***
Sortir de la ville.
Séoane sentait qu'elle manquait d'air. Rester à l'intérieur de cette ville, qui plus est à l'intérieur même d'un magasin, lui avait donné une impression d'asphyxie qui lui fallait évacuer rapidement.
Heureusement, Nemès avait réagi promptement et efficacement ; les deux tydales avaient pris la direction du sud de la ville et s'en allaient en chasse.

Mais parvenues à l'entrée de la cité, Séoane s'était sentie libre. Comme une tydale retenue par un élastique qui aurait cédé brusquement, la voilà qui s'élance sans précaution aucune dans la lande. Elle tourna un oeil rapide vers Nemès et prit l'ignorance de son instructrice pour un encouragement à poursuivre.

Libre.
Elle vola littéralement sur sa première proie, un escargot géant, avec la discrétion d'un mastodonte dans un magasin de porcelaine. Il parvint avec aisance à s'enfuir.
Intérieurement la tydale réagit.

Idiote. Elle agissait comme une enfant que l'on lâche dans une cours de jeu après des heures de travail. Elle se posa un instant à terre et prit une longue respiration. Puis, elle revint sur ses pas avec plus de prudence et se retrouva enfin à côté de sa proie.

La première passe se résuma à un échange de position. L'un et l'autre s'étaient déplacés en même temps et aucune des attaques n'avaient finalement portées.
La seconde passe vit la tydale jaillir avec une telle vitesse que l'animal se figea presque. L'entaille était loin d'être anodine et ses yeux trahirent son sourire intérieur. Elle jeta un oeil à sa main qui tenait son coutelas : l'escargot avait laissé sa propre marque.
***

*** Nemès remit son casque en sortant de la ville, et ne put s'empêcher de rester songeuse en voyant Séoane partir en avant, pleine de fougue.
Elle lui rappelait tellement elle-même avant... Avant sa mort.

La Faucheuse se prit à ressentir un semblant d'empathie envers la Coupeuse de Vie. la Tableau étant joueur, peut-être que Séoane n'aurait pas à en passer par là pour percevoir tous les aspects de la Danse...

Alors que Séoane engageait le combat, un chiroptère assoiffé attaqua par surprise Nemès, lacérant profondément son bras gauche là où il n'y avait pas d'armure.

Avant que la bestiole pervertie n'ait eut le temps de disparaitre dans la nature, la guerrière était déjà entrée en harmonie avec sa lame et virevoltait selon les pas de la Lumière du Déclin : le volatile, pourtant déjà à quelques mètres du sol, fut instantanément découpé en quatre morceaux qui retombèrent avec un "flatch!" sanguinolent en touchant le sol.

Nemès alla récupérer une des ailes du chiroptère, intacte, qui servirait aux Artisanes pour la fabrication de parchemins spéciaux, puis se dirigea ensuite vers sa nouvelle subordonnée fougueuse. ***

***
Séoane sentit le moment où la tension réclamait qu'elle s'éloigne. Il lui fallait reprendre son influx nerveux, sa concentration aiguisée, avant de replonger dans l'action. L'escargot géant esquivait la suite du combat, il s'éloignait rapidement en direction d'un autre escargot et la tydale comprit alors qu'elle ne l'achèverai pas aujourd'hui.
***

***
Elle sursauta en entendant sa voix. Les mots auraient du lui revenir par le visage de Nemès, mais il n'y avait personne autour d'elle. Où se trouvait donc la faucheuse ?
L'inquiétude pointa son nez. Pourquoi était elle inquiète ? Non pas pour l'absence de Nemès, elle avait senti une telle force dans la faucheuse qu'elle lui semblait indestructible... Mais pour son attitude à elle. Est-ce qu'elle n'allait pas se faire réprimander ? Ou carrément se faire renvoyer pour avoir pris tant de liberté ?

