Les Mémoires de Syfaria
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Destins anonymes.

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Sujet lancé par Heltaïr
Le 29-10-1511 à 17h23
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Posté par Heltaïr,
Le 19-09-1512 à 00h13
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Heltaïr

Le Sukra 29 Otalir 1511 à 17h23

 
Les muscles de contractent, la corde se tend.

Depuis plusieurs jours, Zader suivait cette meute. Un groupe de treize loups, cinq femelles, cinq louveteaux, un mâle dominant et deux dominés suivant à l'écart.
Tranquillement, le tchaé les suivait, de banche en branche, de clairière en clairière.
La meute se déplacait tranquillement, ralenti par ses petits qu'elle devait éduquer, protéger et nourrir.

Le Surveilleur n'avait rien contre les loups.
Bien au contraire, il en venait à admirer ces bêtes capables de vivre en groupe et en harmonies. Bêtes sauvages mais non sanguinaires, elle chassaient pour leurs besoins, organisées et nobles dans leurs chasses, mais évitant villages et caravanes. Ne constituant donc pas en état normal une menace pour la Poussière. Pures et altières.
Ou presque.

Car ce qui chagrinait Zader, c'était justement le chef de meute.
Depuis 8 ans qu'il était dans le Crépuscule, le tchaé avait rencontré maintes formes de vie sauvages, et une bonne multitude d'aberrations. Il avait appris à reconnaître les marques de la folie et de la maladie sur les corps pervertis.

Et il était maintenant convaincu que le vieux mâle au pelage noir était atteint depuis plusieurs semaines.
Anciennement fier, il était devenu hargneux. Grondant et punissant les siens.
Chasseur efficace, il était devenu meurtrier compulsif, tuant par plaisir les proies qu'il rencontrait.
Musculeux, il était devenu presque décharné, semblant avoir perdu toute appétit de la chair pour lui préférer le sang.

Son regard s'était teinté de carmin. Son pelage avait disparu par plaques entières en à peine quelques jours. Des plaies suintaient à divers endroits.

Maintenant qu'il l'avait enfin retrouvé, Zader savait quel était son devoir. L' aberration que devenait progressivement le loup devenait un danger trop grand pour sa meute et quiconque il croiserait.

Le vieux dominant s'était écarté de la meute. Il était seul, à la lisière de la forêt, semblant ricaner sur la dépouille d'une biche.
Il se retourne lorsque le tchaé sort à son tour du couvert des arbres et marche d'un pas assure vers lui.

Les muscles de contractent, la corde se tend.


***

***





 
Heltaïr

Le Sukra 29 Otalir 1511 à 18h01

 
Les bottes s'enfoncent dans la neige, manquant glisser sur le relief traitre.
Le tydale court avec peine, essoufflé, glissant et se rattrapant avec difficultés.

Derrière lui, Dustal peut entendre son poursuivant le courser, le rattraper. Son coeur affolé pulse à son maximum, ses jambes le tirent à chaque enjambées supplémentaire, ses mains brûlent au contact du sol gelé sur lequel il se rattrape.

A peine vingt minutes auparavant, le tydale chassait sans difficultés sur les contreforts neigeux du Mont des Deux. Terminant la traque de ces deux Assulters stupides qui tentaient de lui échapper.
Il les avait coincé sur les premières pentes montagneuses. Une flèche avait suffit pour le premier, le deuxième avait néanmoins chargé et le Surveilleur avait bêtement perdu son arc après avoir dégainé son épée, son adversaire ayant jugé bon de glisser sur l'arme jetée au sol et d'en briser net le bois. Un simple coup en fendant sur le crâne de cet adversaire malchanceux et Dustal avait pu juger des dégâts.
L'arc était irrécupérable, il était temps de rentrer sur Krell.

Arrivé en contrebas, quelque chose l'avait alors poussé à se retourner. La haut, penché sur les deux corps, la masse bien plus imposante d'un Smilodon Cristallin semblant se préparer à en faire son repas.

