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L'entretien avec la Judicatrice s'était étalé dans le temps, mais avait été fructueux : les Filles du Déclin avaient obtenu de nombreuse réponses... pas toutes, mais suffisamment pour avancer. De plus, ce séjour dans la cité-puits sensée exister pour l'éternité avait donné à Nemès l'occasion de prendre du recul par rapport aux évènements qui l'avaient poussé à présenter sa démission.
La Danseuse sourit à l'Arcaniste, et pointa un index d'albâtre vers le nord-est, là où elle avait aperçu un mégalithe de perversion, et au delà vers les terres glacées du nord.
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*** Ah ! Ulmendya. Sa blanche neige à perte de vue, ses Jytryans belliqueux, ses routes pavées... sa neige. Et ses Matriarches !

Eh oui, après un voyage plutôt chaotique où j'avais décidé de me laisser aller au hors-piste -très malin lorsque, perdu en un rien de temps et sans repère apparent, mon objectif était cité souterraine au milieu d'une gigantesque pleine blanche-, j’apercevais enfin mes deux guerrières favorites : Nemès et Khamaat -ou Khamaat et Nemès, pour ne pas faire de jalouses. ***

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Nemès laissa retentir son rire en entendant la réponse de Khamaat.
Proposer aux deux chasseresses de se mettre aux fourneau pour "lui... leur" préparer un repas, voilà qui ressemblait bien au Muet : l'équilibrien aimait jouer les équilibristes en titillant les Filles du Déclin.
Il fallait bien avouer qu'étant un des rares étrangers à pouvoir se permettre ce petit jeu avec elles, il aurait eu tort de s'en priver.
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La Danseuse, nouant le tablier avec le plus grand sérieux autour de sa taille, jeta un coup d'oeil à la Fauchelame qui reposait dans le fourreau pendu à la hanche d'Oda.
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*** Se faire cuisiner par deux Matriarches... Hmm...
Hormis la dimension torride d'une telle scène -interprétée dans son acception figurée par un esprit lubrique et pervers-, il fallait se méfier. D'autant que faire rôtir une masse comme la mi... bon, un corps "filiforme" comme le mien -mais néanmoins rempli de muscles durs comme l'acier !-, pour une arcaniste comme Khamaat, c'était aussi naturel et aisé mettre un pied devant l'autre.

On se méfie, donc, et on n'insiste pas !

En revanche la Nemès avec un tablier immaculé par-dessus son armure de cuir liquide... elle faisait rêver. Sorte de ménagère de moins de cinquante an qui aurait fusionnée avec une terreur du champ de bataille. Loin d'être grotesque, l'attirail la rendait touchante.
Enfin, autant qu'une guerrière chauve qui avait éradiqué un bon tiers de la population monstrueuse de Syfaria pouvait l'être.

Et la preuve que son instinct veillait au grain n'avait pas tardée : elle avait immédiatement reconnu l'arme que j'avais obtenue grâce à elle par le passé. ***

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Les fameux petits pains saucisses de ce bon Aliundil... Nemès avait eu l'occasion de s'en mettre un bon paquet dans la panse à l'occasion d'un banquet du nouvel an, le seul auquel elle ait participé d'ailleurs.
L'Aliundil en question n'avait pas fait mauvaise impression à la tydale, c'était un type intelligent avec qui elle avait joué le jeu du dialogue masqué : chacun parlait à mots couverts pour au final obtenir une discussion à plusieurs niveaux.
Dans d'autres circonstances elle en serait presque venue à l'apprécier, mais le Tableau ne les avait pas placé dans le même camp...
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Pendant que le serviteur de la Grise s'attelait à sa tâche culinaire, Nemès fit tourner sa gourde de jus de baies. Il y avait en tout une quinzaine de baies différentes dedans et elle avait été incapable de se rappeler de toutes, surtout avec les noms bizarres dont les nemens les affublaient, mais le résultat était là : c'était vachement bon!

