Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

Les miroirs sont les portes par lesquelles la Mort va et vient.

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Sujet lancé par Aliundil
Le 20-10-1507 à 18h08
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Posté par Tara,
Le 08-11-1507 à 01h27
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Aliundil

Le Sukra 20 Otalir 1507 à 18h08

 
Son fidèle calepin ouvert à une nouvelle page, il retranscrivait l’intégralité de la conversation en annotant, de temps à autre, le ton de son interlocutrice.

Sans désespérer, Trinité casa dans un coin de sa mémoire l’idée que Syfaria était un tout petit monde peuplé d’habitant dont l’ouverture d’esprit n’était guère plus grande. Ce constat ne résumait certes pas ce qu’il pensait présentement, mais il perdurait au fur et à mesure de son échange avec la Nemen qui – doit-on s’en étonner – lui parlait comme à un enfant turbulent.
Pour Trinité cela pouvait signifier trois choses : premièrement, la Nemen peut être l’une de ces abruties arrogantes qui sentent leur ego froissé à la mention du moindre terme s’éloignant du champ lexical de la flatterie, mais le chambellan refusait d’y croire. La seconde, pensa-t-il, c’est qu’elle n’est hypothétiquement pas habituer à échanger avec les races de poussière auquel cas la décision aurait été prise plus rapidement et avec moins d’idioties se rapportant à notre philosophie. Pour la dernière, un autre que lui se serait probablement amusé à dire qu’il y avait à la fois de la première et de la seconde, mais Trinité réfléchit d’une autre manière. Son manque de précision, ses réponses évasives, ses tentatives pour contourner la question ; et si après tout, elle n’en savait pas bien plus que nous ? Elle se contente de faire la morale sur l’emploi d’expressions lexicalement exactes tout en tachant de perdre l’interlocuteur dans un flot de métaphores Nemens, sans rebondir avec pertinence sur les arguments qui lui sont avancés. Ou alors nous n’avons pas la même conception de la pertinence. Mais avons-nous seulement la même conception de l’objet auquel nous tentons de la rapporter ?

Tant de questions et possibilités qui mettaient Trinité d’une humeur passablement bonne (c'est-à-dire que son expression n’était plus figée en un visage fermé).

Une bourrasque manqua d’emporter le calepin et le tira aussitôt de ses réflexions. Dans un regard jeté à la ronde, il sembla seulement maintenant s’apercevoir de la plaine verdoyante à travers laquelle son convois progressait, qui s’étendait jusqu’aux lointains Monts du Vent d’où se précipitaient les rafales perturbantes. Les crêtes acérées se perdaient dans des nuages gris annonciateurs de mauvaises intempéries.
Une caravane de poussiéreux pressés les dépassa en se ruant vers un petit point grisâtre, quelques kilomètres derrière, où s’étalait Eleudice la roulante, ville aux mille et une merveilles où perdre son argent et son âme était monnaie courante. S’ils se dépêchaient, ils auraient une chance d’éviter la tempête. Trinité quant à lui n’espérait plus se sauver de l’averse.
Dans une plaine ou dans un désert, la pluie est toujours capricieuse. Il réajusta son chèche et s’emmitoufla dans sa gandura rembourée.
Yeshal, Ligerio, et lui avançaient dans vent depuis un couple de jour, en se relayant tour à tour à la tête du groupe, lorsqu’ils aperçurent enfin les arbres de la Forêt qui Chante. Le dernier soleil amorçait sa descente et laissait petit à petit place à des foulards mauves et orangés garants des derniers feux du jour ; peu après, il faisait nuit. Ils marchèrent encore quelques heures, silencieusement, dans le souffle harassant déversé par le Mont des Vents, harcelé par les bourrasques, assourdis par les sifflements, et en ce qui concerne Trinité, assaillit par les interrogations.

Les Huit Obsessions… huit artéfacts arrachés aux Nemens de la main du S’sarkh et dissimulés en huit endroits de Syfaria après avoir tourné leur puissance à son avantage. Huit miroirs pervertis et donc interdits aux Nemens ; huit miroirs aux capacités inconnues mais aujourd’hui inutilisables par le S’sarkh ; huit miroirs exclusivement manipulables par la poussière – de ce que d’autres qu’elle en disent. Evidemment, le message ne parle pas des risques encourus par la manipulation des objets car si le S’sarkh les a pervertit, c’est qu’ils doivent être vecteurs de sa puissance et donc de sa corruption. A moins qu’il s’agisse encore de l’emploi malavisé d’un mot… « pervertir ».

Le message ne comporte pas non plus la moindre information sur l’usage qu’ils veulent en faire. Qu’est-ce que les Nemens espèrent tirer d’anciens de leurs artefacts retournés contre leur civilisation ? Les retourner à leur tour contre leur actuel propriétaire et inverser la tendance dans un jeu au tour par tour absurde ? Les détruire pour ne pas prendre à nouveau le risque de les voir tomber entre de mauvaises mains ? Qui leur dit d’ailleurs que des mains pleines de poussière ne sont pas mauvaises. Personne, voilà sûrement pourquoi ils n’ont pas prit la peine de discuter du pouvoir précis des miroirs, chose compréhensible car s’il s’agit d’une espèce de création proche du légendaire miroir à pied de bronze, alors je ne peux jurer du comportement raisonnable des poussiéreux.

Eriandre et son miroir… miroir brisé par le S’sarkh, qui déclencha 400 cycles de conflits sanglants au terme desquels apparurent les Races de Poussière.


Arrivé à la Forêt qui Chante, Trinité mit un terme à ses réflexions et porta toute son attention sur le bruit émanant des arbres. Les habitués du voyage narraient souvent les mélodies envoûtantes et paisibles qui berçaient les pérégrins forestiers, mais aujourd’hui, il n’en était rien. Les arbres ne chantaient pas, ils gémissaient. Leurs branches d’ordinaire dressées en des abris bienveillant ressemblaient davantage à un entrelacs de membres décharnés s’extirpant avec maladie de troncs déformés aux allures de cadavres calcinés. Au loin, un éclair zébra le ciel et s’abattit au hasard dans la plaine, émissaire d’un roulement de tonner puissant., lui-même annonciateur d’une pluie froide qui ne se fit pas longtemps attendre.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Aliundil

Le Matal 23 Otalir 1507 à 21h17

 
Trempé jusqu'aux os, la petite troupe avançait dans l'obscurité de la Forêt aux Chants, enveloppé d'une mélopée sinistre. Ce qui retenait néanmoins le plus l'attention de Trinité à cet instant n'avait rien à voir avec ces chants funèbres, mais avec la curieuse chanson que la Nemen lui jouait envers et contre toute raison. Après une tentative aveugle pour amadouer le Chambellan, ce dernier répondit aux excuses par de nouvelles questions qui, il en convenait, n'auraient aucune réponses faciles. Et comme de bien entendu, Syrtaï'Nhymurtayag Varoga répondait encore à côté en critiquant l'esprit du poussiéreux. En plus de ça, la pluie l'empêchait de noter le moindre mot. Trinité soupira plus bruyamment qu'il ne l'aurait souhaité, de l'un de ces soupirs sincères et paradoxaux à cheval entre la satisfaction et la lassitude.

