*** Un poussiéreux éprouve un étrange malaise
Horacio fait une macabre découverte ***
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*** Il s’immobilisa au seuil de sa bibliothèque, les pensées en désordre. Sa vision n'était pas encore nette pour qu'il osât s'aventurer jusqu'au bureau. Le dos appuyait contre le chambranle de la porte, il ferma les yeux et ses mains montèrent péniblement vers ses tempes qu'elles pressèrent par petits coups : une douleur plus sourde remplaça peu à peu son lancinant mal de tête.
Ses bourdonnements d'oreilles avaient cessé ; Il commençait à percevoir les bruits familiers du Fundeq où les poussiéreux s'activaient à leurs besognes coutumières.
D'un instant à l'autre son majordome allait apparaître avec le déjeuné de midi.
Il fit un suprême effort pour achever de se ressaisir et nota que sa vue redevenait normale.
Un peu soulagé, il examina ses mains : grâce au S'Sarkh elles n’étaient pas tachées de sang. Son regard se dirigea vers le bureau. Un précieux vase en albâtre brisé rependait son contenu sur l'ébène polie. Une flaque d'eau dans lequel gisaient des fleurs, s'était formée et se rependait en gouttant sur le tapis.
Il remarqua qu'elles commençaient à se faner et distraitement pensa que sa femme allait bientôt les remplacer.
Un brusque malaise le pris et il dut s'agripper au bureau pour lutter contre son vertige. L'alerte passé, il rouvrit les yeux et aperçut le tableau accroché au mur. Il détourna aussitôt son regard, mais l'image le poursuivit. Un violent frisson secoua son grand corps maigre.
Était-ce la fin ? Devenait-il fou ? ***
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*** Le crépuscule achevait de descendre sur le Fundeq. Assise bien confortablement dans un fauteuil placé sur la terrasse de son pavillon, l'Exploratrice buvait son thé à petites gorgées en contemplant le panorama que lui offrait les proches montagnes aux majestueux sommets enneigés.
Des lumières commençaient à s'allumer un peu partout dans le vaste complexe commercial qu'était le Comptoir de la Confrérie des Six. Trouant les unes après les autres la masse indistincte des toits.
Plus loin s'étendait l'eau tumultueuse et noire de l'océan dont on percevait le ressac à travers le silence.
Elle se pencha et caressa distraitement la tête de son petit lévrier couleur sable, qui roulé en boule, dormait après une journée harassante passée à courir après les oiseaux.
Elle se redressa et se tourna vers Duncan, son assistant qui se tenait près d'elle. ***
J'ai demandé à Horacio de doubler les patrouilles de surveillance et de renforcer la sécurité, dit-elle
Espérons que rien de fâcheux n'arrivera pendant le Séminaire et puis avec cette exposition d'objets rarissimes appartenant au Suaire qui risque d'attirer de nombreuses convoitises ...
*** Sa phrase resta en suspend, brusquement interrompue par un lugubre hurlement qui déchira le silence... ***
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*** Près de l'Hostellerie, où les participants du Séminaire étaient hébergés, Horacio, le responsable de la sécurité pressa le pas. ***
Fouillez les alentours ordonna-t-il aux hommes chargés de la sécurité.
Suivez moi, reprit-il en s'adressant à son adjoint en se dirigeant vers une imposante bâtisse où régnait une agitation inhabituelle à une heure aussi tardive de la soirée.
*** Un homme âgé, le visage orné d'une petite barbiche, l'air affolé vint à leur rencontre et se présenta.
C'était l'intendant du richissime antiquaire Hugh Nergal. ***
Vite, par ici, leur dit-il d'un ton pressant en les entraînant par un long couloir sinueux jusqu'à l'arrière cour, où ils débouchèrent dans un petit jardin enneigé, agrémenté de rochers artificiels, au fond duquel se dressait un pavillon de courtoisie.
C'est là, je venais servir le repas de soir à mon Maître quand j'ai entendu un bruit de lutte et puis il y a eu ce ... cri effroyable …. reprit d'un ton tout aussi affolé, l'intendant en désignant de la main la porte close du pavillon.
*** Horacio se précipita vers la porte et tenta de l'ouvrir, peine perdue, elle était verrouillée de l’intérieur.
D'un puissant coup d'épaule, le responsable de la sécurité enfonça la porte et permettra dans une grande pièce octogonale. De petite fenêtres, aux carreaux de verre colorés garnissaient le haut des murs. Elles étaient surmontées de minuscules jours grillagés qui constituaient l'unique aération de la pièce, et c'était avec la porte les seules ouvertures de la pièce.
Une étouffante odeur de bougies éteintes flottait dans la pièce.
Un corps malingre, revêtu d'une robe d'intérieur de brocard brun, gisait immobile sur le grand bureau en bois d'ébène, situé en face de la porte au milieu de la pièce. Sa tête était appuyée sur son avant bras gauche, et son bras droit posé à plat sur le bureau tenait encore entre ses doigts un pinceau en laque verte. Un bonnet de nuit était tombé par terre et découvrait une chevelure grisonnante.
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*** Quelque part une porte claqua de façon sinistre. Une bougie se mit à crépiter et s'éteignit. ***
*** L'exploratrice se leva précipitamment de son fauteuil, lâcha sa tasse qui dans un bruits cristallin se brisa répandant son liquide ambré sur le sol de la terrasse. ***
Quelle porte vient de claquer ? Demanda-t-elle vivement.
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A ce moment précis, un violant coup de tonnerre déchira le silence de la nuit tandis que des éclairs zébraient les cieux. ***
L'Exploratrice.