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Le Matal 15 Saptawarar 1509 à 00h57
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| on capuchon sur ses épaules, découvrant sa chevelure de Sang-Âme. Face à son lumineux et impérial client, elle était sobriété et humilité dans sa robe noire destructurée.
Obéissant au signe de main, elle posa l'étui moelleux sur la table et s'assit, toujours tendue.
Les mots s'envolèrent et leur poésie lui firent un instant oublier ses nerfs à vif.[/action]
Quant au sommeil du Nuage, il était de plomb. Le corps réclame vite son dû. Elle n'a pas rêvé, mais les visages, les mots, les étoiles du Masque n'ont pas quitté l'âme de la Sombre depuis son retour dans le Joyau.
Mêlés de l'éclat des Métamorphes et des formes délicates.
Rien de céleste dans la façon....
Ce n'est que le brasier dévorant à l'intérieur l'Ombre.
Terre-à-terre.... Les enfants des entrailles des montagnes modelés élevés par les langues brûlantes de leur mère.
Chocs et tremblements....
Mais les muses.... les muses étaient célestes oui. Elles étaient des sons mélodieux, les images des mots inspirés d'un poète masqué. Feu et souffle. Combustibles éternels et comburants éthérés. Elle les a murmurés aux âmes naissantes, pour les imprégner de vibrante beauté.
Des noeuds lumineux de Flux et de Fils descendent-elles les âmes des Inertes ? Peut-être bien.... Tresser une âme dans un corps n'est pas simple. Comprendre sa source.... demanderait le retour de souvenirs perdus.
*** Un silence un peu perdu suivit la tirade de l'artisane. Son regard détaillait pourtant avidement les détails du masque ornementé.
S'arrachant à la contemplation, elle dédaigna l'étui et poussa un petit sachet de cuir doux en direction du masque.
Lesté d'une bague à n'en pas douter. ***
Shyama,
Sombre comme un Nuage
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Le Merakih 16 Saptawarar 1509 à 04h18
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| *** La Sang-Âme se pencha instinctivement en avant, guettant la plus infime réaction du Masque lors de la découverte tant attendue.
L'étui défloré par la main gantée révéla l'éclat mat de deux pommeaux jumeaux.
Le premier était une ronde lune d'agathe veinée d'ivoire; sa soeur d'onyx, d'un gris pâle aux noires artères.
En y regardant de plus près, elles étaient chacune gravées sur les deux façes de délicats camées, imperceptibles au premier coup d'oeil. Les masques tragiques et comiques, opposés sur chaque façes lunaire. Melpomène et Thalie.
Des sphères émergeaient un bouquet de fines arabesques, s'enroulant avec complexité en deux gardes sphériques. Les filiformes rubans d'or pour la première, d'argent pour la seconde, s'interpénétraient et semblaient s'entrecroiser en un noeud gordien. Et pourtant, le plus léger mouvement pouvait séparer les deux siamoises.
Les quillons étaient réduits à leur plus simple expression.
Une fois dégainées les deux armes révélaient une fine et souple lame pour la rapière, rouge sombre et or; large et tranchante comme un sabre pour l'épée d'argent et de sable.
Les ricassos laqués respectivement de cramoisi et de noir arboraient chacun six petit nuages gravés jusqu'au métal.
Les lames, damasquinées à leurs couleurs d'arabesques d'or ou d'argent bruni, luisaient doucement.
Si la gouttière de l'épée, aussi polie que la rapière, se faisait discrète, ses fils acérés brillaient d'un éclat redoutable.
Les riches ornements auraient pu alourdir les armes en un placard empesé, mais la légereté de chaque tracé, la parfaite simplicité des lames de qualité exceptionnelle prévenaient ce fatal travers de bien des lames de parade.
Impatiente, tendue, Shyama guettait une réaction, attendait la rencontre des âmes.
***
Shyama,
Sombre comme un Nuage
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Le Merakih 16 Saptawarar 1509 à 12h54
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| Le Masque observe les deux épées sans rien dire, muet de fascination.
Elles l'appellent comme des soeurs, oeuvres de mort forgées dans le carcan de l'art.
La complexité et la beauté des ornements l'accaparent, tout comme leur puissante aura baroque, qui le conquière.
Le sabre, autant que la rapière, lui semble parfait. Chaque détail renforce leur mysticisme enivrant.
Voilà deux traits de caractère ajoutés au Masque. Deux signes distinctifs qui ne le quitteront plus.
Et qu'il chérie déjà comme des Artéfacts. Des oeuvres d'art pleine de cette magie ancienne qu'il adore.
Ses deux yeux vairons se reflètent dans la brillance des lames, elles aussi parts hétérochromes d'un même regard.
