Les Mémoires de Syfaria
La Région de Lerth

Les Tonneaux

Récit d’une tentative d’infiltration
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Sujet lancé par Lyne
Le 05-12-1511 à 21h18
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Posté par Nelle,
Le 10-12-1511 à 19h22
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Lyne

Le Luang 5 Dasawar 1511 à 21h18

 
L’Atelier.
Son repaire.
Un bric-à-brac improbable installé dans un ancien hangar à bateaux.
Dans un coin, deux hamacs et un poêle à bois.
Partout ailleurs : des machines, des outils, des flacons.
Sa maison, quoi.



Leur QG, depuis maintenant deux semaines.

Assise par terre face aux deux tonneaux, Lyne passe pour la énième fois leur Plan en revue. Point par point. C’est qu’il s’agirait pas de se planter.

Pas très loin d’elle, elle peut apercevoir Crooot en train de dessiner. Elle arrive pas encore trop à savoir quoi en penser de celui-là. C’est Chamallow qui le lui a collé dans les pattes. Quand il est pas en train de griffonner, ils baragouine en chantonnant à destination d’une des poches de sa tunique. Pas exclu qu’il soit un peu tapé du ciboulot, le Quipu. À vrai dire, elle sait même pas d’où il vient. C’est qu’ils ont pas tellement eu le temps d’évoquer leurs vies respectives. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il était présent lors de son agression et qu’il a badigeonné le sale voleur à grands coups de pipi de chat. Et ça, ça vaut toutes les recommandations du monde. Et puis, finalement, ça l’arrange bien qu’il se soit installé avec elle à l’Atelier. Toute seule dans ce grand hangar avec le sourire dément du psychopathe qui l’accompagne maintenant toutes les nuits, elle aurait pas bien longtemps supporté. La présence réservée du Tout-Tordu la rassure. Lui aussi il a dû en voir des vertes et des pas mûrs. Au fond, elle l’aime bien. Même s’il a toujours l’air un peu dépassé par les événements. Et puis, elle sait qu’elle peut compter sur lui. Enfin surtout sur Dubulb’. Parce qu’il faut pas s’leurrer, c’est quand même lui la force décisionnaire dans leur duo…

Chamallow dit :

J’vois pas tes instruments de mesure… Tu les as mis où ? Faut pas qu’on les oublie, hein ! Et puis t’as bien pensé à ajouter tes outils ? On sait jamais, on pourrait en avoir besoin, genre pour s’échapper, si jamais on est fait prisonnier où pour bricoler un truc comme… euh… ben un truc quoi. Ohlàlàlàlà, j’suis sûr qu’on oublie quelque chose, c’est trop horrible.

Chamallow ne se tient plus d’excitation depuis que la décision a été prise de tenter l’abordage du vaisseau. Faut dire que c’est en grande partie grâce à lui si Lyne a accepté. Pour tout dire, au début elle a dit non. Pas moyen qu’elle déçoive Nelle juste après leur rencontre. Et s’incruster contre son avis sur le vaisseau c’est l’assurance de perdre la confiance de la Propage et de la froisser pendant au moins… oulà un sacré moment.

Mais ça c’était avant l’agression. Pas qu’elle ait pas hésité par la suite, hein. C’est quand même une sacrée décision. Lourde de conséquences, et tout. Mais faut pas rêver : le fait qu’y ait un fou-malade qui se balade dans la nature prêt à étriper des fillettes, ça a fait pas mal pencher la balance du côté de son mou. Et puis rien ne dit que le psychopathe ne compte pas revenir pour tenter de terminer le boulot. Alors non pas question de l’attendre sans rien faire.
L’autre truc qui l’a décidée, c’est la présence de Crooot et Dubulb’ et l’implication enthousiaste de Knüt. Elle a d’ailleurs cru comprendre que c’est lui qui était à l’origine du projet. Pas que ce soit tellement clair mais bon… N’empêche que toute seule, c’est sûr qu’elle y serait jamais arrivée. Non pas que maintenant ce soit tellement plus gagné d’avance mais là, on peut raisonnablement penser qu’ils ont une chance.

