Les Mémoires de Syfaria
La Région de Lerth

Troisième naissance

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Sujet lancé par Vizjerei
Le 16-11-1511 à 20h21
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Posté par Vizjerei,
Le 29-11-1511 à 18h15
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Vizjerei

Le Merakih 16 Nohanur 1511 à 20h21

 
Kaurav avait une théorie. Construite, logique, éprouvée.

Fier représentant de la race Tchaë, il n'était pourtant pas un inventeur farfelu et prolifique. Bien à l'aise dans les domaines hypothétiques, il ne sortait que rarement de sa maison. La plus-part du temps pour aller griffonner à la bibliothèque. A première vue revêche et solitaire, il avait finit par adopter un autre vétéran de la vie. Ce qui devait être une relation de maitre à élève comme il en existe tant chez les Témoins s'était plutôt mué en une discrète mais franche amitié.
Le Tchaë maussade et l'élégant Tydale formaient une paire pour le moins atypique.





- Rien n'est si simple, ami. L'évidence dicte que s'il en était réellement ainsi d’autres avant vous auraient déjà suggéré d'implanter un bivouac permanent aux pieds de l'édifice. Sans vouloir vous contrarier... Le grand Tydale choisit ses mots, il sait combien Kaurav pouvait se montrer susceptible lorsque la conversation tournait autour d'une idée qu'il ruminait depuis longtemps.

- Laissez donc votre prétendue évidence aux jeunes fanfarons, mâle du harem ! Ne soyez pas de ceux qui affichent autant de certitudes sur un sujets qu'ils maitrisent si mal !
Le fait est que la statistique ne ment jamais. Jamais vous dis-je ! Il pleut plus souvent les nuits sans lune, le Koprocle se montre plus volontiers après la première neige !

ET !
Il pointe son doigt boudiné droit vers le ciel, s’apprêtant à déclarer une vérité, parole d'évangile.

La symbiose touche plus souvent les êtres à proximité des piliers !

La statistique !


Le tydale qui ne répond rien dans l'immédiat se contente de soupirer, se massant les paupières avant d'abandonner le contre-argumentaire.

- Très bien ! J'imagine qu'une fois de plus je serais le cobaye de cette nouvelle hypothèse.
Et combien de temps devrais-je arpenter les abords de l'aiguille avant de pouvoir espérer vous convaincre de l'échec de ce nouveau projet ?


 
Vizjerei

Le Luang 21 Nohanur 1511 à 19h54

 
Le jour se lève. Lentement je m'extirpe d'un sommeil un peu trop court. Mes yeux peinent à s'ouvrir et l'alcool tardif de la veille a rendu ma bouche pâteuse. Je m'assoie en grimaçant, et masse ma cuisse douloureuse en regardant l'aube naissante.


Mon quatrième mois d'attente était déjà bien engagé. Dans mon dos l'immense structure effilée pointait inlassablement vers le ciel, comme une indication cynique vers la route à suivre. Dans sa grande pugnacité, Kaurav n'avait pas donné de date précise. Nous avions convenu... Enfin, j'avais finis par lui faire accepter le fait que la première neige aurait raison de ma patience comme de ma bonne santé. Je ne suis peut être pas un vieillard, mais mes années de jeunesse sont maintenant bien derrière. Si je me prête encore a ce genre d'entreprise pour le moins incertaine c'est certainement dans le but de me prouver que j'en suis encore capable, malgré ce qu'il en dit. Malgré cette satanée guibole.

Je tire à moi ma canne, la plante dans le sol et m'y hisse pour me retrouver non sans mal sur mes deux jambes. L'air frais du matin empli mes poumons, je respire à fond, et sens poindre un invisible sourire sur mes lèvres.

Il me semble que la douleur est un peu moins présente aujourd'hui. Tant mieux. J'avale un morceau de viande séchée accompagné d'un peu de pain rassis, tentant de me remémorer ce rêve étrange saturé de paroles insensées, de visages inconnus. J'hésite un instant puis termine ce frugal petit-déjeuné d'une lampée de la même bouteille que la veille. Cette soi-disant médecine que le Tchaë m'a cédé en grande quantité. Un remède maison sensé revitaliser mon corps autant que mon esprit. Je commence à soupçonner fortement son fourbe de créateur de m'avoir généreusement approvisionné en une liqueur distillée dans l'unique but d'annihiler toute volonté propre et de ramollir suffisamment le jugement pour s'éviter la contrariété de me voir revenir trop tôt à Lerth.


