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Le Matal 26 Manhur 1509 à 22h12
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Penthésilée, en ce début Manhur, prend son bâton de pèlerine et se remet en selle pour une mission pensée et initiée trois mois plus tôt.
Tandis que Syin Lothar progresse par l'Ouest, elle et Veiglaigh partent ce jour d'Utrynia, non sans s'être préparés et équipés pour une dangereuse randonnée dont la durée se comptera vraisemblablement en semaines, sinon en mois.
La sentinelle est partie devant. Elle marche à bon train, les pieds nus pour profiter de l'herbe tendre et de la douceur des fleurs, qui signent son passage d'arômes capiteux et printaniers. La plaine déroule sa sereine monotonie sous ses coussinets, la laissant d'humeur rêveuse. Elle est irrationnellement joyeuse, alors même qu'elle va au-devant de grands dangers, en toute connaissance de cause, loin de chez elle et loin des siens. Sans raison, sans carnine, sans objet... elle plane.
L'Onÿr est consciente du caractère fragile et provisoire de la paix qui l'entoure, aussi s'en nourrit-elle avec une certaine langueur. Elle laisse trainer ses mains dans les herbes hautes, ses doigts taquinant les épis, sa queue vagabonde soulevant des nuages de pollen brumeux. Le soleil échauffe sa fourrure épaisse, encore sous l'influence de l'hiver finissant, mais elle en est plutôt satisfaite : dans quelques jours, elle abordera des paysages aux reliefs conséquents, la plaine se grêlera de collines et ces dernières se feront montagnes. Il fera froid, très froid, et le blanc pelage de la jeune nelda sera plus que bienvenu : il l'isolera thermiquement... et visuellement !
Pour l'heure, la rhona marche, ne dérangeant que les insectes. Nul monstre n'enlaidit la campagne, vide de tout danger apparent. A souples enjambées, elle engrange les kilomètres et très vite, Utrynia se font dans la brume de l'horizon. Ses tours opposent une certaine résistante, puis disparaissent enfin.
Lors que les couleurs se font crépusculaires, la Haut-Rêvante atteint l'orée du bois des mères. Elle aperçoit alors, au sein du couvert forestier, les silhouettes tristement familières de deux créatures fort hostiles : un Akrotykar pestiféré et un Jytryan déchu !
Il n'est pas question d'aller plus avant avec de tels obstacles, et sans l'expertise du Preux Veiglaigh, familier de cet environnement. Penthésilée, prenant soin de rester hors de vue des sinistres portiers, pose son grand sac et commence à s'installer pour le bivouac.
Penthésilée
Vigie du Rêve
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Le Merakih 27 Manhur 1509 à 20h52
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Veiglaigh était parti avec un léger temps de retard sur Penthésilée. Surpris de voir débarquer un compatriote équilibrien de manière inattendue et au dernier moment, il s'était attardé un peu plus que de raison à Utrynia.
Le regard inquisiteur de certaines Matriarches l'avaient d'ailleurs encouragé à reprendre sa route au plus vite.
Il se fit la réflexion que décidément, ces femelles à la mentalité déplorable étaient indécrottables. Incapables de se comporter autrement que de manière hautaine et condescendante. La rançon d'une éducation qui ne leur faisait pas craindre la mort et leur demandait d'aller mourir au "service du Déclin".
Le Tydale se demanda s'il pouvait exister raisonnement et profession de foi plus stupides.
Des rencontres de ce genre ne manquaient d'ailleurs pas de le conforter dans son choix d'avoir fui cette faction. Sa famille, si elle existait encore, pouvait-elle être composée de femmes aussi bornées et suicidaires ?
Veiglaigh, apercevant le petit campement improvisée de la Nelda, pressa le pas et abandonna sa réflexion pour revenir à des considérations plus pratiques.
