Les Mémoires de Syfaria
La région d'Arameth

[Arameth] Les Pendules à l'Heure

Ouvert à tous, on reprend le RP youpi !
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Sujet lancé par Takeon Cumulos
Le 31-05-1511 à 02h10
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Posté par Takeon Cumulos,
Le 30-11-1511 à 13h54
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Takeon Cumulos

Le Matal 31 Manhur 1511 à 02h10

 
Citation :
Hier, à 23h42 : Vous préparez votre lit, la fenêtre de votre chambre est ouverte, lorsque tout à coup, vous entendez un fracas à l'extérieur. Un bruit sourd et sec vous extirpe de votre quotidien et vous ne pouvez vous empêcher de regarder par la fenêtre, tentant d'y trouver réponse. Seule une ombre vous réconforte à l'idée qu'un ivrogne de plus vient de percuter une charrette, vous refermez donc votre fenêtre, et rejoignez votre lit pour vous endormir paisiblement.


Le Cumulos regardait l'objet avec un certain intérêt, sur son visage paraissait d'étranges expressions d'étonnement et d'inquiétude. Il ne cessait de basculer la tête d'un bord à l'autre de ses épaules, tout en tournant la montre dans tous les sens. L'homme qui lui avait apporté cet objet ne savait que faire, et se portait droit comme si un balai avait été planté à la place de sa colonne vertébrale. Il ne nous viendrait pas à l'idée de savoir comment un balai - et d'ailleurs, pourquoi un balai ? - aurait put être introduit dans le corps de ce garde que le Cumulos leva déjà la tête en direction dudit personnage aux mœurs étranges relevant d'un fantasme atypique. Le Prévôt, sans même relever la moindre remarque à l'égard de l'attitude fort bizarre de sa recrue, déclara soudainement :

« - Où avez vous trouvé cela ?
- Cela appartenait à un cadavre d'un membre du Limonaire, retrouvé ce matin dans les Faubourgs. Répondit, flegmatique, le pauvre messager qui, sans s'en rendre compte, n'avait pas répondu à la question.
- Un cadavre du Limonaire vous dites ? De quel cadavre s'agit-il là ? Notez la particularité du Cumulos de considérer un cadavre non plus comme un individu poussiéreux, en soit, mais comme un élément matériel dénué d'essence appartenant déjà à l'enquête qui n'avait pas encore commencée, mais qui n'allait pas tarder à débuter.
- Et bien... Ne sachant que répondre, le Garde Pourpre déblatéra son blabla habituel... Nelda, d'un mètre soixante-dix, poils longs bruns et museaux effilé, du nom de Paos Natrayn, non-symbiosé. Monsieur.
- Et vous dites, si j'ai bien compris... Qu'il avait cette étrange montre avec lui ? »


Le regard du Cumulos retourna sur la montre ronde d'argent, qui s'ouvrait en deux par un mécanisme de bouton poussoir et possédait une chainette pour l'accrocher à une sangle que l'on retrouvait partout sur les vêtements aramethéens, pour des raisons pratiques. Les aramethéens aimaient avoir plusieurs outils à portée de main pour leurs affaires marchandes, et au fil des ages ils avaient développés des vêtements originaux et uniques leurs permettant de ranger, accrocher, et laisser pendre divers outils. Dont cette montre par exemple. Le cadran de fond était blanc marbré et divisé en trois parties. Les repères, indiquaient des chiffres Rabäan.

La montre indiquait donc 54 heures divisées en 3 grandes sections, l'une à 0 heure située sur le haut, l'autre à 18 heures et la dernière à 36 heures - toutes trois séparées par des angles de 120 degrés. Chacunes de ces fragmentations du temps étaient divisées par deux, si bien qu'il existait également une indication à 9 heures, 27 heures et 45 heures. Et entre chacune de toutes ces indications, deux points qui, après un calcul mental rapide de la part du Prévôt, lui indiquait que la distance séparant chaque point était égale à 3 heures. Une montre, donc, de dix-huit segments, chacun séparés par trois heures.


Citation :
Aujourd'hui, à 04h08 : Cette fois ci l'ivrogne a un peu abusé sur la bouteille. Même la fenêtre fermée, vous entendez le vacarme à trois rues en face. Vous vous levez avec lassitude et allez vous poster à votre fenêtre pour brailler en Rabäan à ce déchet sociétal de se la fermer et d'arrêter son boucan. Mais les bruits viennent de bien plus loin dans les rues et vous vous résigner à déranger plus que cela le voisinage. D'autant plus que le vacarme a cessé immédiatement après que votre nez ait frôlé le dehors. Indifférent, vous retournez vous coucher pour savourer votre sommeil.


« - Disons que... Nous l'avons reçu de sa part. Lui répondit le garde, peu sûr de lui.
- ... Gné ? Comment nous l'aurait-il envoyé s'il était mort ? Et pourquoi nous l'aurait-il envoyé ?
- Et bien, c'était dans un colis, à l'adresse du caravansérail, sans nom pour destinataire si ce n'est le sien. Et lorsque, bien plus tôt dans la journée, nous avions appris qu'il était mort, nous avons décidé de vous le remettre, ne sachant trop quoi faire. Nous avions voulu le mener à Edoar Edaregord, mais ce dernier était...
Le Cumulos ne laissa pas le temps au misérable morveux qui venait de prononcer un nom inécoutable de finir sa phrase et le coupa net, plongeant ses yeux globuleux dans l'âme du Milicien.
- A quelle heure avez vous trouvé le corps ?
- Lors de notre première garde de jour, aux alentours de 6 heures du matin.
- Et à quelle heure ce colis est arrivé ?
- Vers 9 heures dans la matinée, monsieur.
- Comment un cadavre a-t-il bien pu nous envoyer ce colis s'il était mort, je vous le redemande ! Intérieurement, le Cumulos se demanda si un cadavre pouvait-il être seulement vivant. D'ailleurs, il ignorera la réponse du Milicien car il se doutait de ce qu'il dirait. Mais ce dernier répondit tout de même.
- Je l'ignore monsieur... »


Et encore une fois le regard du Cumulos vint se perdre sur cette montre, étrange présent de la part d'un décédé. Un cadeau d'adieu pour la Confrérie ? 3 heures séparait la découverte de son cadavre et la réception de ce colis. Les messagers, porteurs de missives pour les castes de non-symbiosés, ne commençaient leur travail qu'en début de matinée, aux alentours de 8 heures. Si ce nelda était mort avant 6 heures du matin, il lui aurait été impossible de délivré le colis, à moins qu'il ne l'ai fait la veille à la fermeture, ou qu'une autre personne, un proche peut-être, ne l'ai fait à sa place. L'affaire s'annonçait déjà barbante à souhait et il s'imaginait déjà devoir interroger toute la ville pour élucider ce mystère. C'était chiant, accablant, dérisoire... Une bonne affaire pour son collège l'Edaregord, en d'autres termes.

En regardant la montre, il se pencha sur l'intervalle de 6 heures à 9 heures, trois heures séparaient ces deux repères et il se demanda combien de minutes cela représentait. Soixante ? Sur une telle horloge, certainement pas. Mais ses facultés intellectuelles n'étaient pas si poussées. Il se résigna à se lever et congédia la recrue qui, après un salut distinctif, se retira au pas. Debout, seul, il regarda sa propre montre, qui indiquait déjà 3 heures et 30 minutes, mais représentait en réalité 15 heures 30 de l'après-midi. Sa tête tourna, il avait trop réfléchi. Voilà une énigme pour le vieux fou d'Edaregord, qui allait certainement s'amuser. Il emboîta donc le pas de son sous-fifre et se dirigea vers le bureau d'Edoar, l'Oeil du Poinçon. En chemin, il pensa que dans une demi-heure, ce serait l'heure du goûter. Goûter qu'il n'aura certainement pas si ce bougre de Nelda ne resolvait pas l'énigme de cette enquête.


Citation :
Aujourd'hui, à 15h16 : En vous promenant dans les Faubourgs, vous apercevez un amoncellement de Gardes Pourpres et de Miliciens. Ils forment une barrière de sécurité autour de ce qui semble être une scène de crime. Tout de suite, des souvenirs de votre nuit vous viennent en tête, et vous apercevez entre deux cotes de mailles un nelda gisant à terre, dans une marre de sang. Vos souvenirs de la veille refont surface, il vous semblait effectivement avoir vu une ombre de nelda dans l'obscurité de la nuit dernière. Le Poinçon ne tardera pas à venir vous interroger, mieux vaut pour vous de vous y rendre avant que lui même ne se rende chez vous.


***
Toc ! Toc ! Toc !
« Edoar je sais que vous êtes dans ce labureautoire !
Ouvrez je vous prie !
»
***



Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Merakih 1 Jayar 1511 à 09h43

 
Nay avait reçu une pensée sur un fil privé du Poinçon lui ordonnant de rejoindre le Prévôt Cumulos devant le bureau de l'Œil Edaregord.