Séoane décida d'attendre un peu en retrait de la route. Elle s'installa en tailleur au sol, scrutant une dernière fois les terres alentour. Les échanges de la journée avec le gastéropodes géants avaient tendu ses muscles et elle se sentait étonnamment sereine.
***

*** Nemès arriva enfin vers Séoane, qui était assise en tailleur dans l'herbe. La Coupeuse n'avait pas l'air d'être blessée, tandis que la Faucheuse portant un bandage autour de son avant-bras gauche. ***

***
Séoane regarda la faucheuse. Ses yeux trahirent un instant son soulagement, mais elle se mura rapidement derrière son habituel masque de granit. A banalité, elle répondit elle même par une banalité.
***

***
Elle baissa le regard et se mordilla la lèvre inférieure. Pourquoi s'était elle sentit obligée de titiller Nemès ? Il se passait quelque chose depuis qu'elle avait rencontré son ainée et elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Elle prit l'emblème que la Faucheuse lui avait donné et le caressa du pouce.
***

*** La Faucheuse ne s'offusqua pas de la remarque de Séoane quant à sa plaie, restant impassible et faisant son possible pour être pédagogue. ***

*** Nemès mit les mains sur les hanches en entendant la Coupeuse parler de son insigne, de la fierté qu'elle voulait... C'était sans doute une motivation tout aussi valable qu'une autre, mais la Faucheuse nota dans un coin de son esprit qu'il faudrait qu'elle trouve un moyen de lui montrer que quand la fierté mène à l'orgueil, elle devient souvent nuisible... Un Placide serait parfait pour cela. ***

***
Séoane se leva et indiqua de son couteau une direction.
***

***
Une image se forma dans son esprit que Bo transmit à Scylla et elle même à Nemès
***

***
Elle commença à se déplacer vers le sud, réveillant doucement ses muscles ankylosés par la longue attente assise en tailleur. Nemès voyait elle une tydale plus forte et plus assurée que celle qu'elle avait rencontrée la première fois dans la ville ? Peut être. Elle finirait par le voir, sans aucun doute.
***

*** Après quelques distances parcourues et fait le tour de la zone, Nemès avait beau chercher, il n'y avait aucune trace du placide. ***

*** Qu'à cela ne tienne : elle en avait vu un autre non loin de là où le chiroptère assoiffé l'avait attaqué. ***

*** Et bien au moins comme ça c'était clair. Nemès se mit en route en silence : elle n'aurait jamais pensé que sa voie puisse inspirer quelqu'un, ni que sa voix eut été celle de la raison, mais si ça pouvait motiver la Coupeuse de prendre modèle sur elle... et bien il en serait ainsi.

Quelques lieues plus loin, les deux guerrières aperçurent un placide, paisiblement installé non loin du chemin, observant les voyageurs passer. ***

*** La Faucheuse ne put qu'acquiescer malgré elle. ***

***
Une proie.
Devant son horizon se dressait le Placide, imposante créature qui dégageait une certaine nonchalance vis à vis de son environnement. Il pouvait se le permettre. Son impressionnante fourrure le prémunissait de la plupart des dangers et sa stature devait faire fuir les rares qui auraient pu se mesurer à lui.
Séoane plissa les yeux un peu plus et observa le sol autour de la créature. Il était marqué de ses empreintes, non pas comme si l'animal était d'une nature agitée, mais plutôt parce qu'il trépignait en ce lieu depuis plusieurs heures. Cette nonchalance signifiait peut être aussi que le danger n'était pas venu le chercher depuis longtemps. La proie n'était plus sur ses gardes.
Les baies avoisinantes étaient une source de nourriture que le Placide exploitait avec gourmandise. L'ombre des hautes herbes avaient également été utilisées pour la sieste d'après repas. Mais dans l'instant présent, il ne manquait pas de présence ni d'énergie.

