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Le Julung 31 Manhur 1507 à 11h37
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| Lumière
Ombre
Lumière
Zerkhann entrouvre les yeux. A nouveau, la lumière du soleil est occultée par un nuage, chassé par l’aquilön. L’homme se redresse prudemment. Non qu’il soit blessé, mais il se sent… différent ; ses sens sont encore confus de l’expérience qu’il a vécu.
L’expérience ? La mémoire des événements lui revient par flash ; il la brusque apparition de la créature indéfinissable, le ‘mou’, le soudain dédoublement de sa perception, comme s’il voyait à travers lui et à travers la chose, puis le contact involontaire de leurs esprits. Traumatisante expérience, pour qui l’esprit avait toujours constitué son unique refuge, dans une dure vie où l’on est éprouvé à chaque instant, et où le moindre faux-pas signifie la mort – ou pire - .
Il avait résisté, mais en vain ; et l’étrangeté du sentiment symbiotique, la perturbante présence à la lisière de son esprit des pensées absconses de la créature, avaient peu à peu gagné du terrain, envahissant tout son être.
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Le Julung 31 Manhur 1507 à 11h39
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| Et maintenant, le voilà à nouveau conscient. Dans la lumière déclinante de la fin du jour, il se redresse, et inspecte instinctivement son corps, à la recherche de blessures éventuelles. Habitude rassurante pour qui avait passé la majorité de sa vie au service de l’armée du matriarcat. Non, il n’était pas blessé, dans son corps tout du moins. Il se sentait même curieusement en forme, compte tenu qu’il était au sol deux minutes avant. Il y avait juste ce sentiment curieux de… double perception.
Il lui fallu un instant pour se rendre compte qu’il ne s’agissait pas d’un sens ordinaire, mais d’une perception de quelque chose d’autre… Il tendit son esprit vers le flot murmurant aux limites de sa perception, et discerna peu à peu des consonances familières, comme des voix… de l’esprit. Il recula –physiquement et psychiquement- avec horreur : ces voix étaient celles des femmes. Il avait involontairement violé l’intimité du gynécée !
Il tenta de repousser au loin ces pensées insidieuses qu’il entendait malgré lui, mais à part une bonne migraine, ses essais furent vains ; il ne pouvait plus détacher son esprit de la communauté des femmes, et les voix se faisaient de plus en plus précises et discernables.
Puis l’une d’elle se détacha d’un coup, plus nette et plus forte, au sein de la cacophonie. Un appel à l’aide !
Une femme était agressée à Kryg. Son sang ne fit qu'un tour. Avant que d’y penser, il avait répondu. Il arrivait. Et son corps se joignant à l’esprit, il se mit en route le plus vite possible vers Kryg, pourtant bien loin de là où il était. Mais ni montagnes et ni mers n'auraient pu le détourner de sa route.
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Le Vayang 1 Jayar 1507 à 17h24
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| L’homme en question avait une sombre mine, et portait lourd manteau ainsi qu'un chapeau à larges bords, manifestement de fabrication étrangère. Son visage était marqué d'une longue cicatrice lui parcourant la joue droite, qui se perdait dans une barbe touffue et mal coupée.
Il ne semblait pas armé, mais les plis de son manteau pouvaient dissimuler on ne sait quoi. Zerkhann ne prit pas de risques, et dégaina son cimeterre avant d’approcher l’étranger. L’autre le regardait curieusement, sans bouger d’un cil. Zerkhann s’arrêta à une dizaine de pas, et lança d’une voix forte :
Holà, qui êtes-vous ? Et que faites-vous ici ?
Mais seul le silence, et un vague sourire indéfinissable répondit. Un peu dérouté par cette attitude –non qu’il attendait une réponse, mais au moins une réaction-, Zerkhann changea sa lame de main et approcha encore de quelques pas, l’air menaçant.
Rendez-vous sans résistance, et accompagnez-moi à la garde ! ajouta-t-il, menaçant l’homme de la lame effilée comme un rasoir. Toujours la même absence de réaction. Toujours cette même posture curieuse, comme s’il savait déjà à quoi s’en tenir.
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Le Vayang 1 Jayar 1507 à 17h28
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| Zerkhann tenta d’attraper l’homme, mais celui-ci se déroba avec une vivacité peu commune. Puis il s’arrêta, regardant le guerrier Tydale avec le même air, sans faire mine de riposter. Zerkhann, qui s’était remis en garde pour contre une probable contre-attaque, se senti vaguement sot. Et il n’aimait pas ça ; non, décidément, il n’aimait pas être humilié, comme il l’avait déjà été si souvent ; car c’était le lot commun des hommes.
