Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

Refleurir les jardins d'Ykena

Botanistes et Naturalistes bleus en mission
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Sujet lancé par MJ Syfaria
Le 29-10-1507 à 17h55
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Posté par Baër'lupis,
Le 29-01-1508 à 13h21
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Thanakis

Le Luang 26 Nohanur 1507 à 21h02

 
Et bien cette fois... pense l'Erudite. J'ai ma réponse. Il me tient...

Quelle ironie ! Après des siècles de manœuvres stériles, voilà que la visite d'une jeune fille disparue relance son vil projet !


Thanakis ferme brièvement les yeux, puis regarde attentivement la tchae avant de parler à nouveau :

Ethan Gorgo se sert de vous : contre moi. Evitez-le comme la peste. N'allez pas à son bureau, je sais parfaitement ce qu'il veut vous montrer, ce qu'il entend vous voir authentifier. Si vous accédez à sa requête, je...

La Première-Née se tait, le regard fixé sur sa main droite. Elle l'élève à hauteur de son visage, comme si elle la voyait pour la première fois : Nelle remarque qu'elle s'orne d'une magnifique chevalière, très masculine, sertie d'un beau rubis.

Abneith... murmure Thanakis. Je l'avais oubliée...

Cette fois, elle sourit franchement :

Notre bon Précepteur n'a pas tout prévu, dirait-on ! Oh, vous devez me trouver bien mystérieuse, n'est-ce pas ? Pauvre Nelle... (l'Erudite passe une main sur la joue de la Propage)... engluée dans les complots iniques du plus haut des dignitaires Rouges...

Soudain, elle rit aux éclats ! De soulagement ?

Demain, tu sauras tout. Demain, les masques vont tomber ! Tu sauras tout, oui... mais me pardonneras-tu ?

Je l'espère, oh oui, je l'espère...


Elle s'éloigne.

 
Thanakis

Le Luang 26 Nohanur 1507 à 21h28

 
Le lendemain matin, Thanakis marche sur la route, en direction de l'Ouest. Comme d'habitude, elle est partie à l'aurore. Comme d'habitude, tout le monde dormait. La solitude lui fait du bien, elle a besoin de calme.

Son voyage se déroule sans encombre et la mi-journée venue, elle rallie la croisée des routes indiquée sur son plan. Posant son paquetage dans un léger soupir, elle boit à sa gourde et commence à déballer ses affaires. L'aire est dégagée, nulle créature hostile ne semble rôder à ses environs immédiats...

Le garde affecté par la Bulle Noire ne tarde guère. Il s'installe à son tour, sans un mot, plantant sa hallebarde dans le sol meuble d'un coup sec.

Alors que la dame Bleue dispose un lampion sur le bord du chemin, elle est violemment projetée en avant par une attaque inattendue ! Un chiroptère sanguinaire vient de l'agresser, sans succès, repoussé par une magie puissante ! Le monstre ailé saccage le modeste campement et revient aussitôt à la charge !

Le lieutenant Sirohl bondit, silencieux, et frappe deux fois le vampire aberrant : le combat fait rage, la créature est solide et rend coups pour coups ! Elle tournoie en hurlant, crachant un mucus mousseux rougit de glaires et de sang, blesse le soldat et le griffe furieusement !

Thanakis l'évite une fois, deux fois, puis voit ses compagnons apparaitre au loin : ils vont venir, ils approchent, ils vont se faire mordre ! Les prévenir est inutile, ils presseront le pas pour lui porter secours...

Alors, la mort dans l'âme, la sorcière incante pour tuer : trois projectiles intangibles frappent le monstre de plein fouet, brisant ses os, broyant sa chair, répandant ses viscères dans la plaine. Il s'écrase, pantin ridicule qu'une parodie de vie anime encore quelques instants...

Atterrée, Thanakis nettoie ses affaires, puis jette au loin la dépouille sanguinolente de la bête corrompue. Elle revient au camp, ses amis sont encore à quelques centaines de mètres, personne n'a vu son...

Une voix de stentor la fait sursauter :


Bien le bonsoir, Thanakis.Heureux de vous voir ainsi affairée loin des turpitudes de la Fraternité, même si celles-ci doivent toujours atteindre vos pensées, je m'en doute... La symbiose n'a pas que des avantages pour qui veut respirer.

A deux pas derrière elle, un nelda puissant l'observe, et s'avance. La dignitaire se relève, se raidie... puis se détend :

Saltis'Dymer ! Enfin, je mets un visage sur vos mots !

 
Nelle

Le Matal 27 Nohanur 1507 à 01h21

 
Nelle regarde Thanakis s'éloigner sans qu'aucune réaction sensée ne lui vienne à l'esprit... Peut-être parce que tout lui parait insensé, justement...

Lui pardonner ? Lui pardonner ?!! Lui pardonner quoi ?!
Cette dernière phrase plus que le reste lui crispe le ventre... Dès leur rencontre Nelle s'est attachée à la mystérieuse jeune femme, et l'affection qu'elle lui porte n'a fait que se renforcer depuis le début de ce voyage...
Subitement elle n'est plus très sure de vouloir savoir de quoi il retourne. Elle n'est pas certaine de vouloir savoir ce qu'elle devrait pardonner à Thanakis...


Le sommeil est long à venir ce soir-là, mais malgré tout Nelle est une des premières à se mettre en route de bon matin, peu après l'Erudite. En chemin elle reçoit un message de son père qui lui confirme qu'il les rejoindra sous peu au nouveau point de ralliement, et la jeune tchaë y puise un certain réconfort. Elle a hâte de le revoir...vivant, bien vivant.
L'après-midi est bien avancé quand elle aperçoit les lueurs du campement. Au loin la silhouette de Thanakis la replonge dans une sorte d'appréhension... Les étranges et angoissantes paroles de l'Erudite passent et repassent dans son esprit, avec un cruel acharnement.

Puis, venant du sud, la silhouette massive d'un nelda, que Nelle reconnait aussitôt, pressant alors le pas. Son père échange quelques mots avec Thanakis avant de l'apercevoir :


Coucou, ma fille...Tu as l'air en pleine forme, tu rayonnes.

Nelle se jette dans les bras de son père, effectivement subitement rayonnante.

Papa !!!
Tu vas bien ?! Oh, je suis si contente de te voir !


Puis les mots lui manquent, elle se contente simplement de le serrer fort... Il y a quelques jours à peine elle pensait ne plus jamais pouvoir le faire...