Pendant que le petit groupe s'affairait, un jarilith et une aberration arachnide se rapprochèrent en venant de l'est.
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Sans plus attendre, la Danseuse effectua quelques moulinets de son épée, hachant proprement l'araignée géante, pendant que Khamaat balançait deux traits de magie noirâtre qui filèrent vers le jarilith pour le réduire en miette.
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S'était-il vraiment passé seulement trois mois sans que Nemès Danse? Il lui semblait que cela faisait une éternité qu'elle n'avait eu Nimisha en main. La bâtarde de Driandel irradiait sa soif de sang dans son bras, et la Fille du Déclin réalisa que si elle avait - comme elle en avait pris l'habitude dernièrement - porté son Visage de la Fureur et enlevé son Armille, elle aurait eu le plus grand mal du monde à maîtriser la folie que la lame tentait de diffuser en elle...
Le moyen le plus rapide d'apaiser la soif de Nimisha, c'était d'apaiser celle-là. Et ça tombait bien car tandis que Khamaat aidait Oda à prendre soin de son matériel (haaa... ces mâles...), un Akrotykar pestiféré eut la bonne idée de pointer le bout de son nez.
C''était dans ce genre de combat que la Danseuse remerciait le Tableau de lui avoir donné l'opportunité de devenir Exécutrice. En effet, la faculté de plier l'espace pour attaquer à distance devenait quasiment vitale quand on affrontait un ennemi qui dégageait une odeur aussi pestilentielle que celui-ci!!

Quelques minutes plus tard, alors que ce qui était il y a peu un Akrotykar pestiféré ressemblait à présent à un gros tas d'ordures ménagères tout ce qu'il y a de plus banal, Nemès retourna vers ses deux compagnons, un large sourire lui barrant le visage.
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*** Par deux fois la Danseuse nous avait, avec une fulgurance qui forçait le respect, damé le pion en pourfendant deux grosses immondices.
Bien que me sentant impuissant, je ne pouvais qu'admirer les prouesses de la Tydale, et surtout l'extrême efficacité de sa Danse d’Exécution.

Elle lacérait purement et simplement ses ennemis à distance, les entaillant de sa sanglante furie. Un beau spectacle, qui me rappelait les excellents souvenirs du Siège. ***

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Pas de bol pour Nemès, Nimisha s'était ébréchée à son premier impact sur le Megalithe... Ca devait être le froid sûrement, car le driandel était un métal souple d'habitude...

Oda ferrailla de son mieux, la créature minérale finit par tomber en miettes sous les assauts conjoints de Nemès et lui.
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L'ex-Faucheuse hocha la tête, amusée, avant de désigner un akrotykar pestiféré à quelques encablures de là. La Fille du Déclin était curieuse de voir si Oda montrerait le même entrain face à des créatures plus dangereuses et moins ragoutantes...
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Par contre, ces bestioles ayant parfois tendance à salement gicler, Nemès préféra coiffer son Visage de la Fureur, avant de se lancer dans le combat.
Et, effectivement après les premiers coups de lame, il devint soudain clair que le tablier de Nemès ne sortirait pas indemne de ce combat, aspergé par les fluides issus de la décomposition des composants amalgamés du monstre... ***

*** Dans la vie, il fallait parfois être prêt à se salir les mains, et attaquer un Akrotykar Abject au corps-à-corps, c'était faire preuve d'une volonté de fer.

Mais lorsque, comme dans mon cas, on avait un arc et des sorts, pourquoi prendre le risque d'aller imprégner ses vêtements de fluides qui allaient les souiller et perdurer tout au long de notre voyage ? ***

*** On prend un peu de distance, on prépare son Mana, et hop ! le combat peut commencer, sous les yeux ébahis des Mégalithes et autres Jytryans. ***

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Le combat avait continué, s’enchaînant avec fluidité d'un groupe de créatures à un autre, les trois voyageurs échangeant ça et là quelques paroles quand ils n'étaient pas occupés à esquiver les attaques de laune qui - il fallait bien l'avouer - était assez dense dans les parages.