Pour la quinzième fois depuis le début d’après-midi, elle se lève et va vérifier que les deux tonneaux sont bien sanglés sur la petite chariote. Ok, tout va bien, pas de risque qu’ils se fassent la malle durant le cours trajet qui les conduira jusqu’au Manoir Dymer.

Pour tout dire, ils ont finit de tout préparer hier soir. Depuis, ils poirotent. La patience, c’est pas son fort mais il faut qu’ils s’habituent. Quand ils seront chacun dans leur tonneau ça risque d’être sacrément plus long. Pour l’instant, ils attendent le signal. Celui de Knüt qui leur annoncera que la voie est libre et qu’ils peuvent y aller. Ils ont répété les détails de leur plan des dizaines de fois. Et c’est rien de dire que sans le mou à casquette, ils n’auraient jamais pu élaborer tout ça… Il leur a d’abord transmis par image mentale le plan de la maison, puis celui de la cave et enfin il leur a montré les tonneaux dans lesquels ils allaient devoir prendre place.

C’est à partir de là qu’elle a commencé à mettre son grain de sel. Le coup de l’infiltration dans les barriques de Pépé Dymer, rien à dire. C’est un sacré bon plan. Mais par contre l’idée de devoir les vider et de s’y installer ensuite, alors là, pas moyen. D’abord parce qu’il est hors de question qu’ils s’enfilent le contenu de deux tonneaux de picrates même aidés par trois mous super motivés. Et ensuite parce qu’elle se voyait vraiment pas rester plusieurs jours dans les relents de vinasse. Alors elle a gravé dans sa mémoire l’image des deux fûts et elle est partie faire la tournée des boutiquiers. C’est là que Crooot a apporté sa pierre à l’édifice. Enfin… Disons plutôt ses pierres. Parce qu’il en est rempli, le Quipu. À croire qu’il a fait un casse avant de la rencontrer. Mais bon, comme on dit : l’argent n’a pas d’odeur. Alors ils ont fait leurs courses. Des provisions, du matériel… Le plus difficile a été sans aucun doute de mettre la main sur deux tonneaux strictement identiques à ceux entreposés dans la cave de Pépé Dymeur. Mais ils y sont arrivés. Elle n’a ensuite plus eu qu’à les bidouiller pour en faire un truc tout confort et le tour était joué.

Actuellement ce qui l’embête le plus, c’est le pinard. Elle a conçu tout un système de double couvercle afin que ça fasse bien floc floc quand ça bouge et que si jamais y en a un qui vienne y voir de trop prêt, il puisse en prendre une lampée, mais impossible de mettre la main sur la cuvée spéciale Papi Dymer. Alors ils ont fait comme ils pouvaient. Le vendeur chez qui ils ont acheté les bouteilles leur a assuré que c’était la meilleure cuvée de Syrinth. Tout ce qu’elle a retenu, c’est le prix. Bien trop cher.

Elle en est là de ses réflexions quand Chamallow se met littéralement à hurler.

Chamallow dit :

Ça y’est ! Ça y’est ! Un message de Knüt ! C’est le code ! Yahouuuuuuu ! Et c’est parti, mon Kiki !

Bon, ben quand faut y aller…



 
Crooot

Le Matal 6 Dasawar 1511 à 19h01

 
Crooot n’a pas été difficile à convaincre de veiller sur la petite Lyne. Le nelda, d’une nature sensible, déjà affecté par la dégénérescence de son hippobulle moribond, voyait chez cette fillette les promesses d’une jeune femme en devenir, pour peu qu’on lui laisse le temps de grandir tranquillement.
De cette tranquillité dont le nelda n’a jamais goutée lorsqu’à son âge il vivait dans la rue.
De cette tranquillité dont ne jouit guère une fillette, si forte soit elle, alors qu’elle vit seule dans ce grand atelier.
De cette tranquillité bien mise à mal par Mirgahal.