*** Me voici enfin. Désolé pour ce léger contretemps.
Je vois que vous avez fait du feu....c'est très bien avec ceci nous allons pouvoir avaler un peu de viande fraiche.***
Il tendit devant lui un lièvre abattu chemin faisant.
*** Le temps de le dépecer et nous le ferons griller.
D'ici peu, je pense que nous n'aurons plus guère l'occasion de faire du feu...alors autant conserver nos stocks de nourriture séchée pour plus tard.
Et puis dans ces bois, nous allons pouvoir glaner quelques fruits et baies de saison. Car une fois dans la montagne...Nos conditions de vie vont devenir beaucoup plus précaires.
Mais cela vous le savez déjà n'est-ce pas ?***
Puis le Tydale fouilla dans ses affaires qu'il venait de déposer devant lui et posa dans l'herbe une petite amphore.
*** Un peu d'hydromel avant que je dépèce la bête ?
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Le Merakih 27 Manhur 1509 à 22h42
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| Penthésilée louche sur l'amphore d'un air concupiscent, avant de froncer les sourcils en réaction à son attitude gourmande et de s'auto-réprimander in petto. Mais elle sourit et répond à Veiglaigh :
Oui, mais alors juste une goutte. Je vais manger tôt, de sorte à m'endormir rapidement. Trois à quatre heures de sommeil me suffiront, et je pourrai veiller l'essentiel de la nuit. Je reprendrai un peu de repos au petit matin, juste avant le lever du premier soleil. Lorsqu'il fait sombre...
La jeune nelda marque une pause, envahie par une série de souvenirs puissants : combien de chasses a-t-elle suivie, puis menée, dans l'immense désert de Laommain ? Combien de chasseresses,organisées en meutes savantes, ont écumé les dunes du grand dévoreur d'âmes ?
... sombre, je ne vois pas plus loin que d'habitude, mais j'entends mieux : les bruits et les cris sont plus clairs, ciselés comme des étoiles... et les odeurs se déploient tels des rayons de lune. Je sens venir le danger de loin.
La sentinelle se fait servir une demi-bolée d'hydromel et l'apprécie par petites touches, laissant le liquide ambré et igné taquiner ses papilles. La note sucrée excite son appétit, et c'est avec les yeux brillants qu'elle regarde le tydale préparer le lièvre. Puis elle étale les braises du feu mourant et pique le repas sur une flèche trempée et cendrée ; la viande est vite à point et les deux convives se régalent, conscients d'être encore loin d'éprouver les difficultés à venir.
La haut-Rêvante propose une pâtisserie de Korsyne au Preux - une corne de Braxat, dit-elle : très nourrissant - en jetant de temps à autre des regards attentifs aux monstres qui rôdent en limite de perception. Puis elle l'observe amicalement, les yeux en amande, avant de lui demander :
Arc'Rhon, lorsque vous êtes parti du Matriarcat... qu'est-ce qui vous a décidé de refaire - ou de faire - votre vie au sein de l'Equilibrium ?
C'est la providence qui vous a mené là, ou votre désir propre ?
Penthésilée
Vigie du Rêve
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Le Julung 28 Manhur 1509 à 18h09
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Après s'être régalé avec le lièvre grillé, Veiglaigh accepta volontiers la pâtisserie offerte par la Nelda. Il ressentit chez elle une certaine nervosité, sans doute relative à la présence de terribles créatures dans les parages.
*** Ne vous inquiétez pas, j'ai décelé moi aussi leur présence....Mais ils ne savent pas que nous sommes là. Et puis vous avez fort bien choisi le lieu du bivouac. Sous les frondaisons et à l'abri du vent.
Nous serons tranquilles cette nuit. Mais je vous relaierai tout de même pour veiller, inutile de s'exposer bêtement.***
Le Tydale dégusta la pâtisserie, un brin bourrative mais tout de même succulente. Il se servit une nouvelle rasade d'hydromel.
