Les Mémoires de Syfaria
L'île de Syfaria

Le Bateau : À fond de cale.

Lyne et CroOot sont dans un tonneau.
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Sujet lancé par Lyne
Le 14-12-1511 à 21h58
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Posté par Penthésilée,
Le 24-02-1512 à 21h52
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Lyne

Le Merakih 14 Dasawar 1511 à 21h58

 
Lyne a mal au cœur. Elle sait pas si ça vient de l’odeur de vomi du tonneau voisin du sien ou du roulis qui les secoue depuis maintenant plusieurs heures, mais le constat est là : son déjeuner aimerait bien se faire la malle. Et si possible en repassant par là où il est entré.
Carrément dégueu.

Faut dire, difficile de luter contre la nausée quand on est coincé dans un tonneau à fond de cale. Dans le noir, y a pas d’endroit où accrocher le regard histoire de se concentrer sur un truc un peu immuable. Genre l’horizon. Et pas question de respirer un peu d’air frais pour se remettre l’estomac à l’endroit : pour l’instant elle n’a droit qu’aux relents de vieille vinasse et aux effluves du Quipu. Dont le surnom prend soudainement tout son sens.

Alors la petite essaie de penser à autre chose.

Parce que bon.
Finalement.
Ils y sont parvenus.
Ils sont dans la cale du navire de Batyias.

N’auraient été le roulis, elle aurait pu en douter. Et s’imaginer dans n’importe quelle cave de Lerth, bêtement enfermée avec pour toute compagnie les réserves de la famille Pichu et un nelda tout rabougri.
Le bide.
Le bide ?
On noooon... Pas le bide !

À l’évocation de son estomac tout retourné, Lyne retient à grand peine un haut-le-cœur.
Ohlàlàlà, ça va vraiment pas super…
Elle respire profondément.
Plusieurs fois.
Pfiou…
C’est passé.

En fait, c’est carrément un vrai miracle qu’ils n’aient pas été repérés. Surtout durant la phase du transport. Alors là, franchement, heureusement que c’était pas son matériel qu’on trimballait parce que sinon elle se serait pas priver de leur dire de quel bois elle se chauffait aux deux crétins en charge de leur tonneau. Y a pas idée de vous faire rouler comme ça sans prendre la moindre précaution ! Heureusement, les deux barriques ont tenus le choc et ses bricolages avec. Bon, par contre, pour les passagers clandestins, ça a pas été la même : elle sait pas trop dans quel état se trouve le Quipu (en dehors de l’odeur) mais de son côté elle se doute bien qu’elle doit présenter un joli panachée de bleus tirant plus ou moins sur le violet. Rien de bien grave, hein. Même pas de quoi lancer un sort de soin mineur, à vrai dire. Ce qui a grandement désappointé Chamallow d’ailleurs. Un sacré gâchis, il a dit. Rien que ça.

Le truc, c'est qu'une fois leurs tonneaux en place, Lyne s’est mise à flipper. Le pire aurait été qu’on les découvre juste avant que le bateau appareille. Ça, elle aurait pas supporté. Être reconduite comme une malpropre sur le quai : la honte. Alors ils ont attendus, attendus et attendus encore. N’osant faire le moindre mouvement, de crainte de laisser échapper un bruit suspect et d’attirer une attention indésirable sur leur tonneaux de compèt’…

Vaincue par la fatigue, elle s’est finalement endormie.
Petit truc chiffonné roulé en boule au fond d’une barrique.
Le temps a avancé.
C’est ce qu’il sait le mieux faire…

Impossible de savoir au bout de combien de temps elle s’est réveillée.
Parce que c’est l’autre gros problème de l’infiltration tonnelière : tu peux toujours te gratter pour savoir l’heure qu’il est. C’est là que la montre de son papi aurait été bien utile. Mais dans la situation présente, elle n’a strictement aucune idée de s’il fait encore jour ou si c’est déjà la nuit. Tout ce qu’elle sait c’est que quand le bateau s’est mis à bouger elle a éprouvé un sacré soulagement.

Parce que chaque seconde de plus qui passe leur assure leur place au sein de l’expédition.

Quelle place exactement, ça, elle y a pas tellement réfléchi. Mais maintenant que ça fait plusieurs heures que le navire a quitté le port, ça commence à carburer sévère dans sa caboche. On peut en effet raisonnablement penser qu’ils perdront pas de temps à faire demi-tour pour les ramener sur la terre ferme si jamais ils les découvrent. Mais rien ne dit qu’ils ne les colleront pas dans un cachot bien humide avec du pain sec et de l’eau en guise de punition. Alors jusque là ils l’ont joué discret, bien décidés à rester planqués le plus longtemps possible.

C’était compter sans le mal de mer.
Misère…
Voilà qu’en plus elle a envie de faire pipi…



 
Crooot

Le Julung 15 Dasawar 1511 à 00h49

 


Le nelda avait un souvenir parcellaire des derniers évênements.
Les ouvriers, chargés du transbordement, semblaient vouloir transformer de façon peu orthodoxe le vin d'avih Dymer en pétillant, tant ils avaient mis d'aplication à faire rouler son tonneau. C'est à ce moment là que Crooot avait fait prendre l'air à ses sucs gastriques et au reste de petit pain façon Aliundil qu'il avait avalé précédemment.

Il se souvenait très vivacement du leste qui se détacha du fond de sa cachette pour heurter chaque parcelle de son corps, qui n'était pas en contact avait les paroies ouatées du tonneau. Ce leste s'avérait être une grosse pierre...
Oh ça n'avait pas beaucoup cogné le bois du tonneau car le nelda occupait les neuf dixièmes de l'espace vacant.

Puis plus rien.

Il se trouvait maintenant la tête à l'envers, les cheveux baignant dans une flasque acide aux remulgres organiques, avec un mou sentant vaguement l'urine, posé sur sa truffe. Ce dernier souriait d'un air narquois.

Dubulb' dit :


De retour parmi nous moussaillon ?


Il se consolait en se disant que l'encre jaune, conctée à base d'urine et de pelures d'oignon, si elle sentait le slip de clochard, avait la curieuse capacité de luire quand elle se trouvait en contact avec de l'alcool. Son mou ayant vidé avec Knüt une cuvée spéciale du S’sarkh miséricordieux, l'alcool rentrait dans l'équation. L'artiste n'était donc pas dans le noir et s'en consolait donc.

Il eu soudain une pensée pour Lyne.
Il espérait qu'elle n'avait pas subi les même outrages.
Elle était la seule et unique raison de sa présence à bord.
Elle était sa protégée, il se l'était juré.
Elle était son amie, il l'espérait.
Elle était sa bouffée d'air, il respirait enfin.