Encore une fois ce fut le mou énergique du nelda qui prit les choses en main.
« Tu vas accompagner la petite chez elle »
Avait-il ordonné après l’agression.
« Tu ne vas pas la laisser passer la nuit toute seule ?!!! Va dormir dans un coin et garde un œil sur elle. »
Avait-il dit le soir même.
Dubulb’ avait toujours une bonne raison de le faire rester un peu plus longtemps.
Bien sure l’artiste n’argumentait pas bien longtemps. Il existait un équilibre tacite entre eux. Le mou menait la barque, permettant à l’artiste, inapte à la vie en société, de se complaire dans le dessin et la peinture. Parfois le nelda prenait une décision. Le mou arrangeait alors les choses derrière lui.

Le curieux duo que formaient la tydale et le nelda fonctionnait étonnamment bien.
Lyne soliloquait seule, quand elle n’avait pas le nez plongé dans ses inventions.
Elle était alors aussi silencieuse qu’un mou avant de mériter sa première bouche.
Crooot, lui, opinait distraitement du chef lorsqu’un silence ressemblait à une question.
Il conservait son silence le reste du temps comme une relique aux fantastiques pouvoirs d’introspections.

Quand il ne remplissait pas ses propres carnets, il gribouillait rapidement les idées que la petite inventrice peinait à mettre sur papier pour y voir plus clair.
Ils leur arrivaient parfois même de rire quand un mou tombait dans un pot d’huile ou de peinture.
Si Lyne semblait soucieuse, se frottait la poitrine, signe qu’elle ressassait de bien sombres pensées, Crooot lui jetait une boule de papier froissé où elle découvrait son portrait grimaçant. L’effet comique n’était pas des plus hilarants, mais il rendait le sourire à la fillette.
Quand Lyne n’entendait pas le nelda grogner, souffler de lassitude ou chantonner à sa poche depuis un petit bout de temps, elle savait que le nelda sombrait dans une mélancolie plus profonde. Elle envoyait alors un de ses automates danser devant le gribouilleur. Ce dernier sortait de sa triste rêverie et entreprenait de le piéger sur les pages jaunes de son carnet.

Les jours avançaient et il n’envisageait plus de quitter la tydale.
Il était peut être temps de laisser filer un peu de longueur aux amarres qui le retenaient à Lerth.
Antiorn, si bienveillant envers lui, avait aussi sa facette de solitaire à entretenir et Achara ressentait le besoin impérieux de s’isoler ces derniers temps.
Peut être que la solitude de l’un allait de paire avec l’isolement de l’autre.
Ils étaient les deux cotés d’une même pièce et Crooot était ébréché.
Il ne savait pas où l’emmènerait cette aventure mais il se sentait tout à fait capable de la vivre. Il mettait à disposition ses bras, ses biens et son affection.
S’il comprenait ce que lui disait Dubulb’, il allait s’enfermer dans un tonneau et se retrouver dans un de ces bateaux qui le rendait tant malade. La perspective d’attendre à l’étroit que l’on veuille bien embarquer son tonneau à coté de celui de la fillette ne l’emballait pas plus que ça. Comme son mou continuait de luire, au moins il ne serait pas dans le noir.




Dubulb' dit :


T’es prêt crasseux ?
On décolle !


Crooot se lève, fourre ses affaires dans le tonneau qui lui est réservé.
Qu’il est petit ce tonneau pour un nelda comme lui. Il fait un rapide état des lieux.
Le leste au fond de la petite prison pour lui donner l’illusion de poids, les provisions pour le voyage, le double cloisonnage en ouate pour rendre un son plein, si d’aventure un pénible cogne au tonneau. Tout cela pèse bien lourd dans la charriote à bras qu’il entreprend alors de tirer à l’extérieur.
Une fois en ville Lyne le guide par les ruelles sombres et discrètes de Lerth.
Le nelda transpire sous l’effort mais il sait que ce n’est rien en comparaison d’un voyage dans un tonneau scellé.
Ils arrivent en vue du manoir Dymer.
Ils peuvent encore faire demi-tour.



 
Nelle

Le Merakih 7 Dasawar 1511 à 23h58

 
Knüt dit :




Chamallow l'a bien compris, c'est LE code, celui convenu lors de la réunion d'élaboration du plan pour signaler de passer à l'action.
Dans un premier temps, il avait bien proposé autre chose, un truc un peu poétique du genre "bercent mon coeur des langueurs monotones", mais rapidement il s'est dit que ce serait trop long à retenir. Le truc des tomates, par contre, au poil.