*** Quand j'ai quitté le Matriarcat je n'avais aucune idée de mon avenir. J'ignorais presque tout des autres factions. Mais ma fierté m'interdisait cependant de revenir sur mes pas. Je suis resté dehors, seul et j'ai survécu...
***
Veiglaigh hésita sur ce qu'il devait dire. Personne ne connaissait ce pan de son existence et il n'était pas certain qu'il devait le dévoiler.
*** Je n'ai fait partie de l'Equilibrium que bien plus tard. Disons qu'effectivement, c'est la providence qui m'a conduit là-bas.
J'y ai fait l'apprentissage du culte de la Dame Grise et celui-ci convenait parfaitement à la perception que j'avais eu du monde pendant ma période d'errance.
La Symbiose, elle, a eut le don d'accélérer les choses...Et Après plusieurs années de présence à Zarlif et ayant embrassé officiellement la foi en la Dame, je suis alors devenu Equilibrien...
***
Veiglaigh n'avait pas vraiment envie d'en dire plus, partagé entre l'évidente sympathie qu'il éprouvait pour Penthésilée et sa réserve naturelle.
Il en avait déjà beaucoup dit à son propre sujet par rapport à ses recherches sur sa famille et le fait qu'il était un "inapte" originaire d'Utrynia.
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Le Julung 28 Manhur 1509 à 19h44
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| Les Lagunes de Glaces.
Pendant un instant Syin imagina ce qu'aurait été sa vie s'il n'était pas déjà passé par là. C'était le lieu de nombreuses premières fois pour lui. Première fois qu'il était en mission officiel. Première fois qu'il rencontrait autant d'étrangers symbiosés. Première grosse déception et première dépression. Premier sang de poussiéreux versé. Premier doute sur l'humanité.
Mais comme il y a quelques années, une brise caressa son visage et son regard se posa sur un simple bout de glace balloté au grès de la marée. Un sourire remplaça son habituelle grimace.
" Continuons d'avancer Chuuut. Nous pouvons encore gagner quelques lieux avant la nuit tombée. "
Le petit mou jouait la tête à l'envers dans la neige dessinant d'étranges symboles, ou simplement gribouillant, à l'aide de ses cornes.
Chuuuuuuuuuuuuut ! dit :Alors qu'est-ce qu''on va faire là bas ?
Je ne suis pas mécontent de retrouver d'autres symbiosés et leurs compagnons mais vas-tu encore te fâcher ? Parce que je te connais hein ! Toi, t'es toujours d'attaque pour une joute verbale.
" Nan... Enfin on verra. Tu me connais comme tu dis. J'y vais plutôt car je m'inquiète pour l'Equilibrium. Tu sais que j'écoute toujours ce qu'il s'y passe et en ce moment je trouve cela anormalement calme...
Peut-être Veiglaigh me rassurera. "
Chuuuuuuuuuuuuut ! dit :Alors tu n'y vas vraiment pas pour la tydale ?
" Honnêtement je doute que nous trouvions quoi que ce soit dans la grotte, à moins bien sûr que la Nelda nous cache des choses sur le but de l'expédition mais je ne jugerais pas. La coldochure ne m'est pas étrangère, hein !
Nous verrons de toute façon bien sur place. "
Le tydale continuait d'avancer à bonne hâte. Dans la neige qui l'entourait, il lui aurait fallu beaucoup de temps pour effacer ses traces, il préférait donc accélérer le pas pour disparaitre une fois quittés les zones froides.
Se retournant vers le Mou, Syin murmura :
" Qu'est-ce que je m'ennuierais sans toi. " | |
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Le Julung 28 Manhur 1509 à 23h16
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| Penthésilée écoute les propos de Veiglaigh sans évidemment les commenter, se contentant d'opiner du chef pour lui signifier qu'elle apprécie d'être ainsi instruite d'éléments somme toute assez personnels, pour ne pas dire privés.