 
Saltis' Dymer

Le Matal 27 Nohanur 1507 à 14h08

 
Saltis laissa passer un long moment où il ne fit que partager la joie des retrouvailles avec sa fille.
La serrant dans ses bras noueux, il était heureux de la voir de si belle allure et de si bonne humeur.
Cette échappée lui faisait du bien, en même temps que cela la confrontait aux autres et à leurs multiples déraisons...

S'écartant doucement, il la souleva de terre délicatement, et lui posa un doux baiser sur le front.


Nelle, tu es une grande et vraie propage, aujourd'hui.
Et tu es la fille la plus exceptionnelle qui sois !

Tu n'avais pas à t'inquiéter, ton vieux père n'était jamais mort, cela manquait apparemment à mon expérience, mais le passage n'est pas déplaisant.
Mourir en soi n'est rien.

Souffrir les quelques instants qui précèdent cette étape, par contre, est pour le moins à éviter.
Je te demanderai donc de redoubler de prudence, et de ne jamais imiter ton idiot de père.
Je peux supporter des douleurs qui feraient plier l'esprit de bien d'autres.
Le folie est la cousine de la Mort, en ces instants d'agonie...

Sois heureuse, ma fille, et apprends ceci : je suis un vieil imbécile, il ne faut plus pleurer sur mes choix parfois extrêmes, mais te réjouir de me voir encore plein de Foi après toutes ces années écoulées.

La compassion n'est pas la pitié.


Se reculant, un brin satisfait car il s'imaginait bien avoir énervé la petite Nelle par cette dernière phrase, il se tourna vers Thanakis, et lui sourit d'un air carnassier.


Erudite, mon visage n'est rien comparé à votre sublime présence, première née.
C'est un honneur.

Mon ami et moi sommes venus vers vous en toute bonne foi, par respect pour vous et votre peuple parfois dissipé.

J'ai changé d'avis, autant le dire de suite.
Si vous le désirez, nous poursuivrons cet échange par pensées...
L'Obsession est un sujet délicat, et nul parmi les votres ne doit le prendre à la légère.
Elle ne doit pas servir à combler des vides qui perdurent depuis si longtemps qu'il est vain de s'y opposer par des méthodes irrationnelles.

Vos frères, certains d'entre eux tout du moins, sombrent facilement.
J'en suis le Témoin vivant, si j'ose dire...

Si je puis vous être utile, je le serai avec joie.
Mais je ne le serai pas a contrario de la Vérité qui se doit d'être propagée.


Libre est la voie du S'sarkh !

 
Thanakis

Le Matal 27 Nohanur 1507 à 15h01

 
L'Erudite laisse ce qu'elle faisait en plan et reste debout tant que le propage s'exprime. Lorsqu'il conclu, elle l'invite à s'assoir près du feu et s'accroupit de l'autre coté des braises non sans jeter un coup d'oeil appuyé au garde noir qui les surveille, l'air renfrogné.

Vous êtes un curieux personnage, vraiment ! C'est à croire que vous revenez d'une promenade en mer, ou d'une soirée entre amis... je connais bien des vivants qui pourraient vous envier votre statut de jeune trépassé, tant ils manquent de cette flamme qui semble vous porter... ou vous ronger.

Commençant à préparer une boisson à base de plantes, que le témoin n'identifie pas vraiment :

Vous avez changé d'avis, dites-vous ? Ca ne m'étonne pas : seuls quelques principes méritent que l'on s'y tienne, il faut savoir s'adapter aux aléas. Je vais écouter votre pensée, bien que la symbiose... (un ange passe). Faites à votre façon, Ô Propage. Usons de nos esprits pour communiquer.

Sur ces mots, elle se met à battre sa mixture avec vigueur et se rapproche de Nelle. Tandis que son père réfléchit, sans doute concentré sur son message mental, elle murmure à l'adresse de la jeune fille :

Nelle... je suis dans une situation délicate. Pour que tu comprennes bien ce qui se passe, il me faut revenir un instant sur quelque chose dont j’aurais préféré ne jamais parler, mais je n’ai plus le choix...

Sans doute l’ignores-tu, mais je ne suis pas née en Syfaria. Je suis arrivée ici à l’âge de treize ans, après des années d’errance et de fuite dans les souterrains innombrables de... peu importe. Mieux vaut oublier l’ancien monde.

J’étais accompagnée de mon père. Les premières années, les premières décennies sur Syfaria furent difficiles, mais compte tenu de nos origines, c’était presque paradisiaque ! Bien sûr, nous étions... déconfits : les lieux nous étaient inconnus, nous n’étions pas au bon endroit. Mais le pire des cloaques nous aurait satisfait. Alors, vaille que vaille, tes ancêtres se sont mis au travail et ont fondé les bases de la faction Fraternelle, autour du jeune roi Elchior.

A dix-sept ans, j’ai aimé un tchae de mon âge, passionnément... il s’appelait Nau. Il était apprenti sculpteur et, mais je ne l’ai su qu’après sa mort, membre de la Loge interdite des Traqueurs Sentiens. Alors que j’étais enceinte, lui et mon père furent tués dans les montagnes, lors d’une partie de chasse à laquelle j’aurais du participer, mais ils... ils ne voulaient... toujours est-il qu’à cette époque, les mous nous étaient inconnus : personne n’était symbiosé, personne n’était télépathe, rares étaient ceux qui revenaient par les piliers...

J’ignorais ce qui leur était arrivé. J’ignorais où ils étaient allés. Je les ai cherchés trois semaines durant, dans les montagnes en partie immergées au sud-est de Farnya. La mer était plus basse, alors. Finalement, j’ai trouvé leurs corps, en partie enchâssés dans la glace d’une vallée perchée. Je les ai portés en terre un peu plus bas, en creusant le sol gelé avec des pierres, mes dents, mes ongles... n’importe quoi, pour que les loups ne les mangent pas...

Je suis redescendue au village de Farhy-Any, ancêtre de l’actuelle cité Rouge, et j’ai accouché de faux jumeaux : Simeïs et Trixia. Rien de notable n’est arrivé jusqu’à mes vingt-cinq ans, lors d’une fameuse nuit...

J’ai fait un épouvantable cauchemar, qui m’a ouvert les yeux sur les conditions très particulières de ma naissance. Au petit matin, je me suis réveillée avec d’étranges marbrures sombres sur le corps et de ce jour, je n’ai plus changé... physiquement. Evidemment, cela semble merveilleux : quelle jeune femme voit venir sans crainte la maladie, la douleur et la mort ?