Knüt dit :


Je répète.


Scande Knüt, pour être sûr, une deuxième fois dans l'esprit des mous et des poussiéreux concernés.

En effet, depuis vingt minutes, Erling et Nelle sont dans le petit salon, à boire le thé, manger des petits gâteaux et discuter de trucs de propages, ou bien de trucs de marins peut-être, pour commencer à se mettre dans l'ambiance...?
Enfin bref, ils discutent sagement, c'est le principal, sachant que le départ est prévu pour demain : c'est le moment ou jamais !!
Saltis est au port, et ne devrait pas revenir avant le soir... pour justement embarquer les derniers tonneaux, ceux de sa cave perso...


Knüt dit :


Je répète.


Répète le mou jaune une troisième fois, juste au cas où.
Puis Tod et lui mettent leur part du plan à execution : Tod dans le jardin, pour guetter l'arrivée de Lyne et Crooot.
Knüt patrouille dans le couloir, pour surveiller aussi bien les deux zozos au salon que la vieille Mir'ha, en train de faire du ménage à l'étage.

Il faut dire que l'idée de Dubulb, inspirée du jeu qui les occupa à Arameth lors de leur première rencontre, est redoutable d'efficacité : le principe est assez simple, il consiste pour le mou à généreusement se tremper dans de l'encre ou de la peinture colorée, et ensuite d'aller répandre la couleur en question par simple contact : à Arameth, c'était sur les passants... ici, Knüt a appliqué le principe sur les murs, le plancher, et même le plafond.
Le temps de nettoyer toutes les taches du couloir de l'étage et de la chambre de pépé Dymer -si ça avait été celle de Nelle, celle-ci aurait sans doute eu à nettoyer elle-même- la vieille Mir'ha ne devrait à priori pas émerger avant une bonne heure !

La voie est donc libre, par l'entrée de service à l'arrière de la maison, pour que Lyne et Croot transportent leur barda jusqu'à la cave, au sous-sol, sans se faire intercepter.
Dès qu'ils arriveront, accompagnés de Chamallow et Dubulb', ils seront alors quatre mous pour faire le guet : à moins de le faire exprès, ils n'ont vraiment aucun risque de se faire repérer...


 
Lyne

Le Julung 8 Dasawar 1511 à 18h49

 
Le trajet de l’Atelier au Manoir Dymer est passé bien trop rapidement à son goût. Pourtant ça n’a pas été facile. Crooot n’est pas du genre grand baraqué costaud mais plutôt petit gabarit rabougri. Pas le mieux quand on doit se trimbaler une chariote avec deux tonneaux lestés. Elle l’a donc aidé comme elle a pu, tirant-poussant de toutes ses forces. Pas que ça lui ait tellement allégé la besogne au Quipu, mais bon, ça a surtout permis à Lyne de se concentrer sur une tâche précise sans trop penser à la finalité du trajet. Qui est arrivé bien trop vite. Et qui se dresse maintenant à quelques pas, promesse trop soudainement incarnée d’un voyage rêvé.

Sans même se concerter, la petite fille et le Nelda s'immobilisent et lèvent les yeux vers l’imposante bâtisse de deux étages qui les domine.
Sûrement le temps de reprendre le souffle que leur a pompé la chariote.
Ça doit être ça.
Rien à voir avec la trouille.
Lyne jette un coup d’œil derrière elle.
La rue est vide.
Pour l’instant.
Jusque-là ils ont encore le choix.
Faire demi-tour.
Retourner à l’Atelier et reprendre la routine qu’ils ont lentement mise en place au cours de ces deux dernières semaines.
Renoncer…

Lyne se met machinalement à frotter la cicatrice sur son torse.

Et retrouver les cauchemars ?
Parce qu’il ne faut pas se leurrer : si elle a réussi à repousser l’angoissant souvenir de Mirgahal ces quinze derniers jours c’est bien grâce à leur projet d’infiltration et à l’idée de faire elle aussi parti d’une aventure extraordinaire.
Alors, faire marche arrière ? Maintenant ?
Pas question.
Ils iront jusqu’au bout.
Et puis c’est marre.

