| Le dortoir était silencieux, seul les respirations des poussiéreux qui y dorment formaient un léger bruit de fond. Samael, jeune Nelda de quelques cycles se terre dans son lit, les couvertures remontées sur son visage. Il tremble, grelottant de froid et de terreur. Il murmure sans discontinuer la même phrase tout en serrant la couverture de toutes ses forces.
Si je m’endors, je meurs ! Si je m’endors, je meurs !
Des bruits de bagarre parviennent jusqu’à comme un fracas dans le silence de la nuit. Elevant la voix en répétant la phrase, le jeune Nelda est terrifié.
Si je m’endors, je meurs ! Si je m’endors, je meurs !
Samael sanglote les yeux fermés en continuant de réciter d’une voix étouffée. Les larmes inondent son visage, son corps entier est trempé. L’eau s’infiltre dans sa bouche lorsqu’il parle, il avale une grande quantité d’eau manquant s’étouffer. Elle a un goût salé et ferreux. Le Nelda se redresse violemment et émerge ruisselant et crachant l’eau de ses poumons. Il ouvre les yeux et contemple son environnement. Les couleurs ont disparu et ne subsistent que des nuances rouge sang colorant les éléments du décor. Samael a de l’eau jusqu’aux genoux, ses vêtements sont trempés et ses poils sont collés sur sa peau. Il a froid. Avançant vers le rivage devant lui, enfin l’accotement de terre couleur sang recouvert de roseaux et de joncs de la même couleur, Samael cherche du regard un indice du lieu ou il se trouve. Il prend pied sur l’accotement et s’aperçoit bien rapidement qu’il se trouve dans un marais vaseux et nauséabond. Il clignote à plusieurs reprises des yeux tentant de retrouver les couleurs mais rien n’y fait. Ses narines sont gorgées de l’odeur de sang frais qui sature l’atmosphère.
Il a peu à peu cessé de trembler, les réflexes et les leçons de ses précepteurs lui reviennent à l’esprit. Il continue donc d’avancer prudemment dans le marais, ses pieds s’enfonçant dans la boue couleur brique. Prés de lui une multitude de bulles formant un cercle viennent à la surface comme expulsé depuis le fond. La vase remue et une forme jaillit. Il s’agit d’une tête posée sur un squelette, le visage est décharné et tordu dans une position improbable par la douleur. Impossible d’identifier la race de l’individu, un tydale peut être vu la taille. Dans la cage thoracique du squelette, un gros ver d’un blanc laiteux tranchant dans le paysage de nuances rougeâtres. Le Ver serpente autour de la colonne vertébrale, faisant une longueur de 50 cm au moins, le reste se perdant dans la boue et la chair nécrosée encore accrochée à la carcasse. Une Nelda, il s’agit d’une nelda, se dit Samael avec prémonition. Il ne sait pas comment ni pourquoi mais il sait qui est ce cadavre putréfié.
Mère…, murmure t’il en prenant conscience de l’abomination qui se tient devant lui. La tête le regarde et lui fait un sourire carnassier dévoilant des dents démesurées en poussant un cri avant de lui bondir dessus.
Samael tente de s’enfuir mais ralenti par les plantes et la vase, il ne parvient pas à distancer l’ignominie qui s’est mise à le suivre. La chose gagne même du terrain et finit par le rattraper posant sa main osseuse et pourrissante sur son épaule. Le Nelda riposte instinctivement envoyant un coup de poing magistral dans la tête de l’infâme. Les chairs restantes explosent sous l’impact et les os se brise, la tête vole et retombe plus loin dans l’eau. Le corps décapité toujours la main posé sur l’épaule de Samael tangue dangereusement et tombe sur le dos rapidement englouti par le marais. Prenant ses jambes à son cou, Samael cours tout ce qu’il peut. Un trou d’eau, une glissade et le Nelda se retrouve dans la vase jusqu’au cou. Chaque mouvement le faisant s’enfoncer un peu jusqu’à une mort imminente.
Cherchant un moyen de s’en sortir, évitant de bouger, le regard de Samael est attiré par un léger frissonnement à la surface de la vase. La forme serpente vers lui impuissant emprisonné des sables mouvants. Le ver blanc se montre à la surface et vient tourner autour du Nelda qui ne peut que hurler pour tenter de le faire fuir. Un tour, deux tours et trois, le Ver profite que Samael renouvelle son beuglement d’alerte pour jaillir de la vase et s’engouffrer dans la gueule du nelda. Samael referme la bouche mais la bête est déjà dans sa gorge l’étouffant, le révulsant et son corps est pris de convulsions tentant d’expulser cet étranger.
Le manque d’oxygène fait défaillir le Nelda, il ferme les yeux et une violente nausée remonte son œsophage, éruption libératrice qui expulse l’intrus dans un jet tiède de fluides acides.
Samael tousse et vomit à plusieurs reprises vidant complètement son estomac de son dernier repas. Il reprend peu à peu ses esprits et regardant autour de lui, il aperçoit ses compagnons de route qui dorment prés du feu de camp. Apparemment aucun d’eux ne l’a vu s’endormir pendant son tour de garde ni entendu cauchemarder. Il fait quelques pas pour s’écarter de l’odeur âcre de ses fluides et prendre un peu le frais. Sa gorge le brûle et une migraine atroce s’est emparée de son esprit.
Appelez moi Charogne, et je vous appellerai Cadavre.
| |