Avec rage, il se lança à nouveau à l’assaut, cette fois sans retenir ses coups. Sous l’emprise de la fureur, la lame dansait une ronde de mort, et les moulinets visaient à tuer. Le métal frappa la chair, l’acier crissa sur l’os, le sang souilla l’herbe tendre, et l’homme, tailladé par plusieurs coups de cimeterre, chût au sol, ensanglanté.
Zerkhann eut un temps d’arrêt, surpris par sa propre réaction, démesurée. Et interloqué. Qui était réellement cet homme, et pourquoi cette curieuse attitude ? Avait-il voulu indiquer quelque chose ? Prouver quelque chose ? Il s’agenouilla pour vérifier si l’homme était toujours en vie. Il respirait encore. Au moins pendant les dix secondes qui suivirent. Avant qu’une lourde épée à deux mains fende le crâne du blessé pour l’achever, sans se demander qui il était et ce qu’il faisait ici. La femme qui se tenait maintenant à ses côté, à l'instar des autres Tydales, ne se posait pas de questions... La sécurité de la ville primait sur tout.
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Le Vayang 1 Jayar 1507 à 22h46
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| Ensemble, ils pénétrèrent à nouveau dans l'enceinte fortifiée de la cité d'Utrynia. Malgré le jour déclinant, la ville bourdonnait d'activité, dont le centre vital était l'imposante Ruche, dont la silhouette massive dominait les bâtisses avoisinantes.
Normal : le système du Matriarcat tournait autour de la Cariatide de la Ruche, essentielle pour alimenter en forces vives tous les aspects de la vie de la civilisation. D'une certaine façon, le reste de la Vie n'était qu'un épiphénomène, entourant l'acte reproductif... Du moins selon les membres de la Ruche.
Et pourtant, ces circonvolutions étaient finalement indispensables à la permanente amélioration de la lignée par une scrupuleuse sélection génétique... Dont les hommes étaient la clef, un peu malgré eux. Zerkhann n'en était pas conscient, mais ces générations de sélection avait trempé les mâles Tydales comme lui à l'instar de l'acier d'une faucheuse.
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Le Luang 4 Jayar 1507 à 14h27
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| *** A l'entrée de la ville d'Utrynia... Nemès, comme à son habitude, évitait les zones peuplées, ne faisant de passage dans les cités tydales que pour se réapprovisionner brièvement. Mais cette fois la surprise fut de taille : une flèche venait de se planter dans le sol à ses pieds alors qu'elle sortait de la ville! ***
- Allez gamine, va pas tirer cette tête pour une petite flèche, y'a un male armé à quelques pas d'ici, je t'avertissais juste pour que tu viennes le remettre à sa place avec mes soeurs... Tu viens ?
*** Les mots étaient sortis avec un ton enjoué de la bouche d'une tydale non loin, son arc à la main, la corde encore vibrante. Un mâle armé? Mais pour qui se prenait-il donc? Encore plus furieuse contre le mâle que contre celle qui venait de lui décocher une flèche, eusse celà été pour l'avertir, Nemès se rua de l'avant.
Quelques lieues plus loin, elle tomba effectivement sur un mâle armé d'une lame et entouré de plusieurs tydales. L'une d'entre elles était en train de lui donner un ultimatum. ***
- Hola sale...mâle! Na tu pas honte de venir trainer en ses contrée? Au nom de la fureur de la ruche dépose tes armes, tu n'en à pas l'usage! Donne nous ton argent et donne nous des escuses, tu auras la vie sauve. Les mâles non pas à fouler NOS terres!
*** La tydale qui avait prononcé ces mots ressemblait en tous points à celle qui lui avait décoché une flèche... des soeurs? En tous cas leur cause semblait juste aux yeux de Nemès. Un mâle sans insigne, donc libertaire, qui se promenait l'acier au clair? Intolérable!
Fendant les rangs des tydales, Nemès arriva au contact du mâle et, dégainant son épée acérée, lui entailla le torse d'un revers.
Un sourire carnassier apparut sur ses lèvres. Les autres autour ne comptaient plus, il ne restait qu'elle et sa proie qui tentait tant bien que mal d'endiguer le flot carmin qui s'écoulait de sa blessure. ***
- Tu ne mérites que la mort, mâle! Implore notre grâce ou sois maudit!
*** Déjà, elle levait à nouveau sa lame, prête à l'achever. ***
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Le Luang 4 Jayar 1507 à 15h28
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Zerkhann, qui s'était joint à la demande de l'Executrice à l'expédition pour chasser les prédateurs près de la faille, avait combattu bravement contre le loup ; et il portait encore les blessures profondes causées par les dents acérés du prédateur, auxquelles il n'avait guère fait attention : le but avant tout. Une mission était une mission, et les risuqes ne lui importaient guère.