Elle tourne son petit visage décidé vers Crooot et murmure.

On regarde vite fait une dernière fois le plan et on fonce, d’accord ?

Elle déplie rapidement le papier et répète ce qu’ils se sont déjà dit trente-six fois. Histoire de se donner encore quelques secondes. Et de rassembler le maximum de courage avant de lancer les hostilités.

Alors… L’entrée de service est derrière. Il suffit qu’on fasse le tour de la maison et qu’on rentre dans la cuisine. L’escalier qui mène à la cave est juste en face… Une fois en bas, on s’installe dans les tonneaux et le tour est joué.



En relevant les yeux vers Crooot, elle sent bien qu’il en mène pas large. Alors elle lui fait un petit sourire en coin qui se veut rassurant. Genre : T’inquiète, on gère. T’as vu. Et qui s’avère plutôt relever de la grimace. Mais dans l’idée, on y est.
Elle respire un grand coup.

Allez… On y va.

Quand faut y aller… Faut y aller.
Ils s’avancent, la Chariote à leur suite. Quelques pas leur suffisent pour atteindre le jardin où ils retrouvent Todd en faction. Chamallow le rejoint avec des airs de conspirateurs dignes des plus grands moments de Knüt.

Chamallow dit :

Hey ! On est là ! Youhou ! C’est bon ? On peut y aller ? Y a personne ?

Le mou gris leur confirmant que la voie est libre, Lyne et Crooot se hâte de contourner la maison en évitant au maximum de faire du bruit. Certes, la petite a longuement huilé les essieux de la chariote pour parer à tous grincements, mais il y a peu à faire contre le bruit des roues sur les pavés… Il faut maintenant espérer que les murs sont trop épais et les occupants de la demeure trop occupés pour qu’ils entendent quoi que ce soit…
Bloquant la chariote contre le mur, Lyne s’empresse de détacher les sangles qui maintiennent les deux tonneaux. La suite de l’opération s’avère plus difficile que prévue : les tonneaux sont lourds et ont tendance à vouloir écraser impitoyablement le moindre orteil à leur portée. Heureusement, elle a pensé à apporter une planche en bois grâce à laquelle ils font glisser plus ou moins avec douceur les tonneaux jusqu’au sol. Une fois par terre, il suffira de les faire rouler. Carrément plus pratique.

Chamallow de son côté ne cesse d’apparaître et de disparaître en tournoyant.

Chamallow dit :

Vite ! Viiiite ! Faut pas qu’on traîne ! Une deux une deux ! Et un et deux et… Euh non, y a que deux tonneaux… Allez, plus vite ! Voilà ! Yahou ! Génial ! Allez, maintenant que c’est bon, on y va ! La porte ! La pooooorte ! Viiiiiiiiiite.

Y a pas à dire, les tonneaux, c’est du lourd. Avec tout ça, son cœur bat à tout rompre. Elle entend presque plus que ça. Toum Toum, Toum Toum ça fait dans sa cage thoracique. Mais pas moyen de reculer. Plus maintenant. Elle tente maladroitement de reprendre sa respiration tout en collant son oreille contre la porte de l’entrée de service. Pas un bruit ne lui parvient de la cuisine qui est censée se trouver derrière.
Elle approche sa main de la poignée.

Cette fois-ci plus question de faire demi-tour.



 
Erling

Le Vayang 9 Dasawar 1511 à 18h06

 
Tod était arrivé au manoir des Dymers depuis une quarantaine de minutes lorsqu'il vit émerger la petite Tydale et le Nelda du coin de la rue.

Il avait passé les minutes d'attente dans un état d'excitation extrême, se téléportant à tout va dans moins d'un mètre carré sans raison, guettant le moindre mouvement avec une attention toute paranoïaque. Le plan avait été lancé par Knüt et, depuis, bien qu'il n'ait en fait strictement rien eu à faire, le mou gris avait l'impression de se donner à fond.


Tod dit :
Les colis arrivent, les colis arrivent !