En fait, si la confiance qu'elle accorde au tydale est assez irrationnelle, elle se dit qu'il en va de même de son coté. C'est d'autant plus étonnant, et remarquable, que l'équilibrien n'est pas, à l'évidence, d'une nature expansive. La jeune nelda est intrinsèquement honnête, sans doute jusqu'à la candeur, mais se vexerait presque d'avoir été si vite percée à jour ! Et bien quoi, elle pourrait être sournoise, ou vicieuse ? Ca s'est déjà vue !
Achille dit :Tu fais trop peur, c'est clair...
La soirée s'achève sur la note paisible de ses débuts et tandis que le Preux s'installe pour la nuit, Penthésilée entame la longue soirée de veille qui s'annonce.
Elle profite de la solitude pour se remémorer, au mot près, les quatre contes du Gardien d'Emyon. Observant un instant le crépusculaire tydale dans son premier sommeil, elle se demande s'il va rêver. Si oui, décide-t-elle, elle notera tout scrupuleusement. Ce serait proprement miraculeux, mais qui sait ? Depuis l'avènement de la symbiose, Syfaria est prodigue en prodiges.
Comme le sommeil menace toujours les Sentinelles, même fort entrainées, la Haut-Rêvante fait quelques pas aux alentours du campement, en profitant pour vérifier que nulle créature hostile ne s'approche trop dans son errance nocturne.
Ses pas la mènent un peu plus au nord de leur position actuelle. Elle repère une zone de bivouac intéressante, à six lieues au nord de sa cache provisoire. Malheureusement, elle est occupée par une plante aux racines tentaculaires des plus désagréables et malsaines : une mandragore vénéneuse.
Se hissant d'un bond sur une roche en surplomb, l'Onÿr vérifie une fois encore que le campement est calme et sécurisé. De son perchoir, elle bénéficie d'une vue imprenable sur le Preux endormi et surtout, sur la plaine qui l'entoure : nul bruit, nul mouvement sous la clarté gibbeuse d'une lune montante, nulle odeur ne vient noircir le paisible tableau.
Vers le Nord, une foule de monstres variés se devinent dans les herbes hautes. Si la Mandragore n'était plus là, la prochaine étape serait évidente...
Penthésilée s'accroupit et se positionne sans bruit. Prenant son temps, elle arme son arc d'une flèche longue et le bande posément, optant pour une trajectoire en cloche difficile à anticiper.
En silence, elle tire deux fois. Le sinistre végétal se ratatine et s'effondre finalement sur lui-même, sans avoir pu répliquer.
Satisfaite, la rhona rejoint son poste. Une vague lueur pointant à l'Ouest lui confirme qu'elle a laissé filer le temps, plus que de raison, et qu'il lui faut se reposer. D'ailleurs, le Preux Veiglaigh s'agite brièvement et présente tous les signes d'un réveil prochain. La jeune nelda s'allonge donc sans tarder et tandis que le mâle ouvre les yeux, elle lui fait un signe amical et silencieux pour signifier qu'aucun soucis n'est à signaler.
A peine a-t-elle fermé les paupières qu'elle perd connaissance. L'aube s'avance à l'horizon alors qu'elle dort profondément, sans être le moins du monde gênée par les premiers rayons du soleil levant...
Penthésilée
Vigie du Rêve
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Le Vayang 29 Manhur 1509 à 22h34
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| Penthésilée part de bon matin, découvrant les signes cabalistiques laissés par Veiglaigh avec un amusement de gamine, comme si elle devait trouver des friandises cachées dans un grand jardin. Mais la densité croissante de créatures hostiles, à mesure qu'elle s'approche du piedmont et des contreforts de la montagne, fait rapidement tourner le jeu à la partie de cache-cache plutôt stressante... de ces parties où l'on se demande quel genre de prédateur se tapi sous le lit, et n'attend que vous pour prendre son repas !