La petite inventrice était l'auteure du bel ouvrage dans lequel il avait clandestinement infiltré le bateau.
Elle dépensait son énergie à la création et ça le nelda connaissait. Lui, noyait son mal-être dans la peinture.
Mais il avait récemment associé sa propre frénésie créatrice à quelque chose de plus grandiose et optimiste:
Le plaisir de la petite.

Il prit peur soudain qu'un malheur ne lui soit arrivé.
Il toca doucement contre le bois.

Lyne ?



 
Lyne

Le Julung 15 Dasawar 1511 à 18h43

 
Lyne croasse.

CroOot ?

C’est que c’est pas si évident à prononcer.
Et puis, entre la Crotte et la Croûte, elle a du mal à choisir.
Alors plutôt que de se décider, elle amalgame.
Ce qui plait beaucoup à Chamallow.
Il se met à hululer.

Chamallow dit :

CrôOUt. CrouÔt ? CroooooOut… CrOuuuuuOooot ! CrouoOoUuOout !!!!

La petite s’affole.

Chamallow ! Chhhhut ! Tu vas rameuter tout le bâtiment !


Vexé, le quadrangulaire disparaît avec un plop discret.
De son côté, elle tend l’oreille.
Heureusement la cale a l’air vide.
En tout cas, elle n’entend rien.
Réprimant un nouvel haut-le-cœur, elle toque à son tour.

Ça va ?

Ploup, fait Chamallow en réapparaissant.

Chamallow dit :

Ohlàlàlà, il est tout retourné le Quipu ! Genre comme une tarte tatin mais sans les pommes ! Un peu comme si on l’avait tout bien secoué avant de le tasser dans le tonneau. Je crois qu’il a un peu vomi aussi. Mais bon je suis pas sûr sûr parce que Dubulb’ il éclaire pas des masses. En tout cas, il a pas l’air tip top. Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ? On sort ?

Lyne hésite.
Tant qu’ils sont dans le tonneau, ils sont tranquilles.
Sauf qu’y a un problème.
En fait y en a deux.
Estomac et Vessie, ils s’appellent.
Alors, elle se décide.
Parce qu’il est pas question qu’elle vomisse.
Elle a ho-reur de ça.

CroOot ? Je vais tenter une sortie, d’accord ? Bouge pas, hein. Je reviens vite et après on va voir si on peut pas essayer de te démouler.

Sitôt dit, sitôt fait. La petite dévisse son haut de tonneau le plus silencieusement possible et laisse enfin apparaître deux yeux fureteurs. Habituée à l’obscurité de son fût, elle n’a pas beaucoup de mal à distinguer les formes géométriques qui se détachent dans la pénombre. Pour l’instant, tout semble calme. Se faufilant hors de son refuge, elle respire enfin profondément l’air de la cale. C’est pas encore celui du grand large mais comparé à celui vicié de son tonneau, c’est un vrai régal. Ça va d’ailleurs nettement mieux du côté de son estomac : la nausée est toujours là mais les haut-le-cœur se sont calmés. Pourvu que ça dure.

Elle chuchote.

C’est bon, je suis dehors. On dirait qu’y a personne… J’y vais.

Et sans attendre une possible réponse de son compagnon tonnelé (c’est qu’elle a sacrément envie de faire pipi), elle s’enfonce le plus silencieusement possible dans le labyrinthe de caisses, sacs, barriques, coffres et tonneaux. La cale s’avère immense. Y a des coins, des recoins, des pièces, des portes et même un large escalier qui se perd dans l’obscurité. Pour une première sortie, elle ne s’éloigne pas trop. Enfin quand même suffisamment pour pas que le Quipu entende. Sitôt son affaire faite (entre deux gigantesques barriques), elle se dépêche de revenir, louvoyant entre les caisses aussi discrètement qu’une souris.

Il n’y a pas un bruit dans la cale hormis le clapotis de l’eau sur la coque.
C’est pourquoi le coup la prend complètement par surprise.
Elle est projetée au sol sous la violence du choc.
La douleur explose dans son dos en même temps que Chamallow se met à hurler.

Chamallow dit :

Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ! Au secours ! Au secouuuuuuuuuurs ! Lyyyyyyyne ! Elle est blessée ! Elle saigne ! CroooooooOOOooOoOOoOOoOoOOot !

Complètement paniquée, Lyne imagine un moment que c’est le fou-psychopathe qui l’a retrouvée et qui vient en terminer une bonne fois pour toute avec elle.
La nausée lui vrille les entrailles.
Oh nooooon.
Mais la petite n’a plus aucun moyen d’empêcher ce qui va arriver.
La trouille et la souffrance sont bien trop viscérales.

Alors ça manque pas.
Elle se met à vomir.
Pile sur l’esprit naturel qui vient de l’attaquer.
Ah c’est sûr qu’il fait moins son malin maintenant qu’il est tout recouvert de sucs gastriques.

Flottement.

L’esprit semble relativement indécis sur la conduite à tenir.
Elle non.
Elle se carapate.
Direction : le tonneau.

Pourvu que personne n’ait rien entendu…



 
Crooot

Le Vayang 16 Dasawar 1511 à 21h58

 
Chamallow vrilla les pensées du nelda contorsionniste.
Citation :
Lyyyyyyyne ! Elle est blessée ! Elle saigne ! CroooooooOOOooOoOOoOOoOoOOot !

Crooot paniqua. Il tapa du pied, secoua sa prison de bois en tous sens, grogna d'effort pour
finalement sentir sa cachette tanguer dangereusement.


Lyne tentait de s'expliquer en sanglotant. Crooot ne comprenait qu'une phrase sur deux.
Elle était sortie se mettre entre deux gargantuesques marmites pour buriner ?
C'est alors qu'un esprit naturel, camouflé en sac, l'avait attaqué.
Chamallow donna l'alerte et une migraine au nelda. La petite avait fuit jusqu'ici.


Là, là tout va bien se passer. Je suis avec toi.
Ne t'inquiète pas je me charge de l'esprit. Reste entre les tonneaux.
Je reviens tout de suite.


Dubulb' dit :

Qu'est ce que tu vas faire ? Le gribouiller à mort ?
Remarque, entre le vomi, la sueur, la vinasse et ton parfum naturel, t'as une chance de le faire fuir.


Reste avec elle !

Crooot sembla changer en un battement de coeur. Il grogna de défi. Retroussa les babines et on pouvait jurer voir ses yeux briller d'un éclat un peu dément. La colère gronda en lui et il se laissa envahir. L'adrénaline noya ses veines.
Il passa à l'attaque.

Lyne le vit partir à l'opposé du lieu de son agression s'en prendre à un sac de carottes.
Elle mit tout de même au crédit du nelda, que les carottes ne firent pas leurs malines.