Tod lança cette information à Knüt avant de se précipiter aux devants des nouveaux arrivants.

Tod dit :
Tout est okay niquel top. Foncez !


Puis, alors que les deux complices et leurs mous respectifs contournèrent la maison, le mou gris continua son manège incessant d'apparitions et de disparitions, engendrant une litanie de plop discrets.

Enfin, les tonneaux furent déchargés et les conspirateurs s'apprêtèrent à entrer dans la maison. N'en pouvant plus de tout ce suspens, Tod plopa dans la rue, laissant un instant l'histoire se faire sans lui.


Pélerin du S'sarkh

 
Lyne

Le Sukra 10 Dasawar 1511 à 16h06

 
La main sur la poignée, Lyne passe en revu tout ce qui pourrait faire capoter leur plan pourtant si minutieusement préparé. Et y a de quoi faire. L’arrivée impromptue d’un des occupants du manoir, l’échappée belle d’un des tonneaux, l’abandon soudain de Crooot…

Chamallow dit :

Lyyyyyyne ! Mais qu’est-ce t’attends ? On va pas camper là, oh ! La porte ! Viiiiiite !

Chamallow a raison : les deux propages vont pas non plus passer des heures à discuter et la vieille servante peut redescendre à tout moment des étages. Sans compter Pépé Dymer…
Lyne inspire un grand coup. Et se décide. La porte s’ouvre silencieusement, révélant la cuisine du manoir… qui est vide. Ouf ! La petite pousse un profond soupir de soulagement quand surgit soudain dans son champ de vision un petit machin remuant… Pendant quelques instants, la panique la submerge. Ça y est, ils sont découverts ! C’est la cata complet !

C’est le moment que choisit Chamallow pour apparaitre dans la cuisine avec un plop discret.

Chamallow dit :

Commandant Knüt ! Caporal Chamallow au rapport ! La première phase de l’opération - Approche furtive - est un succès. Yahou ! Nous entamons maintenant la deuxième phase : Insertion tonnelière. Méga coooool !

Knüt ! Lyne en rirait presque si la situation n’exigeait pas un maximum de discrétion. Qu’elle est bête ! Bien sûr que c’est Knüt. Pfoulàlà, cette trouille ! Mais bon, maintenant, elle peut respirer, tout est sous contrôle… Enfin pour l’instant. Un rapide coup d’œil à la pièce lui permet de repérer les escaliers qui mènent à la cave, pile à l’endroit prévu. Se retournant vers Crooot, elle murmure.

Bon, on fait comme on a dit : je descends vite fait, je déverrouille le monte-charge de l’intérieur et je te l’envoie. Toi, pendant ce temps, tu fais rouler les tonneaux jusque là-bas, tu les charges et tu viens me rejoindre pour les installer dans la cave.

Aussitôt dit, aussitôt fait. La cave est sombre mais elle a pensé à apporter une bougie histoire de s’éclairer le temps de l’opération. Le monte-charge ne lui pose pas trop de soucis : il suffit de débloquer le loquet pour le libérer. C’est sûr que ça aurait été une autre paire de manche si elle n’avait pas pu entrer dans la cave, l’ouverture donnant vers le jardin étant hermétiquement celée du moment que loquet est en place. Heureusement que Knüt leur a donné l’occasion de s’infiltrer.

Du côté de Crooot, ça ne se passe pas aussi mal qu’il aurait pu le craindre. Maintenant que les tonneaux sont au sol, ses orteils sont en relative sécurité, les fûts semblant sacrément moins vindicatifs que lors de l’étape de déchargement de la chariote. Ils se laissent même tranquillement rouler jusqu’au monte-charge. Certes ils font un peu des leurs le temps d’être chargés, occasionnant quelques bleus au Nelda, mais rien de dramatique au vu de la situation.
C’est donc en un rien de temps que les tonneaux sont descendus et installés à côté de leurs jumeaux.
C’est à ce moment précis que Lyne réalise le problème.

Mince ! Qu’est-ce qu’on va faire des deux tonneaux remplis de picrate ?