Vraiment, ce voyage commençait à lui plaire.

"Une Nemen est chargée de répondre à vos éventuelles questions." disait l'affiche ; un échange - même court - avec la Nemen en question lui fit douter de cette affirmation.
A moins que l’on entende par là " Une Nemen est chargée de corriger les jérémiades pathétiques d'êtres dénués d'intelligence. ". Pourtant, ses questions étaient loin d'être stupides, elles étaient mêmes très logiques et sans aucune présomption quoiqu'en dise Syrtaï'Nhymurtayag (ainsi qu'un bon sixième de Syfaria). Mais l'envoyée semblait autant se soucier de la bonne santé des poussiéreux partis à la recherche des miroirs qu'eux-mêmes des ampoules qu'ils allaient attraper au cours de la marche. Autant dire qu'elle s'en moquait pas mal.

Oui, tout ça lui plaisait.

Au delà du refus stricte au droit de réponse, Syrtaï'Nhymurtayag dissimulait probablement des raisons cachées émanant d'obscures obligations ; et c'est justement ce sur quoi se concentrait Trinité. Il ne pouvait pas s'agir uniquement d'une mésentente sur les mots. Le Chambellan savait que même en parlant tout deux le tydale, chacun pouvait tout ignorer du langage qu’employait. Néanmoins, la Nemen se révélait de plus en plus maligne, aussi Trinité doutait-il qu'il puisse être raisonnablement question d'un frein dut à la communication linguistique. L'une de ses hypothèses privilégiait une barrière placée en amont de leur échange. En amont de la publication de cette affiche.

Oui, murmura-t-il dans la complainte forestière.

Il se massa une nouvelle fois l’épaule, effort inutile visant à bannir la douleur d’une blessure obtenue contre un loup malfaisant. Tapis dans les ombres, la saleté l’avait attaqué alors qu’il prenait un peu d’avance sur le groupe pour disparaître aussitôt, comme l’assassin fantomatique qu’elle était. Il n’avait pas eut le temps de réagir que le sang se mêlait déjà à la pluie pour poisser sa gandoura. Son regard courroucé perdu sur les gueules imaginaires formées par la pénombre, il s’était finalement résolut à attendre le groupe avant de continuer la progression.


« Je ne suis point là pour vous convaincre de quoi que ce fut, ou pour débattre sans fin avec vous. » répéta-t-il pour lui-même. Il continua en marmonnant.

Les miroirs n’ont rien à voir avec celui d’Eriandre et sont autrement destinés à canaliser une puissance susceptible de plier la trame, de modifier la réalité, d’altérer Syfaria dans son ensemble ; ils permettraient de retrouver un savoir perdu des Nemens puis obtenu par le S’sarkh, qui pourrait n’être rien d’autre que le fait paranormal que susciter. Ce sont des focaliseurs, et l’objectif de cette quête serait soi-disant de les réunir pour protéger un concile voué à redéfinir les enjeux, les rôles et les actions du troisième Âge. Une information centrale ressort cependant : le P'khenS'sarkh est actuellement occupé à assaillir Ulmendya mais il semble en mesure de menacer le Concile s’il y porte son attention. Une fois ceux-ci récupérés, ils aideraient les Nemens à se protéger du courroux éventuel de l’ennemi en touchant directement à la trame. Dès lors, imaginons qu’en altérant la réalité ils ont fait (ré?)apparaître la tour – lieu de rendez-vous – et qu’ils ont besoin des miroirs pour la dissimuler une seconde fois aux yeux du P'khenS'sarkh.

« Rien n'est à craindre de l'utilisation des Obsessions si cela est effectué sans but de destruction mais de protection, ce que nous désirons faire en ouvrant le chemin vers la tour, afin que le concile se déroule en toute sécurité. »

Cette citation – et plus précisément l’expression « ouvrir le chemin » - laisserait penser que les miroirs, focus d’un talent censé changer le monde, aideraient les Races de Poussières à pénétrer dans un lieu situé en dehors de la réalité. Un peu précipitée, l’idée reste séduisante.

Pouvons-nous également penser que les Nemens cachent un autre objectif aux vues d’une contradiction subsistante et apparante ? Selon leurs propres affirmations, les miroirs sont devenus de dangereuses armes entre les mains de leur ennemi, or ils affirment que celui-ci ne peut plus les approcher, pas plus qu’eux ne le peuvent, malgré les perversions et le retournement de leur pouvoir.

« Lui même et ses rejetons ne peuvent plus les approcher aujourd'hui. »

Ceci sous-entendrait alors que le P'khenS'sarkh, loin de pouvoir les manipuler, peut toujours les étudier, et que sa compréhension pourrait à terme dépasser celle des Nemens bien malgré ce qu’ils évoquent. De plus, rien ne prouve qu’en cherchant à retrouver ce pouvoir perdu ils ne menacent pas non plus l’équilibre déjà précaire de Syfaria, car rappelons qu’en employant jadis la puissance égale des Piliers, leurs ancêtres Eduens ont modifié le visage de l’île.

Ce qui a aujourd’hui contribué à l’émergence de cette menace que nous nommons S’sarkh.



Un claquement de langue blasé mit fin à ses réflexions. Beaucoup de suppositions se bousculaient derrière les présentes sans qu’il ait eut l’occasion de les soumettre en pensées à Syrtaï'Nhymurtayag, et face au silence de la diplomate Trinité envisageait sans peine devoir confronter ses suggestions entre elles jusqu’à la date du Concile. Faute de mieux, il s’en contenterait.

Sauf si l’Assulter, qui s’évertuait stupidement à accabler la végétation autour du Chambellan de projectiles maladroitement lancés, avaient des idées à lui soumettre. Aucune chance. Le groupe continua d’avancer en dépit des efforts pathétiques de la créature pour tenter de le retenir, et finit par arriver face à un curieux spectacle : deux jeunes tydales, blessés, se tenaient mystérieusement immobiles au milieu du sentier remontant la Forêt aux Chants.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Matal 23 Otalir 1507 à 22h44

 
La pluie battait les tempes de Dorian avec conviction. Au fond de lui, le jeune tydale remerciait cette grandiloquente expression de la fureur de l'île pour la seule raison que le froid pénétrant de l'eau lui permettait de rester éveillé.

