Le calme.
Chose si précieuse pour la poussière... Chose si précieuse pour faire le vide.
L'apprentie, les yeux fermés, assise en tailleur, se laissait guider par les flux ambiants.
L'air frais de l'Hatoshal en cet hiver, le repos et le calme en cette période troublée, loin de la vie de la ville, loin de l'importance de la vie.
Que dire?..
Que penser?..
Rien, faire le vide, ne penser à rien, humer cette atmosphère épicée au milieu de ces arbres dénudés...
Il n'avait que très peu neigé cet hiver, et le temps était étrangement doux.
Propice à la méditation.
Les yeux cerclés de noirs s'entrouvrirent : un écureuil s'aventurait par là...
Le printemps était déjà presque là... C'en était presque inquiétant.
Le petit animal roux s'approcha de la Tchaë en faisant frétiller ses narines, le regard candide...
Seuls les yeux d'aigles de cette poussiéreuse, semblaient être animés de vie.
Le reste ne bougeait pas... Et semblait mort...
La peau de son visage était en pleine re-cicatrisation depuis sa sortie du pilier...
Des lambeaux de chair morte pelaient et glissaient de ce qui fut un charmant visage il y a peu...
La symbiose a ceci de merveilleux qu'elle accélère la guérison des plaies et l'apprentie espérait qu'il ne faudrait que peu de temps avant que les chairs ne cicatrisent...
L'écureuil s'était porté au niveau de sa jambe et avait posé ses petites pattes griffues sur la main décharnée de la Tchaë...
La mort avait été terrible...
Elle s'était senti faiblir, puis, soudain, ce sort horrible, qui avait rétracté ses chairs, meurtri ses muscles et réduit ses os en poussière...
Puis plus rien le vide... Une malédiction qui lui avait donné une figure de lépreuse...
Un visage qui lui allait bien, tout compte fait...
L'écureuil était toujours là et regardait, curieux le visage de celle qui fut Temia.
Le regard émeraude se plissa se fronça... Une encre noire emplit le blanc des orbites de l'assassin.
La queue de l'écureuil se hérissa, et il bondit quelques centimètres en arrière...
Du point où était assise la Tchaë, la terre commença à devenir noire et l'herbe à se dessécher...
Poussière... Dessèchement, un cercle d'une dizaine de centimètres de rayon s'était dessiné autour de la Tchaë.
Toute vie... Disparue...
L'écureuil, tremblant, s'enfuit à toute allure...
Elle referma les yeux. Calme. De nouveau.
Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.