Les Mémoires de Syfaria
La région d'Utrynia

De l'eau et des cris

Acte 1-où l'on assiste à une naissance...
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Sujet lancé par Aliana
Le 22-01-1509 à 22h43
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Le 22-01-1509 à 22h43
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Aliana

Le Julung 22 Jangur 1509 à 22h43

 
Utrynia.

Le mois de Fambyr apporte, depuis son commencement, son lot d'averses orageuses et de nuages de grêles. Une fine pellicule de cristaux de givre couvre les vitres de chaque maison, obligeant tout un chacun à se tenir cloîtré au chaud chez lui. Un ciel couleur de cendres couvre la région depuis plus d'une semaine, de véritables trombes d'eau inondant ruelles et caves, détrempant récoltes et pâturages. A travers le rideau de pluie qui inonde la ville, la Ruche se découpe sur un ciel zébré d'éclairs, géante sombre parsemée de l'éclat des torches qui brûlent en son sein.

*** ***


Une jeune nourrice se dépêche, montant deux a deux les marches de l'escalier menant aux chambres de karna, portant d'une main un paquet de serviettes propres et de l'autre un seau d'eau destinée à être bouillie. Elle tourne la tête lorsque, passant devant l'une des fenêtres, une bourrasque de pluie et de vent la gifle sans ménagement puis continue tout aussi rapidement son ascension.
Arrivant sur le palier, elle dépose le seau quelques secondes et s'essuie le front de sa manche. Malgré le froid et les volutes que son haleine forme à chaque expiration, son dos ruisselle de sueur. Alors qu'elle reprend son seau, elle ne peut s'empêcher de remarquer que, outre le crépitement de l'eau sur les pavés et sur la pierre, la ruche est parfaitement silencieuse. La porte lui faisant face s'ouvre alors à la volée, l'une des nourrices faisant irruption sur le palier accompagné par le hurlement de douleur d'une tydale en train d'enfanter.


-"Presse-toi mon enfant! On a pas toute la nuit"

Eructe la sage femme dans l'encadrement de la porte, agitant la main en direction des serviettes. Aussitôt attrapée, aussitôt disparue. La jeune nourrice reste quelques secondes abasourdie puis, reprenant le seau à deux mains, elle passe à son tour la porte vers les chambres de travail.

*** ***


La pièce dans laquelle entre la novice est la parfaite opposée du reste de la ruche. Sombre, chaude et agitée. Plusieurs nourrices s'affairent autour d'une couche sur laquelle repose une jeune tydale au ventre gonflé. A son entrée, l'une des servantes lui arrache le seau des mains et part verser l'eau dans une vasque de métal posée sur un brasero.

La tydale hurle de nouveau alors qu'un éclair claque au dehors. Impressionnée, la jeune nourrice recule d'un pas, manquant de peu de faire tomber l'un des candélabres. Ce n'est pourtant pas le premier accouchement auquel elle assiste mais elle ne peut s'empêcher de frissonner en croisant le regard enfiévré de la mère en train de mettre son enfant au monde. Ses doigts crispés à en blanchir labourent les draps de la couche alors qu'elle s'arc-boute comme si sa colonne vertébrale allait se briser. Son visage congestionné, rougis par l'effort, montre indéniablement sa souffrance.

Autour d'elle, l'effervescence ambiante projette une myriade d'ombres mouvantes sur les murs et les draperies qui décorent la salle. L'une des nourrices est assise à son chevet, lui caressant doucement la tête en psalmodiant un sort de régénération; d'autres s'affairent, préparant potion et cataplasme qui serviront une fois que l'enfant sera né; une autre encore, plus âgée, se tient à genoux entre les cuisses béantes de la jeune femme chantonnant doucement une comptine sensée encourager l'enfant et détendre la mère. Mais à entendre celle-ci jurer par tout les dieux comme un bouvier, la jeune nourrice se demande un peu si cela marche réellement. Une main rassurante se pose sur son épaule alors qu'un nouveau cri déchire la pièce:


"-N'aie crainte ma petite. La nuit sera longue mais le tableau est favorable à cet enfant. Ce sera long, certes, mais ce nouveau né verra le jour."