Le tydale s'était immédiatement accroupi dans la neige. Il se savait dangereusement vulnérable face à ce prédateur des neiges.

Mission numéro 1 du Surveilleur : surveiller pour protéger des vies.
Mission numéro 2: rester en vie pour accomplir la mission numéro 1.

Le Smilodon s'empare d'un corps et après quelques craquements de mastication audibles à cette distance, l'ingurgite quasi entier. Se lèche les babines. Tressaille. Hume les environs.
Puis se tourne vers le Surveilleur pourtant à bonne distance de là!

Un rugissement.
Dustal se sait repéré. Se sait en danger.
Étrangement, le Smilodon ne se presse pas. Il se rapproche d'abord du deuxième corps. En boîtant.
La bête est infirme, ce qui explique qu'elle vienne se nourrir sur des proies si faciles.

Alors, tandis que le deuxième Assulter rejoint son compagnon, Dustal choisit se saisir sa chance.
Qui est de courir. Loin et vite.
Il n'a pas fait vingt mètres qu'un deuxième rugissement lui apprend que son adversaire vient de le prendre en chasse.
Même avec son handicap, le tydale sait qu'il risque de ne pas faire le poids.

Sa seule chance est que le Smilodon se lasse. Ou qu'il trouve un refuge.

Vingt minutes plus tard, il n'y a pas eu de refuges. Les collines glacées de la lagune n'offrent aucun abri. La neige et le vent glacé ralentissent le Surveilleur.
Derrière, le Smilodon ne s'est pas lassé. Il est sorti de son domaine montagnard mais semble décidé à saisir sa proie.

Dustal glisse à nouveau sur un rocher dissimulé sous une congère. Tombe au sol. Se redresse avec difficultés.
Ses poumons sont en feu. Sa cheville droite sans doute foulée.

En haut de la colline, le tydale s'arrête. Plus rien ne sert de courir dans son état.
Il se retourne.
Derrière lui, le Smilodon n'a guère meilleure allure. De la gueule sertie des crocs de la créature sont soufflés de grands panaches de vapeur. Sa patte avant droite n'est plus qu'un moignon sanglant.
La créature passe du petit trop au pas. S'arrêtant à distance puis tournant autour du Surveilleur. Prudente. Décidé à ne pas avoir couru pour rien. A ne pas prendre de risques.

En face, Dustal attend.
Il tente de se concentrer. De faire le vide en lui.
Il se focalise sur sa foi, adressant une prière muette.

Le gigantesque tigre au pelage immaculé tourne toujours autour de lui. Se reposant en même temps que cherchant une faille dans la défense de sa proie.

Dustal le regarde, tournant de la même façon, gardant son regard rivé dans celui du monstre. Ses lèvres s'agitent alors qu'il termine sa prière.
Il est prêt.
Alors, dégainant son épée, compagnonne de plusieurs années et saisissant fermement son bouclier, il affronte la charge brutale soudainement décidée du Smilodon.


''POUR LA DAME!!!''

***

***





 
Heltaïr

Le Julung 3 Nohanur 1511 à 00h30

 
Quelques kilomètres à l'ouest de Minott.

Vorwalf contemple les étendues paisibles engoncées entre les hauteurs du Tertre disparaissant sous leurs premières neiges d'une part et la barrière sombre de l'Hatoshal d'autre part.

La Vallée du Vent.

Le Nelda est allongé sur le flanc au pied de la carcasse d'un moulin. Entre ses crocs, une pipe qu'il fume soigneusement.
Pensif.
Contemplateur.
S'emplissant et se délectant de la sensation de calme et de paix de la vallée.

Balayée en permanence par les souffles venant de la mer, la plaine a vu s'implanter et prospérer le village de Minott, devenue le grenier de l'Equilibrium par la construction avisée de nombreux moulins.
La vie est paisible en ces lieux. Installée au carrefour des voies entre Krell, Abroine, Syrinth et Zarlif, les équilibriens y ont prospéré et grandi dans une relative sérénité. Au Nord, les Koprocles restent cantonnés dans les collines. Au sud, la forêt semble renfermer en elle ses dangers.

