Les Mémoires de Syfaria
La Région de Lerth

Ruminations.

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Sujet lancé par Serphone
Le 24-04-1508 à 07h17
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Posté par Erling,
Le 26-04-1508 à 12h03
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Serphone

Le Julung 24 Astawir 1508 à 07h17

 
Deux Nemens parlaient à voix basse derrière Serphone, debout contre le bastingage à observer le décor irréel qui défilait sous la coque bruyante de bois et de métal de cette machinerie rêvée. Depuis quelques temps, il songeait à se crever les yeux. Toute ces choses qui venaient se coller à ses rétines malades et hanter son cerveau déjà bien trop rempli d'images et de symboles...était-ce bien utile ? Fallait-il avoir des yeux physiques pour répondre à la Grande Énigme ? Sans doute pas. Et un coeur ? Il songeait aussi à s'arracher le coeur. Mais là, il savait que la matière ne le supporterait pas et enverrait son esprit dans les limbes. Et l'y laisser moisir entre des faux souvenirs, des espoirs avortés et des folies endormies que seul la mort est capable d'éveiller. Ses yeux se perdirent dans la contemplation de pics acérés, des montagnes. Elles semblaient si inoffensive vues d'ici. Il suffirait de se jeter. Mmmm. Non. Cela ne résoudrait rien et ne participerait pas au Cheminement.

Il poserait un pied à terre. Le vieil entropiste le saluerait, et des nouveaux symbiosés sans doute. Il y en avait tant depuis quelques mois. Orol'Nar, son vieil ami, celui des premiers jours de sa symbiose, serait-il là ? Sans doute. Théalgia, sa fille ? Il aimerait bien la revoir un peu seul, au moins une heure, lui toucher le visage qu'elle avait de porcelaine et lui raconter les vieux contes qu'elle aimait tant. Le bougre de Saltis' serait-il là ? Le vieux loup brisé mais solide, au verbe si tranchant qu'il avait fait basculer bien des flammes dans le giron de l'Aghererh’ta S’sarkh. Encore chez les Rêveurs, certainement. Qui y aurait-il ? Samaël, derrière. Le naïf et insouciant Erling, derrière. Randall, peut-être ? Le guerrier était-il toujours aussi vaillant et suicidaire ? Et Fëa. Tout les trois avaient traversé la nef funèbre de l'Achéron et campés dans la froidure Ulmendyenne avant de rencontrer Syrtaï.

Il irait voir un médecin au Centre. Il savait ce que lui dirait le Serviteur, après plusieurs analyses. Quelque chose comme "Je ne sais pas ce qui vous est arrivé honorable Transcient, mais vous avez été soumis à une quantité extrêmement forte et dense d'effluves nocives". Il penserait : la Tour petit homme, mais tu n'es pas télépathe, tu ne m'entends pas. Mais la Tour. C'est elle. Les effluves, en grande quantité, en grande intensité. La Tour. Le rituel sur les Fleurs de Fiel aussi, sans doute. Et l'anatomiste poursuivrait "....Je ne m'y connais pas beaucoup en symbiose, mais malgré tout, soumis à une telle puissance, vous pourriez ne pas ressusciter à votre prochain décès. Le dernier vous avait déjà grandement affaibli...". Et il acquiescerait, silencieusement. Il savait déjà tout cela. Et il savait comment cela finirait. Il savait aussi qu'il n'en aurait plus pour très longtemps.

Serphone se tourna vers les deux Nemens qui poursuivaient leur discussion à voix basse. C'était sans doute des diplomates, des voyageurs, des techniciens ou des gardes. Peu importe. Il se contenta de leur articuler difficilement un mot en Jurimancien. Ils le laissèrent en paix. Il plongea son regard dans ce décor en papier mâché qui courait toujours sous les pieds invisibles de l'aéronef. Mmm...



Il demeure dans notre esprit et erre dans l'océan, car les ombres du premier sont infiniment plus profondes que les eaux du second

 
Erling

Le Julung 24 Astawir 1508 à 11h06

 
Non loin de Serphone, accoudé à la barrière qui faisait le tour du pont, Erling regardait lui aussi le paysage qui défilait sous leurs yeux. Sans doute avait il déjà posé ses pieds sur cette route zigzagante et contemplé les étendues herbeuses. Mais vu de haut, plus rien n'était pareil et le décor perdait de sa réalité.

Le Propage s'arracha à sa contemplation. Il avait décidé de s'exercer à la magie durant le laps de temps que lui offrait le voyage. C'était à Utrynia qu'il avait découvert le Flux bien que celui-ci ait toujours été présent en lui il le savait. Quand Serphone lui avait parlé de la Balafre et des effets du meurtre de la ruelle sur elle, Erling s'était interrogé sur la nature magique des éléments qui l'entouraient. Seul à Utrynia, il s'était isolé dans sa chambre. Au bout de quelques heures, ruminant encore et encore les paroles du Transcient, il avait perçu un monce filet d'une substance immatérielle. En fouillant ses affaires, il avait retrouvé un vieux parchemin que lui avait offert la Demoiselle Théalgia lors d'un de ses premiers voyages en tant que Transcient. Dans la cité Matriarcale, Erling avait donc apprit son premier sort.