Son doigt glisse sur chaque partie des épées, courbes et arabesques, gravures et sculptures.
De quoi voltiger avec panache et grandeur, percer des coeurs entre les pages du roman noir de l'existence.
Elles seront son verbe, sa danse, son pinceau aux plumes d'acier quand viendront à manquer les mots.
Sa main droite glisse dans la garde du sabre et s'accroche délicatement au pommeau.
Il se lève doucement et tend son arme, brasse l'air avec l'épée.
Ses yeux brillent d'une démence flamboyante, comme si il avait entre les mains quelque pouvoir obscur.
Il s'entraîne ensuite avec la rapière, dans des mouvements et une joute pleine de mesures. La voilà bretteur et duelliste.
Avec cela, n'est-il pas loin de son accomplissement le plus total ? se demande-t-il en démesure de lui-même.
Les jumelles, déjà, ont réveillé en lui un autre démon. Romantique et destructeur, dévorant.
Deux nouvelles expressions qui canalisent plusieurs folies du maître.
Les esquisses gracieuses des rêves d'élégances ombreuses et nuancées.
Les flammes de l'entropie fondamentale qui coule dans ses veines embrasées.
Les avez-vous nommé ? s'enquière-t-il finalement.
Les emballant de nouveau dans leur étui.
Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?
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Le Julung 17 Saptawarar 1509 à 00h34
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| *** La Sang-Âme regarda les lames disparaître avec une nostalgie teintée de la tristesse d'une mère voyant ses enfants chéris la quitter.
Elle énonça, comme une évidence : ***
Drajl et Kvetha....
La pointue, sournoise et mielleuse.... Elle murmure une douce chaleur, mais ne cherche que le chemin le plus simple pour toucher les coeurs. Attirée par la chaleur, irrémédiablement, mais porteuse de froid. Vif et agile serpent se faufilant pour mordre.
La tranchante, douce, et maternelle. Lame, mère, enfant, charmeuse, boudeuse, elle aime hypnotiser et prendre soin.
Lorsqu'elle tranche, elle est éclat de glace. Froid rayon de lumière solidifié. Dent de sabre de tigre des neiges.
Le sang qui gicle, vole, fuse en arabesques....
Leurs âmes sont entières, ombrageuses, fières, civilisées.
Elles sont danseuses du Déclin, aux noms pourtant nemens.
Elles sont chanteuses du Destin.
Astres portant à la poussière ce qu'ils ont annoncé du haut des Cieux.
Puissent-elles être pinceaux agiles de l'artiste à la langue acérée.
Puissent-elles être agréable compagnie.
Puissent les mains du Masque être pour elles douceur paternelle....
Ainsi soit écrit le Tableau.
Shyama,
Sombre comme un Nuage
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Le Luang 21 Saptawarar 1509 à 17h56
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| *** Toute la tension angoissée de Shyama s'évanouit bien vite aux mots d'Harmonie d'Umbre.
Oui, il appréciait.
Bien sûr, il comprenait. Comment avait-elle pu en douter, alors qu'il avait déjà fait montre de tant de perception sensible et subtilité perceptible ?
Évidemment, il serait une bonne nourrice pour elles. Nourrice incongrue, certes. Si la maternité n'était pas forcément affaire de femmes, surtout au Matriarcat, l'idée qu'un Autre saurait apprécier une Lame à sa juste valeur lui était encore nouvelle....
Et pourtant, pouvait-il vraiment être Etranger, lui qui semblait tant connaître des Filles du Déclin ?
Pouvait-il vraiment être Autre, lui qui semblait être un autre reflet de sa propre âme ?
La question du dandy masqué la détourna de celles de son esprit agité. Elle contempla un instant l'anneau qu'elle connaissait par cœur. La chevalière masculine était ornée de cinq turquoises disposées en étoile sur un métal aux couleurs des astres. Cinq pierres mates taillées de mille facettes comme les plus brillantes des pierres précieuses.
La disposition des pierres, leur taille, la couleur du métal... A chaque nouveau coup d'œil, la bague paraissait tout autre.
L'envers des Cieux.
L'envers du décor.
La simplicité de la complexité.
La multiplicité des visages d'une seule et même "réalité".
Elle acquiesça.
***
Voici l'ouroboros fini.
Plein de forces invisibles. Une poche de Métamorphe pour le Flux.
Shyama,
Sombre comme un Nuage
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Le Luang 21 Saptawarar 1509 à 19h42
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| Par les Six....