Séoane prit en grand sa respiration. Elle venait de courir sur le chemin pour rattraper Nemès.
***

***
Elle sursauta en entendant sa voix. Elle prononçait décidément beaucoup trop de mots à haute voix. Son esprit s'éveillait peut être, mais il se dispersait trop. Jamais elle ne serait efficace si sa concentration n'était pas toute tendue pour la Danse, dans l'unique objectif de marquer de sa pattes le dessein inéluctable du monde.
***

***
La jeune tidale se déplaçait avec son couteau, sans montrer aucune appréhension, ni désinvolture. Nemès lui avait désigné sa cible ? Alors il y avait à apprendre ! Elle tournait autour du Placide et calculait ses pas de danse. Une attaque lente, un temps d’attente, puis deux attaques rapides et un repli. Lorsqu’elle sentit le moment adéquat, elle s’élança. Le Placide ne broncha pas, mais se redressa sous l’impact. Le geste n’était pas parfait, loin de là, mais son efficacité tout de même remarquable.

Elle nota simplement que la créature se redressait et enchaîna ses mouvements. L’attaque suivante quoi que plus rapide eut le même effet. Sauf que le Placide cette fois-ci réagit. Il releva instinctivement une patte avec une telle violence que Séoane fut propulsée en arrière ; elle perdit un instant la notion de l’espace et secoua la tête une fois. Une seule fois avant de jaillir à nouveau, coutelas en avant sur l’une des deux images du Placide.

Deux Placides ? Le temps d’intégrer cette information, et elle ne put éviter l’autre patte griffue qui la propulsa en l’air. Elle retrouva le sol sur ses fesses et lâcha un cri. Son nez saignait et elle leva une main pour s’essuyer et constata avec effarement l’étendue de ses blessures. Deux autres coups de pattes, et elle pouvait embrasser la Mère définitivement ! Le Placide l’observait avec colère. Elle le détailla et constata ébahie que les trois coups de couteau ne l’avaient même pas effleurer. Elle avait senti la fourrure sous sa main, mais le couteau n’avait donc même pas transpercer la fourrure.

Elle leva le regard vers Nemès qui était restée attentive. Pensive, même.
***

*** Nemès regarda Séoane chuter, impassible. ***

*** Un instant de suspens. ***

*** La Faucheuse virevolta avec Himani et une gerbe de sang jaillit du poitrail de la bête qui tituba en arrière, surprise d'être touchée malgré la multitude de doubles chimériques d'elles l'entourant. ***

***
Le Placide ne s’en laissait pas faire. Alors que Nemès voulait couper court à une situation dangereuse pour Séoane, l’immense créature, passablement énervée, répliqua tout de même aux attaques incisives et précises de la Faucheuse.
Une autre sœur les rejoignit bientôt dans la danse. Face à trois agresseurs, le Placide préféra déplacer sa masse un peu plus loin et fuir à sa manière un combat qu’il n’avait pas cherché. En maugréant à sa façon contre les tydales en générale et celles-ci en particulier, sans doute.
***

*** Nemès regarda s'éloigner le Placide, tiraillée par l'envie de le finir. Mais la formation de Séoane passait avant tout... ***

*** La Faucheuse posa son regard sur la tydale venue les rejoindre. Grâce à la télépathie, elle sut immédiatement son nom puisqu'elle était elle aussi symbiosée : Ellana Caldin. De stature semblable à celle de Séoane, elle semblait néanmoins moins... torturée. ***

*** Allons bon, une deuxième liadha à former... Et dire que Nemès s'était promise de ne plus former personne! Mais en absence de Maîtresse d'Arme digne de ce nom, il fallait bien assumer son rôle... ***

*** Nemès jeta un coup d'oeil à Séoane puis revint à Ellana. ***

***
Sans un mot, Séoane se glissa entre les herbes hautes comme un serpent pour rejoindre le chemin. Le chemin se partageait ensuite en deux, une direction vers l'ouest et une autre vers le sud.
Descendre ? Nemès avait bien parlé de descendre ? Elle prit alors le chemin du sud, accélérant le pas.