Mais j’avais un fils et une fille. Toutes deux ont fait leur vie ici, ont eu descendance ; j’ai veillé sur eux, je les ai vues vieillir, j’étais présente à leurs derniers souffles, à leur mise en terre. J’ai veillé sur leurs propres fils et filles, que j’ai vu grandir, bâtir leurs vies, puis mourir... encore et encore...

Il n’y a pas de mots pour décrire l’horreur qui s’empare de l’âme quand on voit ses enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, disparaitre sous son regard impuissant, broyés par la roue du temps. Nous autres tchaes vivons cent, cent cinquante ans parfois ; une génération s’étend sur trente-cinq, quarante ans, peut-être ? En deux, trois décennies tout au plus, rien ne subsiste d’une vie. Rien. Ceux qui prétendent que les œuvres transcendent la mort se trompent : elles ne font que décaler l’inéluctable. Elles prolongent l’agonie...

Deux cent dix-sept fois dans cette farce abjecte qui me tient lieu de vie, j’ai vu partir mes fils et mes filles. Nul parent, tchae ou non, n’est préparé à cela. Ce n’est pas dans l’ordre des choses.

Alors, pour ne pas sombrer dans la folie et devenir une amochée
(ce terme résonne curieusement dans la tête de Nelle), j’ai coupé tout lien avec ma lignée. J’ai disparu à leurs yeux, j’ai cherché et systématiquement détruit tous les documents, officiels ou non, pouvant me rattacher à une quelconque personne en vie. J’ai effacé les vivants de ma mémoire, et j’ai attendu : en deux, trois générations, ceux qui savaient son morts. Tout était fini... je pouvais survivre, désormais.

Il y a presque deux cent ans, je suis devenue Erudite, suite à une longue enquête où Ethan Gorgo – oui, il vieilli tout aussi lentement que son père - et moi-même avons été distingués par le Roi. Nos nouvelles responsabilités nous ont changés, le Prince et moi. Je suis devenue plus posée, j’ai abandonné la plupart de mes activités politiques, je me suis entièrement dévouée à ma tâche. Ethan, de son coté... s’est enivré du pouvoir. Il comptait sur moi pour hâter son accession au trône et m’a proposé, plusieurs fois, d’entrer dans ses manœuvres pour évincer Krondor, contester son père, toujours pour le bien du peuple, à l’entendre...

Je l’ai déçu, alors, il a commencé à comploter. Comme mon actualité est sans histoire, il a fouillé dans mon passé, notamment parce qu’il me soupçonnait de fréquenter, voire de diriger des Loges dissoutes. A ce sujet, il n’a rien trouvé.

Et tu es venue... avec ton culot et tes questions ! Tu es allée voir le prince qui, forcément, a fait une enquête, trop heureux de se faire valoir à peu de frais sur le dos de ton père, ravalé au rang de kidnappeur d’enfant. Il a bien creusé, et fortuitement, il a mis la main sur un acte de naissance que je pensais avoir détruit : celui de tes arrières grands-parents. Dès lors, il a fait le lien, et a compris...

Il m’a envoyé un message, afin que je vienne l’authentifier. C’est un piège : si j’accède à sa requête, je serai démise de mes fonctions, car nos lois interdisent à tout haut responsable d’entretenir des liens de parenté avec des non-frères. Ethan Gorgo rêve de me voir destituée, au profit de quelqu’un qu’il pourra manipuler plus aisément. Alors, puisque je refuse d’entrer dans son jeu, il passe par toi... M’obligeant à te parler, à t’avouer, à reconnaître ce que j’ai su dès le premier jour...


La Première-Née se détourne, plongeant son visage dans l’ombre :

J’ignore le nom de ton père de sang, mais ta mère s’appelait Athaclena ; elle était fille d’Ambrelune, elle-même fille de Corail, et ainsi de suite, de mères en filles, jusqu’à Trixia.

Dix-sept générations nous séparent, Nelle, mais telle est la vérité nue : je suis ta lointaine, très lointaine, arrière... arrière-grand-mère. Quand tu mourras, je serai là, et tu me lanceras ce dernier regard... toujours le même regard, d’amour et de haine... Pourquoi ? Pourquoi je pars ? Et toi, pourquoi tu restes ?

Et cette fois sera la fois de trop.



 
Erling

Le Matal 27 Nohanur 1507 à 18h02

 
Erling était lui aussi arrivé au campement. Le voyage s'était déroulé sans encombres et le fait que l'expédition ait déplacé son campement lui avait permit de le rejoindre très rapidement. Cependant, il fut tout de même ravi de voir qu'un feu brulait et qu'il y avait l'air d'avoir quelques provisions à se mettre sous la dent.

Thanakis était telle qu'il se l'imaginait. Il salua poliment la dignitaire Tchäe avec qui il avait eu de nombreuses conversation télépathique. Puis, quand la politesse lui permit de se détourner un peu de la représentante de la Bulle Bleue, il salua Nelle. L'émotion des retrouvailles toucha le Tydale qui observa la scêne tout en se rappelant que sa famille de Lerth était bien loin de là.

Puis, la conversation s'engagea entre Thanakis et le Propage Nelda. A la grande surprise d'Erling, elle eut lieu dans une langue qu'il ne maitrisait pas, probablement du Tchäe. Vexé mais ne voulant pas le montrer, le Propage entreprit de déposer ses affaires à terre puis, il regarda les expressions faciales des différents protagonistes, tentant de comprendre quels étaient leurs propos et en espérant pouvoir tout de même participer à l'échange pour ne pas avoir été prit pour un simple porteur d'Obsession autant pas sa faction que par la représentante de la Fraternité.


Pélerin du S'sarkh

 
Nelle

Le Matal 27 Nohanur 1507 à 18h12

 
" La compassion n'est pas la pitié. "

Saltis a vu juste, car Nelle est piquée au vif par ce reproche implicite. Pitié ?! Mais que s'imagine-t-il ?!!
Son sentiment ne dure cependant pas, trop heureuse qu'elle est de retrouver son père, tout provocateur, ou taquin, soit-il. Effectivement la mort ne l'a pas changé. Nelle s'apprête à lui rétorquer qu'il ne s'agit nullement de pitié, et qu'il devrait le savoir, mais son père s'est déjà tourné vers l'Erudite.
Elle suit leur échange en silence et s'assoit avec eux devant le foyer, légèrement en retrait. En présence de son père, son habitude de s'effacer et de laisser discuter les "grands" revient au galop...