Le Surveilleur relâche une nouvelle bouffée. Derrière lui, plus loin, tournent sans s'arrêter les bras incessant et tournicotant des géants à vents du village. Entre eux, les dernières étendues non fauchées des champs dans lesquels s'agitent les silhouettes des fermiers et leurs aides.

Le Surveilleur grimace un sourire. Satisfait de l'ambiance de sérénité qui émane de cet endroit.
Mais toujours vigilant.
Car l'endroit n'a pas toujours été aussi paisible. Il a traversé ses moments de souffrance et de sang.
Le Nelda se rappelle.

C'était il y a trois ans à peine.
Il sillonnait alors comme tous ses confrères l'étendue de l'Equilibrium. Voyageant, traquant, rencontrant.
Il avait déjà plusieurs fois traversé Minott. Échangé aves ses habitants. S'était désaltéré dans l'auberge.
Mais cette fois-ci, alors qu'il quittait les derniers sous bois, ce n'était pas la vision habituelle du village tranquille en contrebas dans la plaine qui l'avait accueilli.

Les maisons étaient effondrées. Les champs en feu. Des corps sans vie éparpillés partout.
Des cris. Des hurlements. Du sang.
C'était toute la plaine du Vent qui gémissait d'horreur et de souffrance.

Plus tard, un bras en sang et sa masse ruisselante des restes disloqués d'adversaires, le Surveilleur n'avait pas réussi à comprendre.
C'était tout simplement impossible.
Irréalisable que de tenter de saisir les raisons de cette folie.
Incompréhensible que de justifier les actes de ces barbares à l'origine de ce carnage.

Comme tout Equilibrien, Vorwalf possédait déjà quelques idées reçues sur ces voisins éloignés de Lerth.
Mais rien, rien n'aurait pu le préparer à en voir débouler plusieurs dizaines sur un paisible village équilibrien.

Ce jour de l'attaque de Minott par le prophète fou Lestian et ses disciples, le jour de cette ignominie sans nom, de cette horreur ridicule qui pour la première fois en plusieurs siècles opposa Témoins et Equilibriens, ce jour là, quelque chose se brisa en Vorwalf.

Le Surveilleur lui même aurait du mal à expliquer ce qu'il ressentit ce jour là.
Un immense sentiment de culpabilité. D'inefficacité. De remords.
Celui de n'avoir pu repérer et prévenir cette catastrophe. Ce reproche intérieur qui le rongea plusieurs jours, plusieurs semaines après le drame.
Qui naquit dans ces ruelles ou gisait cadavres et pleuraient parents éplorés, où l'on respirait l'odeur âcre des fumées d'incendie et cette odeur de sang et d'entrailles qui vous prenaient au ventre.


Depuis ce jour, le Nelda ne sillonne plus les terres immenses et variées de l'Equilibrium.
Il s'est donné un objectif.
Il s'est trouvé un toit dans les restes, incendiées lors du jour maudit, d'un vieux moulin isolé.

Et depuis sa petite éminence, Vorwalf veille.
Protecteur de la Vallée du Vent, il Surveille.


***

***





 
Heltaïr

Le Dhiwara 13 Nohanur 1511 à 18h03

 
Galias est un artiste.
De sa harpe qui ne le quitte jamais, il tire des mélodies. De sa bouche, il relate maintes histoires et péripéties.
La plupart sont les siennes.

Galias est aussi un Surveilleur.
De son épée fidèle, il protège la sainte Hatoshal. De ses bras, il combat pour son idéal.
Ses cicatrices prouvent sa valeur.

Galias est donc un artiste mais également un guerrier.
Un mélange étonnant.
De son bras droit, il écrit ses histoires et tente d'infléchir celle de sa forêt vers un plus juste et plus serein équilibre.
De son bras gauche, il les transcrit.

