Les Mémoires de Syfaria
Hors de toute région civilisée

Quel avenir pour un Chambellan ?

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Sujet lancé par Aliundil
Le 25-02-1508 à 19h00
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Posté par Aliundil,
Le 26-02-1508 à 19h08
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Aliundil

Le Luang 25 Fambir 1508 à 19h00

 
Sa tête lourde de sommeil oscille de gauche à droite et son pas traîne dans la neige. Des empreintes de crasse et de sang marquent le passage de son ombre. Il est seul. Comme souvent. Dans le paysage glacé et sauvage de Syfaria.

Rien que le vide, rien que l'oubli. La solitude est ton amie. Ouvres lui tes bras et souris. Ouvres lui ton cœur et gémis.

Son manteau lui manque car à présent il redoute de mourir littéralement de froid, d'autant qu'il se remet à neiger. Si c'était aussi simple. Le vent frappe son visage osseux et les flocons gèlent sa chevelure blanche. Faible et frigorifié, il avance à travers la clairière sous les regards charognards d'un groupe de corbeaux noctambules. Les prophètes malfaisants croassent sur son passage d'un air menaçant et rieur mais il s'en moque, sa conscience est à deux doigt de lui échapper. Sa démarche ne li appartient plus, il titube, tâtonne et trébuche en titillant le terrain du bout de sa canne. Silhouette silencieuse serpentant sans lucidité.

Délaisses tout espoir, abandonnes toi au noir car ce monde ne vaut rien. Toi non plus tu ne vaux rien. Un vaurien ne vaut rien.

Il fredonne un air mélancolique apprit il ne sait plus où, à propos d'un monde figé dans une atmosphère frigide, d'une utopie brisée et d'une réalité douloureuse. Il remonte ce chemin qui n'a rien d'initiatique mais qui pourtant semble marqué par l'introspection. Le froid, la solitude et la mort imminente le renvoient à son existence que beaucoup disent misérable. Au clair des lunes, Trinité des Mots troquerait sa plume contre un manteau chaud. Mais personne ne viendra l'aider ce soir, car il n'y a personne pour penser à lui.

Personne ne peut comprendre. Personne n'écoute. Personne n'entend. Comme toujours. Une voix étouffée pour toujours.

Ses proches n'appartiennent pus à cette île. Lui non plus. L'Ascencion promise n'est qu'une chute vertigineuse vers le passé, vers la poussière. Créature d'un autre âge égaré dans les couloirs de la modernité, il ne se reconnaît pas dans l'image de ses semblables. Leurs codes le dégoûtent. Leurs philosophies le répugnent. Leur avenir le fait rire.
Ricanement qui devient éclat lorsque le loup corrompu referme ses mâchoires sur sa nuque et la brise d'un coup sec. Il ne saura même pas dire depuis combien de temps il est là, effondré dans la neige, mais de toute façon cela n'a plus d'importance. La mort le recouvre de son linceul.
Au milieu de la chute des flocons, une sphère de lumière argentée s'élève et disparaît dans le ciel cotonneux.

Un avenir ? Quel avenir.


Se suffire, c'est être puissant.

 
Aliundil

Le Matal 26 Fambir 1508 à 19h08

 
Frappé par la mélancolie du rêveur qui fut trop tôt arraché aux bras de Morphée, Trinité regardait par le hublot martelé de pluie les montagnes syfarianne défiler lentement, sous la lumière enténébrée des deux lunes masquées par de gros nuages noirs. Il était assit sur son lit depuis plusieurs heures, le visage tourné vers l'orage grondant, le corps emmitouflé dans une couverture achetée à prix de confrère au comptoir de Syrinth. Le Chambellan se reposait enfin après une aventure aussi éprouvante pour son physique faible que pour son esprit fort. Vanné, le sommeil refusait pourtant de lui ouvrir ses portes en grand, et le cauchemar de sa propre mort, entrevu par le trou de serrure de la somnolence, le dissuadait de s'abandonner aux réclamations de la nuit.

Bientôt un an qu'il ne dormait plus vraiment. Ses rêves le faisaient sombre chaque fois un peu plus dans la folie des psychagogues de l'Observatoire, et malgré son aptitude à toujours tout rationaliser et son comportement combatif, Trinité avait finit par préférer l'esquive à la confrontation. Il fit rouler ses yeux encerclés de cernes vers la petite boite métallique où se battait en duel deux petits sachets en papier. Les cendres de l'Eveil. Une puissante drogue à la composition secrète et au pouvoir incroyable que seuls de rares marchands aramethéens acceptaient de vendre à prix d'ami. Trinité forcit la flamme de sa lampe à huile et se servit un verre d'eau. La gorge sèche, les mots lui manquaient pour définir ce qu'il entrevoyait de l'avenir maintenant qu'une lumière tamisée s'était faite sur le futur ombrageux. De nouveau, il perdit son regard dans la masse sombre et brumeuse du Grand Lac ; le vent soufflait fort à l'extérieur, mais son ronflement ne parvenait pas à éffacer le bruit de la houle gluante suivit du silence puis du cri abyssal qui surgit des profondeurs lorsqu'avec Serphone il menait ses expériences.

Encore un signe de cette aliénation gagnant en force chaque nuit supplémentaire passée sans dormir. En temps normal, il gardait sa lucidité et n'agissait jamais sous l'effet d'une impulsion. Toujours peser le pour et le contre. Faire exploser la porte, hum...? Quelle idée. Il exista une solution plus subtile mais il la rejeta sur le moment par pure paresse intellectuelle. Une solution de facilité s'offrit à lui et il la saisit presque sans maudire, laissant de côté ses habitudes de façon inexplicable. Mais pourtant : quel résultat ! L'un de ses trois grands projets venait d'avancer d'un pas de géant grâce à une étincelle de chaos que la rigueur du Chambellan n'avait put étouffer. Ou plutôt que toute sa droiture avait provoquée. Trop d'ordre génère du chaos.

Une main frottait le hublot pour chasser la buée tandis qu'il se pinçait l'arrête nasale de l'autre. Une question perdure. Faut-il saisir l'opportunité au risque de brûler les étapes ? Ou faut-il encore laisser mûrir ceux dont l'esprit sera bientôt effleuré par mon idée ? Faut-il ou ne faut-il pas ? Les poussiéreux du Concile ne lui avaient pas donné un exemple merveilleux d'ouverture ni d'entraide, et s'il voulait mener cette affaire à bien il lui faudrait leur insuffler biens des idées sur l'entente et la collaboration.
Cela pourrait même devenir le début d'un avenir commun.
Trinité versa le contenu d'un sachet dans le verre d'eau et but d'une traite. Puis il se renversa sur son lit, les mains croisées derrière la tête et les yeux grands ouverts. La clarté de l'éveil naquit à nouveau de ses cendres et permit au cerveau du planificateur de se remettre en marche.

Se suffire, c'est être puissant.

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