Quand Thanakis se rapproche d'elle, Nelle lui prête toute son attention. L'attente de ce moment la ronge depuis la veille, avec un mélange de dévorante curiosité mais aussi d'angoisse oppressante.
Elle écoute avec gravité les révélations de l'apparente jeune femme sans l'interrompre, toutes sortes de sentiments se succédant au fil de son récit : étonnement, indignation, horreur, compassion, effroi, stupeur....

Quand Thanakis se tait le regard de Nelle est fixé sur les flammes mouvantes du feu. Les larmes aux yeux, la jeune tchaë accuse le coup en silence, bouleversée. Elle essaye de faire le tri dans ses pensées, tente de considérer les multiples implications de ce qu'elle vient d'entendre...
En vain. Il y en a trop.

Nelle ferme les yeux, et une larme roule sur sa joue.
Arrière arrière....grand-mère... Elle ne sait si elle doit s'en réjouir ou s'en affliger....
Finalement elle demande dans un souffle à peine audible :


Alors que suis-je, au final... un poids ? Un danger ? Une bénédiction ?... Une malédiction....

 
Thanakis

Le Merakih 28 Nohanur 1507 à 13h36

 
Toujours masquée par l'ombre, Thanakis marque une pause et s'affaisse, comme un athlète en fin d'épreuve. Nelle reçoit une première image mentale, sans explication aucune.
Juste une image :




La tenue étrange, les objets manufacturés inhabituels, la fine moustache, le couvre-chef... traduisent deux choses :

- Le souvenir associé à cette vision est très ancien.
- Les frères du Désordre, depuis l’époque concernée, ont manifestement régressé sur le plan technologique. Le matériau utilisé pour tailler la veste du personnage est inconnu de Nelle, et les verres fumés de ses étranges bésicles sont aujourd’hui impossibles à reproduire.

Une seconde suit, environnée d’un sentiment mélancolique puissant :




Viennent une troisième, une quatrième, une cinquième... Nelle comprend que l’Erudite n’est plus maîtresse de son esprit !











La dernière vision est précédée d’une émotion si violente que le mou s’est rétracté, brisant la communication mentale ! La Première-Née sursaute et se tourne à nouveau vers Nelle, le visage curieusement serein. Elle répond enfin à la jeune fille :

Tu n’es rien de tout ça, mon enfant. Tu es toi. La plus merveilleuse des petites filles dont j'aurais pu rêver. Il faut me pardonner...
Pardonner mes silences, pardonner mes mots.



 
Nelle

Le Merakih 28 Nohanur 1507 à 16h01

 
Les visions cessent soudain et Nelle ouvre aussitôt les yeux, haletante.
Elle reste immobile encore quelques minutes, son souffle redevenant peu à peu régulier, puis enfin elle se tourne à son tour vers Thanakis. Son regard brillant se pose sur la jeune femme, indéchiffrable, la détaillant comme si elle la voyait pour la première fois.


Thanakis...


On pardonne tant que l'on aime...
, dit-elle enfin avec tendresse, esquissant même un pâle sourire.

La jeune tchaë se sent perdue, décontenancée... Mais elle est au moins sure d'une chose en regardant Thanakis : elle ne pourra jamais se résoudre à ne pas l'aimer.
Elle se penche vers la jeune femme et se blottit contre elle, posant sa tête sur son épaule avec douceur. Elle s'accroche à ce contact comme s'il devait être le dernier, avant de murmurer d'une voix basse et tremblante :


Comme c'est étrange... A la fois si terrible et si merveilleux... Si irréel et pourtant si tangible...

Pourquoi...? Comment...?


Des questions murmurées tout haut, qui n'appellent pas de réponse. Nelle frissonne.

Thanakis... Ne m'abandonne pas.

 
Thanakis

Le Merakih 28 Nohanur 1507 à 19h17

 
La dernière phrase de Nelle, qui n'est pas exactement une plaisanterie de corps de garde, amuse pourtant l'Erudite. Elle répond, mi-sérieuse, mi-taquine :

Ah... si c'est un ordre... soit.

Une foule de questions se bousculent dans l'esprit de Thanakis, qui passe radicalement d'un mode relationnel à un autre, avec tout ce que cela implique : la jeune fille n'est plus une étrangère amicale, elle est son enfant. La première-née n'en éprouve aucune affection supplémentaire, ce sentiment préexistait déjà, en revanche, autre chose nait et grandi furieusement...

Une fraction de seconde, pas davantage, la dame Bleue redevient sorcière et tandis que ses bras se referment sur la témoin, elle jette un regard de louve traquée aux alentours.

Son attention se fixe sur Salti's Dymer tandis qu'elle reprend contenance : comment va-t-il interpréter le curieux manège des deux tchaes ? Un sentiment de culpabilité étreint la dignitaire bleue. Il a surement remarqué quelque chose...

Pourtant, personne ne doit savoir : le Précepteur n'attend que ça... Si quelqu'un parle, Thanakis devient musarde ! Non que l'idée l'horrifie, mais c'est trop tôt ! Elle n'a pas encore de successeur !

Toute à ses pensées, elle ne remarque pas que Nelle s'est finalement endormie ; lorsqu'elle s'en aperçoit, elle s'écarte doucement, la recouvre d'une couverture épaisse et fait quelques pas : passant près de Krepion Loudmer, elle prend de ses nouvelles...

Le dialogue surréaliste qui s'instaure aussitôt dissipe les brumes de l'esprit de la Dame en un rien de temps. En la personne du vieux marin, la Fraternité du Désordre dispose assurément de l'arme anti-spleen absolue...


 
Baër'lupis

Le Merakih 28 Nohanur 1507 à 23h08

 
Le départ lancé, la botaniste fila vers les collines. Cette fois, elle cherchait quelque chose de précis.

Elle le savait : l'arbre devait se trouver non loin ; elle avait reçu des coordonnées précises, fournies par un explorateur des Six, curieux d'avoir trouvé cet arbre.

Le voyage fut pénible. Les collines étaient infestées de monstres défigurés par l'influence du S'sarkh, qu'elle tentait d'éviter tant bien que mal.

Après de longues heures de route, un parfum dans l'air lui indiqua qu'elle était sur la bonne voie. Peu après, elle aperçut l'éocèdre de loin.

L'arbre était gigantesque. Arrivée à ses racines, elle conspua sa taille réduite. De fait, elle ne pouvait atteindre les première branches. Elle dut, en usant de sa corde, se hisser tant bien que mal afin de récolter les précieux fruits. Un exercice qui n'était plus de son âge.

Alors que la nuit tombait, elle admira les reflets que prenaient les fruits rougeoyants.

Elle glissa jusqu'au sol avec son chargement, puis monta un campement sommaire pour y passer la nuit.