Il cligna les yeux. Il lui semblait, mais rien n'était moins sûr, que des silhouettes approchaient par le sentier. Délire hallucinatoire certainement : cela faisait des semaines que les deux fugitifs n'avaient croisé personne, à part les dizaines de créatures qui s'étaient dévotement chargés de les réduire à leur état actuel.

Qui n'était pas brillant, force était de le constater.

Dorian enfila une enième fois ses gants de combat, prêt à en découdre. Mécaniquement, il se mit en position de garde, songeant fugitivement que son corps avait acquis tant d'automatismes au cours de ce voyage qu'il devait plus ressembler à un pantin qu'autre chose.

De fait, son esprit était absent. Il ne savait pas depuis combien de temps il n'avait aps dormi. Il ne savait plus vraiment quel chemin ils suivaient à présent. Il ne savait plus combien de têtes d'arkoniens et de sangliers il avait réduit en petits tas spongieux sur le sol.

Il savait juste que Tara était en vie. Il savait juste qu'elle était là, toujours prêt de lui, et qu'à présent, personne ne lui enlèverait.

Plus jamais.

Tara, justement, se glissa derrière lui telle une ombre, et lui glissa l'arme qu'il lui avait confiée. Plus tranchante que jamais, il la soupesa, avant de la ramener le long de sa jambe, prête à l'emploi.

Sa soeur était véritablement une prodige de l'enchantement. Et l'Assulter semblait l'avoir compris, observant les deux enfants avec un air agressif, mais suspicieux. Il n'osait pas se jeter sur eux...

Le contournant, les deux enfants poursuivirent leur chemin, pour se retrouver nez à nez... avec un tydale.

Un tydale. Mâle. Dehors et sans surveillance. Pour les fuyards, la vision était complètement inattendue et étonnante, mais surtout, elle indiquait, dans leurs esprits, une seule chose : la fin du voyage.

Comme toujours, Dorian contint ses émotions, alors que le longiligne personnage lui adressait la parole dans une langue inconnue....


Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Merakih 24 Otalir 1507 à 21h58

 
HRP : ce RP intervient avant l'entrée d'Aliundil dans " A la recherche des Obsessions. "

Trinité s'arrêta pour laisser entre le couple de tydales et lui une bonne douzaine de pas. Les deux poussiéreux paraissaient exténués et autant dire qu'à cet instant le Chambellan douta qu'ils puissent représenter une menace sérieuse. D'ordinaire, il ne les aurait pas immédiatement considéré comme un risque, mais la quête fixée par les Nemens semait le trouble dans les esprits. Aussi préféra-t-il se prévenir de tout désagrément inutile et supplémentaire.
La forêt retentissait toujours d'une louange macabre colportée par le souffle humide et froid du Mont des Vents, que vint rompre la voie mentale de Trinité.

Bonjour.

Ses deux mains se rejoignirent sur le pommeau de sa canne de voyage usée par les intempéries et les rencontres inopportunes. Depuis les ombres de son visage, il scruta les grains de poussière pendant que son esprit lui livrait quelques informations les concernant. Dorian, un Libertaire, et Tara, une Affranchie, tout deux du Matriarcat. Duo intéressant et précieux. Des éclaireurs ? Des égarés ? Des fuyards ? Il imagina en un instant une multitude de scénario mais les bannit dans un coin de sa mémoire avec une rapidité égale.
Le temps s'écoulait irrémédiablement et chaque seconde passée à s'égarer du chemin des Obsessions menaçait les résultats de la Confrérie. Encore une fois loin de ses habitudes, il opta pour des présentations minimums.

On me nomme Trinité des Mots.

A présent parfaitement immobile, le tydale adopta cette neutralité insondable qui caractérisait si souvent sa rencontre, attentif, guettant le plus insignifiant retour de la part de l'un ou l'autre des factionnaires.

Puis-je vous demander de nous laisser le passage, à moins que vous ne redoutiez une créature tapis dans les bois ?


Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Julung 25 Otalir 1507 à 22h40

 
"Bonjour"

Dorian eût un léger tic au niveau de l'oeil. Pas de "Hajar", de "Aka Hajar", pas de silence révérencieux. Simplement la courtoisie et la dignité.

Le jeune garçon se redressa et adopta une posture similaire à celui de son interlocuteur. Au milieu de cette forêt hostile, les deux tydales, distants et indolents, adoptèrent spontanément une sorte de jeu de politesse quelque peu décalé en cet endroit.


"Puis-je vous demander de nous laisser le passage, à moins que vous ne redoutiez une créature tapis dans les bois ?"

Le jeune garçon apprécia vivement cette marque de respect, et répondit sur le même ton, songeant qu'il retrouvait en ce mâle une attitude qu'il considérait comme sienne depuis longtemps.

Bien le bonjour, Trinité des mots. Nous vous cédons la place avec plaisir. Faites attention néanmoins, un Assulter se trouve à quelques pas d'ici, camouflé dans le bas côté...

Le jeune guerrier fixait le tydale avec intensité. Il n'y avait chez ce Trinité aucune expression, tout comme lui ne laissait rien paraître. Etrange dédoublement, miroir vieilli...

Dorian sentait la pression d'une vie de contrition se relâcher doucement. Pour celui qui n'avait pas vécu au Matriarcat, une telle libération n'était pas immaginable ou communicable.

Dorian s'écarta du chemin avec une sorte de délicatesse légèrement inféodée, en enjoignant sa soeur à faire de même. Il la prit par la main alors qu'elle le rejoignait. Malgré toute sa réserve, il ne pouvait jamais s'empêcher de marquer cette appartenance jalouse à quiconque croisait les jumeaux.

Il murmura, comme pour lui même que l'errance touchait à sa fin. Alors que le tydale passait près de lui en lui adressant un poli signe de la tête, Dorian lui rendit son salut et l'interpella.

Il avait omis de se présenter, bien qu'il ne doutait pas que le pâle tydale devait avoir eu recours à son Mou depuis longtemps pour connaître son identité. Le garçon se dit qu'il devrait essayer un jour de se rapprocher de ce symbiote...


Je me nomme Dorian, et je suis fort aise d'avoir fait votre connaissance, Trinité. Puis-je me permettre de vous demander si nous sommes encore loin d'Arameth ?

Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Dhiwara 28 Otalir 1507 à 19h02

 
Il se figea brusquement et entama un demi tour aussi calme que lent pour refaire face au couple. Les derniers mots de Dorian changèrent la donne et à cet instant il ne fut plus question pour le chambellan de les laisser continuer leur route sans obtenir des renseignements. Ses yeux gardaient une expression toujours aussi figée, et son corps se raidit une nouvelle fois.
Les deux tydales égarés offrait un spectacle assez curieux en soi, mais le fait qu'ils mentionnent Arameth conféra à leur situation une probabilité supplémentaire que Trinité n'avait pas immédiatement considéré : la fuite.