Saluant le Preux, la Haut-Rêvante le rejoint et tous deux discutent de la meilleure route à prendre. Ils conviennent de retrouver la Souffy, le cours d'eau sinuant vers le nord-ouest, qui fera un excellent repère visuel et dont la source pourra constituer, espèrent-ils, un nouveau point de bivouac.
Mais cela signifie qu'il faudra attaquer la montagne, avec son lot de monstres plus épouvantables les uns que les autres... des monstres que l'Onÿr, en simple nelda, ne peut se permettre d'affronter. Le temps d'évoluer constamment cachée est venu...
Elle repart, prenant de l'avance sur son allié équilibrien. C'est à son tour d'ouvrir la voie, et d'essayer de trouver un passage à peu près viable pour eux deux. Elle progresse sur quelques lieues en direction du nord-ouest, jusqu'à revoir la rivière, bondissante au sortir des reliefs imposants du massif. La Veilleuse suit son cours tandis que le paysage se métamorphose, se durcit et se redresse progressivement à mesure qu'elle avance toujours plus au nord.
Abordant la montagne véritable, Penthésilée note que la faune change, elle aussi : les habitants de la plaine, plus pénibles que véritablement dangereux, cèdent la place à un bestiaire particulièrement malsain !
Elle croise plusieurs loups malfaisants, qui rôdent en meutes hurlantes et décharnées, suivis de chiroptères ignés qui carbonisent tout sur leur passage ; les abominations sont légions, et quelques horreurs isolées parachèvent le tableau : ici, c'est un Condomignon qui la course, l'attaque par deux fois et la blesse finalement au bras, malgré son camouflage de maître. Là, c'est un vortex acéré qui lance ses lames vers elle à grande distance, comme pour la défier d'oser venir jusqu'à lui...
Achille dit :Quand je pense qu'on pourrait se la couler douce à la ville, près d'un bon feu de cheminée, dans ta foutue grande baraque du rêve de mes deux... T'as vraiment de la pulpe de fruit entre les oreilles, ma pauvre fille...
La jeune nelda ne doit son salut qu'à sa pointe de vitesse, doublée d'une vivacité bienvenue lorsqu'il s'agit d'esquiver les griffes, crocs et autres tentacules qu'une foule bigarrée d'aberrations lance sur son passage. Parvenue à proximité des sources de la Souffy, elle se faufile dans un chaos de roches pour échapper à la vue de ses poursuivants, avant d'examiner les plaies de son bras : elles sont sérieuses et nécessitent des soins.
A défaut de pouvoir vraiment refermer les entailles profondes, la rhona peut au moins les nettoyer : s'avançant sans bruit vers le premier bassin naturel formé par la fonte des glaces, elle s'y glisse lentement, louant son pelage isolant, et entreprend de laver délicatement ses plus vilaines blessures.
Penthésilée
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Le Dhiwara 31 Manhur 1509 à 21h03
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| La haut-Rêvante a retrouvé le paysage qu'elle avait appris à découvrir, celui des collines mal-nommées, mais bien qualifiées, de "maudites".
Un an plus tard, presque jour pour jour, la voici de nouveau courant de cols en cols, de vallées glaciaires en vals perchés, pour une idée qu'elle voudrait bien voir vivre mais qui pourrait, plus vraisemblablement, sceller sa mort. Si le froid l'épargne !
Le relief de cette région du monde s'apparente à de la haute montagne, non à de simples ondulations de terrain. Il est toujours difficile d'estimer l'altitude d'un tel endroit, mais il est évident pour Penthésilée qu'elle évolue plusieurs lieues au-dessus de l'océan blond du désert de Laommain : depuis trois jours, il neige sans discontinuer et sa crinière elle-même a blanchi, couverte de givre ou de poudre de glace. La pente de terre gelée, dure comme le roc, a disparu sous les congères et la poudreuse traitresse ; désormais, l'Onÿr évolue sur des glaciers et des séracs striés de failles et de gouffres invisibles. Comme si ces pièges ne suffisaient pas, la faune est on ne peut plus hostile.
