles du nelda.
L’actrice va même jusqu’à se dresser sur la pointe des pieds pour laisser un baiser sur la joue du nelda à la fin de son monologue. Et tant pis si elle risque d'attraper le rhume morveux que semble constamment subir Crooot.
Vous êtes tout pardonné, avih, assure-t-elle avec cet air de t’as-vu-comme-l’innocence-m’aime qui dissimulait à grand peine l’amusement de ses yeux.
Et de rajouter, mentalement, à la seule adresse du nelda :
Si vous dites quoi que ce soit pouvant se relater au Lid’dho, je dis tout à Antiorn.
Ah, et je vous pends par les pattes dans ma cuisine jusqu’à ce que mort s’ensuive, à moins que je ne vous livre comme cobaye médicinal à mon père.
S’écartant de Crooot, elle regagne sa place, une ombre de sourire aux lèvres.
…et vous autres, amis du Luth ? Cette aventure vous convainc-t-elle ?
Comme si c'était la dernière fois. La première fois.
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Le Merakih 2 Marigar 1511 à 20h43
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| Tout se passe très vite. Un sort, une honte et une excuse. Tous les grands timides ont la même utilisation de l'alcool. J'aurai pu être à sa place. Je me demande. Je suppute. Je subodore. Non, finalement, je ne préfère pas penser. Je préfère me concentrer sur le reste de la conversation. Mais je garde en mémoire de tenir toute forme d'alcool loin de ce confrère fragile. Ou non, selon la situation. Si un jour nous donnons une représentation sur les terres du Matriarcat, un peu d'alcool ne sera pas de trop pour nous inspirer à aller mourir.
Ce...c'est toujours grand plaisir de servir le Luth.
Première phrase vide de sens qui n'a pour seul mérite de répondre à une question, sans trop y répondre, tant c'est plat et vide. Par pure vanité, j'ose m'épancher et monopoliser.
Cette..aventure pourrait..oui..faire rayonner l'Horloge ailleurs qu'à la Confrérie.
Si on ne nous reçoit pas avec des flèches ou autres intentions meurtrières à cause de certaines...rancœurs passées. Et si on ne nous chasse pas manu militari par méfiance, paranoïa ou juste parce que le seul confrère honnête qui soit est un confrère mort.
Oui. Définitivement, partir à l'aventure, telle une attaque plus ou moins suicide séduit ma moitié matriarcale.
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