Une enquête sur un meurtre était ce qu'il espérait le plus comme mission, juste après la lutte contre un complot menaçant l'avenir de la Confrérie mais bien avant la surveillance des travaux de reconstruction d'Arameth...
Si seulement il n'avait pas cette autre enquête sur les bras ! Il ne pouvait pas vraiment la négliger car si le meurtre était plus grave, sa victime ne risquait pas de mourir deux fois. Tandis que le vol que son collègue Kadj et lui tentaient d'empêcher pouvait bien se produire si leur surveillance se relâchait. Il allait peut-être devoir déléguer...
Au moins c'était dans le même quartier, décidément ces Faubourgs étaient en train de voler leur réputation aux Bas-Fonds d'Arameth...

Une dernière marche et... Quelle surprise, son supérieur direct était juste devant lui. Il aurait pensé le trouver en discussion avec l'Œil mais visiblement il s'apprêtait à entrer dans son bureau. Nay s'approcha de lui de sa démarche feutrée et lâcha laconiquement au Prévôt qui ne l'avait pas remarqué:


Me voici.

 
Agliacci

Le Merakih 1 Jayar 1511 à 14h45

 
Contrairement à Nay Saniden, Agliacci LeFol n’avait pas pour plus grande ambition de faire partie d’une enquête, de près ou de loin, à moins que celle-ci impliquât de côtoyer de grands poinçonneux musculeux ou de sombres criminels à l’intelligence obscurément aphrodisiaque. Même dans ces conditions esthétiquement agréables, la tydale doutait d’apprécier de passer sa vie à témoigner ou de courir d’un bout à l’autre de la cité pour sauver sa peau ou celles des autres. Si le souffle magistral du Devoir Très Important A Accomplir était mystérieusement passé dans les sinus de certains symbiosés, ce dernier s’était fait soufflé dans les bronches par la charmante demoiselle. Le seul rapport qu’elle avait accepté d’entretenir avec le Poinçon avait plus ou moins disparu, et elle ne voyait plus aucune justification à côtoyer des poussiéreux qui semblaient avoir été crées tout exprès pour lui mettre des bâtons dans les roues :

« Tiens tiens tiens, mademoiselle Julie, vous faites encore dans le bonneteau à ce que je vois ?... » (25 sardoines de pot-de-vin pour être tranquille.)

« Bon allez les clowns, ça suffit, dégagez le passage. » (Lors d’une manifestation pour la baisse de la précarité sociale des artistes luthiers et un meilleur accueil des étrangers devant la pyramide du Terreau.)

« Ebriété sur la voie publique, ça va chercher dans quoi, à ton avis Gérald ? Ouais, c’est bien ce que je pensais. Enfin bon, y a toujours moyen de s’arranger… » (Après une série d’insultes bien sentie et une petite bagarre, l’affaire avait dérapé.)

« Attrapez-la voleuse ! Elle s’enfuit ! » (Lorsqu’elle fait ses courses sur le marché.)

« On va prendre un verre de vin. Oh et puis en fait non on va plutôt prendre une bière. Oh et puis en fait non… » (Lorsque les gars venaient prendre un verre aux Chats, taverne où elle travaillait comme serveuse.)

« Cette charrette n’est pas dans le bon périmètre de stationnement, mademoiselle, je suis désolé mais il va falloir vous mettre une amende… bon, qu’est-ce que vous avez à l’intérieur de votre charrette ? » (Une sombre histoire de livraison de décors théâtraux dans laquelle elle s’était retrouvée.)

Autant dire que se retrouver mêlée à une obscure scène de crime ne l’intéressait pas le moins du monde. Quelque chose pourtant lui soufflait que ce n’était pas mal de mettre les criminels au fer et de défendre la bonne cause, mais quelque chose d’autre lui soufflait que c’était quand même une bonne blague et qu’un bon nombre d’agents d’Arameth avaient pour plus grande ambition de se griller une clope en soutirant des pots-de-vin, et cette autre chose s’appelait la voix de l’expérience. De toute façon avec le Poinçon, c’était clair : on se retrouvait toujours du mauvais côté de la matraque par définition même. Bref, lorsque ses pas la menèrent aux Faubourgs, et précisément devant l’attroupement de Gardes, l’actrice prit tout son temps pour se composer un air impavide.

Certes, Agliacci n’avait pas le sens du Devoir. Mais elle disposait de deux faiblesses : l’infâme Compassion et la terrible Curiosité.

C’est grosso modo au même moment que s’éleva dans son esprit attentif la voix nasillarde du Cumulos, tantôt pissant, tantôt demandant à recueillir tout témoignage. Le mélange hybride des deux aurait certainement perturbé un esprit normal mais la tydale avait déjà dépassé ce stade.

A tous les coups, ça voulait dire qu’on allait interroger les voisins, retracer la soirée du passant et de fil en aiguille, on risquait de se rendre compte qu’une certaine Agliacci était dans le coin en train de faire du bonneteau pour se remplir les poches la nuit du meurtre, du moins si le nelda qu’elle avait entraperçu était bien le même que la silhouette qu’elle croyait avoir repéré la veille. En somme, elle allait encore s’attirer des ennuis en 'n'ayant strictement rien fait de mal monsieur l'agent' ; il lui semblait qu’elle avait été élue Epicentre des Catastrophes 1511 tant ces dernières se succédaient rapidement dans son environnement.

La tydale prit vite sa décision. Bien qu’elle n’avait pas spécialement envie de se retrouver au caravansérail, si elle y allait de son propre acabit et rapidement, l’affaire serait vite réglée. Il ne s’agissait que d’un témoignage infime : si ce n’étaient pour quelques horaires, elle n’allait pas apprendre grand-chose aux gardes, et elle serait vite à nouveau tranquille.
Une heure plus tard, Agliacci, joliment vêtue d’un chemisier tâché de peinture et d’un pantalon à bretelles usé, des cernes sous les yeux vairons, posait ses adorables coudes bronzés sur le bureau qui la séparait d’un des multiples secrétaires-zombies qui semblaient hanter le Caravansérail jour et nuit. Pire que les administrateurs du Terreau, ces derniers ne semblaient survivre que de café vite avalé et elle aurait juré qu’ils finissaient tous invariablement par devenir de maigres individus nerveux et tremblants capables de tuer pour obtenir leur dose de caféine.

Elle-même n’aurait pas craché contre une tasse du noir breuvage mais elle devait pour le moment accumuler toute sa patience au bord de ses lèvres pour éviter d’admonester trop violemment le jeune débutant à l’air lunaire qui bredouillait des indications sommaires. Si un fait était bien connu dans l'Univers, c'est qu'il n'y a rien de plus pénible qu'un fonctionnaire débutant à cheval sur les procédures administratives qui n'a pas encore bu sa tasse de café numéro quatre.

Se penchant un peu plus vers lui, elle répéta :


Je cherche le Cumulos, ou quiconque prenant les témoignages. Vous savez. Le Prévôt. Il a lancé un appel à témoin sur une affaire qu’il a appelé…

Quelques instants de trouble mental pour fouiller le consensus…

… « Paos Natrayn »…et je crois avoir bien vu quelque chose dans la nuit du 30 matal…


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Takeon Cumulos

Le Julung 2 Jayar 1511 à 01h02

 
L'Edaregord n'avait pas répondu, tant pis. Il s'était pourtant penché sur la porte en portant un verre du côté socle sur son oreille et en posant le bord du récipient face à la porte en guise d'amplificateur phonique. Il avait également essayé de faire usage de son verre comme une clef, tentant de faire levier sur la bobinette et essayant de faire sauter la serrure. Rien à y faire, la porte ne s'ouvrait pas, et personne n'était derrière. L'Oeil devait certainement être parti pour une quête encore inconnue. Il se contenta donc de regarder le sol, d'un air complètement agar et désemparé. Puis, comme s'il avait eut une révélation, il tenta de percer le secret de son verre, scrutant de ses yeux globuleux le fond du réceptacle qu'il avait trouvé - où l'avait-il trouvé déjà ?

Dans le fond du verre, un visage. Qu'est ce que ! Ce n'est que lorsque Nay Saniden parla qu'il sursauta. Le visage dans le verre parlait-il donc ? Ah ! Non, c'était son subordonné qui avait répondu à son appel. Il posa le verre sur une table basse qui trainait dans les parages (certainement la table sur laquelle il avait récupéré ce verre), et tourna les talons vers son coéquipier du Poinçon. Enfin un symbiosé dans les locaux ! Il se dépoussiéra son veston d'aristocrate et, mimant l'innocence même de la personne qui n'était pas en train d'espionner l'un de ses collègues, ajouta à son visage un air ingrat de supériorité narcissique. Voilà qu'il était de nouveau lui, et non pas ce spectacle étrange auquel Nay Saniden avait put assister.

Ce dernier l'avait-il vu en train de fureter devant la porte de l'Oeil ? Espérons que non, et si tel était le cas espérons qu'il n'en dirait rien. Il inspira une bonne bouffée d'air avant d'opiner du chef.