Le Tydale s'assit sur le pont du vaisseau Nemen et se détentit. Lorsqu'il faisait ceci, son esprit s'abandonnait dans le Flux et il n'avait jamais conscience du temps qui s'écoulait. Il se retrouvait juste, un moment plus tard, plus disposé à manier l'Essencialis. Ce fut une nouvelle fois le cas dans les airs. Erling se releva et incanta. Ses vêtements se mirent une nouvelle fois à briller et le Propage sourit une fois de plus. La lumière s'atténua et le jeune homme quitta la joie que la magie lui procurait. Il alla alors se poster à côté du Transcient.


Ami, ce congrès s'annonce splendide pour notre faction, il ne m'étonnerais pas qu'il s'y passe de grande chose pour la suite de l'Histoire de Syfaria. Quand à moi, je suis ravi de rentrer à Lerth. Vous savez, je n'y ai pas passé plus de trois jours depuis sept ou huit mois. Je me suis tout d'abord rendu au festival de Zarlif après votre bénédiction au temple de Lerth. Puis les Obsessions m'ont promené de la Lagune des Glaces à Korsyne. Ensuite il y a eu Jypska, les montagnes du Concile, Utrynia et Kryg. Je vais savourer les instants de détente que je sais pouvoir trouver chez moi. En est-il de même pour vous ?

Pélerin du S'sarkh

 
Serphone

Le Vayang 25 Astawir 1508 à 03h06

 
Pendant un long moment, le regard du Transcient détailla son interlocuteur comme si il essayait de lire dans son coeur ou dans sa tête. Les yeux de Serphone demeuraient terriblement fixes, absents et pourtant scrutateurs, voir inquisiteurs. Difficile de savoir ce que se disait le sorcier à ce moment là, ce qu'il pensait ou ce dont il avait envie. Mais il observait Erling, avait entendu ces paroles et parut tout d'abord les ignorer en cherchant dans la boîte crânienne du jeune tydale, quelque chose qui pouvait l'intéresser. Il se rappelait, oui, de la première fois qu'ils avaient fait connaissance dans le Temple, alors que le Propage encore inexpérimenté craignait pour la route et pour sa foi, dont la puissance et l'intensité ne s'étaient pas encore révélés au grand jour. L'appréhension de voir les autres contredire ses propos avec violence, ou pire, le convertir à son tour. Il avait suffit que le mystique pose alors son regard sur l'acolyte de sa fille pour savoir que rien de tel n'arriverait. L'enfant était solide, et l'avenir lui avait donné raison.

Aujourd'hui, Erling se tenait droit et fier devant lui, un peu moins jeune, un peu plus sage. Et il s'était fait un agent parfait des Témoins. La Lagune des Glaces, Korsyne, le Concile. Les Obsessions et la Tour, les liens avec les autres poussiéreux et l'affirmation de sa bravoure et de sa résistance, sans flancher à aucun moment; ce n'était pas rien pour une vie si fraîche. Il devait continuer sur cette route et il irait sans doute loin. Dans quelques années, ces années que Serphone ne verrait pas, il deviendrait un membre de plus en plus important et influent de la faction et, peut-être, de Syfaria. Le Transcient éprouva une sorte de fierté devant ce destin qui s'était forgé seul et indépendant, avec un peu de son aide et surtout dans l'ombre du S'sarkh. Il avait aussi entendu quelques unes de ses discussions avec des Tydales du Matriarcat. Erling devait encore raffermir ses paroles mais surtout solidifier ses pensées, quelquefois hésitantes ou maladroites. L'apprentissage et la progression étaient permanente et demeuraient le meilleur principe de vie qui puisse être.

Et cela, le jeune homme l'avait saisi dés le début.
Finalement, le sorcier reporta son regard sur la mer de nuage qui s'étendait maintenant sous le navire, dissimulant le paysage de l'île. Il acquiesça dans le vide et effleura paisiblement la psyché d'Erling.


Lerth.

Havre parmi les oasis de la colère.
Sommeil profond, aux vents contraires des croisées.
Os éreintés, chairs meurtries, âme brisée.
Contre le rebord du lit je m'adosserais, pour ne plus me réveiller.

Dormir. Toucher du doigt la lèvre babine qui caille son sang.
Montrer du doigt la silhouette. Renverse le navire. Dormir.
Oui. Lerth. Havre parmi les charniers de l'existence.

La ligne broie la rétine.