Avec de la chance, elle dénicherait peut-être quelques bulbes de fleurs pour colorer le parterre du lac, en rejoignant les autres à la prochaine étape...

C'est alors qu'elle reçut un contact de l'Erudite. Le champ de recherche s'élargissait au nord. Elle réfléchit un moment. Ses robes, protégées par magie pour l'aider à résister aux agressions extérieures, étaient en loques. Elle pouvait rentrer directement au campement pour se reposer, ou continuer son ascension vers la chaine montagneuse.

Elle hausse les épaule puis s'allongea. La nuit porterait conseil.



 
Saltis' Dymer

Le Merakih 28 Nohanur 1507 à 23h18

 
Saltis était resté de marbre.
Les propos pensés de l'Erudite ne l'étonnait guère.
Les tchaës allaient droit dans l'ornière de la perdition, et ils s'y jetaient à corps perdus, entrainés par certains de leurs rouages les plus actifs, tandis que les autres, tel Thanakis, se contentaient de partir cueillir des plantes...

Epoque de folie, actes de folies...

Saltis regarda aux alentours l'assemblée qui accompagnait sa fille en ces lieux reculés et dangereux.
Si cela n'avait pas été pathétique, Saltis aurait eu plus de compassion.
Là, il en était à son niveau minimum accessible.

Les Factions se débattaient sur un monde austère, dur et invivable.
Nul, en dehors de quelques aventuriers, des marchands bien escortés, et dorénavant des symbiosés, ne pouvaient s'aventurer à l'extérieur des cités sans en subir les mortelles conséquences.

La famille de Nelle, toute entière, tout son village ou presque, avait été décimé voilà à peine quelques années.
Les troupes de rejetons étaient toujours aussi nombreuses.
Rien n'avait été tenté, rien ne pouvait les arrêter.
La peur gagnait même les Nemens.
Des artefacts des Temps anciens ressurgissaient, plus dangereux présage encore que tout le reste.

Et cette... première née... pleurnichait sur son sort, sur sa faction, sur l'inéluctabilité des actions de certains de ses frères, et sur les décisions de ceux qui l'accompagnaient à la tête de la Fraternité du Désordre.
Ethan Gorgo était un fourbe et un manipulateur né, celle-ci était lâche à force d'avoir trop vécu.

Le jugement de Saltis était sans appel depuis son premier voyage en ces terres, voilà presque vingt ans, depuis qu'il avait étudié et compris le fonctionnement complexe de cette faction, et c'était pour cela qu'il n'avait jamais voulu la rencontrer, ou traiter avec elle.
Elle ne pouvait rien, parce qu'au fond, à force de ne plus croire en elle et en son peuple, elle était devenue une relique d'un passé déliquescent, qui au lieu d'entrainer ceux de ses frères prêts à crocheter les bons loquets d'une saine évolution, les emmenait cueillir des plantes, et fuyait ses responsabilités.

Oui, Saltis n'aimait pas cette Erudite, car elle représentait à ses yeux le pire, bien pire que Gorgo ou les fanatiques aveugles, qui ne sont qu'ignorants à instruire ou à contourner.

Thanakis était un frein majeur à toute évolution dans le bon sens, aux yeux du vieux Nelda qui n'aspirait qu'à une ouverture des esprits et des coeurs, qui ne pouvait se faire dans cette faction sans qu'un grand coup de pied ne soit donné dans cette fourmilière devenue folle.
L'immobilité actuelle ou la chute annoncée faisaient toutes deux le jeu des rejetons au final...

D'autres factions étaient à amener à la Vérité.
Mais aucune n'en était autant éloignée que la Fraternité.
Et Saltis ne voyait plus comment s'y prendre...

Il assista aux murmures près du feu, sans les entendre.
A l'étreinte.
A sa fille qui s'endort sans un regard pour son vieux père.

Adoptif.
Ce soir là, sans comprendre pourquoi, il s'était senti... adoptif.

L'erudite l'avait regardé, commisération dans les yeux.
Puis avait changé d'humeur.
Elle était folle, complètement folle, et Saltis avait bien peur, cette nuit là, de ce qu'elle avait pu mettre dans l'esprit fragile et aimant de Nelle.

Oui, il avait peur.
Alors qu'à aucun moment cette sensation ne l'avait étreint face à l'Obsession.
Peur que Nelle ne souffre.

Thanakis... Gorgo...

Tous deux s'accaparaient Nelle par des moyens subtils.
Gorgo et Thanakis se croyaient ennemis.
Non...

Ils étaient unis dans le non respect des êtres qui les entouraient.


Libre est la voie du S'sarkh !

 
Krepion Loudmer

Le Julung 29 Nohanur 1507 à 14h31

 
*** Une fois arrivé au campement, tard dans la soirée, le vieux marin s'installe près du feu pour prendre un peu de repos, savourant une nouvelle pipe... Il se sert un bol du potage en train de mitonner sur les braises, et mange avec appétit. Cette expédition a au moins l'avantage non négligeable qu'il peut manger à sa faim à presque tous les repas. Ceux passés au campement, du moins.

Sa discussion sans queue ni tête avec Thanakis lui fait vaguement revoir son jugement : cette sorcière n'est pas seulement pédante et mauvaise, elle doit aussi être folle. Ou elle se fout royalement de sa tronche, ce qui reste aussi une possibilité à ne pas écarter. ***


Il faut quand même que je vous dise, frère : je suis très heureuse que vous soyez là. Si vous ne l'étiez pas, certaines journées seraient d'un ennui mortel. Vous ne cessez de me surprendre !

*** Cette dernière remarque de la dame bleue lui confirme finalement sa dernière hypothèse. Krepion n'est pas suffisamment naïf pour ne pas deviner toute l'ironie hautaine qui se cache derrière cette fausse sympathie. Il commence à avoir l'habitude...

Il lui répond simplement d'un regard sceptique et méfiant lui signifiant qu'il n'est pas dupe. Puis il échange quelques mots polis avec le tydale, avant de s'adresser une nouvelle fois à l'Erudite : ***


Bon, ben j'pars à la r'cherche d'la directrice alors. Faites gaff' à votre quadrupède. (Désigne Erjin) Lui, hein, pas l'soldat.

*** Muni de sa canne et de sa sacoche dans laquelle il a glissé quelques provisions, il s'éloigne et rejoint le chemin en sens inverse. La vieille a du s'arrêter en extase devant des fleurs sans se rendre compte du temps qui passe, elle devrait pas être bien difficile à retrouver.

