*** L'obscurité. La fraicheur. L'humidité quasi inexistante. La poussière, aussi. Et le silence.
Tout est immobile, comme figé pour l'éternité.

Puis un son se fait entendre, le couinement métallique d'un mécanisme rouillé. Un bruit tenu continu, crissement de bois contre la pierre.
Nouveau bruit métallique, un souffle d'air, une brève incursion de la lumière, puis une porte qui se referme, et plus rien. ***

*** Un crépitement, une torche qu'on allume... Ylimildian regarde d'un air satisfait le couloir tapissé de niches diverses.
Elles sont petites et peu nombreuses, c'est normal, c'est le coin des enfants.

Il s'avance, tirant derrière lui une petite charette à bras couverte d'un drap de jute.
A l'arrière, une jambe dépasse...
On comprend mieux alors l'existence d'un passage entre les sous-sol et l'extérieur. La grille extérieure est solide, la porte intérieure est chargée de magie... Et cela permet d'éviter de trainer les corps à travers la ville. Pas trop de risque, ainsi.

Il arrive à la salle de préparation, sifflotant gaiement en allumant les torches alentours.
Ici, il faut de la lumière. La salle est haute de plafond, formant un dome de pierre dépassant à l'air libre. En haut, on sait qu'il s'agit de l'emplacement des salles des morts. Ici, à un étage d'épaisseur de la foule, on est tranquille. ***

*** Le corps ne répond pas, mais finit allongé sur la table de marbre. Une mèche rebelle glisse, dévoilant une marque sur le front. Un duvet court confirme la première impression : c'est un inapte, 15, peut-être 16 ans.
Sans doute a-t-il voulu prouver sa valeur en allant chasser une créature dangereuse. Mauvaise idée. ***

***
Toujours pas de réponse, mais peu importe. Quelques minutes plus tard, l'eau a suffisamment chauffé, et un linge humide nettoie le corps, éliminant le sang séché, la terre...
La rigidité cadavérique a commencé à agir, tant pis, certains endroits ne seront pas nettoyés. Il ne faut pas forcer les corps.
L'ouvrage se poursuit tranquillement, quand le nettoyage d'une plaie fait apparaitre un nouvel élément. ***

*** Cela ressemblait à une simple bosse. Une fois nettoyée, on distingue un morceau de cristal, enfoncé jusqu'au niveau de l'os dans le crâne. La "bosse" est du au gonflement des chairs alentour, un bourgeonnement verdâtre.
Qui semble... Pulser. Tout doucement.
La mort remonte bien à quatre ou cinq heures, pourtant cette partie continue à "vivre", à palpiter doucement. Ylimildian pousse un sifflement. ***

*** Il fait référence à des sortes de "sarcophages de verre". Histoire d'économiser la solution conservatrice, on ne place pas les corps dans de grands "tubes", on essaye d'avoir des formes très proches du corps, afin de pouvoir se contenter d'une dizaine de litres.
L'inclusion dans le sarcophage est délicate, celui-ci est lourd, un système complexe de poulies et de leviers aide le Garde des Morts à réaliser l'opération. Puis placement debout, remplissage, rebouchage. ***

*** Avec un sentiment d'obscure fierté, le tchaë contemple sa dernière oeuvre.
Dans la "salle des trophées" se tiennent maintenant huit pièces d'exception. Des spécimens rares.
La dernière est un jeune tydale au visage figé dans un masque d'horreur, la tempe enfoncée par un cristal du S'sarkh. En face de lui, un sarcophage sur mesure abrite une femelle privée de sa machoire inférieure, le ventre ouvert laissant voir des oeufs gros comme le poing, dont la moitié sont ouverts.
Et au milieu, le tchaë qui les contemple... ***

*** Le temps était venu, la nuit était tombée, les gardes venaient de passer dans les chambres,Fromwir fit semblant de dormir, une fois les bruits de pas assourdis par la distance, elle se releva discrètement et prit sous le bras son petit paquetage. Elle descendit au sous sol, comme elle le faisait maintenant depuis plusieurs semaines, elle s'était habituée aux bruits nocturnes de la Ruche, elle savait dire où se situaient les gardes approximativement.
Elle rejoignit Josian à leur endroit habituel, le petit était là les yeux écarquillés de bonheur de pouvoir enfin vivre avec celle qu'il appelait sa mère, il tenait dans sa main un petit sac de diverses choses. ***