Les sens affutés de la jeune nelda tournent à plein régime et une fois de plus, elle a du faire un écart pour éviter l'assaut maladroit d'un loup malfaisant. Ce dernier, tout comme d'autres créatures du cru, voit plus loin : le regard porte, en montagne, ce qui n'est pas pour arranger les affaires de Penthésilée.
Installée dans une anfractuosité de roche, elle observe l'étrange manège d'un tisseur de rêve assis sur une moraine. Le curieux être semble fort occupé à tirer sur sa pipe, complètement indifférent à la présence d'un Jytryan déchu portant posté à deux jets de pierre de lui. La Sentinelle envie son flegme : s'il ne craint rien, c'est qu'il n'a rien à craindre...
Pourquoi n'est-il pas attaqué, ou simplement inquiété ? Encore un petit mystère à mettre sur le compte du mensonge ! Mais cette explication, finalement, ne convainc pas la rhona : il a bon dos, le mensonge, quand on ne comprend rien...
Penthésilée
Vigie du Rêve
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Le Luang 1 Jayar 1509 à 09h01
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| Penthésilée, la mort dans l'âme, a encore une fois été obligée de se déplacer pour éviter la trop grande proximité affective d'un flaviste colossal, qui l'aurait bien serrée dans ses bras pour un dernier câlin.
Elle a bien compté ses pas, pour guider à distance le Preux Veiglaigh, mais elle n'est plus à la dernière position qu'elle lui a indiquée. Lorsqu'il va s'approcher de sa précédente cache, il ne la trouvera pas... mais il repèrera sans difficulté les signes cabalistiques qu'elle a laissé trainer à son intention, de sorte qu'il remonte sa piste sans difficulté : les chutes de neige incessantes ruinent toute tentative sérieuse de suivi, sans ce genre d'artifice.
La Haut-Rêvante note qu'au prochain passage de col, elle atteindra une terrible zone de tempête et de vents violents : le blizzard tournoyant s'acharne sur toute uhne portion de la montagne, en particulier le long d'une ligne de crête précisément située... là où, dans son souvenir, se cache le nid d'aigle de Kysall.
Et si..? Et si son voyage prenait fin ?
Si la grotte était bien là ?
Précautionneuse à l'extrême, l'Onÿr évolue bien camouflée, blanche et givrée sur fond de poudreuse immaculée, et s'avance en direction de l'ouest. Elle veut en avoir le coeur net et surtout, elle souhaite vérifier - ou infirmer - la présence de veilleurs à l'affût. Elle se souvient les avoir repérés, non sans difficulté, lors de sa première venue... après trois jours d'observation assidue. Cette fois, elle sait où regarder, elle a fait de prodigieux progrès en scrutation et en vision distante, et comme elle ne s'est jamais laissée voir... elle table sur une efficacité accrue.
La grotte se dévoile rapidement, obscure virgule dans l'albâtre sinistre de la falaise glaciaire. Les vents glacés hurlent dans la ravine, arrachant par plaques et par longues flèches des morceaux de cascade gelée, comme pour les lancer sur les imprudents qui oseraient l'approcher. Le trou sombre et béant est un tue-l'aventure comme la Sentinelle en a rarement vu : sinistre et laid, il s'apparente plus à la gueule d'un monstre assoupi - voire, à l'antre du Vargulfr - qu'à la promesse d'une joyeuse virée spéléo entre copains amateurs de sports d'hiver.
C'est en observant attentivement la paroie verticale, et son gouffre sordide, que la rhona se souvient soudain : comme bien des siens, elle est à tendance claustrophobe. L'aventure onirique, enfin cauchemardesque, qui l'a propulsée à ses débuts dans la cave méphitique de Karash n'a rien arrangé...
Elle se dit un instant que l'intérieur est peut-être vaste, immense même, qu'elle y aura les coudées franches et pourra même gambader, courir, sprinter... sprinter pour fuir, fuir vite et loin de ce piège mortel !