Galias est un pur Surveilleur itinérant. Jamais deux jours au même endroit.
Evitant presque les villes.
Ermite de l'Equilibrium, il est à la fois gardien et troubadour, protecteur et ménestrel.

Sa harpe ne le quitte jamais, pas même lorsqu'il combat. C'est son bien le plus personnel et le plus précieux.
Il tire de là sa renommée. Certains disent même son efficacité.
L'étrange instrument questionne mais l'on ose interroger l'intéressé.

Seuls ses plus proches confrères -à défaut de véritables amis- savent que le harpe n'est pas si banale.
Que sous l'apparence d'un instrument simple se cache un objet magique.
Que derrière le guerrier se cache le Chimériste.

Aujourd'hui encore, Galias est sur les routes. Il a quitté le village de Fergon ce matin, après une soirée passée dans l'auberge à charmer les enfants et parents de ses histoires. Une soirée au coin du feu, entouré de sourires radieux et de regards admirarifs
Après un bol de lait et un pain rapidement avalé, le Surveilleur retourne à son petit monde.
Un geste d'au revoir plus tard et il n'est plus là.
Sa Keirnine le long du bras, son épée au flanc, Galias s'enfonce dans la forêt en chantonnant.


***

***





 
Alciria

Le Vayang 18 Nohanur 1511 à 23h37

 
C'est une forme gelée dont le tremblement fait sonner les poils gelés de sa pelisse. Une forme blanche perdue au milieu du linceul hivernal de l'Hatoshal. Ses mains blanchies par le froid restent serrées, scellées sur le manche de sa hache par de trop longues heures d'attente qui l'ont engourdi, affaibli sans lui sauver la mise. Lâcher son arme maintenant c'est condamner ses doigts trop gourds à ne pas pouvoir la reprendre; c'est se condamner. Il le sait, je le sais.
D'un autre coté, vu ce qui se présente en face de moi, je n'aurais bientôt plus le besoin de mes doigts, ce qui n'est pas plus mal vu que ça fait un moment que la brûlure du froid a été remplacé par une inquiétante insensibilité. De fait, mes doigts semblent de pierre ou peut être devrais-je dire de glace; prêt à se rompre en menus morceaux au moindre choc.
Je ne suis pas le seul à me savoir perdu apparemment. L'ombre s'approche; elle prend son temps l'affreuse. Je ne la vois pas encore mais j'entends son pas, le cliquetis de ses articulations et le chuintement de sa chitine aux feuillages qu'elle effleure. Je peux suivre sa course, sa sarabande rapide autour de moi. Je ne pensais pas qu'une bête de cette taille puisse être paradoxalement si rapide, agile et furtive. SA charge est loin de celle d'un gambol. J'ai sous estimé ma proie et c'est moi qui suis devenu sa proie. Une erreur de débutant.
Je suppose qu'elle a besoin de sang chaud puisqu'elle ne produit pas vraiment de chaleur, enfin je crois. Les trucs de science ça me passe au dessus de la tête, je suis devenu surveilleur parce que j'aimais chasser. Et chasser les aberrations me permettait de m'éloigner des poussiéreux, de ma femme particulièrement.
Pauvre gosse, elle n'avait pas mérité ça. Elle aura au moins le loisir de se remettre en ménage avec un tydale qui l'aimera; ça lui changera. Peut être que le prochain ne se comportera pas comme le dernier des soudards d'Arameth; peut être qu'il ne dépensera pas toute sa paie de surveilleur et ses primes de chasses à eblouir des poules de tavernes et à se saouler jusqu'à se répandre sur le sol. Peut être qu'il ne la battra pas si elle ose verser une larme sur ses illusions. Peut être qu'il sera un peu plus présent que moi qui ne passais que le temps de laisser mes loques à décrotter. Peut être honorera-t-il ce corps magnifique que je n'ai su que déshonorer quand elle aurait mérité qu'on l'idolâtre, moi je ne me suis jamais senti à la hauteur d'une telle femme. Peut être aussi qu'il prendra soin de ma fille.
Ma fille, mon seul regret, mon seul joyaux. Penser à tout ce que nous ne vivrons pas tout les deux est sans doute ce qui rend mes derniers instants aussi insupportables. Je n'arrive pas à me décider si il faut en finir plus vite avec cette souffrance ou si il faut au contraire en savourer les souvenirs et raviver cette vivante brulure encore et encore. De toute façon, l'aberration m'en laissera-t-elle le temps? Je vois déjà ses crochets dont perle le venin qui me coutera bientôt la vie.
Quel foutu orgueil a bien pu me pousser à cette chasse? Tout ces moments de vie troqués contre quelques heures d'adrénaline et de traque. Que pouvais-je bien fuir avec tant d'ardeurs pour que ces quelques heures vaillent plus que tout?
Je ne me demande plus, il n'y a plus de questions à poser; plus d'espoir à porter. Je vais participer au festin de ce jour comme jamais et lui faire payer chèrement le repas. Une entrée de chicot et de chitine pour un plat qui je l'espère sera aussi indigeste que possible.