Il fit un pas en avant et planta sa canne dans le sentier de terre pour s'y appuyer et permettre un immobilisme accomplie. Si Dorian et Tara étaient poursuivis, d'une le Matriarcat risquait de rencontrer leur expédition - mais c'était de toute manière envisagé depuis leur départ -, de deux ils avaient peut-être commis un crime et tentaient de se substituer à la loi, de trois s'ils rencontraient le Matriarcat sur la route de l'Obsession il n'était pas sûr de vouloir jouer aux devinettes avec des probables traqueurs.

D'un autre côté... deux fuyards, hein ?

La réponse à votre question nécessite préalablement que vous expliquiez les motivations vous poussant à rejoindre la Cité des Perles Sombres.

Une nuance tenue aparut dans son ton. L'habituelle ataraxie de Trinité sembla osciller, hésiter puis dérriver vers de la suspicion. Nul autre que lui cependant ne savait qu'elle n'était rien sinon un artifice de son discours.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Dhiwara 28 Otalir 1507 à 22h00

 
Le tydale était impressionant.

Dorian n'éprouvait que mépris, ordinairement, pour tous les adultes. Si grossiers, si primaires. Les femelles du matriarcat, notamment, hystériques et sanguinaires, croyant (se) prouver quelque chose en brandissant du métal à tout va.

Mais l'homme était différent. Il avait en quelques gestes conquis Dorian. Si posé, si maniéré, si parfait. On pouvait deviner l'intelligence légèrement condescendante, un esprit retord et coupant comme un rasoir.

Un interlocuteur de choix. Dorian eût un léger regret cependant. Il était sale et épuisé, et les conditions ne se prétaient pas à un jeu oratoire dont il rêvait depuis son enfance.

Mais en contrepartie, la rencontre lui fit prendre conscience que sa vie était déjà dans la Confrérie. Loin de ces ahuries folles furieuses, et surtout en compagnie de personnes comme ce Trini...


Lilhian dit :
Aliundil.


Dorian détestait ces incursions mentales, qui étaient fort rares cependant. Tous les télépathes se rengorgeaient d'avoir accès à ce symbiote. Lui trouvait ça extrêmement pénible. Ne même pas être tranquille dans sa propre tête. Passons.

Il envisagea l'attitude dudit Aliundil. Etait-il troublé comme il le laissait paraître ? Une sorte de correction toute policière dans le ton. Dorian ne le connaissait pas, mais il y avait là comme une sorte de surjeu de circonstance. Le jeune garçon y vit surtout une invitation à jouer carte sur table. Ce qu'il fit volontiers :


Vous désirez donc savoir ce qui motive notre venue ? Fort bien : nous désirons devenir membres de la Confrérie.

Le garçon se savait particulièrement "réussi", pur produit de l'eugénisme tydale. Il plongea son regard diaphane dans les yeux de son interlocuteur, accentuant la brutalité de l'assertion par cette détermination glaciale dont il savait jouer à merveille.

Faussement innocemment, il ajouta :


Cela peut paraître abrupt, mais je répondrai à toute vos questions, soyez en sûr... Que voulez vous savoir de nous, messire Trinité ?

Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Dhiwara 28 Otalir 1507 à 22h10

 
Tout. Stoïque.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Dhiwara 28 Otalir 1507 à 22h33

 
Dorian se fendit d'un large sourire. Pour la première fois de sa vie, il avait failli rire. Il secoua la tête de droite à gauche, légèrement, comme incrédule devant l'aplomb du tydale.

Son sourire se résorba doucement pour former une moue amusée. Il pencha la tête sur le côté, chercha quelque chose du regard, dans le lointain, s'éclaircit la voix le poing devant la bouche.


Tout ? Il y aurait beaucoup à raconter... Je suppose que le plus pragmatique fera l'affaire pour commencer. Tara et moi sommes jumeaux, et à l'heure actuelle nous fuyons le Matriarcat du Déclin, où nous sommes nés.

Nombreux sont ceux avant nous qui se sont fait prendre ou tués. Aussi avons nous pris le temps de mettre en place notre évasion. Les préparatifs ont pris un certain temps, mais je ne pense pas que cela vous intéresse outre mesure. Ainsi avons nous fui en évitant la route, afin de ne pas nous faire repérer, nous ayant assuré que l'on ne nous chercherait pas avant longtemps.

Voilà pour le présent. Dans le cadre des présentations, sachez que ma soeur est une sorcière plutôt douée, et que je suis son garde du corps.

Pour ce qui est des raisons qui nous ont amené ici... Il serait peut-être un peu fastidieux, dans cette forêt hostile, de vous exposer toute l'histoire, mais sachez seulement que cela fait des années que nous sommes décidés à partir.

Nous ne savions pas vraiment comment, mais la rencontre d'une des vôtres nous a fait prendre conscience que notre place était ici... et qu'on pourrait peut-être nous accueillir...


Dorian était peu bavard habituellement, et devoir comme cela exposer, parler, argumenter lui laissait un mauvais goût dans la bouche.

Il se rendait compte que leur intimité, à lui et à Tara, était la dernière chose qu'il leur restait. Et la dévoiler, même partiellement, le rendait nerveux. Mais qu'importe la sensibilité, quand le salut est au bout ?

Dorian jetta un oeil sur sa soeur, blessée elle aussi. Une lueur de colère passa dans son regard. Colère après lui-même, si faible, si faible... Il replongea ses yeux dans celui du tydale. Il n'allait pas flancher maintenant.


Voilà, messire Trinité, vous savez tout, mais pas dans les détails. Soyez assuré de ma sincérité, autant que vous pouvez l'être.

Mais je ne doute pas qu'un esprit sagace comme le vôtre aura déjà remarqué que l'histoire n'est pas si invraisemblable, venant de deux jeunes tydales blessés cherchant Arameth...

Je me doute que le refuge que présente la Cité des Perles Sombres n'est pas donné à tous. Mais croyez moi, nous sommes prêt à nous mettre au service de la Confrérie pour gagner notre place au soleil... si j'ose dire.


Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Dhiwara 4 Nohanur 1507 à 17h53

 
Le Chambellan répondit sans laisser une seconde de battement.

Vous confondez une approche pragmatique et une approche factuelle. Vos mots ne se proposent pas d'éclairer l'avenir par l'émission des actions passées, ils se contentent d'énoncer des faits évidents.
De plus, vos suppositions sont mal fondées, surtout après que j'ai affirmé ma volonté de tout savoir à votre sujet.