Terrée dans sa cachette, la jeune nelda se positionne pour une observation longue, récitant mentalement un mantra à la gloire des Quatre et d'une mort honnête, c'est-à-dire consacrée à la protection du Rêve et de la Quête des mâles. A défaut de la rassurer, ce genre de pirouette spirituelle a le mérite de l'apaiser.
Penthésilée
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Le Luang 1 Jayar 1509 à 19h13
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| Quelques heures plus tard, les sons distants mais caractéristiques d'un combat parviennent aux oreilles de la rhona.
Elle met le bout du museau en-dehors de l'anfractuosité neigeuse qui la cache et jette un oeil vers le nord-ouest, dans la direction supposée du vacarme. Quelle n'est pas sa stupeur de découvrir alors Syin Lothar, en plein combat avec un chiroptère monstrueux ! La créature semble fort mal en point, couinant et voletant de-ci de-là, tandis qu'elle subit les effets manifestes d'une puissante sorcellerie d'attaque.
Le tydale n'est ni invisible, ni camouflé, à trois ou quatre lieues de la grotte de Kysall ; mortifiée, Penthésilée prie de plus belle pour qu'aucun guetteur ne soit posté aux alentours, car nul doute dans ce cas que leur joyeuse équipée est d'ors et déjà connue et attendue de pied ferme !
Dans l'espoir peu vraisemblable qu'il soit encore temps de rectifier le tir, la jeune nelda envoie aussitôt un message mental au bouillant équilibrien, afin qu'il fasse preuve de plus de discrétion...
La mission d'investigation commence sous de drôles d'auspices !
Se repositionnant, la Haut-Rêvante décide d'utiliser l'évènement malheureux de la seule façon positive qui soit : elle scrute plus attentivement encore les abords de la grotte, ainsi que les bons points d'observation de la région, afin d'y détecter les éventuels mouvements que le combat pourrait provoquer chez les sentinelles ennemies...
Si sentinelles il y a.
Penthésilée
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Le Matal 2 Jayar 1509 à 17h14
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Le souffle court et rauque, Veiglaigh avait réussi à échapper à ses poursuivants. Il se recroquevilla dans une vaste anfractuosité rocheuse afin de se cacher et de panser ses multiples blessures.
Il avait suffit pendant un court instant que le vent qui balayait le flanc de la montagne change brutalement de direction pour que le bénéfice du soigneux camouflage du Tydale soit perdu. Et cela n'avait pas échappé au loup malfaisant qui avait élu domicile dans ce coin escarpé. La bête n'avait d'ailleurs pas tardé à rejoindre Veiglaigh pour l'attaquer sauvagement. L'armure de cuir du Preux en fut si sérieusement lacérée que les griffes du loup pénétrèrent sa chair et que son sang se mit abondamment à couler.
Dans un réflexe aussi vif inattendu pour l'assaillant, le Tydale décocha un violent coup de poing sur le museau de la bête qui recula en glapissant. Ce répit salvateur permit au Preux de s'emparer de son arc et de décocher aussitôt une flèche qui eut pour effet de faire fuir la créature pêrvertie, au moins momentanément.
Malheureusement, le bruit occasionné par la brève lutte attira une nuée de Chiroptères monstrueux qui harcelèrent le Tydale, lui occasionnant de nouvelles blessures, jusqu'au moment où un Amas de lamentation, attiré à sont tour par la bagarre, mis tout le monde en fuite.
Veiglaigh profita de la confusion pour comprimer sa plaie la plus profonde avec un pan de sa cape et quitta prestement les lieux en prenant grand de soin de camoufler ses traces du mieux possible. L'Amas de lamentations n'était pas un traqueur émérite, il fallait en profiter pour mettre le plus de distance possible entre lui et sa proie.