Le but fait loi

 
Heltaïr

Le Dhiwara 11 Dasawar 1511 à 23h21

 
Long.
''Cela avait été bien long'', songe Claira en se mirant dans la lame de son épée.
L'Equilibrium repose sur un Culte. Un culte avec ses doctrines, ses règles, ses mystères.
Ses injustices.

Depuis trop longtemps, elles, les femmes sont ignorées. Rabrouées. Ravalées au dernier rang.
Rares sont celles qui arrivent à se détacher. La plupart en rejoignant le corps de ce culte qui étrangement est à l'origine de leur situation. D'autres, plus rares, le sont par leur naissance. Enfin des exceptions se font grâce à la symbiose.

Claira faisait partie du reste. Le gros de la gente féminine.
Condamnée à être cantonnée à ses devoirs de femme et mère.

Pourtant Krysk n'avait pas été un mauvais mari, elle pouvait s'avouer chanceuse. Dans ses brèves journées de présence au logis, il s'était occupée d'elle et sa fille avec un attachement certain.
Il était même allée plus loin. Les avait rendu heureuses lors de ses brèves apparitions. Homme d'épée, il avait combiné l'amour à l'incongru en leur apprenant à chacune le maniement des lames.

Son homme était mort il y a sept mois.
Fin brutale et inattendue, quotidien des proches d'un Surveilleur.
Rapidement, elles avaient du oublié ces brefs moments d'ensoleillement dans la grisaille de leur vie.
S'acquittant des tâches leur permettant de vivre ou survivre selon les jours. Heureusement il y avait ces donc faits par le Crépuscule aux familles des mors. Petits pécules financiers rendus amers par ce qu'ils représentaient, malgré les paroles du Preux à la cérémonie d'adieu.

Deux mois après, Claira était revenue à la Bastide demander à nouveau de l'aide. Sa petite fille malade avait nécessité des soins qui avait trop profondément grignoté leur petit trésor. Un travail qui lui avait finalement été trouvé.
Elle n'était pas la seule, de ces veuves de volontaires oubliés, à avoir agi ainsi.
En revanche, elle était la seule à s'entrainer chaque soir, dans une arrière-cour déserte, avec une vieille épée. Tristes souvenirs de soirées perdues à jamais.

Le manège avait fini par ne pas passer inaperçu.
De la fenêtre de son bureau, le Preux Heltaïr avait observé plusieurs soirs cette dame à l'allure triste brasser et frapper dans le vide.
Un soir, il était descendu lui parler. Il était rare qu'il prenne le temps ainsi de parler au personnel mais la tydal l'intriguait.
Ils avaient discuté. Echangé.
C'est ce soir là qu'elle lui avait demandé.