Ça devrait aller en s'arrangeant.

La petite voie me fait presque sursauter. Je fais maladroitement volte-face, pointant devant moi ma canne, menaçante telle une épée... de bois, noueux...

Pendant de longues secondes je n’aperçois rien. Rien d'autre que le pilier. Je lance un regard à cette maudite bouteille et la jette. Les piliers étaient la source d’énigmes dépassant l'entendement. Aussi je doutais que l'un d'eux ne m'aborde avec une réflexion aussi banale, sans parler de cette voie aiguë, un brin nasillarde.

Et puis je le vois. Ce que j'aurais pu prendre pour un gros caillou grisâtre me dévisageait, étonné de ma réaction.

Horazon dit :

Ça devrait aller en s'arrangeant. Je voulais parler de la jambe.

Pardon ?
que je répond, complètement interloqué, perdu.

Horazon dit :
C'est la symbiose. En temps normal cela augmente certaines capacités intellectuelles et physiques. Ainsi inversement, cette blessure à votre jambe devrait... hum... Je n'irais pas jusqu’à dire que vous pourrez danser une gigue mais disons que...

Oh ! Mais suis-je bête ! J'aurais certainement du commencer par me présenter !

Je suis ... hum... en fait je n'ai pas de nom, pas encore ... En tout cas je ferais de mon mieux pour vous seconder dans le champ immense de la télépathie qui s'ouvre à vous.


Un mou, pas de doute. Cela ressemblait à la description que l'on m'en avait fait. Calmement j'abaissais ma canne qui retrouva sa fonction première de soutien d'infirme.


J'ai un peu de mal à y croire... dis-je, ne sachant vraiment par où commencer. La créature se contenta de me fixer, l'air niais.

Finalement je me rassois en grimaçant.


Moins à cause de ma jambe que de savoir que j'allais devoir reconnaitre devant Kaurav qu'il avait raison.






 
Vizjerei

Le Matal 29 Nohanur 1511 à 18h15

 
Un maigre sourire flotte sur mon visage alors que la procession s’arrête.

Il est l'heure.

Le groupe rassemble un cercle large d'amis, de connaissances, peu de famille. Tous vêtus sobrement, tous dignes. Le vent souffle fort, m'envoie quelques mèches de cheveux dans le visage que je dompte d'un geste lent.
En contre bas de la falaise les vagues s'abîme inlassablement sur la roche, le point devant lequel l'on stoppe traditionnellement domine une petite crique sans récifs, la "Baie du bout du chemin", paradoxalement là où tout commence.


Pas de discours, aucune mise en avant d'égo, le silence prédomine. Quelques paroles sont lâchées, jamais au-dessus d'un murmure.

Les plus proches m'ont désigné, probablement à cause de cette amitié de plusieurs années. Ou peut être grâce à quelques mots fiers qu'il avait pu avoir à mon égard dans un moment de faiblesse.
Je m'avance sans hâte et pose ma main libre -celle qui ne tien pas ma canne- sur le bois. Ferme, rugueux, le cercueil me semblait particulièrement bien choisit.
Tien ! Encore une pensée un peu rude de ma part. Je me rappelais alors soudainement que j'avais appris la nouvelle de sa disparition à mon retour à Lerth, fraichement symbiosé. Toute l'ironie de la chose résidant dans le fait que c'était lui qui m'avait poussé à tenter l'expérience, et que j'étais rentré trop tard pour demander pourquoi il ne l'avait pas lui même essayé.
Un secret qu'il emporte avec lui.

Lorsque je pousse enfin le modeste sarcophage le long de la rampe, je songe à ce tout ce que fut sa vie, au guide qu'il fut pour moi, à cette chance qu'il m'a accordé.
Il glisse lentement jusqu’à rencontrer le vide et entamer son voyage vers le large. Vers l'Océan, vers celui dont chaque Témoin se doit de retourner après une vie bien remplie.


Horazon dit :
...tout cela est tellement émouvant Maitre....
Un mouchoir ...
Vous n'auriez pas un mouchoir ?


Je le regarde partir, déjà nostalgique. Sans détourner mon regard je nomme enfin celui qui serait mon nouveau compagnon.

Horazon ce sera.


Horazon dit :
Horazon ? Ça n'est pas un peu ... ? Quoi que non, c'est très bien Horazon !






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