« Bien ! Je vous attendais ! En fait non, il avait déjà oublié pourquoi il lui avait demandé de venir. En fait, cette situation de supérieur lui avait apportée des lubies, dont celle qu'il avait usée actuellement en faisant venir pour absolument aucune raison apparente le pauvre Bailli. Ah et... Suivez moi, allons dans mon bureau. Après tout, il fallait bien s'occuper. »


Ils entrèrent donc dans le bureau du Prévôt, qui était apparemment le seul à travailler actuellement, du moins, à faire semblant de travailler. Juste en face, celui de Jhereg, dont la porte commençait à prendre la poussière (et pour que la poussière s'accumule à la verticale à ce point, il en fallait de l'inaction) était fermé. Il y avait bien le Prévôt Tarador, mais ce dernier était trop occupé par son métier de Prévôt. Et parfois, le Cumulos s'amusait à lui proposer de lui remplir des dossiers administratifs en guise d'aide de Confrère à Confrère, pour aller les perdre délibérément dans les geôles et les y brûler en guise de torche. Il l'avait fait une fois... Pas deux.

Le Cumulos et Saniden s'assirent l'un en face de l'autre, si le siège du Prévôt était le seul de son côté, celui du Bailli avait un voisin vide. C'était au cas où le Cumulos eut besoin d'interroger deux personnes, généralement deux adversaires, deux couples, deux associés. Mais la plupart du temps, c'étaient deux bottes qu'il y posait. D'où l'odeur de sueur chaude fermentée dans une cage à fromage que certains voleurs, malins de la pègres ou autres troubles-faits devaient supporter durant un interrogatoire. Mais aujourd'hui, le siège était vide, et l'odeur avait été remplacée par celle des parchemins vieux et de la poussière.


« Bien. Tout d'abord il faut que je vous dise une chose euh... Heureusement que son Mou était là pour lui donner son nom sinon il se serait retrouvé dans l’embarras, Bailli Nay Saniden. Il fut un temps où le Poinçon était dirigé par de redoutables symboles. Je ne connais rien de vos origines et je refuse à mon Mou de me les donner. Mais d'où que vous soyez, vous devez vous mettre en tête qu'avec moi les choses tournent à la vieille école. Donc vos... dossiers administratifs, diront nous, attendront. Je ne vous demanderais pas de me faire un rapport écrit de tout ce qu'il s'est passé au sujet des Faubourgs.

Ce que je veux, sont vos intuitions, vos sentiments, vos impressions. Si vous avez tabassé un mendiant, ne me le dites pas. Si en le frappant le bougre vous a donné des informations, transmettez les moi. L'affaire du meurtre de Natrayn ne me semble pas aussi banale qu'elle n'y paraît. D'abord, il y a le personnage en lui même. Non symbiosé, cependant membre apparent du Limonaire, et j'ai le sentiment qu'il ne travaillait pas sur quelque chose d'anodin.
Tout en parlant, il rédigeait une lettre avec une étrange délicatesse qui ne collait pas au personnage. Deux troubles, l'un causé par une bande de malfrats, l'autre par un meurtre. Deux éléments distants mais rejoint par leurs lieux.

Connaissez vous le Nelda Kevac Zades ? Un Enquêteur du Poinçon. Il me semble que ses compétences font plus que bonne réputation pour lui. Vous travaillerez avec Zades durant cette affaire. Bien évidemment, doutez vous bien que si je vous met avec lui, ce sera pour que vous me communiquiez en direct vos agissements - lui n'a pas accès à la symbiose. Loin d'être un pion, je compte bien tester votre façon d'opérer.
Il ne fit aucunement mention de Kadj, mais au fond de lui, il se disait qu'il se tournerait bien un jour vers ce dernier pour le connaître également. Tenez ! Il tendit une lettre. Donnez lui cela de ma part, c'est un ordre lui demandant de se remettre en fonction et d'enquêter sur cette affaire avec vous comme coéquipier. Pendant ce temps je m'occuperais de récupérer des témoignages...

Des questions ?
Pfiou quel discours, faites que le Bailli ne posa pas de question... »


A l'étage inférieur, tandis qu'un Milicien chargé de documents passait dans le hall où attendait Agliacci - documents qui étaient en réalité un message sur lequel étaient inscrites les demandes de témoignages des habitants de la Perle sur l'affaire, avec l'histoire d'urine en moins et le cachet officiel en plus - le fonctionnaire tapotait du doigt. Et fit comprendre à cette pauvre Agliacci qu'il lui faudrait attendre que le Cumulos se libère. A l'instant où l'agent administratif tendait le bras pour enjoindre le témoin à s'installer sur un siège, un Tydale entrait. Il n'était vraisemblablement pas du Poinçon, ne semblait pas armé au premier coup d’œil, mais paraissait nerveux. Il alla s'asseoir sans qu'on lui demanda quoi que ce soit, et attendit, tendu, tel un... balai que l'on aurait posé là par inadvertance.


Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Julung 2 Jayar 1511 à 08h35

 
Nay voyait d'un très bon œil de travailler en équipe avec quelqu'un d'expérimenté. Cela lui permettrait d'apprendre le métier auquel il fallait bien le dire, il ne connaissait rien. Il n'avait encore jamais eu à effectuer d'enquête sérieuse et ignorait comment on s'y prenait pour trouver qui avait commis un crime. Mais il imaginait déjà qu'il leur faudrait plonger le nez dans les occupations de la victime, ses relations, l'Horloge à laquelle il appartenait, bref tout ce qui pouvait faire frétiller sa curiosité innée.

Aucune question, tout m'a l'air clair. Je m'en vais voir Zades de ce pas et je vous tiendrai informé des développements de l'enquête.

*** Nay se lève, s'apprêtant à quitter le bureau de son supérieur. ***


 
Takeon Cumulos

Le Julung 2 Jayar 1511 à 15h20

 
Le Tydale qui était entré dans le Hall du Caravansérail était de taille moyenne, il portait une longue bure brune comme avaient l'habitude de porter les marchands des bas-fonds. Ses yeux d'un bleu ciel étincelant vinrent percuter le regard d'Agliacci en une fraction de seconde avant de se perdre dans une profonde réflexion. Il était assit et tenait ses mains soigneusement dans le fond de ses poches. Lorsque des bruits de pas se faisaient entendre, il redressait sa tête chevelue en leurs direction, comme s'il attendait quelqu'un. Personne ne faisait réellement attention à ce dernier...

Abeawyr Giwin, Milicien du poinçon, entra alors dans le Hall. Il était le suivant du Cumulos, celui qui, petit à petit, avait épousé ce dogme assez étrange d'une répression sévère et avait connu également quelques jours de gloire lors de la période où le Fou du Poinçon avait été Juge. Il resserra la ceinture de son bustier et vérifia que son épée était bien tenue dans le fourreau. D'un pas assuré, il s'avança en direction de la jeune artiste et lui tira une révérence qui n'avait rien d'absurde, au contraire. Lui également avait des yeux bleus et les plongea dans ceux d'Agliacci. Tiens, elle lui disait quelque chose. Peut être l'avait-il déjà vu en ville ?


« On raconte que des personnes souhaiteraient témoigner. Il s'agit de vous je présume. Désirez vous que je vous accompagne jusqu'au bureau du Prévôt Cumulos ? »


A l'écoute de ce nom, l'homme assit dans le fond sursauta et se redressa sur sa place. Désormais, il fixait la scène avec impatience, sa nervosité s'amplifiait.


Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Vayang 3 Jayar 1511 à 06h36

 
Nay grimpa à l'étage, c'était là que se trouvait la plupart des bureaux des enquêteurs et notamment celui de Kevac Zades. En passant dans le Hall pour prendre l'escalier, il crut reconnaître la belle tydale à qui parlait un milicien qu'il avait déjà croisé. Son mou la distinguait des autres personnes présentes à cette heure tardive. Une symbiosée, il savait très probablement qui elle était, elle... Oui, Aggliaci du Luth. Une artiste à la réputation déjantée. Il se demanda ce qui pouvait l'amener au Caravansérail à une pareille heure car s'il ne la connaissait pas plus que cela, il aurait mis sa main à couper qu'elle n'avait aucune attirance pour l'endroit. Il l'apprendrait plus tard, pour l'heure il avait à faire.

*** Les enquêteurs ont rarement un bureau pour eux tout seul et passent de fait autant de temps à parler de leurs affaires dans le couloir qu'à faire la même chose assis à une table. Nay aperçoit un nelda appuyé contre le mur du fond, en pleine discussion avec un membre du Poinçon. Lui-même ne porte aucun signe distinctif qui le rattache à l'Horloge mais les chances qu'il y soit totalement étranger s'amenuisent à mesure que le bailli détaille sa façon de se tenir et son attitude. Arrivé à leur hauteur, il tend au nelda la lettre en disant simplement: ***


Voici un ordre du Prévôt Cumulos. Il semble que nous devions faire équipe.

 
Edoar Edaregord

Le Vayang 3 Jayar 1511 à 11h44

 
Effectivement personne ne répond au bureau de l’œil...

Vide, nada, repassez plus tard !