La chose n'était pas simple.
Bousculait plusieurs décennies de traditions et quelques coutumes.
Sensible à la demande et détresse de cette brave dame, le Preux était passé outre. Avait obtenu rendez vous et autorisations. Bravé et vaincu les foudres du Temple grâce à quelques appuis judicieux.

Il y a dix jours, il l'avait convoqué.
Non pas interpellé comme l'autre jour dans l'arrière cour.
Non.
Convoqué officiellement dans son bureau.

La première chose que Claira avait vu lorsqu'elle avait osé relevé le regard, c'était l'armure qui ornait un mannequin à côté du Preux. Et dans les mains de celui-ci une lame qu'elle reconnaissait aisèment. Celle de son défunt mari.

Ce soir là, le Preux du Crépuscule avait ordonné la première Surveilleuse non symbiosée de l'histoire de l'Equilibrium.


Dix jours plus tard, Claira s'arrête la fin de son entraînement. Le son de la voix du Preux de ce soir là reste encore gravée dans sa mémoire comme elle le saura sans doute tout au long de sa vie.
Ce soir, elle était encore seule femme à s'entraîner dans cette cour.
Mais elle sait que d'autres ont déjà fait leurs demande.
Que d'autres encore viendront.




''Il était temps'' souffle-t-elle à nouveau. Dans le fer forgé de sa lame, son reflet. Avec une larme qui s'écoule lentement, mais aussi un sourire.
***

***





 
Heltaïr

Le Matal 13 Marigar 1512 à 23h53

 
Bastide du Crépuscule, Syrinth.
Aile Ouest, rez de chaussée.
Salle d'entrainement des Surveilleurs.


Keïla, 26 ans. Tchaée.
Deux pas dans la salle et elle s'est figée, perdue. Son arc - ou plutôt celui de son père- en main, elle observe la vaste salle inconnue, hérissée de piliers soutenant le plafond voûté.
Keïla hésite. C'est son premier jour à la Bastide. Elle a été volontaire pour ce poste après que son père se soit retrouvé cloué au lit, victime d'une mauvaise chute, mais à l'instant présent, là voici indécise. On n'a pas été capable de la renseigner sur la présence éventuelle d'instructeurs vétérans ce jour, et là voici donc seule.


***

***


Les alignements de piliers délimitent à leur façon diverses salles d'entrainement. En cette heure matinale, seules trois personnes l'occupent déjà, deux escrimeurs se juageant sous le regard apparemment passif d'un troisième, massif tchaé barbu assis sur un tabouret et fumant la pipe.

L'espace pour archers est situé au fond de la salle. Lorsque Keïla passe devant les guerriers, ceux ci s'arrêtent un instant pour la regarder passer. L'un d'eux esquisse un petit sourire dont il est difficile d'en déterminer la nature exacte. Les joues rouges, Keïla tenter de rester digne du haut de son 1m63 et détourne à peine le regard.
Elle sait bien que les Surveilleuses sont une chose assez nouvelle. Qu'il y a quelques semaines, sans ce poste, aelle aurait probablement baissée les yeux avec humilité. Mais maintenant, la voilà qui veut se montrer digne du poste qui lui est offert. Il est dur de revenir rapidement sur 26 années d'éducation équilibrienne, mais elle veut se prouver l'égale de ces hommes.

La voici qui a dépassé les escrimeurs puis s'approchent de son propre espace d'entrainement. Sur les murs, des nattes de joncs pour récupérer les projectiles perdus. Au sol, ou suspendues dans les airs par des cordes, diverses mannequins de formes diverses.
Elle caresse son arme, lentement. Son père lui avait déjà enseigné à s'en servir, lui avait déjà permis d'utiliser des modèles plus petits. Elle se débrouillait bien. C'est maintenant l'heure de voir ce qu'elle peut réellement en tirer.