Dans son casque, dont l'allure cauchemardesque renforcée par la petite fumée rouge qui s'en échappait donnait à Nemès un air à faire peur à un Rejeton, le rire de la Danseuse qui répondit à l'histoire du teinturier avait pris un accent métallique peu rassurant.
En réalité, elle exultait tout simplement! C'était la première fois depuis qu'elle avait quitté son poste de Faucheuse qu'elle se retrouvait sur un tel terrain de chasse et qu'elle pouvait se lâcher réellement sans avoir à surveiller ses troupes.

Bien que Khamaat, Oda et Nemès n'aient pas combattu ensemble depuis très longtemps, l'alchimie avait rapidement opéré et Nimisha avait aisément trouvé son rythme pour élever son chant en harmonie avec les sortilèges de la sorcière et les flèches fantômes du Muet qui fusaient autour d'elle.

Au milieu d'une mêlée face à divers Akrotykars et Megalithes, un Killiarth déboula soudain et manqua de renverser l'Arcaniste, soulevant au passage des mottes de terre humides dont l'une vint s'écraser sur la jambes de la sorcière...
Alors que la bête s'arrêtait puis se retournait pour tenter une nouvelle charge, Khamaat darda sur elle un regard furieux : aussitôt, le Killiarth sembla pétrifié, puis il s'effondra en convulsant et décéda en quelques instants, non sans émettre au passage un concert de borborygmes peu ragoûtants...
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*** Après plusieurs heures à pacifier la zone à un rythme infernal -pour nos pauvres victimes-, j'avais eu une lubie. Elle n'était certes pas venue d'elle-même, et mes blessures l'avaient aidée, mais je n'avais pas arrêté d'y penser ensuite.

Dépuceler mon fier "Buveur d'âme".

Et le moment était enfin venu : il se trouvait, à quelques pas de notre position, un troupeau d'Akrotykars et autres Jytryans ! ***

*** J'étais tout particulièrement certain que l'annonce plairait à la Khamaat, en amatrice de gros spectacles magiques qui tâchent qu'elle était.
Et puis au moins, ça me permettrait peut-être d’impressionner du même coup Nemès -au point, qui sait, qu'elle me récompense avec une de ses légendaires culottes, imaginez un peu !

Bref, après le réflexion vient le temps de l'ac... ***

*** Et sur le coup, c'était pas faux. Ce sort était surtout réputé pour les dégâts qu'il causait à la nature avoisinante, et honnêtement, la dernière chose que je souhaitais c'était d'avoir ma tête sur une pique d'écolo-intégriste.
Dur dilemme...

Pas tant que ça, en fait.

Consumant intégralement ma réserve d’énergie, j'incantais. Aussitôt, je me sentais investi d'une force nouvelle émanant d'un peu partout, sur plusieurs lieues.
Et les bêtes n'étaient pas en reste puisque, hormis un Jytryan qui parvint à résister à l'assaut, toutes venaient d'être touchées.

Pas de quoi faire pâlir de jalousie la Danseuse, en revanche, et je ne pouvais réprimer un sentiment de déception quant à la puissance du sort.
Au-delà de ça, la plaine avait quand même bien morflé ; ça compensait, supposais-je. ***

*** Après avoir admiré les funestes effets du sortilège lancé par le Muet, Nemès s'était élancée contre un premier akrotykar, laminant sans relâche la créature jusqu'à ce qu'elle s'effondre, brutalement achevée par Khamaat.
La Danseuse se lança alors à l'assaut de prochain akrotykar pestiféré, balançant le sort ultime d'Exécution. La bestiole encaissa plutôt bien le coup, mais quelques instants plus tard elle s'écroula elle aussi, victime elle aussi du regard-qui-tue de Khamaat.