 
Lyne

Le Sukra 17 Dasawar 1511 à 01h10

 
Encore sous le choc de l’attaque, Lyne est en train de se carapater en vitesse quand le Quipu surgit comme un diable hors de sa boîte.
Enfin… Disons plutôt qu’il s’en extirpe maladroitement à force de gesticulations.
Tout démoulé, qu’il est le CroOot.
Et enfin à l’air libre.
C’est malheureusement pas le seul…
Y a ses effluves qui l’accompagnent.
Et autant dire qu’elles se font une joie d’envahir ce nouveau terrain de jeu.
Pouah !
Et c’est peu de le dire.
Sans compter que la fusion vomi-sueur-vinasse a développé au sein du tonneau une propriété jusqu’alors méconnue.
Elle pique les yeux.
Carrément.
À tel point que Lyne ne peut retenir les grosses larmes qui coulent le long de ses joues.
Un réflexe de défense naturel, sûrement.
Ce que voyant, le Quipu se précipite pour la prendre dans ses bras, la serrant jusqu’à l’étouffer.
Louable intention.
Manque de bol, la petite n’a pas le temps de retenir sa respiration.
Et ça ne rate pas : l’odeur aigrelette qui se dégage encore de la fourrure du Nelda ravive l’écœurement de la fillette.
Elle hoquette.
Ce qui ne facilite pas du tout ses explications.
Surtout avec Chamallow qui continue de hurler dans leurs pensées.

Chamallow dit :

Là ! J’le vois ! Il est là ! Le sac ! Là-bas ! Il va réattaquer ! Au seCroooOooot !

Et autant dire que la suite de la scène en bouche un sacré coin à Lyne.
Métamorphosé il est le Quipu.
Un monstre sanguinaire.
Assoiffé de sang.
La rage au fond des yeux.
La bave au coin des babines.
Limite, il lui file un peu la trouille.
Enfin…
C’est-à-dire…
Jusqu’à ce qu’il se précipite comme un forcené à l’opposé de l’endroit désigné par Chamallow.
À sa décharge, le combat est dantesque.
Ah ça, c’est sûr que les carottes font pas leurs malines.
Y a même quelques poires qui se trouvent mêlées à la bataille à l’insu de leur plein gré.
Et autant dire que c’est pas joli joli.

Du côté de l’esprit naturel, en revanche, ça va plutôt pas mal.
En dehors de la fourbe attaque des reflux gastriques, il n’a pas grand-chose à craindre.
La petite chiffonnée a l’air sacrément mal en point et le grand poilu est en train de démonter méthodiquement une partie de la réserve située de l’autre côté de la cale.
Tout baigne…



 
Penthésilée

Le Sukra 17 Dasawar 1511 à 15h34

 
Le tydale buriné qui fait face à la Vigie du Rêve n'a pas exactement la tête d'un perdreau de l'année.



Dans son phrasé haut en couleur, il s'est présenté comme étant l'Intendant. Autrement dit, le responsable des biens du navire, des équipements communs à l'armement, en passant par les vivres. Il est accompagné du Gabier, un tchaë plus jeune et plus nerveux.

Ce n'est pas vraiment un soucis matériel qui motive les deux gaillards. Enfin, si, mais pas seulement. Ils expriment le problème ainsi :


« Y'a du baston à fond d'cales, m'dame. »

Penthésilée, surprise, demande des précisions tout en s'équipant rapidement. Tandis qu'elles suit les marins, ils expliquent qu'une série de bruits inquiétant, signes manifestes d'une grosse bagarre, secouent les bas-flancs du navire depuis quelques minutes. Plusieurs manouvriers se sont armés de gourdins et rassemblés devant les grandes trappes menant aux cales inférieures, mais ne sont pas entrés.

Ce n'est pas la rixe qui les effraie, c'est Saltis' Dymer. Le bosco a laissé des instructions très strictes, en cas de grabuge :

Ne pas risquer sa peau, et aller voir la dame !
Celle avec une grande queue.


Parvenue dans les fonds, la Haut-Rêvante se fraye un chemin jusqu'aux trappes et fait signe aux marins de reculer. Ils sont une dizaine, armés de couteaux, gourdins, crochets et tabourets. Silencieux et déterminés. Effectivement, ils n'ont pas froid aux yeux... parce qu'en-dessous des lourds battants de bois, ça castagne sévère ! On entend des cris assourdis, des bruits de course, des chocs et des coups !

Prenant son courage à deux pattes, la nelda entrouvre les trappes et se glisse dans le passage, aussitôt refermé derrière elle...
Il lui faut quelques instants pour s'habituer à la pénombre, proche des ténèbres. Fort heureusement pour elle, les cales supérieures ne sont guère éclairées, ce qui l'aide à s'adapter. Dès lors qu'un rai de lumière a transpercé l'obscurité de la vaste salle, le silence s'est fait. D'un coup.

Si ce n'est une sorte de frottement, de raclement pernicieux, quelque part sur sa gauche...
Quelque chose se rapproche, lentement.
Insidieusement.

La Favorite demande d'une voix claire, tous les sens aux aguets :


Il y a quelqu'un ?

Sur quoi Achille ajoute, goguenard :

Achille dit :
Contrôle des billets !!

(...)

Dis donc, ça sent pas la rose...


Penthésilée
Vigie du Rêve
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Crooot

Le Dhiwara 18 Dasawar 1511 à 22h17

 
C'est une chose étrange la perception.
Elle change d'une personne à l'autre, suivant les circonstances.
Prenez Crooot par exemple, il y a quelques semaines un monstre arachnide a envahi l'atelier de Lyne.
Le nelda hurlait à gorge déployée comme s'il avait trois poumons. Il envoyait sévère le bougre, tant niveau volume sonore que de la description hystérique qu'il faisait du monstre.
Lyne s'apprétait à affronter le mastondonte de deux mètres, toutes mandibules suintantes de poison corrosif dehors, auréolé d'un nimbe de feu, d'où pointaient trois cornes, juste au dessus des 666 yeux débordant de haine pure.

Un coup de savate à papi et le tour était joué.

Crooot était donc un chouïa arachnophobe.
Sa peur de la petite bête changea la perception qu'il avait de la bestiole.

Imaginez maintenant une nelda, qui a eu son lot de créatures retorses, entrant dans une cale sombre, dont les odeurs imprégnant les lieux, et dont personne n'a jamais respirer d'effluves similaires, laissent à penser qu'un charognard alcoolique tente de dissoudre sa victime à grands jets de liquide gastrique.
Ajoutez à ça les bruits étouffés d'un bête ahanant, le fracas d'objets dévastés et les hoquets d'une fillette apeurée.

Le S'sarkh seul sait ce que Penthésilée perçut de la scène qui se jouait devant elle.