Et pour cause, Edoar est actuellement en train de farfouiller dans les bas fonds, tentant de rebondir après la réception du dernier courrier de Khellus et autant dire que l’affaire est très très mal engagée.

Cela n’empêche évidemment pas Takeon de lui vriller le cerveau avec une pensée dont il a le secret. S’il avait su qu’il s’agissait d’un membre du Limonaire, d’un de ses anciens collègues, à défaut d’être l’un de ses amis proches, l’œil aurait surement fait route vers le caravansérail toute affaire cessante.

Mais une fois n’est pas coutume la communication entre l’ancien chambellan et l’ancien juge fut exemplaire. Le premier gueula de façon hystérique un truc que le second n’écouta pas vraiment parce que cela venait du premier...

Bref Au poinçon si vous voulez que votre affaire soit bien traitée, évitez d’y faire collaborer Edoar et Takeon…

Enfin nul doute, que tôt ou tard, l’œil prendra connaissance de ce nouveau dossier. Il n’en est pas encore conscient à l’instant où ce déroule ce petit intermède mais son inconscient apporte tout son soutien aux malheureux qui se retrouvent embringués dans cette curieuse histoire et dont on peut espérer que la perspicacité lui évitera de se péter un neurone au moment où il pointera le bout de son museau.



~Edoar Edaregord œil du poinçon~
Frère de la superbe nelda célibataire qui a gagné le concours de poésie d'Arameth


 
Agliacci

Le Sukra 4 Jayar 1511 à 00h03

 
Voyons voir…
Un curieux tydale et une tydale curieuse se rencontrent. Le curieux tydale est très très curieux, la tydale curieuse très très curieuse. Que se passe-t-il ?
Simple : ils se regardent.
Un peu bêtement, il est vrai.
Un peu en biais et en douce aussi, certes.

Mais vous, si vous croisiez un type bizarre au poste de justice du coin, les mains perdues dans des poches trop grandes, et du genre très nerveux, vous iriez lui faire aimablement remarquer qu’il a un bouton d’acné sous la narine gauche ? Non. Comme Agliacci actuellement, vous commencerez à vous demander quels genres d’armes un individu moyen peut planquer dans son manteau, en quelle quantité, et à en faire la comparaison avec votre propre inventaire. Juste pour information, comme ça, pour passer le temps. (La réponse à la question du nombre d’armes étant : « autant qu’il faut de tchaës pour allumer une bougie. »Pour ceux qui ne connaîtraient pas la réponse à cette difficile énigme, disons simplement que cela fait un nombre assez conséquent. )

Bref, lorsqu’Abeawyr Giwin – dont la symbiosée ignore alors le nom – se présente à elle, Agliacci ne lui accorde qu’une attention partagée. Déjà, parce qu’elle se méfie des poinçonneux. Ensuite, parce qu’elle se méfie des poinçonneux. Et enfin, parce qu’elle se méfie en particulier des poinçonneux au pas assuré : ceux-là sont les pires.

Si l’actrice lui rend certes son regard, c’est de manière un brin morose et niaise. La tydale avait entendu lire qu’avoir l’air un peu bête était une manière très efficace d’être tranquille très vite, aussi avait-elle assidûment mis la rumeur en pratique ces dernières semaines face à toutes personnes lui posant des questions extérieures à sa passion pour l’Art. Le milicien fût-il d’une autre Horloge, sans doute aurait-elle rendu la révérence, et avec aisance, encore. Mais là, l’adorable créature agliaccienne a un petit air mal fagotée qui n’est pas pour lui déplaire.


Oui, c’est bien moi.

Bon, d’accord, c’est bien elle, elle dit la pure vérité, aucun moyen de remonter jusqu’à Jocelyn et sa bande de receleurs avec une affirmation pareille. C’est bon, phrase suivante, aie l’air naturel ma grande…

J’apprécierai votre aide, mentit-elle ensuite (parce que le mensonge passe toujours très bien après la vérité, point commun qu’il partage avec l’eau-de-vie à 65°.) Je vous suis. Et ça, c'est de la véracité à peu près sûre et vérifiée. Bon, d'accord, Agliacci n'a qu'une envie : prétexter de sa présence au Caravansérail pour en espionner les lieux les plus reculés et inaccessibles, et certes, une curiosité malsaine la pousserait à aller faire un tour du côté des geôles bien gardées si on la laissait faire. Mais échapper à la vigilance d'une armée de poinçonneux risque de s'avérer difficile, quoi qu'elle a sa petite idée sur le moyen de s'en défaire.

Elle remarque rapidement la nervosité croissante du curieux tydale observé plus tôt. Que lui arrivait-il ? Son imagination de dramaturge ne fait qu’un tour sous son crâne, mais la tydale la musèle. Pas le temps de se laisser aller à des conjectures au sujet de la moindre bizarrerie qu’elle croisait. Pas alors qu’elle allait se rendre au bureau du « Prêvot Cumulos », la fleur aux dents, quasiment bras sous bras avec un de ces casqués de la honte. Elle observe, par contre, pas trop gênée à l’idée de dévisager qui que ce soit.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Takeon Cumulos

Le Sukra 4 Jayar 1511 à 17h42

 
Kevac Zades sortit alors de sa poche un étui à lunette duquel il tira une paire de monocles fixés l'un à l'autre par une barrette de fer d'un noir obscure. Étant donné la morphologie des Neldas, il n'avait nul besoin de branches pour faire tenir la binocle sur son museau en l’accrochant à ses oreilles. D'un air complètement décalé il lu la lettre en diagonale et la fourra dans son veston. Ensuite, il salua d'un hochement de tête la personne avec qui il était en conversation et se tourna vers le Bailli Nay Saniden, sans même le dévisager - il le connaissait déjà.

« C'est l'affaire du Nelda déchiqueté hein ? Je me doutais que j'allais finir sur cette affaire. C'était inévitable. Je suppose qu'il vous a envoyé pour rester en contact avec notre groupe et tester vos aptitudes ? »

Tout en parlant il entama une petite démarche nonchalante vers la sortie du caravansérail. S'ils devaient enquêter sur un meurtre, il n'avait pas besoin de préciser qu'ils se dirigeaient sur les lieux du crime. Ce que sous-entendait l'Enquêteur, c'était de connaître l'avis de son coéquipier. Ou alors, il n'avait aucunement envie de travailler à l'heure actuelle et laissait son collègue faire tout le travail à sa place... En arrivant dans le hall, un Tydale étranger s'asseyait en toutes hâtes.

*** ***


Giwin accompagna la charmante jeune femme et ces derniers ne croisèrent pas la route de Kevac Zades ainsi que Nay Saniden, ni même ne les virent. Juste avant de partir, ils virent l'étrange Tydale se lever. Ils déambulèrent pendant exactement deux minutes dans les couloirs, si bien qu'il était possible de se demander si le Milicien n'était pas en train de tourner en rond. A gauche après la prochaine, à droite après la suivante, puis à droite de nouveau. Pourtant, Agliacci passait toujours en second, comme si le Milicien faisait bien attention à ne pas passer pour un profiteur, si ce n'est un opportun. Arrivée devant la salle, il tendit la main vers la poignée de la porte et déclara avec un sourire charmeur :

« Nous y voici... Ah oui ! j'oubliais, je suis le Sieur Abeawyr Giwin, à votre service. Si vous avez besoin de quoi que ce soit ma Dame, demandez, et vous serez servie. »

Il s'inclina de nouveau et, toujours en plongeant ses yeux rêveurs dans ceux d'Agliacci, il frappa la porte de trois coups secs mais d'une souplesse incroyable. Son visage s'emplit d'une gaité sans égale et il tourna les talons avant de disparaître derrière un pan de mur, tel un oiseau royal dont on n'apercevrait que l'ombre passer furtivement sur le sol, il avait disparut. Il n'y avait personne d'autre dans le couloir avec Agliacci, le silence était glacial, et l'étrange odeur qui se dégageait des lieux était non sans rappeler une certaine odeur de bibliothèque et de poussière de livres. Un parfum mystique, surnaturel...

*** ***


Et puis...

« Oui ?! Quoi ?! Qu'est ce qu'il y a ?! C'est qui ça encore ?! Entrez va ! Ne restez pas planté dehors ! Rhooo ! »

Bien... Le Prévôt n'avait plus besoin d'être présenté.


Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Sukra 4 Jayar 1511 à 19h34

 
*** Nay se tourne vers Zades et lui répond d'un air intrigué: ***


Vous supposez juste, il veut voir ce que je vaux comme enquêteur. C'est ma première sur un crime en fait. Sinon pourquoi pensiez-vous qu'on vous affecterait à cette enquête ? Parce que cette histoire m'a l'air assez mystérieuse. Ce nelda n'avait aucune raison de venir dans les Faubourgs où je suis bien placé pour savoir qu'il n'y a rien que des ruines et quelques miséreux actuellement. Soit il devait rencontrer un étranger qui ne pouvait pas aller plus loin, soit il voulait faire quelque chose à l'écart des regards. Si on ajoute que c'est un membre du Limonaire et que le Prévôt pense qu'il travaillait sur quelque chose d'inhabituel...