Plusieurs fois, Keïla bande son arc, à vide. Elle s'échauffe progressivement les muscles, tend de plus en plus fort la corde. L'arme est bien plus puissante que celles qu'elle a déjà maniée. Plus dure à manipuler également.
Il y a différents carquois au sol, remplies de flèches. Elle n'a qu'à se servir pour encocher son premier projectile.
Fait mouche. Avant de se rendre compte que la cible qu'elle a choisi est la plus simple et la plus proche.
Elle s'éloigne. Revise, répète. Les flèches continuent de toucher mais s'éloignent progressivement du centre de la cible. Puis l'une d'elle rate et part se perdre dans une botte de jonc derrière. Une autre à la suite.

Keïla s'arrête, avec l'impression que son bras droit est en feu.


''Ton arme ne t'est pas adaptée.''

Elle sursaute. Derrière elle s'est rapproché sans bruit le tchaé barbu. Sa pipe en bouche, son tabouret en main, il la regarde sans véritable expression dans ses yeux.

'' Ce n'est pas le tien. Et tu n'es pas encore prête pour l'utiliser.''

Plus des affirmations que des questions. Keïla baisse la tête de honte.

''Il n'y a pas à rougir. Apprends simplement à marcher avant de courir. Tu as besoin d'entrainement, c'est tout. Et cela sera mieux adapté.''

Un arc surgit de nulle part entre ses mains, qu'il tend à Keïla tout en se saisissant avec respect de l'arme que lui tend sans mot dire la jeune recrue. Il va déposer celle ci contre un mur, puis revient, calle son tabouret derrière la tchaée et s'asseoit dessus, rallumant sa pipe.

''Reprends donc. Tu as une bonne position des mains mais tu dois mieux place tes pieds. Tu dois être stable, forte, un socle sur lequel ton arme peut se reposer pour être infaillible. Recule ce pied droit. Encore. Voila. Prend appui. Ressens ta position.''

Keïla écoute et s'exécute, naturellement.

''Bien. Tu vas continuer avec cette cible, puis on choisira progressivement des plus petites. Rien ne presse, on prendra plusieurs semaines s'il le faut. A la fin,on passera aux cibles mouvantes, et puis on pensera peut être à te faire sortir respirer l'air de l'Hatoshal à la fin.''

L'homme rallume avec calme sa pipe, puis tente de trouver une position confortable contre un pilier. Du doigt, il désigne les cibles suspendues dans les airs, à qui l'on peut donner des mouvements rotatoires ou de balancier.

Keïla acquiesce et reprend une nouvelle flèche. Elle retrouve sa position, bande son arc, et vise.
Elle sourit.
Elle a trouvé son instructeur.





 
Heltaïr

Le Vayang 11 Manhur 1512 à 16h57

 
Temple de Syrinth, cloître Sud.

Autour, ils sont une vingtaine, la mine sombre, l’habillement sobre ou militaire, silencieux.
En face, trois Grises, une Nelda et ses deux jeunes enfants.
Au milieu, couché sur son bûcher funéraire, Kasyr, 27 ans, père et mari des derniers. Yeux clos, mâchoire fermée, visage paisible, habillé simplement d’une toge grise et le poil brossé soigneusement avant la cérémonie, il parait dormir mais c’est un sommeil dont on ne se réveille pas qui l’a emporté.

Beaucoup d’émotions tout autour. La jeune femme sanglote, les enfants sont muets par de par l’innocence de leur jeune âge. Les collègues Surveilleurs du jeune Nelda tout autour, eux, se recueillent ou frémissent d’indignation.
Car le jeune Poussiéreux, malgré quatre années de bons services au Crépuscule n’aura finalement pas bénéficié d’une mort ‘honorable’ de Surveilleur.
Frappé par derrière lors d’une rixe dans une auberge dont il essayait de protéger son jeune frère. Le poignard assassin ne lui avait laissé aucune chance en disséquant les vaisseaux abdominaux. Son frère quant à lui ne valait guère mieux, victime de la vindicte de la bande loqueteuse qui l’avait piétiné et défiguré, et souffrait toujours le martyre dans la grande infirmerie du Temple.