 
Lyne

Le Luang 19 Dasawar 1511 à 18h04

 
Lyne est encore comme deux ronds de flans quand la trappe au-dessus de l’escalier s’entrouvre brusquement. Le rayon de lumière qui perce les ténèbres illumine très brièvement les escaliers, dévoilant une gigantesque ombre fantomatique.
La vision n’a duré qu’une seconde mais achève de glacer la petite.
Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Chamallow vient se serrer contre elle en tremblotant.

Chamallow dit :

Ohlàlàlàlà ! Lyne ! Y a une bête qu’est entrée ! Ohlàlà, c’est affreux, j’l’ai vue ! Grande comme une maison, deux rangés de dents aiguisées comme des couteaux et une fourrure aussi soyeuse que de la soie…

La pensée se fait chuchotis.

Chamallow dit :

… c’est un fifrelin ! J’en suis sûr ! Il va nous manger tout cru comme le braxat sauf que nous on pourra pas braire dans son estomac même quand il sera tout retourné…

La description de Chamallow, aussi embrouillée soit-elle, ne rassure en rien la fillette.
Deux rangées de dents aiguisés comme des couteaux ?
Ça craint.

Un long silence.
Une carotte entre les dents, le Quipu est figé, mélange de trouille et de consternation.
De son côté, l’esprit naturel s’est évaporé, sûrement planqué dans un coin.
Ce qui n’est pas tellement rassurant.
Lyne quant à elle forme toujours un petit tas sanguinolent.
Ça commence à devenir une habitude.

Il y a quelqu’un ?

Oh punaise !
Le Fifrelin parle !

Contrôle des billets !!


Lyne cogite à toute vitesse.
Ça pue. (Au sens propre comme au sens figuré, d’ailleurs.)
Ça sent la ruse à plein nez, genre va z’y je fais partie de l’équipage et hop ni vu ni connu j’t’embrouille.
Mais pas question de finir dans l’estomac d’un gobeur de braxat.
Ah non.
Mais d’ailleurs… Dans les histoires de Papi, le fifrelin, il a beau être rusé, il est bête comme ses pieds…
Alors, bon, y a bien un truc à tenter.
La petite croise les doigts, grimace de douleur, et crie en direction des escaliers.


Nan y’a personne !

Avec un peu de chance, la bête viendra pas y voir de plus près…


 
Penthésilée

Le Luang 19 Dasawar 1511 à 19h36

 
C'est vrai... je dirais même que ça pue, non ?

Penthésilée parle à voix basse, tout en allumant sa lampe tempête...
C'est alors que la chose surgit !

Interloquée, la Haut-Rêvante découvre soudain ce qui ressemble à un gambol. Un gambol sale, malade, maigre au possible, le poil hirsute et souillé de sanies. Apparemment affamé, le quadrumane s'est violemment acharné sur plusieurs sacs de vivres qui gisent à ses pieds, éventrés et saccagés. Possédé par sa gloutonnerie, il brandit encore deux carottes, pathétique butin qu'il s'apprêtait sans doute à enfourner lorsque la trappe s'est ouverte !

La nelda lève sa lampe, bien décidée à l'écraser sur le faciès répugnant de l'indicible apparition, lorsqu'une voix féminine résonne dans le local :


Nan y'a personne !

Achille dit :
Ah merd'
Maman ? On est venu pour rien...
En même temps c'est mieux, parce que le truc, là...
(...)

Bon, on s'en va ?


A mesure que la lumière s’intensifie, le gambol rétrécit. Il acquiert un nom, par la grâce de la symbiose : Crooot.
La Vigie du Rêve fige son geste, surprise par l'exclamation de Lyne... et ce qu'elle découvre. Se relaxant quelque peu, la lampe toujours levée, elle fixe le poussiéreux en silence, priant pour qu'il ne soit pas ce qu'elle voit :

Un nelda ?
Ça ??

La tension le cède à un curieux mélange de soulagement et d'agacement. Réglant la mèche de sa lampe pour en augmenter la puissance, elle lance à l'intention de l'inconnue cachée (ne croyant pas si bien dire) :


Rhona, montrez-vous... je ne vais pas vous manger...

S'adressant ensuite au zombi velu à tendances légumicides :

Par les dieux, mais qu'est-ce que...
...Qu'est-ce que vous fichez ??

Penthésilée
Vigie du Rêve
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Crooot

Le Matal 20 Dasawar 1511 à 21h52

 
La belle et immaculée nelda fit pénétrer de la lumière dans cette cale à provisions où la définition du chaos prenait tout son sens.
Crooot, le poussièreux, mi-nelda mi-déchet, leva le museau vers la source lumineuse.
D'ordinaire trois facettes de la personnalité de l'artiste se partageaient le contrôle du drôle:
Le peureux, le trouillard et le raisonnable.

Dans un situation pareille le raisonnable aurait laché les deux carottes, comprenant qu'il avait à faire à une figure d'autorité, que son statut de clandestin autorisait à lui faire subir le suplice de la planche, se serait relevé penaud et aurait fait un profil si bas, que les bernicles accrochées à la coque du navire l'auraient regardé avec de grands yeux ronds en ouvrant la bouche à s'en décrocher la coquille.

Malheureusement pour Penthésilée le peureux tenait ferme les commandes du Croootard express et le trouillard jouait les copilotes. Le caroticide, fléaux du peuple légumineux, se rua sur la vigie, les yeux brillants d'espoir, voyant en elle son salut.

Il l'enlassa comme on accueille le guerrier salvateur, des deux bras autour du cou de la nelda et la truffe sur l'épaule.


Je suis heureux de vous voir ! Il est là, tapi dans l'ombre...

Il passa derrière elle, se mit à l'abri en faisant rempart du corps svelte de la nelda entre lui et ce qui était "tapi"

Faites quelque chose par pitié. C'est un esprit des carottes du sac naturel de la perversion...
Il... il... atchaaaa !
Il se moucha sans réfléchir dans la queue de Penthésilée. A mes souhaits.

Je l'ai certainement étourdi pour un temps mais il reste dangereux.

Passant la tête par dessus l'épaule de la nelda stoïque, quoique l'esprit un peu embrumé par l'odeur du confrère, les cheveux goutant d'un liquide suspect dans le cou de son interlocutrice, il pointa du doigt le fond de la cale.

C'est la petite qui m'a averti de...

La Petite !

Il bouscula légèrement la lampe tempête dont la flamme, au alentour du nuage putride, prit alors un regain de force d'une façon un peu inquiétante et alla retrouver Lyne, avachie dans un coin et dont la mine semblait, maintenant que la lumière perçait un peu les ténèbres, un peu palichonne.

Penthésilée, la belle et bien moins immaculée nelda avait fait pénétrer de la lumière dans la cave...