*** Elle lui montra l'endroit sur la carte. ***

*** Elle apposa ses mains sur lui et prononça quelques paroles qui s'accélérèrent de plus en plus, les jambes de l'enfant se mirent à scintiller et gonfler légèrement. ***

*** A l'ouest de la Ruche, proche des murailles.
Quelques mètres sous terre. ***

*** Ce qui interressait à ce point Ylimildian était le corps allongé sur la table de marbre.
La cage thoraxique avait été fracassée par une masse lourde, sans doute un fléau ou quelque chose comme ça. Mais plutôt que d'être enfoncée entièrement, sur les bords de la blessure, les côtes brisées en deux endroits s'étaient retournées, perçant la chair en de multiples points.
Si bien qu'on avait l'impression que enfoncé au centre, le torse avait explosé sur les côtés... ***

*** Pour l'instant, il y avait plus important : savoir si oui ou non il allait devoir mettre ce corps en exposition.
Une reflexion, puis... ***

*** Un bruit. Ténu, étouffé, mais parfaitement perceptible dans ces lieux de silence.
La porte d'en haut.
Non pas que la présence d'individus soit interdite, même nocturne, elle était juste... Inhabituelle.
Par reflexe, Ylimildian recouvrit le corps d'un drap.
Puis il se ravisa, murmurant à voix basse. ***

*** Il retira le drap du corps, le laissant exposé, poitrine béante. Puis, sélectionnant avec soin son ambiance, il éteignit les deux tiers des torches, remplissant la salle de coins sombres.
En choisissant un, il se plaça dedans, immobile, attendant les petits curieux... ***

*** Josian est prêt a tout, pour aider sa maman, même a passer par ce drôle d'endroit qui contient tous ces morts
Depuis quelques temps déjà, il abrite une drôle de créature, qui parle souvent toute seule et dit des choses..... ***

*** Drole d'impression qu'il ressent dans les jambes, il les aurait aimé moins nerveuses, et moins vives
La porte s'ouvre, presque sans bruit, tandis que l'enfant retient son souffle ***

*** Mais ses jambes fébriles le font cafouiller dans ses pas qu'il voudrait silencieux
Une marche après l'autre, il descend l'escalier, son coeur en chamade lui soufflant que quelque chose n'est pas clair ***

*** Un regard en arrière....
Avec son ventre rond et son regard brillant, il sait qu'elle compte sur lui, et qu'elle est la première a le prendre au sérieux .Dans son âme d'enfant, ça vaut tous les encouragements ***

*** Son pied touche le sol, après la dernière marche, et son souffle raisonne dans la pièce trop vaste, et surtout trop pleine d'ombres... ***

*** Fromwir le suivait tant bien que mal, elle se demandait où elle était, cet endroit ne lui était pas familier, elle n'en n'avait même jamais entendu parlé.
Elle s'abaissa à la hauteur de Josian et lui chuchota: ***

*** Ce qu'elle éprouvait n'était pas vraiment mauvais, elle ressentait une certaine sérénité dans ce lieu. Quelque chose l'apaisait, elle ne savait réellement quoi mais elle se serait senti bien ici, sans aucun problème. Seulement aujourd'hui n'était pas le jour pour admirer les lieux, il fallait aller vite et elle se demandait par où ce foutu gamin l'avait fait passer. ***

*** Elle suivit Josian jusque dans la pièce, le plus discrètement possible, une odeur âpre emplissait ses narines au fur et à mesure de la descente. Un frisson lui parcouru l'échine, léger, fébrile, mais perceptible. Quelque chose clochait, quoi elle n'en savait rien, mais elle se demandait bien dans quel pétrin il l'avait fourré. Des torches illuminaient, par endroit la pièce, seulement une atmosphère malsaine, propice à l'angoisse régnait ici, il y avait des torches éteintes par endroit, dissimulant des zones sous un épais manteau d'ombre. des torches éteintes de façon bien peu pratique pour qui veut garder ce passage lumineux. Elle ne connaissait aucun sort d'illumination et elle ne savait même pas si cela existait, de toute manière la discrétion était de mise et il était trop tard pour faire machine arrière. ***

