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Fliz écarta le rideau faisant office de porte et pénétra dans la petite échoppe de Grizalde. C'était une vieille guérisseuse non-symbiosée connue dans le quartier pour sa bienveillance et son inventivité dans le domaine des potions et remèdes. Le compagnon tailleur était déjà venu la voir hier, et il serait surement amené à revenir encore pendant plusieurs jours.
Grizalde sourit en voyant entrer le jeune nelda et l'invita sans attendre à l'accompagner dans son "laboratoire". La pièce en question était en fait une cuisine où se côtoyait sans distinction éléments culinaires et alchimistes : les casseroles se mêlaient aux alambics, le shoumië avait pour voisin des amanites...
Grizalde a dit :J'ai fait quelques mélanges intéressants après ton départ hier. Je pense que l'on pourrait peut-être les utiliser. Je vais te montrer.
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Deux jours plus tôt, exaspéré par son impuissance face aux évènements, Fliz avait fait l'inventaire de ce qu'il pouvait faire pour assister les rêvants. Le bilan n'était pas très brillant. La seule chose qu'il pouvait vraiment faire c'était de s'assurer que rêvants et veilleuses ne manquent de rien que le mensonge puisse leur offrir.
L'un des problèmes posés par l'interdiction de Fyridor de mettre les non-symbiosés au courant des événements était que la population ne se rendait donc pas compte de la gravité des choses. Certes ils voyaient bien que le monde du rêve semblait troublé et que le sommeil des rêvants était anormalement agité mais ils étaient bien loin de deviner à quel point le danger était grand. Et par conséquent Fliz craignait qu'ils ne s'investissent pas dans leurs tâches autant que la situation l'exigeait.
Il s'était donc mis à faire des rondes régulières et silencieuses dans la shamesha et devant les tentes des Éveillés afin de s'assurer que vivres, eau, linges et tout ce dont on pouvait avoir besoin soient sans cesse renouvelés. L'eau devait toujours être fraîche et donc renouvelée régulièrement. Le petit bois pour faire bouillir de l'eau ne devait jamais manquer. Dès qu'il s'apercevait que quelque chose risquait de manquer, il allait immédiatement chercher du ravitaillement. Il laissait également de petites notes devant les tentes afin que les veilleuses puissent y inscrire ce dont elles avaient besoin pour qu'elles l'obtiennent au plus vite. Quiconque se promenait dans la Shamesha avait l'impression de le croiser à tous les coins de rue, portant à chaque fois un chargement différent.
Fliz passait également énormément de temps au marché et au souk à négocier pour obtenir pour les rêvants les meilleurs produits que l'on puisse se procurer. Il avait organisé une chaîne de ravitaillement du souk jusqu'à un entrepôt de Grior très proche de la Shamesha afin de raccourcir au minimum les temps de trajet pour approvisionner la Shamesha et les rêvants.
Fliz s'était même surpris à commencer à donner des ordres à d'autres compagnons (souvent plus âgés et expérimentés que lui) afin de pouvoir déléguer certaines tâches et donc gagner en efficacité. Il fut encore plus surpris de constater que la plupart lui obéirent sans trop discuter. Pourquoi ? Fliz ne se posa pas trop la question. Pas le temps. Trop de choses à organiser et à faire. Il y réfléchirait plus tard.
Une fois la logistique posée, il s'interrogea sur ce qui pourrait être utile aux rêvants et aux veilleuses.
De ses réflexions, deux idées ressortirent : améliorer la qualité de la nourriture et ses vertus en incorporant à sa recette des éléments d'alchimie. Il savait qu'il existait des potions pour revigorer le corps, purifier le sang ou encore tranquilliser l'esprit. Si l'on pouvait incorporer ces propriétés à la nourriture...
Dans le même ordre d'idée, les veilleuses avaient besoin de rester alertes et éveillées le plus possible. Si l'on pouvait leur donner de quoi les soutenir et les stimuler cela ne pourrait qu'être bénéfique.
Fliz se considérait comme un cuisiner relativement talentueux. Par contre, il n'y connaissait goutte en matière d'alchimie. Il devait trouver quelqu'un qui l'aiderait dans son projet afin que la conjugaison des talents réussisse là où il ne pourrait rien seul. C'est ainsi qu'il pensa à la vieille Grizalde...
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Quelques heures plus tard, Fliz ressortait de la boutique de Grizalde avec dans ses bras un pot contenant un brouet de légumes aux vertus apaisantes pour l'âme, une bouteille d'un breuvage particulièrement mauvais et amer mais extrêmement énergisant et chassant toute trace de sommeil et enfin une sorte de soupe un peu épaisse et insipide mais redonnant force et vigueur au corps.
Bien sûr, il y avait eut bien des ratés (les fonds de casseroles et marmites étaient là pour en témoigner) et les différentes recettes nécessitaient encore d'être perfectionnées et améliorées. Rien que le goût de ces aliments laissait franchement à désirer. Mais c'était un début.
Tout en reprenant le chemin de la Shamesha, Fliz pensa à contacter d'autres Alchimistes pour leurs demander de l'assistance dans leurs efforts. Il ne connaissait que Krong et lui envoya un message mental. Mais plus ils seraient nombreux sur cette tâche meilleurs seraient les résultats aussi projeta-t-il également une pensée sur le consensus.
Bien que constamment préoccupé par les charges qu'il avait endossé de lui-même, Fliz se sentait bien mieux : il avait l'impression d'être utile à quelque chose. Enfin.
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