 
Penthésilée

Le Matal 20 Dasawar 1511 à 23h26

 
Comment ça, un sac de perversion ?
Il est où ??


Décontenancée, la Haut-Rêvante laisse le mâle crasseux s'essuyer copieusement dans sa belle fourrure. Elle a bien roulé sa bosse, mais ne connait pas pour autant tous les monstres de la création. Ne sachant sur quel pied danser, elle se méfie !
Crochant sa lampe à l'anneau de la trappe, Penthésilée saisit son arc, encoche une flèche et fouille du regard les recoins sombres de la cale.
Crotte, de son coté...


Achille dit :
Pas Crotte. Crooot.
Ca se prononce pareil, ça sent pareil, mais c'est Crooot.
A propos... il a molardé un truc énorme dans ta queue... on dirait une huître... non, une méduse... Euuuaaârk...


Crooot, donc, s'éloigne prestement en direction de Lyne. La Vigie du Rêve aperçoit la rhona du coin de l’œil, l'attention accaparée par autre chose :
Effectivement, il y a... un monstre ! Et il a l'air gigant...
Ah, ben non :

En fait de sac de perversion, c'est un esprit naturel.


« PTOOOINNNGGG »

Une flèche fantôme siffle dans l'air, transperce l'intrus et le cloue sur une caisse.
Il s'agite brièvement, tel un insecte punaisé dans sa boite, puis s'évapore dans le néant...

La harpe monocorde vient de jouer son requiem.


Achille dit :
C'est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases...


Penthésilée
Vigie du Rêve
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Lyne

Le Merakih 21 Dasawar 1511 à 00h43

 
Et la lumière fut.
Ce qui permet à Lyne de réaliser sa méprise.
Penthésilée, elle s’appelle.
Crotte. (Pas CroOot, hein. Crotte. Avec toute la consternation qui va avec.)
Une symbiosée…
C’est la cata.

Chamallow dit :

Ha ben ça… Dis donc, c’est pas du tout un fifrelin… Pas croyable ! En même temps, n’importe qui aurait pu se gourer, hein : elle est quand même hyper grande, elle a aussi des dents toutes pointues et sa fourrure à l’air smouitchy soyeuse… Enfin, euh… Plus trop maintenant, mais bon…

La petite se redresse un peu histoire de prendre la mesure de la situation.
Pas terrible, en fait.
CroOot est en train de s’essuyer du mieux qui le peut sur le pelage jusqu’alors immaculée de la Nelda. Et si pour l’instant son essuie-tout semble plus occupée à débarrasser le fond de cale de leur hôte perverti, rien ne dit que l’approche suintante de son compagnon de tonneau ne va pas se retourner contre eux.
Surtout au vu de l’efficacité de la dame.
Un coup a suffit pour clouer l’esprit naturel façon pin’s.
Ça craint.
Sans compter la blessure qui lui déchire encore le dos.
Après le carreau d’arbalète dans le torse, Lyne aurait bien aimé un petit répit.
Pfiou.
Alors, elle se concentre.
Histoire de régler un problème à la fois.
Les flux s’assemblent doucement entre ses doigts.
L’apaisement est presque immédiat.
C’est pas encore tout à fait ça, mais au moins ça a arrêté de saigner.
C’est le moment que choisit le Quipu pour se précipiter sur elle, l’affolement transcendant les effluves qui l’accompagnent.
Cette fois-ci on ne l’y reprendra pas.
Elle se bouche le nez.

T’inquiètes pas… ça va bien bieux. Bais, je boirais bien un peu d’eau par contre…



 
Crooot

Le Julung 22 Dasawar 1511 à 01h05

 
Dubulb' dit :

Bien joué le puant !
C'est dangereux les carottes. Non c'est vrai t'aurais pu choper des vitamines avec ces trucs là...
Par contre, je te fais le topo, vu que tu as pas l'air de percuter, et question percutage je pense que ça va pas tarder avec la jolie femelle blanchâtre.
Alors je te fais la version courte:

Toi et la petite vous êtes grillés.
La nelda qui vient d'épingler l'esprit naturel, c'est une pointure.
Heureusement pour toi, tu n'as pas aggravé ton cas.
Si ce n'est que tu t'es suffisamment collé à elle sans le vouloir, que sa jolie fourrure blanche a viré au vert, bordeau dégueuli d'ivrogne.
Mais ça aurait pu être pire. Tu aurais pu la galocher et lui faire sentir ton popotin.
Au lieu de ça, tu t'es juste mouché dans sa queue en panache.
J'imagine qu'elle s'en fiche de se jolie queue. La plus belle que j'ai vu cela dit.
Les neldas femelles tu sais, c'est comme ça, ça se fout pas mal de l'apparence.

Tu sais que je te dis souvent que tu pues...
Ben là si tu lâches pas la petite pour lui offrir de l'eau, elle va devenir aveugle avec sa tête sous ton bras...

C'était un plaisir de te connaitre l'affreux
.


Comme émergeant d'un rêve Crooot ouvrit de grands yeux.
Tendit négligemment sa gourde à Lyne.
Lacha un court jet d'urine dans ses chausses et s'évanouit.



 
Penthésilée

Le Julung 22 Dasawar 1511 à 02h00

 
Penthésilée s'est approchée de la caisse trouée, tâtant d'une patte inquisitrice l'endroit où se tenait l'esprit...
Disparu. Comme s'il avait été...


Achille dit :
Symbiosé !!


Mais non, sot !
Pas symbiosé : invoqué.
Ca, c'est l'oeuvre d'un apprenti sorcier. Tsss ! Encore un tchaë !


Achille dit :
Pas forcément.
Tu vois des complots partout...


Évidemment : il y a des complots partout !!

Achille dit :
Les tchaës par-ci, les tchaës par-là...
Tu devrais te débarrasser de tes idées toutes faites.
Les clichés, je m'en méfie. Ils sont pernicieux comme des confrères escrocs, des brutes matriarcales ou des espions équilibriens.


La Haut-Rêvante regarde son mou avec des yeux ronds, puis éclate de rire. Se dirigeant vers le duo de poussiéreux, elle ajoute à l'intention du symbiote :

Le rhon, il s'est éloigné mais ça chlingue toujours...

Achille dit :
C'est parce qu'il s'est torché dans ta fourrure, je te dis.


Avisant la saleté repoussante de sa robe et de sa queue, la Vigie du Rêve manque défaillir : misère ! Sur un bateau, loin du désert, elle ne trouvera jamais assez de sable pour faire sa toilette ! Seul un bain pourra la purger de la morve, de la bile vineuse et de la bave gastrique qui lui collent au pelage ! A moins qu'à grands coups de seaux d'eau de mer..?