Mais alors que la bête était finalement maitrisée et abattue, et sa dépouille dépecée, il planta son cimeterre dans le sol et s'agenouilla un instant moment pour panser ses plaies, sans guère de succès. le liquide vermeille s'écoulait encore de ses multiples traces de morsure faite par le loup et le chiroptère qui l'avaient malmené.
Quel ne fut pas sa surprise d'entendre une voix courroussée s'écrier à son adresse :
- Hola sale...mâle! Na tu pas honte de venir trainer en ses contrée? Au nom de la fureur de la ruche dépose tes armes, tu n'en à pas l'usage! Donne nous ton argent et donne nous des escuses, tu auras la vie sauve. Les mâles non pas à fouler NOS terres!
Des tydales rançonnant d'autres tydales ? Qui menacent de tuer ce qui appartient à la Ruche ? Il leva des yeux ébahis sur la jeune femme qui s'adressait à lui. Son arme au clair et son air revêche le dissuadèrent de rire de cette mauvaise blague.
Alors qu'il s'apprêtait à répondre posément, une violente douleur lui vrilla le dos, manquant de lui arracher un cri. Il attrapa sa lame et roula sur le côté, pour faire face à l'attaque, toujours un genou à terre. Il s'attendait à découvrir une quelconque créature du S’sarkh. Mais non, ce qui l'avait attaqué n'avait point de griffe, mais une épée acérée !
De surprise en surprise... Il baissa sa lame : il n'allait pas attaquer une femelle, même si visiblement celle-ci n'avait pas toute sa tête. La lueur malsaine et meutrière qui brillait dans ses yeux n'était cependant pas pour le rassurer...
Il planta sa lame dans le sol en signe de paix.
Attention, Liadha, je ne suis pas une créature du S'sarkh ! Retiens tes coups pour les créatures qui pullulent et menancent les érudites étudiant la faille !
Certes il est difficile de voir sous ce sang -sang que vous fîtes également couler si généreusement - l'uniforme du matriarcat, mais l'on attaque pas un mâle de sa ruche, de surcroit blessé, dans le dos...
Je suis venu là par la volonté de l'Executrice Leana, et en temps que mâle propriété de la Ruche, vous n'avez pas à m'abattre ou à me rançonner.
En attendant que l'Exécutrice tranche, je confie mon arme et mon équipement à cette Liadha.
Il les tendit à Nirmayi, une Liadha portant les insignes de Semeuse de Mort, qui lui avait fait bonne impression - en tout cas meilleure que celle de ces femelles étranges.
Maintenant, si l'une de vous veux devenir une renégate, il lui suffit de me passer sa lame dans le corps. Tuez à trois contre un, un mâle désarmé, appartenant à la Ruche, obéissant aux ordres d'une exécutrice...
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Le Luang 4 Jayar 1507 à 22h21
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| *** Le jeune Tydale eût un mouvement de recul. La seule Anja à l'avoir jamais touché était sa soeur, et il sentait comme une atteinte, non pas à lui, mais à sa moitié, cet attouchement forcé.
Il se laissa faire malgré tout, habitué à endurer. Très doucement, lorsque la Liadha eût terminé son bandage, il retira sa main dans un mouvement aérien, presque iréel, et posa un regard de glace sur cette Tydale qu'il ne connaissait pas, et qui lui donnait des ordres comme une Nourrice.
Le mâle eût un léger sourire, alors qu'il penchait la tête sur le côté, très légèrement, comme une poupée docile mais insondable. ***
Puni ?
*** Le mâle ferma les yeux et se tût, comme il en avait l'habitude... Son Mou s'agita quelques secondes... ***
Je ne pense pas avoir l'honneur de vous connaître. Etes vous une exécutrice pour édicter ces lois ? Une Nourrice pour me punir ? Eclairez moi...
*** Sans vraiment attendre de réponse, le mâle se perdit dans la contemplation du cadavre du mâle. ***
Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.
Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian. | |
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Le Luang 4 Jayar 1507 à 23h00
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| *** Pendant que le mâle parlait à Laëlia, Nemès s'était glissé derrière lui. S'approchant à son oreille, la grande tydale sussura : ***
- Et toi, qui es tu donc pour oser nous demander de nous justifier? Tu me parais bien jeune pour être déjà sorti de la ruche... te serais tu égaré en ce vaste monde, petit bambin? Peut être même te serais tu enfui de ton harem...
*** Dans les yeux de la femelle luisait un éclat malfaisant. Elle fit un moulinet de son épée encore sanglante, la faisant passer brièvement dans le champ de vision de Dorian. ***
- Celà ne mériterait il pas punition? A moins que tu ne possèdes ton acte d'affranchissement...
*** Cette fois le rictus de Nemès indiquait clairement sa démence et sa soif de sang, son poignet tremblant déjà d'envie d'abattre cette deuxième proie qui déjà attisait les braises encore chaudes de sa précédente colère. ***
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