Le flanc poisseux de sang, Veiglaigh put enfin souffler après plusieurs lieues d'une course folle au milieu des rochers. Mais il ne pouvait aller plus loin. Pas sans se soigner en tout cas. Il gagna un endroit qui semblait pouvoir lui offrir une protection temporaire. Là, il attendit l'arme au poing en observant les environs afin de s'assurer que nul n'était parvenu à la pister.
Il avait semé l'Amas, cela il en était certain. Les Chirotpères, eux, étaient partis dans une direction opposée lorsque l'Amas s'était invité aux festivités....Restait le Loup malfaisant et son puissant odorat. Lui pouvait flairer le Tydale ou les quelques traces de sang qu'il avait dû laisser ici et là.
Mais après de longues minutes d'attente angoissée, le Preux ne vit personne arriver à sa suite. Il en profita pour sa cacher le plus convenablement possible entre les rochers et dégrafa sa cape afin d'ôter son pourpoint ensanglanté et son armure déchirée. Il s'administra quelques premiers soins rudimentaires afin de stopper le plus importante de ses hémorragies. Une potion de soin lui permis ensuite de récupérer plus rapidement que d'ordinaire de sa mésaventure.
Il décida de passer la nuit ici, dans cette petite alcôve rocheuse. Et au petit matin, une fois qu'il se serait reposé un peu, il utiliserait sans doute la sorcellerie afin de cicatriser convenablement ses plaies pour éviter tout risque d'infection.
A priori hors de danger pour le moment, le plus difficile pour le Tydale serait de trouver un semblant de sommeil, seul et dans un tel endroit. Sans compter que la nuit promettait d'être glaciale.
Il avait cependant déjà connu des situations compliquées. Et ce n'était pas le moment de s'apitoyer car celle-ci n'allait certainement pas être la dernière...Et puis il connaissait les risques lorsqu'il avait accepté de suivre Penthésilée dans cette entreprise. De l'adrénaline, du sang et de la sueur....la mission remplissait déjà toutes ses promesses.
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Le Merakih 3 Jayar 1509 à 00h01
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| Penthésilée alterne les phases de relaxation et de repos à celles, beaucoup plus prolongées, d'observation assidue et rigoureuse des environs.
Après une journée et une nuit de scrutation, tandis que des papillons lumineux commencent à danser la sarabande derrière ses paupières mi-closes, elle se terre tout au fond de son trou de congère et part aussitôt dans le néant et l'oubli de soi, pour un sommeil sans rêve. Roulée en boule comme un animal hibernant, elle demeure profondément endormie six bonnes heures d'affilée, la tête enfouie dans sa queue touffue comme une figure tutélaire d'Ouroboros.
Elle s'éveille lorsque le soir tombe. Usant des dernières lueurs du crépuscule pour inspecter les abords de la grotte, la jeune nelda attend qu'il fasse plus sombre et, entre chiens et loups, se déplace lentement vers la falaise. Elle s'en rapproche délicatement, par touches successives, afin de bénéficier d'un nouveau point de vue plus restreint mais plus précis.
L'attente nécessaire du Preux Veiglaigh ne lui pèse pas, au contraire : elle oblige, en quelque sorte, les visiteurs à la patience et de fait, Syin Lothar ne bouge plus de sa propre cachette. Sans doute inspecte-il lui aussi les champs de neige, à la recherche d'indices ou de traces ? La Haut-Rêvante sait très peu de chose de la culture équilibrienne, mais elle s'inquiète un peu : l'appréhension fine du temps qui passe est une spécificité de l'Ordre : à chaque tâche, sa durée. Faire le guet se décline en jours, en nuits, en semaines si nécessaire. Quid de la façon des équilibriens ? Savent-ils s'étirer, se déployer corps et âme, du passé à l'avenir, sans se limiter à l'instant présent ?
Syin Lothar, Veiglaigh... Ils sont tydales, tous deux. Et les tydales sont souvent pressés.
Le "retard" du Preux, finalement... a du bon.
Penthésilée
Vigie du Rêve
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