Les portes d'Arameth ne s'ouvrent qu'à de rares poussiéreux et ceux-ci doivent toujours faire leur preuve face à la faction. La Confrérie des Six entretient des rapports mercantiles et diplomatiques avec l'ensemble des factions de Syfaria, et ses relations progressent constamment sur le fil d'un rasoir. Rebuts, parias et laissés pour compte sont les bienvenus, mais lorsqu'il s'agit de criminels la Cité des Perles Sombres ne peut se prononcer avant de connaître la nature du crime, du jugement prononcé, et de la sanction retenue.
En ces temps troublés qui verront bientôt se bousculer les enjeux diplomatiques à l'échelle du monde, presque personne n'est prêt à mettre en jeu son avenir pour deux fuyards poursuivis par la mort. Au contraire, l'une des formes de la raison voudrait que quiconque croise la route de fugitifs les reconduise auprès d’autorités compétentes afin de s'assurer de la bonne conduite des affaires politiques.
En l'état actuel des choses, nombre de confrères vous considéreraient comme une marchandise de choix vendable à prix d'Obsession, et le manque d'argument que vous opposez à cette solution ne fait que renforcer la décision.

La seule place que vous gagneriez serait dans un Pilier.


Malgré certaines réticences, le garçon semblait être à l'aise lorsqu'il fallait charmer son interlocuteur et Trinité était curieux de voir comment sa rhétorique s'adapterait à une menace implicite. Sa boulimie de connaissance l'emportait peu à peu sur les objectifs de son voyage, et bien qu'il fût pressé le Chambellan devait reconnaître son intérêt pour les deux évadés. Rejoindre Arameth présentait déjà un nombre élevé de dangers en tout genre mais les jeunes tydales ne se rendaient pas encore compte que la vraie menace surviendrait dès qu'il trouverait la Perle. Il valait mieux tout savoir d'eux pour aviser de leur sort et peut-être avertir la ville de leur venue.

Il ne tient qu'à vous de gagner cette place au soleil et clarifiant les ombres de votre discours.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Dhiwara 4 Nohanur 1507 à 18h31

 
Le ton du tydale semblait se durcir, il fallait jouer serrer : le rhéteur qui faisait face à Dorian était habile, et le moindre laxisme dans le discours se retournerait contre eux... Il reprit donc immédiatement :

Il m'était difficile de percevoir la nature des renseignements que vous exigiez tant la demande était laconique. Pardonnez donc un exposé surfait qui me permet cependant de mieux cerner votre requête.

Un crime dites vous ? En un mot, vous désirez savoir si nous accepter pourrait porter préjudice à la Confrérie. Il semble normal de s'informer de la sorte, aussi vais-je vous exposer très précisément ce pour quoi nous fuyons.

Nous n'avons commis aucun crime, nous n'avons tué personne, volé personne, et nous ne sommes recherchés par personne. Du moins pas encore.

En effet, si sommes partis, c'est pour nous soustraire à la loi du Matriarcat, qui stipule que nous devrions nous "reproduire". Je ne sais si vous êtes vraiment au courant des moeurs de cette faction, mais l'union est forcé et obligatoire pour ceux qui sont considérés comme "aptes".

Cette sélection se fait durant l'adolescence, dont nous ne sommes pas encore sortis, et à l'âge de 20 ans, les mâles sont désignés comme aptes à la reproduction ou inaptes, tandis que les Anja's - je veux dire, les jeunes tydales - sont conduites au harem pour être fécondées.

Pour ainsi dire, nous ne tombons pas encore sous la loi du Matriarcat, vu que nous ne sommes pas en âge de nous reproduire. Nous n'étions cependant pas autorisés à sortir, mais la seule sanction pour des jeunes que l'on trouve hors d'une ville est une reconduction au harem où ils reçoivent une "punition"...

En l'occurence, je doute qu'ils remettent la main sur nous à présent.


Dorian reprit son souffle un instant, guettant aussi une réaction du tydale à sa dernière phrase. Il était clair qu'en matière de sophismes, il se débrouillait très bien pour contourner les lois absurdes du Matriarcat qui condamnaient à mort les suicidés pour ne citer que celle là...

Je vais être encore plus clair avec vous, car un esprit logique aime être en disposition de tous les éléments pour juger d'un cas : nous sommes tous deux adoptés par une tydale, qui était donc en charge de nous surveiller.

Dernièrement, elle s'est enquise de savoir où nous étions, car elle ne nous avait pas vu depuis un moment. Nous n'avons pas répondu à son message télépathique, et depuis, plus de nouvelles. Je suppose que la quête dont tout le monde parle accapare bien plus les esprits que notre fugue.

Mais pour résumer, nous sommes mineurs. En ce sens, la seule fautive est bien notre responsable. Si la Ruche voulait remettre la main sur nous, elle se tournerait vers notre mère adoptive, qui s'est rendue coupable de négligence.

J'espère que cela ne lui attirera pas trop d'ennuis, mais je crois que l'exposé est suffisament clair à présent : nous ne sommes pas des criminels, et nous demandons asile à la Confrérie des Six.

Nous sommes deux enfants, et notre "mère" pourrait un jour vouloir nous récupérer. En l'occurence, la mort serait préférable plutôt que de retourner là bas. Si la Confrérie ne veut pas de ma lame ni des sorts de Tara, nous irons ailleurs proposer nos talents.

Mais très sincèrement, nous espérons faire nos preuves ici...



Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Dhiwara 4 Nohanur 1507 à 19h18

 
Encore quelques lacunes mais le résultat approchait la satisfaction. Trinité ne marquait toujours aucun temps d’arrêt et enchaînait ses phrases à celles du jeune tydale.

Puisque vous semblez connaître la loi du Matriarcat au point d'en apercevoir les failles, énoncez-moi le précepte de loi qui dit qu'en tant que mineur vous n'y êtes pas soumis ainsi que les préceptes liés à la motivation de votre départ.
De ce que vous en dites vous essayez de vous soustraire par anticipation à la législation du Matriarcat et aucune décision ne pourra être prise tant que cette information n'aura raisonnablement pas été vérifiée. Dans le cas où vous seriez honnête cette situation ne serait pas irrégulière du point de vue des idées invoquées, mais dans le cas contraire vous seriez dans l'illégalité la plus totale et vos perspectives d'avenir au sein de la Confrérie en serait diminuées.

Viennent s'ajouter à cette remarque deux interrogations.
La première concerne l'identité de votre tutrice symbiosée : qui est-elle ? Quel est son rang ? Quelle est la nature de son message ?
La seconde fait trait à la manière dont vous vous êtes évadé ; les détails doivent être abordés.


Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Dhiwara 4 Nohanur 1507 à 19h39

 
Dorian eût à peine le temps de passer la langue sur ses lèvres que le tydale continuait l'interrogatoire. Dès qu'il eût fini, il reprit :

Article 4-3 :
Toute Liadha ou tout male libre en émettant le désir peut officiellement adopter un mâle devenant par là même responsable de ses actes, quels qu’ils soient.


Dorian eût un imperceptible sourire de satisfaction d'avoir pu répondre sans pause, même s'il ne se souvenait plus de la fin de l'article.

Soyez bien sûr, messire Trinité, que nous sommes dans l'illégalité la plus totale, et que selon les lois du Matriarcat, nous n'aurions jamais dû quitter la ruche, où nous sommes tenus de rester.

Cependant, en vertu de cet article, et de la très faible précision du code pénal déficient du Matriarcat, la seule coupable de nous avoir laissés nous évader se nomme Lëana. Elle est "faucheuse" à Kryg je crois, et menaçait de nous retrouver si jamais nous avions fui.

Je crois qu'il s'agissait là d'une menace "pédagogique" comme on dit. Soyez sûrs que je regrette que cette tydale soit mêlée à toute cette histoire. Elle est tout à fait respectable, mais nous n'avons jamais eu vraiment de rapports.

Je ne sais d'ailleurs pas vraiment pourquoi elle nous a adopté... Tara et moi-même n'avons jamais cherché à nous lier vraiment à cette mère adoptive.

Bref. Pour ce qui est de la fuite en elle même, nous avons attendu un contrôle à la ruche, qui nous assurait plusieurs semaines de liberté sans être demandés.

Nous avons ensuite parlé à la taverne d'un voyage vers Kryg, au cas où certaines oreilles auraient trainé, et nous avons profité de la diversion qu'ont offertes les fleurs de fiel.

Les gardes étaient éparpillées dans la ville pour les détruire, et la porte était beaucoup moins gardée. Camouflés, ayant pris avec nous nourriture et armes, nous avons pris la route du sud, avant de nous éloigner par l'est.

Ce détour était dangereux, mais grâce à lui, nous n'avons croisé personne jusqu'à ici...

Vous savez tout.

Je vous prierai cependant, si vous faîtes une enquête afin de vous assurer de ce que je dis, de ne pas parler de nous. Personne jusqu'à présent ne s'est inquiété de notre disparition : peut-être nous croît on morts ou disparus, ce qui nous arrangerait gandement, pour tout vous dire...


Dorian commençait à baisser sa garde, il était épuisé, et espérait que son discours n'était pas trop spontané ou grossier, mais il n'avait plus la clairvoyance nécessaire pour tout contrôler, contrairement à son habitude.

Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Tara

Le Luang 5 Nohanur 1507 à 01h39

 
Une main vint se poser doucement sur l'épaule de Dorian.
Tara s'avança, poussiéreuse, boueuse, une indéfinie lueur flamboyante dans le regard.

Le plaisir qu'avait pris Dorian dans ce bref échange l'avait surprise un instant, elle devait l'avouer.
La suspicion aigue d'une jumelle circonspecte s'était tue, mi-feulante, mi-ronronnante; dans l'ombre de son frère, elle était restée silencieuse, acceptant implicitement son choix de livrer leur seul trésor.
Mais à présent que la fatigue menaçait Dorian...

Un pas de plus la plaça un peu en avant de son frère, à ses cotés; elle laissa instinctivement glisser sa main en travers du torse du libertaire, tandis que sa tête se penchait en un salut courtois.
Nul jugement de valeur ne transparut dans ce salut; elle ne s'était forgé aucun avis personnel quant à l'étrange et curieux inconnu.

Juste, juste l'idée intolérable que ces questions fatiguaient Dorian un peu plus.
La fraicheur de sa voix s'opposa étrangement à l'aspect fatigué de la jeune tydale.


- Messire Trinité.

Court silence, peut-être pour le saluer, peut-être pour calmer le rythme rapide imposé par l'inconnu à Dorian, si las.

- Liadha Lëana, notre Mère, commande le contingent de semeuse de mort de Kryg. Pour le reste, Dorian vous a détaillé le plus sincèrement du monde tout ce qu'il y a à savoir de cette histoire, du moins tout ce qui semble vous interesser.

Elle marqua un nouvel arrêt, semblant réfléchir, avant de reprendre.

- Puis-je vous demander dans quelle mesure ces informations vous intéressent-elles? Veuillez excuser ma brutalité, je ne possède pas la subtile efficacité de mon frère....

Elle dédia un regard affectueux à Dorian.

- ...Mais voyez-vous, ce long et pénible voyage relève pour nous d'une gageure toute particulière.
Vous comprendrez que la nature même des efforts fournis me pousse à me montrer circonspecte.


Sa main retomba, et presque aussitôt, elle se glissa dans celle de son frère.

- Il n'est absolument pas question que Dorian ne retourne en ces lieux. Si d'aventure nos présences venaient à poser problème, nous ne nous attarderons pas plus avant. Le monde est vaste, assez je pense pour nous offrir un abri accueillant où nous pourrons faire nos preuves sans être méjugés.
Désirez-vous nous aider? Ou chercherez-vous à nous dénoncer?


Elle l'observa un instant, avant d'ajouter, comme pour s'excuser auprès de son frère de détruire les efforts qu'il venait de fournir malgré l'épuisement.

- Nous sommes épuisés, Messire Trinité, épuisés et inoffensifs. Nous cherchons asile, et ne sommes animés d'aucune intention belliqueuse; cet interrogatoire au coeur de la forêt est-il bien nécéssaire? D'autant que je gage qu'une fois arrivés en ville, si nous y parvenons, nous devrons nous plier à un, deux, dix autres interrogatoires de ce type. Nous désirons simplement savoir si nous sommes encore éloignés d'Arameth; accepterez-vous de nous venir en aide?

Quelques accents de lassitude filtrèrent dans ses derniers propos. Elle avait conscience de ce que son attitude avait de possiblement grossier, mais l'état d'harassement de son frère primait sur toute autre considération. La jeune tydale était elle aussi fatiguée, mais sa tenue roide et altière affirmait sans nul doute qu'il lui restait assez de force pour préserver son frère envers et contre tout.

Vilaine, vilaine fille

 
Aliundil

Le Luang 5 Nohanur 1507 à 21h45

 
Il fallait saluer l'effort de Tara qui tentait de ménager la rhétorique de Dorian en imposant à la discussion des pauses que Trinité jugea en bien des points théâtrales. Le Chambellan esquissa un petit sourire contenté lorsqu'il constata que la jeune tydale possédait des qualités oratoires au moins égales à celle de son compagnon, quoiqu'elle puisse en dire. D’ailleurs, les affirmations visant à rabaisser son expression constituaient intelligemment l'une des forces de son argumentaire.
Trinité remit en ordre ce qu'il venait d'apprendre du couple pendant qu'il laissait à l'Affranchie l'opportunité d'imprimer un rythme nouveau à la discussion, et ne put s'empêcher de constater - à tord ou à raison - le subtile échange entre les deux fuyards. Jeunes et rusés, ils alternaient les réponses, altéraient les idées et comblaient les lacunes de chacun.

