Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

[Sur le bateau] Vagues aux âmes

Le Sombre Nuage et le Masque.
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Sujet lancé par Umbre
Le 23-02-1512 à 20h16
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Posté par Umbre,
Le 20-03-1512 à 17h10
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Umbre

Le Julung 23 Fambir 1512 à 20h16

 
Ils n'était que deux. Tout en étant bien plus.
Une multitude tantôt muette, tantôt hurlante pour l'un et l'autre.
Les nuées déchirées de Shyama, les ombres du théâtre d'Umbre.
Quelque part pourtant, ils s'éclairaient.
A la fois timides et intimes.

Les astres jetaient une étrange lumière sur la scène obscure.
Et les rôles flamboyants honoraient les étoiles dans leurs danses.
Forme complète mais monstrueuse. Nuages et visages.

Quelque part il y avait des entités chthoniennes et célestes qui copulaient en désordre et en harmonie.
Pantins de ces créatures abstraites, ils étaient la déchirure et le mensonge.
Le S'sarkh était l'outil de leur rédemption. Si ils en cherchaient une.

*

Le navire voguaient depuis quelques jours seulement.
Le temps étiré, déformé par une éternité lente et capricieuse.
C'est comme si ils étaient là depuis toujours, dans une parodie de stase.
Lui avait sombré dans un vague à l'âme fort à propos.
D'abord excité, puis las. Il attendait.

Il attendait ce qui, peut-être, ne viendrait pas.
Elle semblait attendre aussi, mais il ignorait quoi.
Il se dégageait toujours d'elle une grande et belle rêverie.
Ils appelaient ça folie, il nommait ça beauté.
La beauté du précipice.

Il s'approcha d'elle, sur le pont, près du bastingage.
Contemplation infinie et muette d'un océan, de l'inconnu, de l'horizon tentateur.
Il se demanda si les vagues lui parlaient. Après tout, elles étaient les astres de la mer.
La question le hanta quelques secondes, alors qu'il contemplait son dos, sa nuque, sa chevelure.
Quand il parla, il parla de cette voix rouillée et sombre qui le suivait depuis le début du voyage.
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fait usage de sa plus belle arme.


« Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
D'Arameth et de Lerth, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient découvrir le mythique animal
Que Syfaria mûrit dans ses mers lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou, penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
»


_____
Les Conquérants de JM Heredia, adapté sauce syfarienne (que les puristes et le défunt auteur me pardonnent)

Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

 
Shyama

Le Dhiwara 18 Marigar 1512 à 12h38

 
Toujours cette sensation que quelque part, là, dans l’ombre, sous les flots peut-être, se trouvait la deuxième partie de son âme déchirée.

Depuis ce jour où l’orgueil et l’hybris de son peuple l’avaient poussée à un écartèlement volontaire de sa psyché, elle n’avait cessé de vainement chercher dans les étoiles les lambeaux éparpillés, les plumes qu’elle y avait laissées. Mais la némésis implacable était fidèle au poste, et ce qu’elle avait laissé au Tableau semblait devoir y rester.


Contemplant les étoiles se refléter sur l’onde troublée par une pulsation incessante, elle commençait à se rendre compte de ses erreurs fatales. Ce qu’elle pressentait au fond du Tableau d’elle était représenté ici de la façon la plus parlante.
Etait-ce cette constatation, était-ce cette contemplation qui faisait vibrer son âme résiduelle de l’appel de cette autre moitié absente ? Etait-elle là, sous la surface mouvante et l’écume blanche qui se formait au contact de la coque ?

La réponse, négative, se fit connaître, lorsque la présence se matérialisa à ses côtés, près du bastingage. Et son aveuglement s’effaça devant l’évidence qu’elle savait connaître sans avoir pu l’appréhender.

Qui d’autre que le Masque ? En quoi, finalement, cela aurait-il pu être surprenant de le trouver ici, en ce nœud du temps si épais, si important dans la Grande Tapisserie. Les deux fils de leurs Thèmes étaient étroitement liés, et ils ne pouvaient conséquemment que s’emmêler à chacun de ces nœuds qui émaillaient la trame de la poussière.