Tout en marchant, il singe d'une voix aigue la remarque de Thanakis après qu'il ait laissé échappé le détail de son engluement dans la bave d'escargot : ***


"Mais pourquoi diable n'appelez-vous pas, quand c'est comme ça ? Je reste précisément là pour me rendre utile..."
Gna gna gna...!!


*** Facile de dire ça, pour elle qui reste bien confortablement dans son campement... Elle s'imagine peut-être que la voix éraillée du vieillard va porter jusqu'à ses mignonnes petites oreilles ?!! Elle cherchait encore à le mettre en boîte, sans doute. ***


- Elite Fraternelle Tchaë -
Qui ne risque rien... ne rate rien.

 
Cyan

Le Julung 29 Nohanur 1507 à 23h30

 
Cyan avait rejoint le campement avec Cälli en prenant la route finalement.
Au passage, elle vit la large pierre sur laquelle elle avait rejoint Cälli assis, après leur.... comment qualifier cela ? ... les conséquences de la roserouge... Bref !
Elle regarda le minéral ne sachant pas très bien si elle éprouvait de la joie ou des regrets, ou ... peut-être les deux.

Leur relation maintenant semblait à la fois plus simple et plus compliquée.
Plus simple, parce qu'il lui semblait que Cälli la prenait volontiers dans les bras, que les contacts physiques étaient plus fréquents.
Plus compliqué parce qu'il planait entre eux ce "non-dit" évoqué par Cälli. Ils se parlaient un peu moins qu'avant, ou en tous cas, Cyan avait l'impression de savoir encore moins qu'avant ce que Cälli pouvait penser... Déjà qu'il était assez déroutant en temps normal !

Cyan espérait que Cälli réussirait à lui parler et que cela dissiperait cette ... distance "intérieure"? qu'elle sentait entre eux. Mais peut-être n'était-ce qu'une fausse idée de Cyan, qu'une impression erronée. C'était ce qu'elle ressentait, elle, et cela lui pinçait un peu le coeur. Elle mesurait à cette aulne à quel point, mine de rien, elle s'était attachée au Mage : la moindre petite impression de distance, et l'inquiétude naissait en elle. Elle se traita d'idiote !

En arrivant au campement, elle eut la surprise de trouver un petit rassemblement hétéroclite de Témoins du S'sarkh.
Nelle et Eleuname, Saltis' Dymer qu'elel connaissait et qui lui avait donné des cours de ssarkhnesh, et un autre, Tydale quant à lui.
Au milieu d'eux, Thanakis.
Cyan préféra rester avec Cälli.
Pourtant elle remarqua Eleuname qui semblait un peu errer de l'un à l'autre, proposant maladroitement ses services. Cyan sourit. Décidément ce grand Nelda s'imaginait qu'il lui fallait en faire des tonnes pour être apprécié. Il est vrai que les services qu'il rendait (en réparant les armures, en ouvrant le chemin, en accourant dès qu'on l'appelait pour accompagner ici ou là, puis en s'éclipsant discrètement...) étaient agréables. Mais ... il semblait si convaincu que sans tout cela, personne ne voudrait lui parler, s'intéresser à lui... Elle avait vu sa réaction quand elle lui avait proposé de lui donner des cours de Tchaë. Il semblait si ... interloqué, comme si c'était impossible qu'on lui offrit quelque chose, comme cela, gratuitement. Paradoxal pour quelqu'un qui passait son temps à faire des choses pour les autres, sans rien attendre vraiment en retour, ou plutôt sans croire qu'on puisse vouloir lui donner en retour... Oui, elle l'aimait bien ce grand dadais, si habile de ses mains, si maladroit relationnellement parlant. ou plutôt non, il n'était pas maladroit, il paraissait plutôt... comme ignorant. Comme s'il avait vécu longtemps dans un univers arelationnel... Était-ce possible ?

Thanakis envoya un message de la nouvelle zone de recherche.
Sans même se concerter, Calli et Cyan dirent ensemble Nord Ouest, puis Nord.
Cyan rit. La complicité avec le gens qu'elle aimait lui était si précieuse.


 
Nelle

Le Julung 29 Nohanur 1507 à 23h45

 
Nelle se réveille longtemps après le lever du jour, fraiche et reposée d'une nuit au sommeil apaisé pour la première fois depuis plusieurs jours. Thanakis n'est plus auprès d'elle, et l'espace d'un instant la jeune fille se demande si elle n'a pas tout simplement rêvé la discussion de la veille...

Regardant autour d'elle, elle s'aperçoit que son père s'est un peu éloigné du campement, et elle reconnait aussitôt dans son attitude que quelque chose le tracasse...
L'Erudite viens de leur communiquer la nouvelle zone de collines et montagnes à explorer, mais Nelle hésite : même si elle n'y a vraisemblablement pas été invitée, elle suppose que la discussion mentale sur le destin de l'obsession a eu lieu. Aux dernières nouvelles, Saltis et Erling ne comptaient plus l'offrir à la Fraternité... Il est donc raisonnable de penser qu'ils ne vont pas s'éterniser là.

La veille au soir Nelle s'est endormie sans voir le sommeil arriver. L'émotion, la tension, la fatigue, et les bras si pleins de chaleur et de tendresse de Thanakis ont eu raison de son intention première de discuter avec son père. Mais il lui semble maintenant inconcevable de partir en vadrouille dans les collines avant d'avoir passé un peu de temps avec lui, avant qu'il ne reparte.
Car il va repartir, vers Lerth ou ailleurs, cela ne fait aucun doute.

Presque gênée, alors que ses compagnons commencent déjà à se mettre en route pour explorer le nouveau périmètre de recherche, Nelle s'approche de l'Erudite :


Thanakis...puis-je rester encore un peu avec mon père avant de repartir explorer les environs...? Je ne voudrais pas risquer qu'il soit parti à mon retour, sans avoir pu parler un peu avec lui...


S'il en restait, le regard aimant que lui renvoie la jeune femme achève de faire s'envoler le moindre doute sur la réalité de ce qui s'est passé et dit la veille.

Et comment pourrais-je dire non ? J'ai su, un jour, ce qu'était avoir un père. Cela dure si peu de temps... Profite ! Profite !

Sans rien ajouter de plus que le sourire enchanté qui s'est formé sur ses lèvres, Nelle se dirige aussitôt vers son père. Celui-ci fume la pipe en scrutant l'horizon, l'air pensif et mal à l'aise...