 
Agliacci

Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 11h03

 
Un hochement de tête timoré accueille les derniers propos de Giwin.
D’accord. (Mais oui, c'est ça, cause toujours...comme si tu m'étais d'une aide précieuse...me fait tourner en rond dans le bâtiment...)

Elle attend que le milicien soit parti avant de s’étendre, dos à la porte, poussant un long soupir, comme si on venait juste de lui arracher le cœur. Elle avait pratiqué ce soupir pendant assez longtemps pour savoir quelle impression il donnait : en général, c’était le soupir de Junie, ou bien encore d’Hermione.

Les yeux perdus dans le vague, la Luthière attend l’exclamation du Cumulos. Un maigre sourire ironique répond aux cris d’effraie de ce dernier : que de points d’exclamation dans ces intonations ! Que d’autres, encore, ronds et boudinés : des interrogatifs, ceux-là, du genre à vriller dans les aigus si on n’y prend pas garde – c’est bien connu, tout point d’interrogation est un traître en puissance, un voyou de la connaissance en cavale. Tout ce qu’on peut deviner dans la ponctuation surprise et spontanée, tout ce qu’on peut y lire...

Agliacci attend quelques secondes de plus avant de faire coulisser la porte, aussi silencieusement que l’état de celle-ci le lui permet. Elle coulisse à l’intérieur un peu béatement, fouillant l’intérieur des yeux.


Agliacci LeFol. Symbiosée. Sexe : Féminin ; Age : quelques 22 années, selon mon oncle qui n’a pas très bonne mémoire ; Taille : 1m69 – non, pardon, 68… ; Poids : 54 ; Yeux : bleu et vert ; Cheveux : longs, bouclés, châtain ; Signes distinctifs : yeux vairons. Métier : artiste, Horloge : Luth. Appartenance à la Confrérie : 1 an et 9 mois, dont deux comme non-symbiosée. Pas d’antécédents particuliers. Vient pour déposer un témoignage concernant l’affaire Paos Natrayn.

L’air parfaitement sérieuse, elle rajoute, de la même manière qu’un jeune enfant studieux s’applique à écrire les lettres räbaan, se passant néanmoins de la langue méthodiquement tirée en-dehors de la sacro-sainte cavité bucale :

Bonjour. Monsieur le Prevôt.

Et de placer ses mains dans son dos comme une enfant sage.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Takeon Cumulos

Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 16h19

 
Zades et Nay quittaient les locaux du caravansérail et la gigantesque porte de bois massif décorée d'immenses ornements métallique se referma derrière eux dans un fracas sourd. Le sable s'envola alors brièvement et retomba sur les pas des deux Enquêteurs. Il leur faudrait quelques minutes avant de rejoindre la scène du crime et découvrir le cadavre. La soirée allait bientôt commencer et il valait mieux pour eux terminer d'analyser le corps avant que les mouches ne commencent à y installer leurs nids. Le corps avait été retrouvé dans la matinée, et c'était seulement maintenant, aux alentours du début de soirée, que l'on envoyait des enquêteurs. le Poinçon était vraisemblablement une Horloge qui avait quelques heures de retard comparée aux autres...

Les deux Confrères déambulaient dans les rues agités de la Perle et les ressentis de la dernière Guerre commençaient à disparaître. Seuls restaient quelques vétérans qui mendiaient ça et là pour un bol de soupe ou encore quelques fissures sur certains bâtiments de la ville qui n'avaient pu être épargnés par le massacre. Mais la vie reprenait son travail et les marchands gueulaient sur les places publiques, les commerçants buvaient leurs thés sur les terrasses tapissées de soies rouges et blanches, les femmes emportaient le linge dans les fontaines publiques... Kevac Zades, les mains dans le dos, baissait la tête d'un air songeur lorsque son collègue prenait la parole. Il lui laissa le temps de finir son raisonnement avant de reprendre d'un ton tout à fait professionnel, mais ne cachant pas un certain enthousiasme imperturbable.


« Ne vous détrompez pas, je suis sur cette enquête pour les mêmes raisons que vous. Même si vous tester reste l'un de ses objectifs, le Cumulos ainsi que toute notre Horloge se doit de trouver le coupable. Sans quoi nous nous tournerions les pouces et annoncerions la mort d'un Confrère à la famille du décédé, et attendrions de prendre le coupable la main dans le sac, lors d'un second meurtre. Ils arrivèrent près de la Fontaine. Kevac profita de cet instant pour ralentir le pas et expliquer à son collègue, comme s'il était un novice, la façon de procéder.

Dans une affaire de meurtre, il y a trois choses que nous devons prendre en compte. La première est le Mobile. Nous devons savoir pour quelle raison quelqu'un a eut la nécessité d'assassiner cette personne. la seconde, le Moment, ou l'occasion de l'avoir tué si vous préférez - d'où l'intérêt de chacun des suspect d'avoir un alibi. Et enfin, la troisième, les Moyens, qui nous permettront de trouver l'arme de crime, et de pister son propriétaire. Avec cette loi des trois "M", n'importe quel mystère peut être résolu.

Ce pourquoi nous n'obtiendront rien de savoir pourquoi cette personne était dans les Faubourgs. Du moins, pour l'instant. Nous allons donc voir s'il existe une arme du crime. Le Moyen duquel s'est servi l'assassin pour mettre à terme la vie de Paos. C'est notre seule piste concrète actuellement. Et... Au fait ! Vous disiez être bien placé pour savoir que les Faubourgs ne sont constitués que de ruines et de malfamés. En êtes vous certain ?
»

Il ne leur restait que quelques minutes avant les Faubourgs, et déjà ils voyaient devant eux à quelques dizaines de mètre les imposantes portes de la cité qui laissaient entrer marchands et explorateurs, filtrés par une Milice plus qu'omniprésente qui semblait s'amuser à soutirer de certains voyageurs quelques Sardoines de plus pour leurs fins de mois. La corruption n'était pas le terme que l'on pouvait employé pour ces coutumes calomnieuses. Au contraire, cela permettait aux Miliciens de reconnaître et d'identifier les passants entre eux et de remplir les dossiers du Poinçon de suspects, ou de personnes susceptibles de représenter de futurs bouc émissaires. Et le plus important, cela les évitaient de se rendre dans les Bas-Fonds pour obtenir ces listes de perturbateurs.

*** ***


Le Cumulos, le cul posé sur son fauteuil pourpre, releva la tête lorsque la Symbiosée commença à lister ses traits physiques. Plus elle envoyait des flots de mots et plus le Prévôt esquissait une tronche - notez bien, une "Tronche" - d'incompréhension. Le sourcil droit qui se lève, la lève supérieure gauche qui suit et le sourcil gauche qui n'avait d'autre choix, coincé entre ces deux attractions de muscles faciaux, que de se recroqueviller sur le haut de la partie nasal. En fait, tout discordait sur son visage et ses yeux trahissaient une sorte d'ahurissement total, comme si on était en train de lui parler une autre langue, en criant, la nuit, dans un brouillard épais, avec une voix enfumée et un Mu dans le cou.

Quand la Tydale eut finit il se frotta sa lèvre supérieur avec les dents de sa mâchoire inférieure comme pour remettre de l'ordre dans l'anarchie musculaire de son visage. Et ses yeux traduisaient une migraine atroce qui semblait l'exaspérer. Pourquoi avait-elle dit tout cela alors que son Mou aurait très bien pu le lui signaler par télépathie ? C'était la première question qu'il se posa. Ensuite vint une deuxième question : n'avait-elle réellement aucun antécédent particulier ? Et enfin la troisième : Quand - par le S'Sarkh - allait-il bien pouvoir manger son 4 heures, nom d'un pachyderme cytoplasmique ?


« Ah ! Bien. Prenez place je vous en prie. Laissez moi attraper un parchemin et une plume et... Voilà, allez-y je vous écoute et prends note. Ensuite, je vous poserais quelques petites questions pour m'assurer d'avoir le maximum de détails. »

Il mima alors un visage satisfait, presque ravi, bon enfant, comme si son bureau était devenu le lieu de rendez-vous de la jeunesse innocente et pleine de vie. Si cela avait pour effet d'amplifier les traits séduisants de l'artiste du Luth lorsqu'elle avait prit sa pause, sur le Cumulos, c'était... une horreur. Une atrocité. Une insulte à la beauté.


Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 17h53

 
*** Nay regarde le nelda d'un air intrigué, ce qu'en général il sait relativement bien dissimuler. ***


J'ai surveillé les travaux de destruction des cristaux d'effluves les deux derniers jours et je peux vous assurer qu'il n'y a plus que des ruines dans les Faubourgs, peuplée de miséreux pour beaucoup extérieurs à Arameth voire même à la Confrérie...
Bien sûr il est très possible que quelques individus s'y cachent pour pratiquer des activités douteuses en toute discrétion, cela ferait certainement une des meilleures planques qui soient vu notre méconnaissance presque totale de ce qu'est devenu ce quartier.
Pour le reste il y a une autre catégorie de personnes qui naturellement évolue dans les Faubourgs ou aux alentours de ceux-ci: les étrangers. On ne peut cependant pas dire qu'ils y habitent vu qu'il n'y a plus aucune auberge qui tienne debout. Mais il y a des étrangers dans ce coin, c'est certain.
En ce moment on peut même y voir des confrères s'entraîner à la limite des Faubourgs, sur le sable d'Amody...