Plus qu'un couple : un duo.

Il est trop tôt pour se prononcer.

Etrangement, la phrase semblait répondre à l'ensemble des interrogations de Tara sans pour autant apporter d'explications.
Trinité s'assit difficilement sur une vieille souche gorgée de pluie et rompit le contact visuel avec les deux tydales quand il sortit un vieux calepin usé de son grand porte livre. Tout en tirant une pierre sanguine d'une bourse en cuir il se mit à feuilleter les pages, concentré, et s'arrêta sur la première feuille du dernier feuillet.

Puisqu'à présent trois poussiéreux participent activement à cet échange nous allons pouvoir l'élever une strate au dessus.
Nous sommes tout trois fatigués, blessés et préoccupés par des affaires ayant plus ou moins à voir avec l'objet de la présente discussion, mais dans le but d'obtenir satisfaction et pour vous et pour moi, nous devons encore poursuivre.

Tout d'abord. Ce lieu accueillera parfaitement notre échange. Aucun de nous ne désire faire marche arrière aussi discuterons nous à la croisée de nos chemins respectifs. Le reste de l'expédition à laquelle j'appartiens n'est pas très loin et elle se compose de guerriers assagis par les combats ainsi que de lanceurs de sorts experts susceptibles d'enflammer un Gambol trop hargneux. Sauf surprise déraisonnable de la part du destin, nous avons peu de chance de rencontrer un Maraudeur du Dernier Soupir.

Ensuite vous comprenez qu’il est indispensable que je sache très précisément qui sont ceux qui marchent vers Arameth, pourquoi ils le font et ce qu'ils attendent de la Confrérie des Six. Non pas pour me livrer à un interrogatoire gratuit dont la futilité égalerait sans doute la perte de temps mais par implication dans l'idéologie et la politique de ma faction. Bien que mon rang ne soit pas lié à la diplomatie il reste du devoir de chaque confrère d'informer les autorités compétentes de tout bouleversement ou de toute menace planant sur la Cité des Perles Sombres. Voilà pourquoi je demande des précisions, car plus je serai renseigné plus votre requête sera prise au sérieux.

Enfin, concernant Arameth. Peu importe la distance qui vous sépare de la ville car sans précisions elle demeurera inaccessible. Pour que la Confrérie accepte de vous venir en aide il va falloir lui présenter autre chose que de la pitié. N'êtes-vous pas au courant des rumeurs qui disent que nos factionnaires en sont dépourvus. Votre principale erreur est de croire qu'en quittant le Matriarcat vous trouveriez une terre d'accueil plus juste, or ce mot à été bannit de Syfaria depuis que les Eduens l'ont ainsi baptisé.


La silhouette de l'imposant Chambellan Yeshal se dessina dans les ombres de la Forêt qui Chante. Trinité lui adressa un mot télépathique et se mit à prendre quelques notes à la lueur d'une flamme bleuâtre d'Essencialis.

En d'autres termes, entre l’aide ou la dénonciation il n'y a qu'un pas. Et c'est à vous de nous le faire franchir.


Se suffire, c'est être puissant.

 
Tara

Le Matal 6 Nohanur 1507 à 01h04

 
Tandis que l'adulte prenait place sous leurs yeux, la jumelle détailla les lieux du regard, s'assurant que nul danger ne viendrait perturber l'échange.
Les semaines dans la forêt avaient aiguisé ce que d'aucuns nommaient "l'instinct primaire", formule élégante usitée en fait et lieu de paranoïa.

Le sol du sous-bois, sur le bas-coté de la route, paraissait tout à fait acceptable au regard des nuits exotiques qu'ils avaient pu passer ce dernier mois.

Tara allait s'asseoir - après s'être assurée que son frère se fut installé sans que ses plaies ne s'ouvrent à nouveau - lorsque les mots de leur interlocuteur vinrent la heurter de plein fouet.
Ses yeux étincelèrent et cette fois, la colère l'habita tout à fait.


- Pitié? De la pitié? Mais pour qui nous prenez-vous?

Comment pouvait-il?
Comment osait-il?
Personne, même au Matriarcat - pourtant vivier de caractères blessants et hargneux - n'avait eu l'indécence de sous-entendre de pareilles insanités.
Le moindre Mish dévalorisé par les Liadha's restait un tydale. Un tydale, un fort. Les faibles n'était pas admis au Matriarcat.
La pitié....


- Vous m'avez mal comprise, Monsieur. Je n'ai à aucun moment parlé de justice mais bien de jugement.
Nous avons quitté le Matriarcat car le jugement apposé par cette nation ne nous convenait pas - au dernier degré. La notion aigüe et idéologique de justice des peuples variant d'une contrée à l'autre, elle ne fait pas partie des idéaux fondamentaux.


Elle ajouta comme pour elle même, un ton plus bas: La Justesse...

- Nous n'avons pas traversé ces épreuves pour demander la "charité". nous sommes jeunes, capables, efficaces et - même si cela n'est pas évident en cet instant - bien portants.

Nous venons à vous en toute bonne foi, et sommes prêts à faire nos preuves sans rechigner à la tâche pour peu que l'on nous en laisse l'occasion. Au cas échéant, nous repartirons.
La .... pitié n'est pas une alternative envisageable, et ceci n'est pas révoquable. L'idée même en est outrageante.


La tension était palpable, et la jeune tydale frémissait encore sous ce qu'elle considérait comme un affront.
Elle joua nerveusement la paume de ses mains ballantes en y plantant incessament ses ongles noircis de terre, cherchant à se calmer un peu.
Elle s'avisa alors de la présence rassurante de Dorian à ses cotés, et son indignation s'affaissa d'un cran.


- Je ne sais de quelle manière les étrangers ont coutûme de se présenter à Arameth. Sachez simplement que nous n'avons pas peur de nous battre pour obtenir ce que nous désirons, et entendons gagner le moindre de nos droits.

Elle espéra à l'instant où elle prononçait ces mots qu'il ne s'arrêterait pas au sens premier de ses propos.
Les jumeaux n'avaient jamais cherché de noises à personne, pour peu que l'on ne tentait pas de les séparer.

Son regard glissa vers celui de Dorian, et immédiatement, elle s'en voulût d'être intervenue de la sorte.
La fatigue, songea t'elle avant de se reprendre immédiatement: la fatigue n'était pas une excuse valable.
Elle tomba assis aux cotés de son frère, soupira, mi-contrariée, mi-dépitée, et reprit.


