Les Mémoires de Syfaria
La Région de Lerth

Les mêmes yeux

Tribulations sans chaussettes d'un frère et d'une soeur
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Sujet lancé par Jaelil
Le 28-03-1511 à 17h14
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Posté par Jaelil,
Le 28-03-1511 à 17h14
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Jaelil

Le Luang 28 Marigar 1511 à 17h14

 
« Je te vois ! Je te vois ! »


Un éclat de rire et une course précipitée. Voilà qui berçait les matins naissants à Lerth pour les deux petits -Même pour les leurs- Tchaës. Jaelil avait mis des années à seulement rire. Des années et un long voyage.

Le son et le brouhaha ne duraient jamais longtemps. Juste le temps de l'éveil, de s'ébrouer du sommeil et de son engourdissement, et puis on se lavait rapidement, on mangeait les restes de pain de la veille, et on avisait. Lui, c'était Zhino, très frêle, très léger, très agile. Il avait l'air fait de vent et de brumes, flou et effacé, rapide et cinglant. Elle, c'était Jaelil. Elle avait l'air faite d'eau, transparente et atone, aux murmures lointains et rares. Ils partageaient la même chambre, le même sang, et les mêmes yeux.

Elle était arrivée en premier, par hasard, il y a déjà quatre ans. Elle faisait partie d'une caravane marchande venue faire quelques échanges au marché. Elle n'est jamais repartie. La Tchaë, avide de silence, terriblement renfermée et sensible aux bruits depuis toujours, mais qui ne laissait pas échapper une seule plainte à ce sujet, était tombée amoureuse de la cité. Tant de calme, de sérénité, lui avaient fait un tel choc une fois que quelques pas l'avaient éloignée du marché central qu'elle a cru à une révélation. Sans un seul mot envers ceux qui avaient été ses compagnons, elle leur abandonna tout ce qu'elle n'avait pas pris, elle abandonna son nom de famille, son passé, Oriandre, pour rester à Lerth. Pour rester avec Lerth.

Une poignée de mois plus tard, il était arrivé. Il la cherchait, il s'inquiétait. Elle, vivait de presque rien, quelques menus services, tâches ingrates et générosité de passage, passant la plupart de son temps le menton appuyé contre le rebord de sa fenêtre, à simplement regarder la ville exister. La foi, elle l'avait peu, elle s'infusait en elle avec le reste de la ville, la langue, les coutumes, mais avec moins de force et de passion que ce sentiment viscéral qui la rivait aux pierres.

La première fois qu'ils se revirent, elle hurla. C'était probablement la première fois de sa vie qu'elle hurlait, même toute petite, elle se contentait de chouiner bas. Elle hurla, se débattit, frappa le sol du poing. Elle avait peur, tout simplement. Peur qu'il vienne l'arracher de Lerth, lui retirer sa paix, son but, sa passion alors qu'elle l'avait enfin trouvée. Il attendit qu'elle se calme, ce qui vint vite. Ramassée sur elle-même, il l'approcha, il lui demanda si elle le détestait tant. Elle répondit entre ses propres bras ramassés autour de sa tête que non. Il lui demanda si elle voulait qu'il parte. Elle lâcha que non. Il lui demanda si elle voulait rester. Elle glapit que oui, vivement.

Il demanda à rester avec elle un peu. Il ne repartit jamais, lui non plus.

Depuis elle avait appris à s'ouvrir. A peine. Un peu. S'ouvrir était toujours douloureux. Ils avaient repris leurs anciennes habitudes d'enfance, à vivre en s'accommodant l'un de l'autre avec l'affection du sang et de l'habitude. Ils osaient jouer, parfois, sans trop déranger le silence non plus: Ils jouaient au silence, à se cacher, à se chercher, à deviner leurs pensées. Ils auraient pu vivre ainsi des siècles, loin du tumulte.

Puis, il y eut la symbiose. Il était sans doute l'heure de grandir, à présent. Ils avaient trouvé une véritable mère en Lerth, il était temps qu'ils osent devenir adultes.


« Je te vois, Zhino ! »


Mais ça n'était pas pressé.

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