Parvenue à hauteur de Crooot, elle s'accroupit, inquiète : il ne bouge plus ? Qu'est-ce qui se passe encore ?
Pas de blessure apparente, pas de fracture, pas d'empoisonnement... des soins sont inutiles.
La veilleuse l'assied, l'adosse à la paroie, sors un flacon de sels...
Puis elle découvre Lyne. C'est une tchaë !
Ah non : c'est une petite tydale...

Une moush'tin ?!

Soupir...


Hejia, Lyne.
Je m'appelle Penthésilée, et voici Achille.


Achille dit :
(Lever de chapeau)

Mes hommages.


C'est Saltis' Dymer qui nous envoie.

Une demi-vérité, ou un demi-mensonge, qui se veut rassurant.
Le père Dymer jouit d'une belle réputation dans l'Ordre ; la Favorite de Toh suppose qu'il en est de même chez les témoins ?
Soulevant l'endormi sur son épaule, Penthésilée se lève :


Venez, jeune rhona.
Les marins ont du travail pour tout remettre en ordre.


Vague sourire :

Disons... que c'est l'esprit naturel qui a tout chamboulé.
...
Vous accompagnez, ou vous connaissez quelqu'un en particulier, sur ce bateau ?


Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Crooot

Le Vayang 23 Dasawar 1511 à 13h44

 


Du fin fond de son inconscience le nelda bredouillait des mots sans queue ni tête.

Achara... Achara... c'est ma chambellan...Je connais Achara...
Achara les p'tits bateaux qui vont sur l'eau...pardon... je...la petite...
faut prendre soin de... Burp !


Il repartit au pays des songes où la honte n'existe pas.



 
Lyne

Le Sukra 24 Dasawar 1511 à 00h16

 
Lyne est en train de se rincer la bouche quand le Quipu s’affaisse en un petit tas de remugles nauséabonds.
La fourrure imprégnée d’un mélange indéfinissable, les frusques encore dégoûtantes de liquides divers et avariés, une haleine à faire fuir un chiroptère… On peut pas dire que le gribouilleur ressemble à l’idée qu’on se fait du bel évanoui.
Et la petite présente pas tellement mieux : sa robe est déchirée, elle a du sang partout et son visage doit exposer une large palette de couleur allant du verdâtre pisseux au plus beau bleu violacé.
Dire qu’il y a moins d’un quart d’heure ils étaient encore tranquillement planqués dans leur tonneaux.
Comment la situation a t’elle pu à ce point leur échapper ?

Une partie de la réponse s’avance à grands pas, fourrure de neige et queue en panache.
Enfin…Ça, c’était avant que le Quipu aille s’y frotter.
Parce que là, l’Essuie-tout, elle est presque aussi dégeu qu’eux.
Ce qui la ferait paraître presque sympathique.
Presque.
L’effet est sacrément gâché par l’arc dans son dos et l’air d’autorité qui l’accompagne.
Lyne baisse les yeux, ses petites mains nerveusement serrées sur la gourde que lui a fourni le Quipu.
Faites qu’elle soit gentille.
S’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît.

C’est Saltis’ Dymer qui nous envoie.

La phrase tombe comme un couperet.
Sentence irrévocable.
Quand il va découvrir qu’ils ont clandestinement pris la place de deux de ses meilleurs pinards pour s’infiltrer sur le bateau, faut pas être devin pour savoir ce qui va se passer.
Au mieux au cachot pour tout le reste de l’expédition, au pire la torture.
Finalement, la planche serait peut-être une option préférable.
Parce que c’est pas parce qu’elle l’a jamais rencontré qu’elle sait pas de quoi il est capable, Pépé Dymer. Sa réputation l’a précédé. Et si sur l’échelle de la Terreur il en est pas encore à détrôner le P'khenS'sarkh , on peut dire qu’il y a une place sacrément honorable. Même le Tarknal est derrière. C’est dire.

C’est donc avec tout l’abattement du condamnée à mort que Lyne se lève et suit celle qui l’amène à son bourreau. Même la tentative de minimiser leur implication dans les événements de la cale ne parvient pas à dérider la petite.
Au moins le Quipu n’aura-t-il pas à subir le face-à-face avec Pépé Dymer.
Lyne se prend à envier les vapes dans lesquelles flotte son compagnon d’infortune.
Même son odeur est préférable à la confrontation à venir.
Même Mirgahal est préférable à la colère du vieux.

Alors, elle traîne des pieds.
Quand l’Essuie-tout lui offre une porte de sortie.
Une lueur d’espoir.
Le moyen, peut-être, d’échapper à une condamnation aussi définitive que douloureuse.
Chamallow aussi l’a compris.

Chamallow dit :

Knüt ! On connaît Knüt ! Il a une casquette trop cool ! Et Tod, aussi ! On connaît Tod ! Ils sont là ! Sur le bateau ! Avec leurs symbiotes ! Même que c’est grâce à eux qu’on a… euh… qu’on a…

Holàlàlà, la cata.
Il a failli révéler toute la conspiration.
Heureusement, Lyne est là pour se rattraper aux branches.

… euh, ben, qu’on a su pour le départ du bateau, quoi.

La petite lance un regard furibond à son mou.
Un peu plus et il crachait le morceau.
Déjà que rien n’augure de la façon dont ils vont être accueillis, si en plus ils débarquent en claironnant que c’est leurs propres mous qui ont complotés derrières leurs dos, autant dire que les carottes seront rapidement cuites pour les deux passagers clandestins.
Lyne se redresse un peu.

Nelle Dymer, je connais Nelle Dymer. Et Erling aussi.

Pas qu’elle ait tellement hâte de se retrouver face à la Propage qui lui a refusé formellement l’accès au bateau quinze jours plus tôt, mais à ce moment précis la petite n’ a qu’une idée en tête : échapper à la légendaire ire du Vieux Dymer...



 
Penthésilée

Le Sukra 24 Dasawar 1511 à 10h03

 
Les yeux de la Vigie se plissent, ses sourcils se froncent :
Achara ?
Chambellan ?

Affirmant sa prise sur le gluant nelda :


Vous êtes confrère ? Dit-elle.

Que faisiez-vous, le Vayang 4 Jayar 1510, à l'aube ? Pense-t-elle.

Cette question, la Favorite de Toh la poserait bien à chaque poussiéreux d'Arameth. Mais ce piéton-là n'est manifestement pas un combattant, à l'instar d'Antiorn ou de Hohen. Il fait partie des rares enfants d'Amody pour qui la Haut-Rêvante n'entretient nul mépris. Dès lors, elle soupire et reprend sa marche vers l'escalier de la cale.