Concernant cette règle des trois M, est-ce que je dois comprendre qu'il faut les examiner dans l'ordre inverse de celui selon lequel vous les avez cités ? Tout d'abord le Moyen car avec un cadavre, on peut espérer déterminer la façon dont on l'a tué et avec de la chance même disposer de l'arme du crime. Ensuite, si cela ne suffit pas, le Moment qui concerne les circonstances de la mort. Enfin en dernier lieu le Mobile qui peut nous indiquer qui avait intérêt à ce que ce crime soit commis. Est-ce que c'est cela ? Car je trouverai cela logique pour ce qui est de la méthode, en partant des faits immédiats pour élargir jusqu'aux raisons qui ont pu pousser à tuer la victime. Je reconnais que s'intéresser trop tôt aux mobiles pousse à partir dans des spéculations alors que le bon sens recommande de s'intéresser d'abord aux faits qu'on a sous les yeux. En revanche je doute que l'arme utilisée suffise souvent à trouver l'auteur du meurtre, il n'y a rien de plus banal qu'une arme et s'il advenait que je tue quelqu'un illégalement, on aurait bien du mal à prouver que la flèche ou le poignard m'appartenait... J'ai faux ou j'ai juste ?


*** Nay semble captivé par ce que lui a dit Zades, on dirait qu'il a soif de nouvelles explications. ***


 
Agliacci

Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 21h36

 
Si elle est satisfaite de son petit effet 'dysmorphique' sur le Prevôt, Agliacci n’en montre rien. Deux grands yeux noyés d’innocence clignent à la proposition de Takeon, puis un hochement de menton (qui ne cligne pas, lui. Il hoche, quoi.) L’artiste pose son séant dans un siège, et, après réflexion, croise élégamment les jambes, et recroise par-là-dessus ses mains à ses genoux. Il va s’en dire que cette figure acrobatique n’arrache pas même un sourcillement à la Luthière.

Elle lève ses doux yeux vairons, étincelants de candeur – oui, vous avez bien lu, chers lecteurs -, et les plonge dans ceux de Takeon. Visiblement, la laideur du Cumulos ne lui fait ni chaud ni froid : Agliacci voit sa beauté intérieure rien qu’en plongeant son regard dans le sien, si, si ! Seule sa voix est réellement déplaisante : elle manque singulièrement d’accord. Ce tydale-ci paraît toujours être en fausse mesure, en faux ton, en fausses notes. Néanmoins, l’hideur du Prevôt mérite d’être notée, ne serait-ce que pour lui consacrer un poème satirique plus tard.


Dédale du Luth, hier soir, une vingtaine de minutes avant minuit environ. Je suis en train de préparer des pigments et d’épaissir des liants dans mon studio, pièce de gauche, deuxième étage, rue des Flûtiers.

Vérité, mensonge. Règle respectée, d’ailleurs elle porte un chemisier tâché, preuve qu’elle a utilisé de la peinture il y a peu. Et ce n’était certainement pas pour faire des « graäf » (comme on dit en argot räbaan) sur la villa de Cristobal De Pozas.

Lentement, et fur et à mesure qu’elle parle, la Luthière, souriant toujours poliment à Takeon, se penche en avant, de telle sorte qu’elle tente de jeter un coup d’œil à ses papiers.

J’entends du bruit, je regarde par la fenêtre : la silhouette qui titube et disparaît au coin de la rue est celle d’un nelda au poil sombre. Bref, rien de particulier, sauf qu’il y a un nelda mort dans les Faubourgs – vu il y a une heure et demi – qui me semble correspondre à celui que j’ai pu apercevoir hier. Et il y a eu, aussi, probablement une empoignade de sorties de bar pendant la nuit, dans la même zone. Vers les quatre heures, je dirai. Si c’était bien une simple rixe d’ivrognes. Voilà.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Takeon Cumulos

Le Dhiwara 5 Jayar 1511 à 22h59

 
Ils arrivèrent à présent à l'immense porte. Bien entendu, on ne leur demanda pas de payer une cotisation, connus comme ils étaient, tout comme certaines personnes chiquement vêtues pouvaient aller et venir sans qu'un quelconque Milicien ne posa la main sur le torse du voyageur. Une scène habituelle se déroula alors à côté d'eux et Zades l'ignora consciencieusement. Un homme tentait de forcer le passage avec ses trois immenses Yloatakus chargés à bloc. Compte tenu du nombre d'excréments que ces derniers avaient largués sur le sol, il devait être là depuis une bonne petite heure à essayer de marchander une baisse de la taxe douanière. Zades entama alors le pas en direction d'une petite ruelle qui semblait avoir été un tant soit peu épargnée, ou peut être même reconstruite.

Même si des ruines jonchaient encore les pavés, la rue avait été nettoyée récemment et quelques familles s'attelaient autour de repas à même le sol. Les maisons étaient de nature précaires et sur les murs d'anciennes bâtisses avaient été encastrés des poutres intactes servant de base à ce qui s'apparentait à des tentes. Des enfants jouaient dans les étages d'une ancienne auberge au risque que cette dernière ne s'écroule sur les habitations situées en dessous. On rafistolait un mur pour s'abriter par ci, on piquait une grosse pierre pour s'en servir en guise de banc par là. Cela ne semblait pas perturber l'Enquêteur qui répondit cordialement à son Collègue, comme s'il avait également envie de partager son expérience, sans en dévoiler les secrets de déduction les plus enfouis. Il gardait une impassibilité sans égale et répondait avec une patience raisonnée.

Il semblait cependant amusé de toutes les questions que le bleu lui posait, et avait même envie de lui donner dument ce qualificatif. Mais il n'en ferrait rien, pour éviter d'entrer dans cet humour redondant qui empestait l'arrogance de l'expérience et l'égo démesuré du sage qui avait déjà vécu plus d'années qu'il n'en était nécessaire.


« Il n'y a pas véritablement d'ordre précis. Ces derniers nous tombent sous la main au petit bonheur la chance. Dans un raisonnement il n'y a pas de début, de milieu et de fin. Il y a des faits et des vérités. Les suspicions sont à éviter le plus possible et à user en dernier recours, elles ne servent qu'à faire tourner en rond.

Si votre question est de savoir si vous avez faux ou juste, alors vous n'avez ni l'une ni l'autre de ces véracités. Si cependant elle est de savoir si votre raisonnement est correct, alors il l'est. Mais une fois de plus vous entrez dans un brouillard infranchissable et vous me perdez dans un raisonnement loufoque. Voici comment j'ai procédé pour savoir pourquoi nous devions d'abord inspecter le Moyen.

Tout d'abord, la victime était un membre du Limonaire. Sauf preuve du contraire, les expériences menées par les alchimistes au Limonaire sont souvent secrètes, officieuses. Commencer à trouver ce sur quoi ce chercheur travaillait sans que nous ayons de base ne ferrait que nous ralentir. Or ces expériences pourraient - et ce n'est qu'une supposition, d'où le caractère très tangible de cette affirmation - pourraient être la raison de son assassinat. Donc le Mobile serait très difficile à trouver, du moins sans savoir qui aurait put le faire. Ce qui nous amène à l'occasion.

Tant que nous ne savons pas qui était ici à l'heure de son assassinat, nous ne pouvons savoir qui a eut l'opportunité de l'assassiné. Et donc nous connaissons encore moins les mobiles de son meurtre. Nous ne savons donc ni pourquoi, ni par qui, il ne nous reste donc plus qu'à savoir comment. Ce pourquoi nous allons essayer de découvrir l'arme du crime en premier n'est que la résultante de cette déduction logique basée sur des affirmations.
Il avait un peu trop parlé et semblait essoufflé, mais il se décida de terminer son raisonnement avant d'arriver sur les lieux pour qu'il se fasse bien comprendre par son collègue et puisse compter sur lui en cas d'impasse.

Enfin, l'arme nous apprend beaucoup plus de choses sur le meurtrier que ses mobiles. Prenons une massue par exemple. Une femme aurait moins de chance d'assassiner quelqu'un qu'un costaud des Bas-Fonds. Tout comme une dague, si l'on ne sait pas l'utiliser, elle n'est qu'une arme futile et donc son possesseur devait savoir où trancher pour couper toute possibilité de récupération future.