Elle s'approche en silence, et lui prend le bras en s'appuyant contre lui. Son air maussade a refroidi en quelques instants l'excitation de la jeune fille, qui ne sait soudain plus quoi lui dire...
Lui parler de Thanakis...? Elle brulait de le faire, mais n'en est maintenant plus très sure...
"Il vous faut apprendre à garder un secret... aussi bizarre ou incongru soit-il, si vos proches en dépendent." Le conseil prend maintenant tout son sens, mais c'est pourtant une autre raison qui retient la jeune tchaë de se confier à son père...
Son père... Tout adoptif qu'il soit, il avait été jusque là sa seule famille, sa seule attache, son seul référent... Comment prendra-t-il l'arrivée de la dame bleue dans le coeur et la vie de sa fille ?
Peut-être pas comme elle le souhaiterait...

Finalement, pleine de remords, elle se contente de demander d'une petite voix :


Papa ? Ca va ? Qu'est-ce qui se passe, tu n'as pas l'air dans ton assiette...

 
Saltis' Dymer

Le Vayang 30 Nohanur 1507 à 12h18

 
Saltis se tourna vers la petite Nelle, si fragile et forte.
Son regard le calma comme une bise chaude et agréable de bon matin.


Mmmmmm, marmotta-t-il.
Je me sens vraiment vieux, Nelle.
Vieux et décati.
Bougon...

Un vieux bougon, oui,
ajouta-t-il avec un petit sourire amusé bien à lui.

Je n'aime pas te savoir ici.
C'est dangereux.
Cette récolte de plantes...
, commença-t-il en regardant autour de lui d'un air revêche et à priori décidé.

Cette récolte...
.....
Mmmmm..., à y réfléchir.

C'est une bonne chose,
dit-il avec un soupir las et vaincu.
Oui.
Tout mon être me dit que c'est stupide.
Que Syfaria va si mal que le Temps n'est pas aux entreprises de ce genre.
Mais...

Mais je suis un vieux bougon, je te l'ai dit.
Un vieux bougon qui n'a plus que sa fille et sa Foi pour le convaincre de revenir parmi les vivants.
J'étais mort, Nelle.

Et crois moi si tu veux, mais... je me sentais bien dans ce non monde.
Il a fallu du temps pour que mon esprit accepte de se réincarner.
Et seule toi et ma Foi m'y ont aidé.
Surtout toi...

Ma Foi, je m'y accroche désespérément.
Qu'ai je fait en quarante années de propage ?
Qui suis-je pour donner des leçons ?

Mffffff....
J'ai amené bien des êtres à la Vérité, oui.
Mais dans les tâches importantes, qu'ai-je fait ?...

Thanakis,
continua-t-il en jetant un regard à l'Erudite, a l'air de t'apprécier.
Je ne l'aime pas, Nelle.
C'est une première née.
L'un des rares êtres de ce monde à être issu directement des piliers.
Vivre aussi longtemps n'est pas bon pour l'esprit, crois moi...

Je ne l'aime pas, mais je vois que vous avez une relation forte, et...,
il hésite..., une belle relation.

Je pense qu'elle est folle.
Mais...
Au fond de moi, je crois qu'elle a raison de l'être.

Cette expédition est une formidable idée, Nelle, et je suis heureux que tu y participes.
Ceux qui sont ici sont des personnes admirables, même ce vieux tchaë grognon vinasseux... Je m'entendrai bien avec lui dans d'autres circonstances, je crois.

Oui, elle a raison, mais je ne peux me résoudre à cela.
La vie est belle.
Il te faut la croquer.

Et ton vieux...,
il hésite une fois de plus..., ton vieux... père... est trop aigri pour perdre son combat.
C'est ce qui me fait tenir, Nelle.
Je dois continuer.
Me battre, jusqu'au bout.
Pour la Vérité et que ce monde soit meilleur, que les expéditions comme celle-ci ne fussent plus l'exception, mais la règle.

Que vivre et se plaire à savourer pleinement l'existence soit une habitude, et non un danger...


Quelques secondes s'égrènent.

J'ai dit à Erling que nous partirions quand il le voudrait.
Bientôt, sans doute...
Je n'ai point causé à Eleuname.
Je le sais farouche.
Et je respecte cela...

Il a l'air bien, ici, avec vous.
Et je le comprends.

Voilà, Nelle...


Il rit franchement !

A ta tête, tu es surprise, hein ?!
Je ne t'ai pas habitué à autant m'épancher sur mes contradictions, ma fille.

La mort, sans doute, apprend des choses à ceux qui vivent.


Libre est la voie du S'sarkh !

 
Erling

Le Vayang 30 Nohanur 1507 à 13h03

 
Les discussions télépathiques étaient allées bon train entre Thanakis et Saltis' Dymer. Le vieux Nelda avait le verbe agile et pertinent et Erling le laissa parler pour eux deux car il n'aurait pu mieux choisir ses mots. Son sang froid avait été éprouvé lorsque la diplomate de la Bulle Bleue leur avait narrer les évènements relatifs à l'Obsession du Bois des Ans. Le Tydale avait ravalé une réplique qui aurait surement été de mauvais gout. Quoiqu'il en soit, il ne regrettait pas la décision de ne pas leur donner l'artefact récupéré par Saltis, acte qui serait de toute façon presque passé inaperçu.

Le Contemplateur Eleuname qu'Erling avait déjà souvent croisé à Lerth, lui adressa quelques conseils bienvenus concernant les Tchäes et le Propage fut heureux de trouver en lui une personne avec qui échanger. Celà dit, quelques membres de l'expédition vinrent lui parler mais, ces échanges ne furent pas longs. Rien de plus que ce que la politesse oblige pour la plupart. Il apparaissait que les Tchäes étaient davantage interessé par les fleurs que par les relations avec le monde extérieur et les autres factions. Toutefois, Erling ne trouva pas celà forcément décalé, Syfaria allait mal, et après tout ce qui trouvait encore leur bonheur était chanceux et le Propage leur souhaitait que celà dure, car la chute pouvait se révéler difficile.

Erling échangeait maintenant avec Saltis' au sujet de leur départ, qui se rapprochait à chaque instant.


Pélerin du S'sarkh

 
Krepion Loudmer

Le Vayang 30 Nohanur 1507 à 16h33

 
*** Après avoir longé la route sans voir la moindre trace de la Directrice, Krepion avait fini par la quitter pour se diriger vers les collines, bon gré mal gré... Arrivé au pied des contreforts montagneux, il s'était résigné la mort dans l'âme à emprunter quelque sentier grimpant. Mais où donc était-elle bien passée, cette illuminée ?! Nulle part en vue, malgré le fait que celle-ci se dégage de plus en plus au fur et à mesure qu'il prend de la hauteur. Le vieillard se refuse pourtant à faire demi-tour et à rentrer au camp bredouille. La sorcière bleue ne manquerait pas cette nouvelle occasion de le moquer, aussi Krepion répugne à la lui offrir.