Des dents grincent, des poings se serrent, des idées de sang et vengeance circulent dans ce petit cloître ou Kasyr s’en va retourner à la Poussière.





 
Heltaïr

Le Merakih 19 Saptawarar 1512 à 00h13

 
Citation :
'' Les Surveilleurs sont nés en même temps que l'Equilibrium.
Poussiéreux séduits par les paroles et promesses de la jeune Shaïm et ses premiers Oljads, ils ont tenté avec leurs faibles moyens de l'époque, d’escorter et protéger les fidèles de la Dame jusqu'à ce que ceux ci s'installèrent dans les anciennes cités Nemens. Après avoir assuré les gardes diurnes et nocturnes des groupes itinérants, ils devinrent naturellement soldats patrouillant sur les anciens murs d'enceinte réaménagés.

Alors que la Poussière prospérait grâce au soutien Nemen, les civilisation se construirent et les Factions s'affirmèrent, celle de l'Equilibrium sous la sagesse de Saroryanne. Les échanges s'intensifièrent alors et avec eux, de nouveaux affrontements et confrontations en dehors des cocons protecteurs des cités. La Poussière découvrait rapidement et douloureusement les dangers du monde dans lequel elle s'intégrait petit à petit.
L'Hatoshal, forêt respectée et vénérée par l'Equilibrium, dense et dangereuse, de cocon protecteur manqua devenir un étau strangulant la perle de la faction, la sainte Syrinth.

Assiégé sur son propre sol, l'Equilibrium dut lutter sauvagement pour assurer ses échanges et ravitaillements. De miliciens, les gardes devinrent chasseurs traqueurs, agissant en dehors des cités, dans des milieux maintenant franchement hostiles. Des affrontements qui s'ensuivirent, discrets mais sanglants, de ces combats dans l'ombre des frondaisons, les Surveilleurs tirèrent leur réputation et le nom de Groupe du Crépuscule.

De nos jours, les Surveilleurs continuent leurs combats quotidiens. De bras armés de l'Equilibrium, ils sont aussi devenus les yeux et oreilles de la faction sur le territoire extra citadin, ayant comme mission secondaire la gestion et surveillance des étrangers de passage. Surveilleurs, ils sont aussi devenus Protecteurs. Garant de la sécurité des axes de communications et d'échanges.

Il serai délicat de protester contre l'image admise du Surveilleur vu comme un Poussiéreux mal dégrossi. Par la nature de ses fonctions, l'individu est majoritairement un être solitaire, autonome, capable de survivre plusieurs jours en milieu sauvage. L'Hatoshal étant leur principal fief et lieu d'action les Surveilleurs ont également appris à s'adapter et fusionner avec l’environnement forestier.


La Bastide est le Quartier Général du Crépuscule. Lieu de repos, d'entraînement, et de regroupement des Surveilleurs, elle rassemble également leur armurerie, leur centre administratif et de recrutement. Les deux villes de la faction possèdent une version de ce manoir fortifié, véritables stèles commémoratives, dédiées au Groupe du Crépuscule, en plein cœur citadin.
L'Armurerie se veut digne du travail à accomplir et renferme tout type d'équipement allant des armes aux grappins, des parures aux abris camouflés. Le matériel privilégie surtout la discrétion, la furtivité et les affrontements à distance.
Simples 'grains de Poussière' agissant souvent en solitaire ou binomes, plus petits et faibles en face à face que les Rejetons qu'ils affrontent, ils ont prvilégié la voie de l'ombre et du traqueur. Mais ceci n'est pas une vérité absolue et certains éléments se démarquent par leurs aptitudes aux arcanes ou au combat rapproché.''


Equilibrium Libris, Codex I
Par Rakorus Munterium,
Pour la Bibliothèque de Syrinth.





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