Lyne est dans un drôle d'état ; la tydale semble indemne, mais le sang et la crasse qui souillent ses vêtements racontent une autre histoire. Penthésilée n'imagine pas le mâle qu'elle porte s'en prendre à une petite fille, il n'a pas le profil-type du criminel violent, mais elle doit néanmoins poser la question :


Lyne, c'est l'esprit naturel qui vous a meurtrie ?
Et Prooot vous a soignée ?
C'est ça ?


Achille dit :
Crooot.
Pas Prooot.


Vous connaissez Nelle Dymer, poursuit-elle.
Bon...
Alors, vous devez l'apprécier, non ? Et sans doute vous aime-t-elle aussi ?
Après tout, vous avez presque le même âge. Ce qui vous arrive
(regard appuyé en direction de Chamallow) doit lui rappeler sa propre histoire...

La veilleuse enchaine d'une voix douce :

Si vous étiez cachée dans un tonneau, c'est qu'elle n'a pas voulu vous embarquer.
Elle sera sans doute furieuse ou pour le moins, contrariée. Et inquiète, assurément.
Vous voulez un conseil ?


Voyant la mine déconfite de la petite :

Je vous le donne quand même :

Envoyez un message mental à Erling. Il est ici. C'est un homme bon, il saura vous aider mieux que je ne le fais.
Puis demandez à parler à Saltis' Dymer...
Parce que de toute façon, le remontage de bretelles ou la fessée déculottée, de sa part, vous y aurez droit...
Présentez-vous à lui en même temps que votre... que Crooot : il fera, euh... diversion.
Après, vous aurez tout le temps de voir Nelle.
Elle saura que vous avez vu son père et n'en rajoutera pas.


Hum. Les dernières paroles de la Vigie du Rêve n'ont pas l'air de rassurer la rhona...
Elle s'empresse d'ajouter :


Quand je dis "fessée déculottée", c'est une image, hein..!
Saltis' Dymer ne lèverait pas la main sur une moush'tin.


Achille dit :
Ouais, il se passera les nerfs sur l'autre.
Le cradingue.
Lui, il va prendre double ration. Et même du rab'...
...du rab'ban ! Bwahahaha !


Penthésilée
Vigie du Rêve
Chroniques

 
Lyne

Le Merakih 28 Dasawar 1511 à 17h44

 
Vous êtes Confrère ?

Bon sang mais c’est bien sûr ! Il fallait que la petite soit sacrément préoccupée pour ne pas avoir relevé les indices pourtant évidents de l’appartenance du Quipu à la faction des Six. Bon, peut-être pas si évidents que ça pour le péquin lambda, mais elle a quand même passé la moitié de sa courte existence à parcourir les ruelles tortueuses de la Perle. Son accent tout autant que ses vêtements auraient dû lui mettre bien plus tôt la puce à l’oreille. Pas que ça change grand chose au final. Ils sont maintenant compagnons de barriques, pour le meilleur comme pour le pire.
Le Pire ayant l’air plutôt à la mode ces derniers temps.

À la question de l’Essuie-tout concernant ses bleus et ses bosses, la fillette rougit.

Euh… En fait, c’est dans les tonneaux qu’on a pris des gnons… Ils nous ont fait rouler, et comme j’avais pas pensé à ajouter une couche isolante pour nous protéger à l’intérieur, on a été pas mal cogné. La prochaine fois, j’ajouterais ce paramètre lors de leur conception. Après, en plus, il y a l’esprit naturel qui m’a attaqué. Dans le noir, je l’avais pas vu, c’est sacrément discret ces bêtes-là…

Lyne grimace à ce souvenir. Sacrément discret, mais aussi sacrément dangereux : la blessure dans son dos continue à l’élancer douloureusement malgré le soin magique.

Mais c’est pas CroOot qui m’a soignée, je m’en suis chargée toute seule.

Et puis, parce qu’elle n’a pas envie que l’Essuie-tout reste sur une mauvaise impression en ce qui concerne le Quipu, elle ajoute.

CroOot, il m’a défendu.

Ce qui est la stricte vérité. Il s’est juste gouré d’adversaires. Mais bon, à sa décharge, les carottes se sont vaillamment défendues.

Tant qu’il s’agit de parler de ce qui s’est passé dans la cale, Lyne est diserte. En revanche, dès que Penthésilée évoque Nelle, la petite s’enferme dans un silence mutique. Oui, elle apprécie la jeune Tchaë qui l’a si gentiment prise sous son aile à la disparition de Papi. Quant à savoir si ce sentiment est partagé, elle n’en a aucune idée. Et alors le rapport avec leur âge respectif et l’histoire qu’elles auraient en commun… Là, elle patauge. La Propage fait partie des grands. Elle a un poste prestigieux, ça fait belle lurette qu’elle est symbiosée et son mou a une casquette. À côté, Lyne fait pâle figure. Sans compter qu’elle a encore son Papi, elle.

Alors elle écoute le conseil de l’Essuie-tout sans rien dire. Pas qu’elle lui laisse tellement l’occasion de s’y soustraire d’ailleurs. Poser une question sans attendre de réponse : c’est bien un truc d’adulte ça… Et ça, ça l’agace, Lyne. Tout comme le vouvoiement. C’est rien que des simagrées. Parce qu’au fond la Nelda la considère comme une petit fille qui a fait une bêtise, et c’est tout.

Pour autant, le conseil de contacter Erling en premier n’est pas mauvais. Même si elle l’a pris pour un grand bêta au tout début de leur rencontre, la petite comprend confusément que le Propage est sûrement la personne la plus à même de pardonner leur embarriquement clandestin.
Par contre, elle aurait bien du mal à savoir quoi lui dire.
Un coup d’œil à Chamallow suffit.

Chamallow dit :

Je m’en occupe !

La quadrangulaire prend un air inspiré, lève un sourcil, et… Lève un sourcil ? Comment ça « lève un sourcil » ?

Chamallow s’est figé. On sait jamais, c’est peut-être juste une poussière ou un machin qui s’est posé au-dessus de ses yeux suite au combat dans la cale. Mais l’attente est trop insupportable… Il doit savoir. Alors tout doucement, avec la plus grande circonspection, il fronce les sourcils.

IL FRONCE LES SOURCILS !


Chamallow dit :

Lyne ! Lyyyyyyyyyyyne ! J’AI DES SOURCILS ! REGARDE ! C’EST TROP MÉGA COOOOOL ! REGARDE CE QUE JE PEUX FAIRE AVEC ! En haut ! En bas ! Un en haut, un en bas ! À droite ! À gauche ! De côté ! Comment c’est trop cooooool !

Heureusement pour Lyne, c’est le moment que choisi Penthésilée pour ouvrir la trappe qui mène au niveau supérieur, dévoilant une dizaine de manouvriers l’air renfrogné et armés de diverses armes improvisées. Ce qui coupe la chique à Chamallow.