Voilà donc notre vieux marin éclopé en train de jurer tout ce qu'il peut et de cracher tous ses poumons de fumeur invétéré, avançant au rythme d'un escargot gériatrique sur les pentes escarpées des monts de l'Ecrin.
De temps en temps il appelle, lance un "Ooooohééééééé....? M'dame Lupiiiiiiis ? Y'a quelqu'un ? ", qui ne trouve systématiquement que le silence -parfois quelques échos- pour toute réponse.
A chaque nouveau pas il se demande ce qu'il fout là, constatant ce dont il ne doutait déjà pas avant d'avoir entrepris la montée : les balades en montagne ne sont pas l'apanage des marins unijambistes retraités...

Au détour d'un sentier, alors que la nuit est tombée depuis presque une demi-heure, il se trouve soudain face à une multitude -au moins trois- de ces ridicules nounours connus sous l'appellation de "Tisseur de rêve". En tout cas aucun ne ressemble à la vieille botaniste, au premier abord.
Pour rajouter à l'incongruité du tableau le vieillard remarque, non sans une certaine perplexité, des sortes de lampions rouges vifs et lumineux passer dans les airs au-dessus de lui, portés par le vent... D'abord un, puis un autre, puis encore un autre...puis de plus en plus...
Son regard revient sur les Tisseurs : ***


Ben quoi... 'Faites une réunion d'famille ou quoi ?
Un mariage peut-être ?
Ou l'anniversaire d' la grande tante ?


- Elite Fraternelle Tchaë -
Qui ne risque rien... ne rate rien.

 
Ethan Gorgo

Le Vayang 30 Nohanur 1507 à 18h05

 
Quelle tuile !!

Abneith, la Sentinelle..! Ethan Gorgo avait complètement oublié sa chevalière ! L'Erudite s'en était emparée avec sa bénédiction lors de la bavure de l'opération Oorthisanisphère, à Farnya... et depuis, elle l'avait gardée !

L'air las, très las, le Prince regarde les documents qu'il doit maintenant détruire, s'il veut revoir son cher trésor. Inutile de finasser, le tchae bleu présent dans son bureau est loin d'être un imbécile, même s'il n'est pas symbiosé. Il témoignera de son geste...

Sans plus attendre, le dignitaire Rouge s'empare des vélins et les présente à la flamme de sa bougie. Il s'embrasent lentement, prolongeant son supplice mental plus que nécessaire.

C'est alors qu'il reçoit un nouveau message de Thanakis ; que veut-elle encore ? Retourner le couteau dans la plaie ? Ah, non, c'est pour une demande d'autorisation de séjour... un certain Eleuname. Eleuname ? Un témoin du S'sarkh, ça lui revient.


Qu'est-ce qu'elle traficote, encore ? Songe le Prince. Qu'est-ce qu'elle leur trouve donc, à ces prophètes de malheur, qui passent leur temps à courir la campagne en bêlant leur credo grotesque ? "Le S'sarkh, il est gentil..." bin voyons ! En même temps, lorsqu'il s'agit de nettoyer les environs des aberrations qui trainent et nuisent au commerce, ils sont bien pratiques, ces gens...

De là à les inviter à diner !

De très méchante humeur, le tchae envisage plusieurs possibilités : laisser entrer le nelda, puis "oublier" sa promesse et le faire étriper par ses gardes ? Ca dérouillerait la milice, qui s'ennuie ferme ces temps-ci, et ça amuserait le peuple ! Le laisser engraisser sa banque, puis réquisitionner son or ? Qui s'en offusquerait ?

Le hic, c'est qu'Elchior n'apprécierait pas... La sorcière bleue l'a contaminé, avec ses idées ! Voilà qu'il s'intéresse aux autres factions !

De toute façon, tant que Thanakis porte Abneith, le prince est coincé : les désirs de madaâââme sont des ordres ! Insupportable...

Bah ! Il faudra bien qu'elle revienne et qu'elle lui restitue son bien : Alors, l'ambiance changera.

Ca lui fera comme un choc, à Mammy Blue
!

 
Nelle

Le Vayang 30 Nohanur 1507 à 19h27

 
Surprise, ça elle l'est, et surtout relativement désarçonnée, autant par le flot inhabituel de paroles de son père que par leur contenu...
Ne sachant du coup pas bien quoi rajouter, Nelle s'abstient de toute réponse, se contentant d'étreindre un peu plus fort et un peu plus tendrement le bras velu de son père.
Un souvenir lui traverse l'esprit à ce geste. Elle se revoit, petite, en train de natter inlassablement les poils des puissants avant-bras de son père, sous son regard à la fois patient et amusé... L'immense nelda réduit à l'état de mannequin de coiffure de sa minuscule petite tchaë de fille... Et malgré le ridicule qui ne manquait pas de s'ensuivre, les membres ainsi tressés, ou pire, frisotants une fois les nattes défaites, Saltis la laissait faire avec bienveillance, allant même jusqu'à la remercier pour ces si beaux atours...

Nelle sourit à cette évocation.
Comme quoi rien n'a changé. Il est toujours le père bienveillant, patient et compréhensif qui la laissait lui natter le pelage...

De longues minutes s'écoulent en silence, toutes à leur muette communion, avant que Nelle n'aperçoive Erling qui s'est approché.
Son sac sur l'épaule, l'obsession emmaillotée dans sa cape et accrochée à son bras, il semble prêt à reprendre la route.


Déjà...? Murmure-t-elle doucement à son père.

"Déjà...?"
Nelle sourit de nouveau, songeant qu'elle vient de lui poser la même question qu'à chaque fois, devenue presque un rituel, que son père repartait de Lerth pour suivre encore et encore sa voie de Propage.

Mais cette fois-ci sans le traditionnel "Emmène-moi avec toi ", songe-t-elle avec nostalgie...

Nelle soupire intérieurement en songeant aux facéties du destin, puis sourit au tydale.


Propage Erling.
Je regrette de ne pas avoir finalement eu le temps d'échanger de vive voix avec vous. Une autre occasion se présentera, je l'espère.


Puis après un regard en coin vers Saltis, elle rajoute d'un air malicieux :


Ainsi donc je vous confie mon vieux père...
Vous prendrez soin de lui, c'est promis ?


Na !

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