Etouffés dans un murmure contemplatif, les mots du Masque s'évaporent dans l'éther avant même d'avoir pris consistance dans l'univers sensible des sons. Il reste coi devant la beauté du bijou et la puissance du talent qui l'a forgé. Il a rarement vu de réalisation aussi aboutie, tant dans son apparence que dans sa signification, plus virtuose encore dans la force du lien unissant ces deux concepts, ici parfaitement indissociables. Il fait un instant tournoyer l'anneau à la lumière ambiante, cherchant l'insaisissable, avant de le faire glisser dans un de ses doigts. La puissance de la chevalière achève de le subjuguer. Efficient, en plus de tout cela. Que dire ?
C'est...tout bonnement...merveilleux. Ce que vous avez réussi à faire avec cette bague, ce que vous avez accompli...
User d'une telle oeuvre d'art comme outil pour d'autres oeuvres en devenir, il n'y a rien de plus beau pour un artiste.
J'ignore quoi dire, tout simplement, et invoquerai à ce titre la loi du silence, qui vaut ici d'être respectée.
Il s'attendait à un travail remarquable de la part du Nuage, après leur entretien et ce qui s'était tissé entre eux, mais de là à imaginer des créations aussi fantastiques et aussi proches de ce qu'il désirait, cela frisait l'inconcevable en matière d'osmose... Comment la remercier pour ces lames aux mortelles inspirations et cet ouroboros aux chimères miraculeuses ? Des cristaux ne suffiraient pas. Pas de son point de vue... Tous les cristaux du monde ne pouvaient décemment acheter des chefs d'oeuvres aussi...parfaits ?
Il lui faut quelques minutes pour se reprendre et reconsidérer la présente situation.
Son visage d'or masque heureusement la gêne qu'il ressent alors.
Que puis-je...que dois-je faire pour...vous rétribuer ?
Dites-moi votre prix, bien sûr, mais...quelque chose d'autre avec.
Ou bien considérez que j'ai une dette envers vous...et je suis homme de parole.
Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?
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Le Luang 21 Saptawarar 1509 à 22h06
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| *** C'est presque de la surprise qui apparut sur le visage de la Sang-Âme. ***
Ah, le prix. C'est vrai.
*** Elle sortit un papier froissé et griffoné d'une poche, et, après quelques marmonnements, énonça un nombre. ***
655 morions.
*** Ceci passé, son visage reprit vie : ***
Quelque chose d'autre ? Une dette ? La Sombre ne voudrait pas laisser un tel espadon planer au dessus de la parole d'un homme d'honneur.
Elle sait de toute façon déjà quel tribut réclamer. La promesse d'être à nouveau charmée par la poésie des mots du Masque. Ouïr ou sentir les pensées des aventures de ses filles aux côtés de l'artiste. Leur participation au Tout.
Cela serait si doux à la Sombre....
Shyama,
Sombre comme un Nuage
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Le Matal 22 Saptawarar 1509 à 09h42
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| Parfait, voilà un procédé qui nous contentera tous les deux. Vous revoir sera pour moi un véritable ravissement. Et vous conter la course stellaire de vos lames sur le Tableau sublimera mon bonheur. Le prochain voyage que j'entreprends, le premier pour elles, sera certainement riche en mésaventures panachées. J'espère donc, à ce titre, vous revoir bientôt.
Le Masque pose sur la table une boîte et une bourse, qu'il offre au Nuage. Les deux récipients sont lourds de cristaux.
Je suis désolé, me voilà contraint de vous payer la majeure part de votre travail en monnaie étrangère. L'accès de votre ville m'étant interdit, je n'ai pu métamorphoser mes sardoines en morions. 620 sardoines ici et, dans le sac de cuir, 50 morions. Le supplément vous permettra de vous acquitter du taux de change sans amputer la somme que je vous dois.
D'un mouvement ample et délicat, Umbre ramène l'étui vers lui et le soulève afin de transporter son précieux chargement sous le bras. Puis il quitte sa chaise et se dresse de toute sa hauteur au-dessus de la table et de son interlocutrice.
J'aurai aimé partager d'autres sublimes échanges avec vous et laisser le temps mentir à notre propos, mais les fils de l'existence tirent ma carcasse costumée sur les autres scènes de notre vaste théâtre, dont l'avenir proche semble aujourd'hui compromis. On appelle le comédien pour d'autres représentations, ailleurs, dans un lointain mystérieux.
Un doux silence s'interpose entre les paroles feutrées du Confrère.
En attendant, l'art et l'écho de la Sombre accompagneront le Masque et ses grimaces.
Jusqu'au jour où il pourra de nouveau contempler les motifs ethérés de sa belle âme.
Et du gracieux visage qui la porte, elle et sa lyre de métal.
Il s'incline respectueusement, humble, sans exagération ni théâtralité.
Mes hommages, ma Dame.
Et se dirige vers la sortie, à la fois alourdi et transporté par ses nouvelles possessions.
Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?
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