*** Au chuchotement de Fromwir près de son oreille, l'enfant tressaillit, manquant de laisser échapper un cri.
Il tourna son regard vers la Tydale ***

***
Un soupcon de doute apparait un instant, de crainte aussi, puis un sourire niais qui se veut convainquant ***

*** Le regard de l'enfant fouille a nouveau les ombres, cherchant a y trouver une présence, une personne, quelqu'un ou quelque chose qu'il sent roder autour, d'instinct. ***

*** Deux. Deux petits fouineurs qui ont un peu peur...
Qui se disent qu'ils ne doivent pas être là.
Ylimildian touche son épée, palpant la garde pour incanter silencieusement.
Depuis son coin sombre, il tend un doigt vers une torche éteinte, puis... ***

*** Il est sorti de l'ombre, juste un pas, arrivant presque sous le nez du garçonnet, un grand sourire sur sa peau pâle.
Le sortilège saute sur la première torche, l'allume, bondit sur la suivante, mais le flux d'entropie se dissout rapidement, et la troisième torche s'auréole d'une éphémère flamme verte tandis que meurt le sort.

Peut importe, l'effet était suffisant. ***

*** Un hurlement strident
Un recul , un bond, précipité , inefficace
L'entant tente de fuir l'improbable, l'incroyable, la mort en personne venue le chercher. ***

*** Il se cogne violemment dans les jambes de Fromwir, hurlant de plus belle , la repoussant et la frappant dans sa panique. ***

*** Peine perdue, tandis qu'il rebondit contre la tydale, persuadé que sa mère le repousse vers le monstre, il perd tout controle et se fait pipi dessus, sanglotant et pitoyable ***

*** Le cœur de Fromwir sembla s'arrêter net un instant, a voir l'enfant aussi paniqué, cette personne n'est pas là où elle le devrait et cette rencontre n'était pas du tout prévu. Josian se jeta dans ses bras, elle allait le repousser violemment contre un mur quand elle se ravisa un instant. ***

*** Elle posa donc sa main sur son épaule, et le laissa s'agripper à sa tunique. Un instant elle sentit quelque chose de chaud lui coulant sur la chaussure, se rendant compte de ce que cela était, elle failli lui ôter sa misérable vie, une fois pour toute.


Elle regarda la personne en face d'elle, c'était un mâle et plus encore, pas un tydale... C'était l'un de ceux qu'elle comptait rejoindre. Cependant il avait les couleurs du matriarcat et devait donc, en toute logique, être tenu aux même règles imbéciles que ces traitresses. ***

*** Elle réajusta sa pelisse comme pour ce protéger de ce froit qui ne venait pas que de la température ambiante et de l'humidité. Il y avait dans le regard de cette personne quelque chose qui n'était pas habituel. ***

*** Ylimildian sourit de toutes ses dents, affreuse caricature d'enfant espiègle. ***

*** Au soulagement du jeune tydale, il s'éloigna quelque peu, se rapprochant du corps.
Il laissa courir une main aux doigts fins sur le corps nu, passant sans dégoût de l'effleurement d'un sein bien dessiné à celui d'une côte brisée. ***

*** Il les regarde, tour à tour, souriant toujours. ***

*** Il se penche, chuchotant quelques mots inaudibles à l'oreille du cadavre, avant de se redresser, l'air à l'écoute.
Puis il tend une main. ***

*** Fromwir n'était pas rassurée, elle n'aimait pas l'imprévu, ce qu'elle ne maitrisait pas, elle n'aimait pas grand chose en faite. Mais il fallait bien faire semblant d'être quelqu'un doué d'un semblant de penchant social. De plus quelque chose l'attirait vers lui, elle ne savait pas quoi, ses gestes lents, une espèce de sensualité morbide émanait de lui. ***

*** Elle serra la main du tchae sans réelle appréhension. Elle ne put ne pas remarquer les étranges traces sur la peau du personnage, son regard détailla brièvement celles ci sans pour autant s'y attarder. ***