C’est sûr que si Papi Dymeur trouve quatre barriques à la place des deux qu’il a laissées, il risque de se douter de quelque chose… La faille. Un plan sans accro, hein ? Et zut.
Un rapide conciliabule s’engage entre la fillette et les mous, Crooot étant trop occupé à reprendre son souffle pour donner son avis sur la question. C’est finalement la proposition de Knüt qui remporte tous les suffrages : ils vont remonter les deux tonneaux de pinard et les planquer au fond du jardin, dans un coin où Papi Dymeur ne les remarquera pas. Lyne acquiesce : ouais, c’est le plus simple. Elle refuse par contre catégoriquement la phase qui consiste à vider dans un premier temps les deux tonneaux histoire d’alléger le chargement.

Chamallow dit :

N’empêche, Knüt, il a raison. Ça serait carrément moins lourd pour le Quipu… S’il était pas aussi rabougri aussi, on serait pas obligé de proposer des trucs comme ça, hein.

Refusant de discuter avec les trois soulards en devenir, elle s’empresse de mettre leur nouveau plan à exécution avec l’aide du Nelda. Autant dire que c’est lui qui fait tout le boulot pendant qu’elle l’encourage le plus silencieusement possible.

Plus à droite, oui voilà. Attends, je coince le cran. C’est bon, tu peux les récupérer. Allez, t’as plus qu’à les faire rouler derrière le buisson du fond là-bas et c’est plié. Oh Attention ! Tes orteils ! Ouille… euh, ça va ?

Crooot revient du fond du jardin l’air penaud, une grimace de douleur sur le museau. Pendant qu’il rejoint la cave en boitillant, elle fait en sorte de ne laisser aucune trace de leur passage, refermant la porte de la cuisine et replaçant le loquet qui maintient le monte-charge fermé.
Les deux conspirateurs se retrouvent enfin devant leurs tonneaux respectifs.

Et voilà, on y est.

Lyne aimerait bien dire un truc un peu solennel histoire de marquer le moment mais y a rien qui lui vient. Quelque chose du genre « vers l’infini et au-delà » mais ça sonne pas terrible dans cette cave sombre face à leur deux barriques.
Alors elle se tait.
Et le silence se fait. Permettant d’entendre très distinctement le bruit des pas qui résonnent dans la pièce du dessus. Ce qui précipite légèrement les événements.
Ils n’ont pas le temps de réfléchir : la suite se fait à l’instinct, la trouille décuplant leur réactivité. Ce qui n’empêche pas leurs mains de trembler… Chacun s’empare du couvercle de son tonneau le débouche et se glisse dedans le plus rapidement possible avant de replacer la fermeture à double fond au-dessus de leur tête.



Lyne se retrouve dans le noir. Seule. Son petit cœur bat à tout rompre. Le tonneau est assez grand pour qu’elle puisse s’assoir et même se coucher en boule, mais elle n’ose imaginer comment le Quipu doit être installé. Au début, elle avait imaginé bricoler un grand tonneau deux places avec tout le confort moderne mais les informations de Knüt lui ont fait revoir ses prétentions à la baisse. Elle est quand même contente du résultat : les deux tonneaux sont lestés histoire que les personnes en charge de leur transport ne se doutent de rien, le double cloisonnage en ouate permet de rendre un son plein tout en leur assurant une isolation nécessaire en ces jours d’hivers, le couvercle à double fond donnera le change en cas où y en ai un qui veuille s’en servir une petite et les aérations leur permettant de respirer sont habilement dissimulées… Leurs provisions (nourriture, eau, vêtements de rechange, outils en tout genre…) sont répartis dans les tonnelets de leste accessibles via une petite trappe. Ça pourrait être pire.
La petite s’installe du mieux qu’elle peut et se prépare à la longue attente. Ce qui l’embête le plus, c’est le noir. Crooot de son côté est chanceux : depuis que Dubulb’ s’est trempé dans la bière avec sa peinture, il est légèrement luminescent. Certes, c’est en train de disparaître mais il dégage encore assez de lumière pour rendre l’enfermement supportable. En ce qui la concerne : pas de mou lumineux. Et pas moyen d’allumer une bougie sous peine de s’asphyxier.