Tournant la tête, elle reconnaît l'une des plus anciennes astrologues de la Ruche. Elle soupire. Puis la vieille lui presse l'épaule en souriant:

"-Si tu n'as rien à faire dans l'immédiat, aiderais-tu une vieille dame a se tenir debout?"

*** ***


La nuit a été longue, en effet. La mère à refusé les décoctions qui accélèrent l'accouchement et le travail à duré plus de dix-sept heures. Les nourrices se sont relayées toute la nuit au chevet de la mère sans relâche et la jeune nourrice à entendu plus de chants de réconfort que tout ce que sa formation au sein de la Ruche lui apprendrait jamais. Assise en compagnie de l'Astrologue, légèrement à l'écart de la couche et des sages femmes qui s'activent, elle ne peut s'empêcher de compatir à la souffrance de la mère.

*** ***


Une heure encore et l'enfant est là. Petit être fripés à la peau rougie. Son premier cri retentit en même temps que le tonnerre, mais il couvre celui-ci. La vieille dame tapote la cuisse de la jeune novice:


"-Viens! Aide moi à me lever. Il est l'heure que je traduise ce que les étoiles disent…"

S'approchant des nourrices qui s'occupent encore de la mère, l'astrologue s'approche de celle qui tient l'enfant. Elle le prend délicatement entre ses bras puis en souriant s'assied sur la couche à côté de la tydale fourbue:

"- Te voila Liadha maintenant. Ta vie d'Anja est terminée. Sois fière…C'est une jolie petite fille. Sois fière… Cette enfant sera une Danseuse. Une bonne Danseuse. Apprenez-lui l'Art, apprenez lui à virevolter, apprenez lui à n'être une pensée pour les proies qu'elle chassera… "

D'un geste tendre elle caresse la joue du bébé qui remue en babillant emmaillotée dans un drap propre. L'enfant ouvre de grands yeux gris légèrement en amandes et plonge son regard dans celui de la vieille femme, tendant vers son nez une petite main qui essaye de l'agripper:

"- Ses gestes et son regard son déjà vifs. Aussi aiguisé que l'acier qu'elle maniera il me semble…Mais son cœur est froid et bat faiblement. Bien que vive, elle sera frêle et ce sera sa faiblesse. Mais n'aie crainte, son chemin est celui de la perfection et le travail qu'elle fournira compensera grandement sa faible constitution. Elevez-la dans la tradition du Matriarcat et elle fera une merveilleuse Danseuse."

La mère, les traits tirés, épuisée par l'effort colossal qu'elle vient de fournir, sourit à la vieille dame puis ajoute dans un murmure:

"- Dhanya Liadha liseuse d'étoile, ton augure est bonne. Puisse les Dieux et le Tableau faire d'elle ce que tu dis. Mais si tu le permet vieille mère, je souhaiterais me reposer un peu maintenant…Mes forces m'ont désertées pour un moment et je pense dormir plusieurs jours si on m'en laisse l'occasion."

L'astrologue pose une main parcheminée par les âges sur l'épaule de la tydale:

"-Une dernière chose Liadha, puis je te laisserai dormir…
-Aliana…Nommez-là Aliana…J'aime ce prénom…
-Il en sera ainsi. Maintenant reposes toi, tu as fait du bon travail."


La vieille dame se relève, posant un regard tendre sur la mère qui s'endort. Adressant un petit signe de tête à la jeune nourrice qui lui a tenu compagnie, elle tend l'enfant à celle-ci, lui laissant le soin de l'accompagner dans les premières heures de sa vie.

-Aliana, Semeuse de mort de Kryg,Fer-Née-
"Danser, c'est comme parler en silence. C'est dire plein de choses... sans dire un mot!"


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