Aucune pensée ne venait garnir l'esprit de Séoane. Il y en aurait eu une, une seule, qu'elle se serait rendue compte qu'elle progressait sans les autres guerrières. C'est seulement lorsque la nuit poignit qu'elle s'aperçut de sa solitude.
Elle n'en souffrait pas ; elle réalisa simplement qu'elle était dorénavant engagée envers d'autres sœurs.
***

*** Tandis que Nemès s'engageait à la suite de Séoane, elle vit Ellana partir comme une folle en criant : ***

*** La Faucheuse resta quelques secondes perplexe. Un instant, elle faillit courir après l'aspirante, mais se ravisa finalement. haussant les épaules, elle partit sur le chemin, vers le sud. ***

*** Nemès ne répondit pas à la taquinerie du mou. Si elle ne voulait plus entrainer les recrues, c'était simplement parce que la dernière tydale à avoir voulu s'entrainer à l'épée avec elle était passée à un cheveux d'un voyage gratuit au pilier de poussière le plus proche...
La route étant calme, la guerrière put rejoindre rapidement Séoane. Etait-ce le calme d'avant la tempête? ***

*** Lorsque la conversation fût terminée entre Ellana et Némes, elles se mirent toutes les deux en direction du sud. Tout a coup, l'aspirante se mit a charger sous le regard perplexe de la Faucheuse. ***

*** Le cri de guerre se prolongea jusqu'au dit sanglier, l'alertant d'un danger. Il se retourna donc vers la source de ce raffût et vit un Tydale le charger, arme a la main. Il se mit lui aussi a galoper. Non pas pour fuir mais bel et bien pour se défendre.
Et ce qui devait arriver arriva: Ellana se fit propulser, tel un fétu de paille. ***

*** Ellana se releva, elle été blessée mais rien de bien grâve. ***

***
Séoane acquiesça sans un mot. Déjà, ne pas être blessée allait être un premier défi. Se soigner serait le second, en quelque sorte. Son esprit tenta de faire le lien entre la présence du danger et le fait d'être blessée :
***

***
Mais le danger est tout relatif. Et celui qui inquiétait la tydale était la bourgade qui se présentait à elles. Elle ne posa pas de question, mais son ton trahissait tout de même son appréhension naissante.
***

***
Trois phrases. Beaucoup de mots. Séoane secoua la tête et chassa une perle de sueur qui gouttait sur sa joue.
***

***
Nemès ne répondit pas. Elle fit un signe de tête évasif et s'appliqua simplement à l'installation d'un camp. Il ne servait à rien de se précipiter. Les choses importantes sont parfois celles invisibles, comme la préparation au combat ou la cohésion d'un groupe.
Séoane n'avait pas l'habitude de la vie de groupe et il lui manquait la patience. Est ce que devant cette halte nécessaire elle allait laisser libre court à sa violence ?

La Coupeuse de Vie jeta un regard vers le ciel. Les étoiles s'installaient pour baigner le ciel d'un tapis qu'elle ne cessait de trouver fascinant. Elle conclut sur un ton égal.
***

***
Elle observait Nemès reprendre les soins sur ses blessures issues du combat avec le Placide. Elle lui avait dit qu'il lui faudrait apprendre à se soigner seule. Séoane s'en doutait un peu, mais elle n'aimait pas ça.
Elle partit chercher de quoi faire un feu. Les deux tydales s'installèrent et Nemès leva la tête un sourcil froncé
***

***
Séoane ouvrit la bouche mais resta un moment interdite. Bien sûr. Quelle idiote ! Elle se leva sans jeter un regard vers Nemès et s'éloigna du camp vers le sud est.

La nuit était éclairée et elle reconnut très vite celle qui avançait vers elle depuis le sud. Comment Ellana s'était elle retrouvée si loin du chemin ? La réponse lui parvint alors qu'elle la rejoignait
***

***
Un sanglier. Cela devait aller pour elles trois, non ?
***