Elle ne se retourna pas. Ne le regarda pas, résistant au reflexe physique pour étirer l’instant et savourer plus pleinement cette sensation si fragile.

La voix qui s’éleva, teintée par l’oxydation des embruns du Tableau, sonna comme une musique chaude et rocailleuse…. Elle l’accueillit comme on reçoit avec reconnaissance le don d’un spectacle rare et éphémère au détour d’un sentier.

Ephémère, certes. Trop. Elle ferma les yeux, mais l’instant était bien passé, la musique s’était bien tue et les vibrations résiduelles finirent par venir expirer dans le silence.


Il était temps de provoquer un nouvel instant magique. Elle se tourna vers l’ombre et le contempla en silence le masque immobile qui lui paraissait si expressif.

Elle ne sut résister à cette impulsion tactile qui la poussait à caresser les objets de son enthousiasme, et effleura le bras du tydale, avant de se retirer vivement comme à la brûlure d’une flamme.

Elle n’était pas aussi à l’aise avec les mots que le maître chanteur et elle murmura, par crainte de troubler les échos du ramage par un croassement incongru :


La présence du Masque est pourtant une évidente surprise en ce point de la Trame du Nuage…. Orbite et éclipses d’étoiles gémellaires. Inéluctable soulagement. Vibrations pulsatiles, vos caresses sont-elles à sens unique ? Sont-elles le signe que le Tertre est proche ? Ou simple mirage, représentation des désirs inconscients ?

Elle tendit à nouveau des doigts hésitants et indécis vers l’image, comme tremblante à l’idée qu’un contact la ferait se dissiper.


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Umbre

Le Matal 20 Marigar 1512 à 17h10

 
Il y a des enchantements qu'on ne peut décrire.
Celui-là appartenait à un enchevêtrement d'émotions trop complexes.
Rares étaient les moments où Umbre se sentait défaillir.
Il avait affronté d'impossibles menaces et des mystères déments.
Sans sourciller, ou si peu. Inspiré et créatif avant tout.
Mais faire face à sa Muse, c'était autre chose.

Il la contempla comme il la contemplait à chaque fois. Un vertige.
Un peu différent peut-être, étant donné les circonstances de la rencontre.
Son regard autant que ses mots, sa seule présence caressait cette étrange fièvre.
Il était à chaque fois surpris et hypnotisé par cette profondeur...abyssale.
Miel de songes astrales et de déchirures célestes.

Il avait envie de la toucher, de la saisir.
Mais il se tint à distance. La distance des murmures, du souffle et des soupirs.
Si près, si loin. Retenu par des fils impossibles. Le jeu des chimères.
Inconsciemment ou non, elle en appelait au théâtre et à la folie.
Illusions, ombres, mirages...

N'était-ce pas ce qu'il était ? Une apparition ?
Un masque dans un costume. Un vrai mensonge.
L'existence du non-être. Sans face, sans âme.

Son regard hétérochrome tout entier à la dévorer.
Les yeux d'une marionnette qui rêve de rêver.
Pantin amoureux d'une étoile.

Le Tertre n'est jamais loin, Sombre Nuage. Son ombre ne cesse de s'étendre au-dessus des tombes qui fleurissent sous les augures mauvaises. Mais ta sépulture n'est pas pour tout de suite, aucun architecte n'a encore bâti de mausolée assez beau pour contenir l'âme fragmentée d'un nuage à la dérive. Pour ça il faudrait une symphonie.

Il approcha sa main gantée du visage Sang-Âme.
L'effleura sans jamais la toucher.


Mirage ? Certes oui. C'est tout ce que je suis. Mais point de surprise à me voir jouer dans ton ombre. Le parfum de tes songes embrumés est mon épice, le sel de ma triste pitance. Cette odyssée était notre idée. Je n'envisageais pas d'embarquer dans cette aventure, ultime peut-être, sans y contempler tes charmes. Et ton oracle, ta vision est un fil d'ariane dans le ténèbre des flots, poupée de brumes. Pour parler au S'sarkh, il faudra murmurer aux astres et écouter leurs sanglots. Qui mieux que toi peut le faire ?

Les rêves ne communiquent qu'entre eux.
Rares sont les illuminés qui, comme moi, ont la chance de vous entendre.
Et de vous aimer.


Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

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