La bougie…
Mince !
Dans la panique, elle a oublié de l’éteindre.
Ohlàlàlà.
C’est là qu’un autre truc lui revient en mémoire.
La Chariote !
Tout occupé qu’ils étaient avec leurs histoires de tonneaux, ils ont complètement zappé de la planquer.
Zut, zut et zut !

Elle s’apprête à tenter une sortie, au moins pour régler l’histoire de la bougie, quand elle entend des pas dans les escaliers. Bon ben voilà. On y est. A partir de maintenant, leur destin n’est plus dans leurs mains. Quand à savoir dans lesquelles il va échouer, c’est une question que la petite ne se pose pas. Tout ce qu’elle sait, c’est que c’est le moment de prier. Et c’est ce qu’elle fait, ses petites mains serrées contre son torse, la bouche close. Elle prie de toute sa foi. Parce que finalement c’est de ça qu’il s’agit. Partir à la rencontre du S’Sarkh. Tout simplement.



 
Nelle

Le Sukra 10 Dasawar 1511 à 19h22

 
Alors que Lyne et Crooot disparaissent dans leur tonneau respectif, Knüt prend soudain lui aussi conscience de cette fichue bougie. En même temps qu'un Chamallow au regard paniqué plope hors du tonneau, impuissant, et redisparait aussitôt.

Knüt dit :

Je gère la bougie !!
Reste dans ton tonneau jusqu'au prochain signal, maint'nant !


Ni une ni deux, Knüt souffle dessus et l'éteint.
Punaise, heureusement qu'il a une bouche, sinon ils étaient foutus !!!!
Il s'en dégage bien un petit fumet qui pourrait les trahir.... mais non : les bruits de pas n'étaient que ceux de Mir'ha, qui a manifestement fini de nettoyer la diversion et entreprend donc de préparer le diner.
Sans remarquer l'odeur de bougie, elle choisit quelques denrées dans le cellier rapidement, et remonte.
Pas le moindre regard vers les tonneaux.
Ouf....

Reste la chariote.
Flûte.
Crotte de crotte de bique.
Là, pour le coup, Tod et lui ne peuvent pas faire grand chose.
Reste plus qu'à miser sur le quiproquo : que pépé Saltis pense que c'est Mir'ha qui l'a laissée là. Et inversement, que cette dernière, si elle la voit, considère qu'elle attend sagement que pépé Saltis vienne faire enlever ses tonneaux.
C'est tendu, mais avec l'agitation de veille du départ, c'est jouable.
Reste donc plus qu'à croiser les fesses, et serrer les doigts.


Knüt dit :

Allez, Tod, dernière partie du plan, c'est parti !!
GO, GO, GO !!!


La dernière partie du plan, pour les deux mous, est sans doute la plus difficile... : faire comme si de rien était....
Jusqu'au lendemain soir, c'est à dire jusqu'à ce que le bateau soit suffisamment loin des côtes pour que Lyne et Crooot ne soient pas simplement bazardés dans une barque et invités à rentrer au port à la rame une fois démasqués.
Et on aura beau dire : ne pas passer les prochaines vingt-quatre heures sans sautiller d'excitation, sans rire nerveusement, sans sursauter à la moindre occasion et sans demander l'heure toutes les dix minutes... bref, sans se trahir et sans laisser planer le moindre doute dans l'esprit de Nelle ou Erling... ben ça va être un sacré challenge...


Environ deux heure plus tard, Saltis se pointe enfin, comme prévu, accompagné de deux membres d'équipage à qui il indique les tonneaux et les caisses de vin et de bière à embarquer.
Sans sembler remarquer la supercherie.
L'air de rien, Knüt traine dans le coin, surveillant la manoeuvre, le souffle court.
Il retient avec peine une grimace, lorsqu'il voit les marins rouler les tonneaux sans ménagement jusqu'au monte-charge.
Les deux poussiéreux à l'intérieur ont intérêt à être bien accrochés.
Et leur estomac aussi...

Les marins repartent finalement avec leur précieux chargement et les instructions du père Saltis sur leur usage et destination.
Jusqu'ici, tout va bien...

Cette fois, les dés sont vraiment jetés...


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