Chamallow dit :

Heu, ouais, je… je m’occupe de lui envoyer un message tout de suite. Alors euh… Gnagnagna, surprise, gnagnaga, on arrive et hop envoyé, c’est pesé. Ayé, c’est tout bon, j’ai prévenu Erling, on n’a plus qu’à le retrouver. Youhou !

L’air satisfait de Chamallow n’est pas pour rassurer la petite. Ni les regards soupçonneux de l’équipage qui les attend à l’étage du dessus. Dans un mouvement instinctif, elle se rapproche de l’Essuie-tout et de son paquet nauséabond. Avec un peu de chance l’odeur fera bouclier…



 
Erling

Le Merakih 28 Dasawar 1511 à 19h54

 
Déboulant de l'escalier menant du pont vers l'étage intermédiaire avec l'intention de se rendre à la cale, le Propage tomba nez à nez avec le petit groupe.

Le bateau avait beau être grand, le message de Lyne ne l'avait cueillit seulement deux minutes à peine auparavant. Oisif comme il l'était depuis le début du voyage, l'imprévu l'avait trouvé prêt à l'action.

Le verbe inhabituel de Chamallow ne lui avait pas permis de réaliser instantanément la situation mais, ce traitre de Tod l'avait vite éclairé sur les tenants et les aboutissants de l'affaire. Un petit complot, un peu de boulot, une paire de tonneaux et hop dans le bateau !

Si le Propage, à quai, s'était prononcé contre l'embarquement de sa jeune cofactionnaire, il s'était rendu compte malgré lui que, à l'instant présent, sur le bateau, son opinion était contraire. Sondant un peu plus loin le motif de ce revirement alors qu'il se précipitait vers la cale, le Tydale avait réalisé qu'il n'envisageait maintenant plus un retour à Lerth. Ce n'était pas que, égoiste, il ne voulait pas gâcher du temps en aller retour impromptu. C'était plutôt que, par son travail, sa volonté et même en quelque sorte un zest de courage, Lyne avait mérité sa place sur le navire. De plus, ce dernier était tellement vaste et le voyage demeurait pour l'instant si tranquille qu'une jeune fille pouvait y avoir sa place.

Erling garda de côté tout de même les remontrances qu'il avait à faire à son comploteur de mou, ajoutant cela à son ardoise mentale.

Arrivant devant le petit groupe donc, le Propage avisa un Nelda dont l'odeur ne passait pas inaperçue et qui devait donc être le fameux Quipu mentionné dans le message de Chamallow. Toutefois, que Penthésilée dont il venait juste de faire la connaissance ait été l'essuie tout, il ne s'y attendait pas. Il se garda cependant bien de l'évoquer lorsqu'il prit la parole.


Ainsi donc voilà les clandestins. Une étrange découverte que vous avez fait là Dame Penthésilée.

Qu'est ce que tu penses que je peux faire pour toi Lyne ? Mis à part bien sûr les reproches que je ne manquerais pas de t'adresser que tu le veuilles ou non parce qu'il est impensable que je fasse autrement.

En parlant, il regarda successivement la Nelda, la petit Tydale et finalement le dernier membre du trio à qui il adressa un signe de tête.

Pélerin du S'sarkh

 
Crooot

Le Luang 2 Jangur 1512 à 00h20

 
La fourure en vrac.
La tête à l'envers.
La truffe sèche.
L'oeil terne.
La fierté anéantie.
L'odorat mort et enterré.

Il venait de revenir parmi les vivants et aurait préféré qu'il en soit autrement.
Quelle est douce l'inconscience ouateuse du coma.
La réalité est plus dure. C'est une musclée la réalité.
Elle vous ouvre les yeux et vous fait remonter sa copine la honte en surface avec ses manières torves.
La honte est évidemment accompagnée de la peur, mais celle-là Crooot la connait. Ils sont quasi à la colle
tous les deux.
Par contre le nelda n'affectionne pas plus que ça, la frangine toujours accrochée aux basques de la honte,
la gène. C'est comme une petite soeur qui lache un pet quand il y a du beau monde, et que tous et toutes sont certains d'avoir vu votre queue onduler sous la brise.
Bref cette cour des miracles qui peuplait l'âme de l'artiste entreprit de lui faire aligner deux mots.

Il évita la nelda du regard. Fit un signe de tête au nouveau venu et bredouilla:


Je...je suis désolé du dérangement.
Je sais qu'on était pas invités à bord mais...


Dubulb' dit :


Tu vas tout de même pas balancer la petite ?
Si tu balances la petite, je te chante les dix prochaines nuits:
"Ma tunique arcanique est décousue."


A son mou: " Mais c'était son idée ! Elle en aurait jamais démordue, et je pouvais pas la laisser se ballader sans garder un oeil dessus. Moi je serais bien resté à Lerth. On était bien dans son atelier."

Dubulb' dit :

Ma tunique arcanique est décousue. Si ça continue, on verra le trou de m...


A son mou: " C'est bon. C'est bon ! C'est bon ! Tu as raison."

Je m'excuse du dérangement. Vraiment, on est désolés. Dame Penthésilée, je voulais vraiment pas vous causer tous ces tracas. Je suis conscient d'être aller trop loin sous l'effet de la peur. Pour votre fourure blanche, je veux dire...je voulais pas... C'est vrai, vous êtes très belle et puis votre queue...

Dubulb' dit :

Stop !
Passe à autre chose.


Bref si on est ici c'est de ma faute. Vous comprenez j'ai jamais été très à l'aise nulle part et... je me suis dit... voilà c'est peut être l'occasion de fuir le tumulte de la ville. Là-bas on me regarde comme un...faut bien dire que j'ai l'air d'un... et puis l'odeur...

Dubulb' dit :


Abrège.


Alors j'ai proposé à la petite de monter sur le bateau.
Oh ! Elle voulait pas, ça non c'est une petite drôlement bien.
Mais voilà je lui ai dit qu'elle trouverait des réponses auprès du Niark...


Dubulb' dit :


du S’sarkh.


...du S’sarkh et comme elle bricole des choses incroyables. Je l'ai un peu forcé à fabriquer des tonneaux pour monter à bord discrètement... Je vaux dire. C'est ma faute. Elle y est pour rien. Lui faites pas de mal. Pitié lui faites pas de mal...

De grosses larmes entreprirent de sortir des yeux chassieux du nelda. Il renifla bruyamment et couina piteusement, la queue entre les pattes et la tête baissée.
La honte, la gène et la peur qui connaissaient l'animal, et sa candeur frisant la bêtise, en furent attendries.
Elles regardèrent la réalité d'un regard implorant.

La balle était dans son camp.



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