*** Elle désigne le jeune josian, encore tout tremblant et bavant. ***

*** Elle essayait de ne pas montrer la tension qui l'habitait. Elle n'avait pas vraiment peur, elle connaissait ses capacités, le problème étant qu'elle ne connaissait pas celle de celui qui se dressait devant elle. Elle essaierait de passer sans encombres ,elle ne voulait pas avoir à se battre dès les premières minutes de sa fuite. Elle m'aimait guère la situation actuelle. Ce gamin le paierai, quand ils seraient assez loin, il prendrait la raclée de sa vie et le souvenir de celle ci lui éviterait de réitérer ce genre d'erreur. ***

*** Josian s'est figé...
Il pleure en silence tandis que la flaque, lentement bue par le sol, disparait peu à peu
Comme il aimerait disparaitre lui aussi
Ne plus être là...
Partir... ***

*** Quand Fromwir prend la main du tchaë, il gémit comme un chiot appeuré, s'attendant au pire ***

*** Sa voix qui tremble est presque inaudible mais le ton larmoyant et plaintif est des plus agaçant.
Pitoyable petit chose dégoulinante, il regarde avec répugnance le gardien des morts caresser le cadavre ***

*** Ylimildian fronça les sourcils, avant de hausser les épaules, ne prêtant aucune attention à Josian ***

*** Il frotte la main sur le tissu de son pantalon, comme si le contact avec la vivante avait quelque chose de répugnant, puis il reprend place derrière le cadavre, une main délicatement posée sur chaque joue. ***

*** Son être se détend un peu, sa vigilance toujours sur le qui vive, mais les choses semblent se dérouler à peu prêt convenablement. ***

*** Pour une fois Fromwir était sincère, il y avait dans cette atmosphère quelque chose qui lui plaisait; Comme si la froideur des lieu apaisaient son âme, sa fureur, sa rage. ***

*** Elle poussa légèrement Josian vers le chemin. ***

*** Et Josian avança, l'air hagard, sentant du plus profond de sa candeur que quelque chose n'etait pas clair
Un couloir, un escalier, un contournement....
Visiblement, l'enfant sait ou il va.... ***

*** Mais chaque caillou qui roule sous leurs pas, chaque souffle qui fait vaciller les torches dans leur support, tout lui fait peur et lui arrache un gémissement de frayeur ***

*** Fromwir avançait derrière Josian, le petit n'allait pas aussi vite que Fromwir l'aurait souhaité, il était hésitant, sursautant à chaque bruits dans l'ombre. Fromwir caressait les parois de sa main, ses doigts effleuraient chacun des interstices dans la roche,, son autre main soutenait son ventre qui commençait à lui peser. Ses yeux cherchaient dans le noir quelques indices de leur destination. Elle chuchota: ***

*** Elle se retourna pour voir si celui qu'elle avait croisé ne la suivait pas. ***

*** Il ne s'y attendait pas
Il ne s'attendait pas a sa voix assourdie par l'effort de discrétion ***

*** Et voila, il va devoir le lui avouer
Il va devoir encore avouer qu'il n'est bon a rien ***

*** La main de fromwir se serra dans sa paume, ses ongles pénétrèrent sa chair, profondément, marquant celle ci de leurs empreintes. Elle allait le tuer, le réduire à néant, abréger son existence de ses mains. ***

*** Elle regarda l'enfant. ***

*** La panique fond alors sur l'enfant et le rend impuissant à ajouter le moindre mot, impuissant à réfléchir, impuissant tout court
La sortie
Le monstre
La sortie.... ***

*** Sur un coup de tête, il prend ses jambes a son cou et se met a courir; se dirigeant droit devant lui comme si le S'sarkh en personne était a ses trousses ***

*** Il court
A perdre haleine
Droit devant
Il court ***

*** Fromwir le poursuit, persuadée qu'il se rappelle enfin de la sortie, mais l'enfant va vite, très vite, trop vite pour elle qui est déjà bien avancée dans sa grossesse. Elle court aussi vite qu'elle le peut, elle le perçoit encore légèrement dans la pénombre, bientôt elle n' entrapercoit plus que le son de ses pas qui s'assourdissent de plus en plus. ***

*** plus bas à elle même ***

*** Fromwir fatigue de plus en plus, elle doit reprendre haleine avant de repartir droit devant elle. Elle ne voit plus l'enfant, il n'est plus là, elle est seule, perdue au milieu d'elle ne sait trop où et oit vite, très vite, s'éloigner d'Utrinya avant que les exécutrices ne se mettent en route. ***