Vos raisonnements sont intéressants je dois l'avouer, mais précoce. Sur ce, je vous laisse l'honneur de découvrir les faits que vous avez... sous les yeux.
»


Effectivement ils étaient arrivés sur les lieux du crime. Une dizaine de milicien étaient en périphérie à quelques mètres et empêchaient quiconque de passer. La scène se déroulait au milieu d'une rue, jouxtant la muraille, qui bifurquait légèrement, et semblait peu côtoyée par la population habituelle des Faubourgs. il y avait principalement des déchets de type organiques et minéraux mais également des gravas, du sable, et d'autres détritus que l'on amenait vraisemblablement par charrettes entières à en juger le nombre de traces de chariots et de roues explosées. Dans ce coin des Faubourgs, le sol était fait de pavés et des broussailles ocres avaient prit forme au pied des murailles.

Le Nelda était méconnaissable, seules subsistaient quelques touffes de poils entre des vêtements déchirés. Vraisemblablement il avait le crâne fracassé par un objet contondant et on avait adressé plusieurs coups à ce dernier à tel point que son visage était méconnaissable. Les vêtements avaient été entaillés d'une manière aussi sauvage qu'une créature corrompue l'aurait put, et sa chaire n'avait pas résisté aux coupures de ce qu'il semblait être une seconde arme tranchante. Il était allongé sur le ventre et tendait sa main droite en avant, comme s'il avait tenté un dernier acte de résistance avant le coup fatal. Le sang avait déjà séché mais on pouvait encore apercevoir des traces de ce qu'avait été le combat.

Une marque de sang plus grande s'étendait le long de son corps et coulait encore sous le cadavre en une marre étonnement grande de quelques litres. D'autres marques, coagulées cette fois ci, ruisselaient de tous côtés comme des effusions. Peut être résultaient-elles des coups de couteaux portés sur son corps ? Les effusions étaient accompagnées d'autres marques plus petites et rondes, comme si elles n'avaient pas été projetées mais s'étaient écrasées dans une chute verticale. Une analyse pertinente montrait que certains pavés de la route avaient été décrochées durant le combat, et certains s'éparpillaient un peu partout autour du cadavre. Kevak Zades alla saluer les Miliciens et tenter de connaître les faits, et il laissa Nay Saniden seul, observer le corps. Le Bailli pouvait cependant écouter la conversation que son coéquipier entamait.


« - Bien ! Pendant que mon collègue inspecte le corps j'aurais quelques petites questions à vous poser. Quand le corps a-t-il été découvert ? Il sortit un petit calepin dans lequel il commençait à prendre des notes
- Aux alentours de 6 heures dans la matinée. Dit le garde, se redressant à l'aide de son pique.
- Des personnes sont elles passées ici depuis ? Avez vous leurs noms ? Demanda-t-il, les yeux par dessus ses lunettes.
- Personne si ce n'est un groupe d'ouvrier sous les ordres de Fontanas qui déblayent les cristaux. Ils sont simplement venus déposer dans le coin quelques grosses pierres qui les gênaient. On les a bien évidemment envoyé vers un autre point de chute. Et puis, deux enfants sont passés et ont fuis lorsque l'on est allé vers eux.
- Des enfants et des travailleurs... Dit-il en se tournant vers Nay Saniden, l'air complètement désemparé. Avez vous trouvé l'arme du crime ? Il se tournait à nouveau vers le Milicien.
- Non monsieur, tout a disparu. Nous avons essayé de pister une éventuelle trace de sang et une patrouille a fouillée tous les Faubourgs à la recherche d'une quelconque arme, nous n'avons rien vu. »


Kevak Zades soupira silencieusement.

*** ***


Le Cumulos commençait à écrire quelques mots sur son parchemin. Il envoie à la Tydale quelques petits regards interrogatifs à chaque fois qu'elle finie l'une de ses phrases, autant pour la tenir à l’œil qu'essayer de trouver un soupçon de mensonge dans ses paroles. Lorsqu'elle parla de pigments le regard du Cumulos s'attarda sur ses accoutrements. Elle va me salir mon fauteuil, S'sarkherie ! pensa-t-il intérieurement. Et au fur et à mesure qu'elle parlait, elle se penchait en avant. Au départ, le Cumulos crut que cette dernière était en train de lui faire du charme, essayant de lui donner une meilleure appréciation de son torse par une vue en biais, puis il remarqua le regard de celle ci qui s'attardait sur son parchemin sur lequel il écrivait des mots "Dédale du Luth, heure exacte, pigments, studio..." Puis petit à petit, il repliait le haut du parchemin d'un mouvement de sa manche qu'il essayait de faire paraître pour une maladresse. Si bien qu'elle ne pouvait plus lire le reste...

Lorsqu'elle eut fini il porta son parchemin à la verticale face à lui et fit mine de le lire de haut en bas, d'un regard avisé. Puis il poursuivit par son petit interrogatoire courtois, d'une voix certes nasillarde mais aux accents qui transcendaient de politesse - ou du moins, ce qu'il semblait être une once de politesse.


« Quels genres de pigments manipuliez vous ? »

Il regrettait déjà d'avoir posé cette question...


Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Nay Saniden

Le Luang 6 Jayar 1511 à 08h19

 
Nay était complètement fasciné. La vision morbide, pour ne pas dire franchement horrible, du cadavre étendu sous ses yeux ne semblait aucunement le déranger. La puanteur un peu plus mais on avait rien sans rien. Une journée entière sous le soleil d'Arameth n'avait pas fait le plus grand bien à la dépouille mortelle du pauvre nelda. Ce que voyait Nay, c'était le début d'une énigme. Il ne pensait plus qu'à une chose, trouver qui avait tué ce confrère et pourquoi. L'idée qu'il avait sous les yeux le résultat d'une scène qui s'était déroulée ici alors qu'il était tranquillement en train de siroter un verre de citronnade glacée ou de discuter avec un autre bailli, et dont il ignorait tout bien qu'il en ait été si proche, cela suscitait en lui une inexplicable excitation.

Tout en observant le corps, il tendait l'oreille pour ne rien perdre de l'échange entre le milicien et Zades. Ce ne fut pas difficile car il fut rapide et son contenu des plus faciles à intégrer...


*** Nay s'approche de Zades alors qu'il vient de finir de parler avec le milicien. ***


J'ai entendu ce que vous vous disiez. Si je comprends bien, nous n'avons aucun témoin de ce qui s'est passé et la seule chose que nous savons est que le corps a été trouvé là vers 6h ce matin dans cet état, sans que personne n'ait rien vu ni qu'on ait retrouvé autre chose sur place. Vous m'excuserez mais je crois que nous allons rapidement devoir nous intéresser un peu à qui il était et parler à ses proches, ses amis, ses connaissances s'il en avait, ainsi qu'à son rôle au sein du Limonaire. Sans cela, je ne vois pas comment nous pourrions avoir l'ombre d'une piste sur qui l'a assassiné exactement. Non ? D'ailleurs quelque chose m'a frappé, vous avez dit que c'était un alchimiste. Le Prévôt Cumulos a dit sur le consensus qu'il ne savait pas quel était son rôle dans son Horloge et lors de mon entrevue avec lui, il m'a juste dit que c'était un membre du Limonaire sans préciser dans quelle branche il y travaillait. C'était donc un alchimiste ?

Sinon je viens d'examiner le corps mais je ne vous apprends rien en vous disant que je suis complètement novice en la matière. Il a été frappé par au moins deux armes différentes, en tous cas par des armes de deux types différents pour être plus précis.
Tout d'abord sa tête a été écrasée par un arme contondante, un marteau, une masse ou n'importe quoi qui permette de briser quelque chose en tapant dessus. On n'y est pas allé de main morte, on ne peut même plus distinguer son visage.
Et son corps est complètement lacéré, on dirait qu'il a été lardé de coups de couteau. Ce ne sont pas des griffes qui ont fait ça, je crois, il me semble que ses blessures sur le corps sont trop régulières. Cela ressemble vraiment à des coups portés avec une arme tranchante.
Celui ou ceux qui ont fait ça se sont acharnés sur son corps, il faut une certaine force et une très grande violence pour mettre quelqu'un dans un état pareil. Il y a des pavés arrachés tout autour, on dirait que ça a été une sacrée bagarre. Et sa main est tendue en avant comme s'il avait essayé de résister une dernière fois avant d'être achevé. On dirait bien qu'il s'est énormément débattu.
J'ai regardé les tâches de sang et il y a quelque chose que j'ai remarqué mais je me trompe peut-être complètement. Regardez, là, il y a eu une vraie mare de sang le long de son corps. Mais on peut voir aussi d'autres traces de sang plus noires, qui ont l'air séchées depuis plus longtemps et qui ruissellent des deux côtés du corps. Et à côté de ces dernières, des traces rondes comme des gouttes de sang qui auraient égoutté à la verticale. Je me demande si la mare de sang ne provient pas de sa tête. Le fait que cette grande flaque ne soit pas encore complètement séchée, qu'elle soit plus "fraiche" que les autres marques de sang sur le sol, pourrait venir de ce qu'on a écrasé sa tête après l'avoir tué afin de le rendre méconnaissable. Regardez sa tête, on ne me fera pas croire que c'était la peine de la transformer en bouillie juste pour le tuer, avec tout ce qu'il s'est pris comme blessures. Je sais que les neldas sont plus résistants que les autres races mais il y a une limite. Et si ce sont bien des gouttes de sang, tout autour, comment ont elles-pu tomber pendant le combat ? Est-ce qu'on l'a maintenu à bout de bras en lui portant tous ces coups de couteaux ?
C'est un peu étrange. Soit je me fourvoie complètement sur ces marques de sang, soit la façon dont il a été tué n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air. On aurait tout aussi bien pu l'assassiner à coups de poignards - je dis de poignard ou de couteau mais la seule chose qui semble sûre est que c'est une arme tranchante - dans un autre endroit, ensuite l'amener ici et y déposer son corps, d'où les gouttes tombées sur le sol quand on l'a allongé, ensuite écraser sa tête pour le rendre méconnaissable, ensuite disposer son cadavre de cette manière et arracher des pavés tout autour pour renforcer l'impression qu'il a été tué là alors qu'il n'en est rien. Je veux bien que ça ait pu se passer la nuit mais vu la façon dont il est mort, ça a du faire du bruit si c'est bien arrivé ici. C'est étonnant que personne n'ait rien vu si c'est le cas.