Il demeure dans notre esprit et erre dans l'océan, car les ombres du premier sont infiniment plus profondes que les eaux du second

 
Erling

Le Vayang 25 Astawir 1508 à 11h59

 
Le regard fixe de Serphone était assez déconcertant pour Erling mais, alors même qu'il ne l'aurait peut être pas accepté sans réagir venant de quelqu'un d'autre, il l'accepta et attendit. Erling avait prit l'habitude de recevoir les paroles du Transcient par son esprit plutôt que par ses oreilles. Les mots de Serphone étaient comme pour la plupart du temps sombres et hachés. Le Propage prit un peu de temps pour les assimilés.

Le jeune homme préférant lui les mots qui fusaient à l'air libre, répondit de vive voix.


Oui, notre Scintillante est bien ce havre de paix que vous décrivez Transcient ...

Erling poussa un soupir et laissa le temps s'étirer et les deux esprits vagabonder chacun de leur côté. Pourtant, alors qu'il regardait les nuages cotonneux sous le vaisseaux, le Tydale était sans cesse titiller par quelques mots de Serphone. Quand enfin il n'y tînt plus, il posa la question qui le tourmentait, son ton naïf habituel altéré par une sérieuse inquiétude :

Serphone, pourquoi parlez vous de ne plus vous réveiller ?

Pélerin du S'sarkh

 
Serphone

Le Vayang 25 Astawir 1508 à 21h07

 
Un long silence, de nouveau, s'installa entre les deux Témoins. Serphone ne fixait pas Erling mais continuait de perdre son regard dans les circonvolutions célestes qui les entouraient. Que répondre ? Comment lui répondre ? Pour lui, la signification et la raison de ce prétendu sommeil étaient limpides, évidentes et immuables. Mais le Propage n'était pas lui. Il était seul dans ce domaine orageux qui lui servait de tête. Sa logique se faisait balayer et renvoyer aux quatre coin de sa psyché, tout comme sa conscience et son individualité, éléments dérisoires qui survivaient avec difficulté devant l'invasion d'une essence plus grande, terriblement plus grande et plus impérieuse. Comme si son inconscient était un océan destructeur abattant ses vagues de démence sur l'îlot perdu et solitaire de son esprit. Comment expliquer cela ? Cette réflexion qui n'était qu'un miroir changeant et brisé, un amas d'impressions et de tourments. Cela lui était impossible. On ne décrivait pas l'indescriptible. Même le plus vieux et habile Olsa’sarkh en était incapable. Folie, néant, perdition...Des mots, seulement des mots qui ne traduisaient en rien la réalité de ces états. Pourtant ce n'était pas les mots qui manquaient en Ssarknesh, et nombre d'entre eux pouvaient retranscrire efficacement des sentiments ou des états.

Mais pour ce qu'il vivait, il n'y en avait pas. Il n'y en aurait jamais. Ce qu'il vivait était une forme d'élévation et de chute tout à la fois, l'impression de remonter à la surface d'une mer infinie. Une forme d'ascension et de déchéance. Toucher du doigt un interdit millénaire, effleurer une vérité inconnaissable et apercevoir, subrepticement, quelque chose qui ne doit ou ne peut être vu. La conséquence ? On s'y brûle la rétine ou la phalange au point qu'user des sens qui en découlent devient impossible. Insurmontable. On a perdu et gagné, tout à la fois. Notre esprit est plus haut, plus apte, plus éveillé, mais s'en servir devient un problème. La rançon du savoir. Une des premières leçons du Transcient, une des premières leçons de sa lignée. Une leçon qu'il n'a pas écouté, comme tout ses ancêtres déchus et malades. Une leçon menant tout droit à s'exprimer par énigme, à agir selon l'instinct et à mourir en emportant ses secrets dans la tombe. Sans pour autant ne rien laisser derrière soi. Il y aura bien quelque chose après son départ, c'est certain. Mais il faudra le décrypter....

Il hésite de nouveau. Tremble légèrement puis envoie sa réponse au jeune tydale.


Le réveil est la douleur qui détruit. Le sommeil long est l'heure tranquille, où les songes vont paisibles. L'aura touche au lointain, noyé dans les sillons malins. Marins.

Mmm...
Dormir, c'est oublier.
Et c'est voir.
Sans Mourir.



Il demeure dans notre esprit et erre dans l'océan, car les ombres du premier sont infiniment plus profondes que les eaux du second

 
Erling

Le Sukra 26 Astawir 1508 à 12h03

 
Erling accueillit ces paroles avec trouble. Tout n'était pas clair pour lui, pourtant il lui semblait comprendre en partie les paroles du Transcient. Cependant, il se garda bien d'y répondre, ne voulant pas continuer dans cette voie qui ne semblait pas commode pour Serphone.

Alors, le Propage garda le silence, guettant des signes de vie dans les nuages. Puis, vaincu par la monotonie du trajet, il s'assit à même le pont, adossé au bastinguage et se mit à somnoler, sa cape ramenée sur le corps.


Pélerin du S'sarkh

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