Les trois voyageurs progressaient vite, et bien. ***

*** La leçon du jour était douloureuse : un seul Condomignon suffisait à nous tenir en respect.

J'avais eu la... chance d'ouvrir le bal, et à peine avais-je réussi à l'amocher, tandis que chacune de ses ripostes était un autre coup de marteau qui m'expédiait peu à peu six pieds sous terre.
Et il se remettait vite de ses blessures, pour couronner le tout. ***

*** Il restait encore l'Assassin chimérique de Khamaat à essayer avant de véritablement entrer dans un combat éprouvant, mais qu'il puisse fonctionner, ce serait bigrement trop beau. ***

*** Et finalement, il avait été occis. ***

*** Car elle avait en effet fait le gros du travail, tandis que nous, nous la soutenions.

Comme pour me consoler de la réponse qui ne pouvait qu'être négative, Nemès m'avait refilé une Plume de notre défunt adversaire.
Et moi, il n'en fallait pas plus me faire plaisir.

En revanche, comme l'autre Condomignon semblait avoir été alerté par la mort de son copain, nous n'allions pas avoir beaucoup de temps pour célébrer.
Et déjà, Nemès nous avait fait part d'un plan que les deux femmes semblaient connaitre.

En théorie, nous allions pouvoir festoyer sur sa carcasse dès ce soir.

Toutefois avant, la Khamaat elle avait sa lubie elle aussi : descendre la bête en un coup, avec un sort redoutable. ***

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L'Exécutrice lâcha un petit rire en entendant Oda demander des cours du soir en Exécution. La Danse des Lames était déjà difficile à maîtriser quand on commençait jeune, alors commencer à son âge en cours du soir...
Malgré l'épuisant combat qui venait d'avoir lieu, les trois voyageurs gardaient le sens de l'humour, c'était le principal.
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Pendant presque tout l'affrontement, Nemès était restée au corps à corps avec le gros volatile. Son armure montrait de multiples déchirures, Nimisha était ébréchée, et ses côtes lui faisaient un mal de chien là où le bec du Condomignon s'était profondément enfoncé. Seuls les puissants enchantements du cuir liquide fabriqué par Dwen avaient empêché la bestiole de l'étriper, mais la Danseuse devait tout de même avoir une poignée de côtes cassées qui transformaient chaque inspiration en un supplice. Sans le soutien d'Oda et de Khamaat qui l'avaient soigné en hâte au cours de l'affrontement, elle n'aurait peut-être pas tenu le coup... elle ne faisait donc pas la fière.
La Danseuse s'assit précautionneusement sur le sol enneigé et entreprit d'ôter le haut de son armure. Si la fierté n'était pas de mise, la pudeur non plus et puis de toute façon Oda devait bien se douter de ce qui se cachait en dessous de cette carapace de cuir sombre. A part une brassière, le torse sec et musculeux de la tydale était nu. Elle jeta un bref regard à l'équilibrien pour voir sa réaction quand il verrait les nombreuses cicatrices qui constellaient sa peau d'albâtre... Elle avait tenu sa première épée d'entrainement à l'âge de six ans, et traquait les rejetons depuis qu'elle était devenue liadha à 18 ans : même avec la magie qui faisait disparaître la plupart des blessures, on ne faisait pas 12 ans d'entrainement suivi de 12 autres années de sanglants combats sans récolter quelques souvenirs indélébiles. Elle avait beau prendre soin de son corps de son mieux, l'entretenant avec le même soin qu'elle aurait entretenu n'importe laquelle de ses armes, de fines arabesques dessinaient sur sa peau la carte des Danses qui avaient le plus marqué sa vie.
Pour cette fois, il avait qu'un large hématome vert-violacé qui courait le long de son flanc gauche. Elle tâta la blessure du bout du doigt comme on tâtait un fruit pour savoir s'il était mûr, estimant quelles côtes étaient fissurées ou brisées, avant de sortir sa trousse de secours pour faire le bandage adéquat.
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