Tout ça n'est que spéculations mais c'est pour dire que la façon dont il a été tué ne m'apparaît pas évidente à analyser. Ah oui, je n'ai pas osé le retourner mais vu qu'il est couché sur le ventre, il faudrait peut-être regarder son corps des deux côtés, non ?


 
Takeon Cumulos

Le Luang 6 Jayar 1511 à 16h31

 
Le Nelda rangeait son bloc-note dans la poche de son veston et adressa un dernier hochement de tête au garde pour se tourner vers la scène du crime. Son coéquipier le harcelait littéralement de possibilités, mais ce n'était pas sans mal, car il avait raison de se poser toutes les questions possible. Cependant, trop de questions sans réponses perdraient les deux personnages dans une course folle et interminable vers un criminel qui pouvait être monsieur Tout-le-monde. Il replaça délicatement son stylo dans la poche avant de son bustier avant d'entamer quelques pas élancés vers le cadavre de son Confrère - il essayait de ne pas poser le pied sur les traces de sang.

« - C'était donc un alchimiste ?
- Euh ! Il se pencha sur le corps et écoutait les paroles de Nay en marmonnant :
Oui, j'ai dit cela à tout hasard, pour moi ceux du Limonaire sont des Alchimistes... »


Lorsque le Bailli eut fini de tout lui expliqué, il s'apprêta effectivement à soulever le corps pour le mettre de l'autre côté. L'odeur était déjà atroce avec la chaleur, il se prépara psychologiquement au choc qu'ils allaient bientôt avoir. Il émit, en plaçant ses deux mains sur le bas du ventre du Nelda mort, un petit Ouh ! Aidez moi il est plutôt lourd ! avant de le faire finalement basculer de l'autre côté. La scène était d'autant plus atroce. Des insectes volants s'éparpillèrent dans les airs accompagnées des odeurs caractéristiques de cadavres en putréfaction. La résistance était inutile, Zades lui même était obligé d'attraper un mouchoir et de le coller à sa bouche, n'importe quel être vivant morphologiquement normal ne pouvait rester impassible face à une telle odeur, même après y avoir été habitué.

Il observa les tripes qui collaient encore aux sol et craignait que son coéquipier n'aille rejeter son dernier repas à la vue de ce désastre biologique. Lui, le mouchoir devant son museau, gardait la main sur le cadavre et était en réalité en train de lui fouiller les poches. Il n'y avait cependant rien dans celles ci. Il jeta un regard furtif à Nay pour voir si ce dernier tenait le coup tout en lui parlant de son raisonnement.


« Personne n'aurait prit la peine de déplacé le corps, il y a trop de risques. Si ce n'est peut être par les égouts, mais la Milice veille sur les remparts et seuls quelques rares coins représentent des angles morts. Je suis prêt à parier qu'à l'endroit où nous sommes, c'est un angle mort et aucun garde posté sur les tours n'aurait pu voir la scène. Croyez moi les angles morts, pour les connaître, il faut avoir une sacrée expérience dans le Poinçon ou avoir d'excellentes expériences de la rue.

Le Nelda a bel et bien été assassiné ici. Plus que cela, je dirais qu'il a été torturé. Les éclaboussures sanguines montrent bien quelques concordances. Il devait avoir le museau ficelé pour ne pas pouvoir crier durant son assassinat. je ne souhaite à personne de connaître un pareil sort, mais je pense qu'effectivement vous avez raison. Nous n'obtiendront rien de savoir comment il a été assassiné...
»


Il se releva en évitant de regarder le cadavre, tout en rangeant le mouchoir dans sa poche. S'il évitait de le regarder, ce n'était ni parce qu'il ne pouvait plus supporter cette vision morbide, ni qu'il se sentait vexé d'avoir suivi une piste qui les mena à une impasse. La raison était tout autre, et c'est le regard vers le désert caché entre deux ruines qu'il émit l'hypothèse qu'une personne beaucoup plus intelligente que la normale allait les mener d'impasses en impasses. Pour la première fois depuis quelques années, Kevak Zades semblait croire qu'il n'avait aucune chances de trouver le coupable. Il s'écarta de la scène et se dépoussiéra les mains, tout en écoutant l'éventuelle réponse de son coéquipier.


« Nous allons donc commencer notre Enquête, Bailli Saniden. Toute possibilité impossible à éliminer, est une possibilité. C'est un vieux dicton Rabäan chez nous autres du Poinçon. Qui veut dire que l'on avance en éliminant des possibilités, jusqu'à trouver la dernière possibilité qui, si l'on a bien travaillé, nous mène au meurtrier. Nous n'avons donc pas d'armes, pas de témoins, et donc aucune chances de trouver une piste fiable.
Il se tourna vers Nay Saniden et enfonça l'éclatante couleur de ses yeux dans le regard du Bailli.
Vous avez raison, nous devons savoir qui était vraiment Paos Natrayn. »



Il y a tant de choses à dire sur moi que de le dire rendrait Fou.
Et du fait de le dire, il me semble avoir dit Tout.

 
Agliacci

Le Luang 6 Jayar 1511 à 17h13

 
Elle ne voit plus rien, ce Takeon écrit n’importe comment. La barb...- pardon, la moustache de Krym !

De l’hématite, du lapis-lazuli, de l’orpiment, la goegithe, terre d’Amody, et des gales de kermès. Beaucoup de teintes variant entre le rouges et l’ocre, comme vous le constatez, c’est des pigments relativement communs.

Ils m’étaient préalablement réduits en poudre par Panza Nî , le tchaë qui gère « La peinture qu’on vous enviera ! » dans le quartier du Luth.
J’étais précisément en train de préparer de la peinture à l’huile, donc j’utilisai aussi de la térébenthine, de la résine ainsi que du vernis. C’est cela…euh…l’odeur.


Il y avait effectivement une arrière-fragrance dans cette chemise de travail, dont elle se félicite aussitôt. Ah, ça ! Elle a bien fait de ne pas payer la lavandière la dernière fois !
Plaçant ses coudes sur le bureau, son menton dans ses mains, Agliacci rétorque un sourire bien poli au personnage et semble attendre de voir s’il a d’autres questions pour elle.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Nay Saniden

Le Luang 6 Jayar 1511 à 17h14

 
*** Nay a fait un pas de côté et détourné la tête comme si cela pouvait le préserver de l'odeur. Il a déjà croisé pas mal de puanteur ces dernières années, en a même mangé quelques unes dans ses plus sombres moments, mais cette fois son seuil de tolérance a été franchi. L'instant où Zades a retourné le cadavre a ouvert sous ses pieds un enfer olfactif dont les souffrances ricochent entre ses cloisons nasales comme autant de vibrations chatouilleuses s'immisçant en lui d'une manière lancinante, persistante, doucereuse et... Citronnade glacée ! Dans un jet de volonté brute, le tydale fixe son esprit sur l'image d'une carafe de citronnade au doux parfum. Il parvient ainsi à contenir en haut de son gosier les premiers remugles acides qui annonçaient un dégueulis en bonne et due forme. Ce n'est pas que son enthousiasme a disparu mais il faut reconnaître qu'il a connu quelques interférences. Bref... ***


Si je comprends bien, celui qui a fait ça n'est vraiment pas un amateur.
Je prends bonne note pour l'emplacement, je n'avais même pas pensé au champ de vision des gardes dans les tours.
Pour ce qui est de l'enquête... Celle-ci va être corsée, c'est bien cela ?
En tous cas maintenant nous n'avons plus qu'à quitter cet endroit, ce qui me permettra de ne pas vomir, et nous rendre au Manoir du Limonaire. C'est par là que nous allons commencer, pour en savoir plus sur Natrayn ? Dommage que l'Œil Edaregord ne soit pas là, il aurait pu savoir des choses sur lui. Vous voulez que je lui envoie une pensée à tout hasard ? Je doute qu'il l'ignore et ça ne coûte rien.


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