- Je comprends que vous dûssiez faire votre devoir, je suppose que la pérénnité de votre nation l'exige, tout autant que votre sentiment d'appartenance vous le réclame en devoir sacré je présume.
Simplement, et je vous demanderai de vous mettre à notre place quelques instants, il est horripilant de se voir traiter en menace potentielle sans avoir les moyens concrets de dissiper cette erreur latente.
Je ne vous reproche pas ces questions, somme toute sensées; mais si vous ne nous donnez pas les moyens d'aller de l'avant, nos chances de vous convaincre ne peuvent qu'aller s'amenuisant.


Elle fronça un instant les sourcils, serra brièvement la main de son frère, et finit par ajouter.

- Je .. je tiens à m'excuser de m'être emportée. Exception faite de cette question de pitié. Là, je ne peux pas.


Elle secoua la tête une fois, puis se tût.
Elle ne pouvait pas mentir.

Il sembla alors qu'elle s'effaçait dans l'ombre, tandis que son frère sortait de la pénombre.

Etrange impression.


Vilaine, vilaine fille

 
Dorian

Le Matal 6 Nohanur 1507 à 21h38

 
Dorian posa un étrange regard sur son interlocuteur, un demi sourire aux lèvres, et pressa sa soeur contre sa poitrine, un bras autour de ses épaules.

Je crois que nous nous sommes tout dit, Messire Trinité, et je pense que ma soeur vous a exprimé avec bien plus de netteté que moi le fond de notre pensée à tous deux.

Nous allons nous débrouiller avec vos confrères, dont nous connaissons la réputation, soyez en sûr.


Petite pause.

Et nous ne sommes pas inquiets, sachez-le. Ainsi, s'il n'y a qu'un pas, nous allons de suite le franchir, et nous verrons bien l'accueil qui nous est réservé.

Vous l'avez dit, vous avez d'urgentes affaires à régler, nous ne vous retiendrons pas plus longtemps. Mais je pense que nous aurons tantôt l'honneur et le plaisir de vous revoir... à Arameth.

A bientôt donc, Messire.


Entraînant sa soeur avec lui, Dorian salua le tydale d'un léger signe de tête, et fit mine de s'éloigner. Il posa ensuite son regard sur sa soeur... si volontaire, si farouche et si terrible.

Il était fier.


Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Aliundil

Le Merakih 7 Nohanur 1507 à 22h54

 
Bien bien bien. Une fois à Arameth, ces deux là feraient sûrement parler d'eux, bien que Trinité aurait à mener d'autre entretient afin de connaître l'individualité de leur rhétorique et de leur attitude. Ensemble ils étaient doués, aussi lui tardait-il de les approcher séparément pour se faire une meilleure opinion.
Toujours avec ce stoïcisme outrageant et cette neutralité insondable, le chambellan s'adressa une dernière fois aux fuyards alors qu'ils commençaient à s'éloigner.

Avant de partir prenez ceci.

Il tira un parchemin à rouleau de son bagage et l'ouvrit pour y jeter une suite de mots couleur de sang. Quelques secondes après il le tendait à l'attention du duo.

Suivez la piste de terre qui descend vers le Sud Est puis remontez la route pavée menant à Arameth.

Vous traverserez une plaine gigantesque secouée par des vents puissants où de rares habitations révèleront des habitants peu hospitaliers. Aussi vous conseillé-je de gagner au plus vite la ville d'Eleudice où vous pourrez vous reposer en sécurité - surtout du fait de la pauvreté de vos possessions - avant de rejoindre une caravane en partance pour le désert d'Amody.

L'interminable route de la soif vous attend alors, et il vous faudra vous méfier de ce qui se cache dans l'ombre de chaque dune.

Une fois que vous serez en vue de la Cité des Perles Sombres, n'hésitez pas à laisser votre esprit vagabonder et cherchez ce nom : Archess Ney. La consoeur, tydale, est Juge d'Arameth et sera à même de prendre en compte votre demande afin de la porter aux grandes autorités de la faction.
Je vous laisse le choix de lui donner ou non ce parchemin.


Il salua Dorian et Tara d'une imperceptible inclinaison du buste et reprit son écriture ainsi que l'envoie de plusieurs missives qui, du coup, se plaçaient dans la liste de ses priorités.

Se suffire, c'est être puissant.

 
Dorian

Le Merakih 7 Nohanur 1507 à 23h21

 
Dorian se retourna lentement et se saisit du papier que lui tendait le tydale. Son sourire amusé pendant l'échange avait disparu, et l'on pouvait à nouveau lire une détermination terrible sur le visage parfait de l'adolescent.

Il tendit dans le même geste le rouleau à sa soeur, plus habituée que lui à garder précieusement toutes sortes de manuscrits, et rendit son salut au chambellan.

Une étrange alchimie secrète et silencieuse s'était créée entre les trois individus, et tous étaient à n'en pas doutés marqués et intrigués par la rencontre.

Alors que chacun s'en retournait à son destin, Dorian murmura dans un soupir :


Merci.

Sa santé mentale semblait toute relative... avec notamment des tendances à la mégalomanie... Et peut être aux personnalités multiples.

Ermandr, Explorateur du Suaire, à propos de son supérieur Dorian.

 
Tara

Le Julung 8 Nohanur 1507 à 01h27

 
Sud-est, route, Eleudice, désert... Archess Ney.

Elle s'appliqua à retenir les précieuses informations données par l'inconnu qui n'en était plus tout à fait un.

Son frère lui passa le parchemin qu'elle rangea mécaniquement, sans quitter le tydale des yeux.

Il avait fait son choix.

Elle eut aimé lui demander pour quelle raison il avait choisi de ne pas les dénoncer; mais la route était longue encore, le tydale très ostensiblement occupé et Dorian déjà quelques pas plus loin.

Elle resta debout devant lui encore un peu, comme pour graver son visage dans sa mémoire.

Puis, son jumeau tendit sa main, et elle le rejoignit immédiatement, irrésistiblement attirée par le geste.

Elle lui adressa un geste de la tête, et un sourire fleurit sur ses lèvres.


- Merci...

Ils lui devaient beaucoup. Ils n'étaient certainement pas encore en mesure de réaliser à quel point...
Mais jamais une dette ne restait impayée.
D'une manière ou d'une autre, elle le remercierait; peu importait le temps que cela prendrait.

Trinité des mots...

Quelques instants plus tard, ils avaient disparus.
Dans le silence des sous-bois, le seul bruit étouffé d'un rire clair; ou peut-être était-il rêvé.


Vilaine, vilaine fille

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