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Le Luang 25 Manhur 1509 à 00h43
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| *** Dans la plupart des quartiers, il semblait qu'il n'y ait définitivement plus la moindre trace de Poussiéreux. ***
*** Ils ont tous été bien pressés de rentrer dans leur faction. ***
*** Et dire que celà faisait une éternité que les Poussiéreux et les Nemens n'avaient pas eu l'occasion d'avoir de véritable contact. Etait-ce là tous ce qu'ils avaient à se dire?
Émergeant de ses pensées, elle accosta un marchand ***
Bonjour, excusez moi, je suis à la recherche de plantes ou de boissons agissant sur les rêves. Vendez vous ce genre de produit, ou sauriez vous m'indiquer ou je pourrais trouver cela s'il vous plait?
La Foi... une aveugle qui donne des yeux à l'Espérance.
Le changement prend du temps. | |
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Le Dhiwara 28 Jayar 1509 à 22h49
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| Au milieu des étals bigarrés, l'on pourrait se croire un instant dans quelque ville poussiéreuse usuelle. Mais à Ulmendya, l'agencement des marchandises est à la fois plus rigoureux et plus opulent. Qu'il s'agisse de commerce ou d'architecture, la démesure nemen frappe tant les yeux que les esprits.
Pourtant, l'ambiance est feutrée, presque discrète. Les passants, les camelots eux-mêmes affichent une certaine distance, distillant cette impression vague et tenace d'indifférence qui les caractérise. Sekaï le ressent, ici plus qu'ailleurs peut-être, car un bazar n'est pas précisément un lieu calme. En théorie.
Celui qu'elle aborde relève le nez de ses tissus, observe attentivement la jeune tydale qui lui fait face, ouvre la bouche... et se fige.
Il fixe quelque-chose, par-dessus l'épaule de la témoin. Il voit quelqu'un, plus précisément. Sans y prendre garde, sans calcul, par simple mimétisme réflexe, Sekaï se retourne et suit la direction de son regard.
Le marchand polarise son attention sur trois personnes : deux gardes, lourdement armés, harnachés comme pour la guerre. Ils encadrent une nemen d'apparence jeune, au port altier, aux grands yeux las et sans âge. Une Rune spectaculaire serpente sur son front, une Rune qu'il est difficile de regarder sans ressentir une gêne croissante, un curieux malaise, un désir... de fuite et de renoncement. Un découragement, un accablement croissant. Une furieuse envie de se détourner et de partir, vite, loin...
La tydale se concentre, s'ébroue mentalement et se reprend. Elle cesse d'observer le troublant motif et perçoit, enfin, les traits du visage de l'inconnue. Il lui semble l'avoir déjà vue... ou pas.
Ce n'est pas clair...
Cette dernière laisse courir son regard sur les étals environnants, avant de croiser celui de Sekaï. Elle s'attarde un instant, ses pupilles se dilatent et d'un geste vif, elle rabat une mèche de cheveux sur son front.
La gêne disparait. | |
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Le Luang 29 Jayar 1509 à 01h39
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Cette ambiance omniprésente, ce sentiment de malaise qui l'avait suivit tout au long de ces mois et qui avait peu a peu disparu avait soudainement refait surface: elle se retrouvait à nouveau comme dans un rêve ou le monde reste figé, un monde sans vie. Etait-ce là la véritable nature des Nemens?
Cette dimension avait soudainement été bousculée par l'arrivée de ce convoi apparemment exceptionnel si l'on en croyait le comportement du commerçant.
Durant l'intégralité de la scène, même malgré son affolement intérieur, elle n'avait pas bougé, ni cillé. Elle avait été comme hypnotisée.
Ce n'est que lorsque l'étrange procession quitta son champ de vision qu'elle sortit de sa torpeur.
Et c'est à ce moment qu'une floppée de questions et de réflexions surgirent de son esprit: qui était cette jeune Nemen?
Une grande personnalité? Non, les commerçants n'avaient pas semblé lui rendre hommage d'une quelconque manière.
Une criminelle réputée alors? Ca pourrait coller, mais elle ne semblait dotée de nulles entraves physiques ni psychiques.
Une personne à la notoriété controversée? En effet, les commerçants avaient semblé perturbés par sa présence. Mais au fond, elle l'avait aussi été alors qu'elle ne la connaissais pas? Elle avait un doute sur ce point. Enfin du moins, la gêne était partie au moment ou la Nemen avait caché cette étrange Rune qu'elle portait au front. Un signe de supériorité sans nul doute, mais dont la signification lui échappait totalement...
Un pouvoir puissant et craint, peut être même tabou, une sorte de fardeau qu'elle se faisait honneur de porter même s'il pouvait conduire à sa destruction ainsi qu'à ceux qui l'entourent. Mais peut être plus simplement le signe d'une hiérarchie plus secrète, propre aux Nemens.
Sekaï songea alors qu'elle en savait bien peu sur les signes. La puissance de certains d'entre eux semblait infiniment plus puissante que tout ce qu'un Poussiéreux ne pourrait espérer pouvoir supporter.
Tout d'abord le Callimancien et la Rune vivante qui se trouvait étalée sur le parchemin. Maintenant, celle-ci qui l'avait beaucoup perturbée. Elle ne pouvait plus nier plus longtemps ce qu'elle voyait, et surtout pas en tant que Contemplateur. S'sarkh ne lui pardonnerait jamais d'avoir ainsi ignoré de tels signes même s'ils ne provenaient pas de Lui.
Hell s'était blottit contre elle. Elle le pris doucement entre ces mains et le caressa en regardant d'un air rêveur la direction qu'avait pris l'étrange convoi.
Elle se tourna vers le commerçant.
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Excusez moi, il me semble l'avoir déjà vue mais... je ne me souviens plus de son nom. Quel est-il?
La Foi... une aveugle qui donne des yeux à l'Espérance.
Le changement prend du temps. | |
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Le Luang 29 Jayar 1509 à 20h01
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| Le marchand nemen observe la tydale par en-dessous avec une expression ambigüe : mi-figue, mi-raisin... de l'air de celui qui soupçonne un piège, ou quelque sinistre farce dont il serait la dinde. Un instant, Sekaï croit qu'il va se fâcher et se détourner, laissant la témoin à ses interrogations indues. Comme si le sujet pouvait déclencher une fâcherie. Mais l'innocence de la contemplatrice doit le convaincre, car il s'approche et baisse la voix :
Vous moquez-vous, jeune dame ? S'il quelqu'un peut reconnaître notre plus éminente et très controversée Coryphée, c'est bien vous... vous, les poussiéreux. Vous et votre maudite curiosité... hem. Ce n'est pas mon affaire.
Voyant que Sekaï demeure coite et conserve sa mine interrogatrice, il hausse une épaule, puis les sourcils, avant d'ajouter :
Il semblerait qu'on enseigne mal l'histoire, chez les vôtres, non ?
Al Cyona Kat... mmh... Alcyone est Théoruniste. Elle s'est entretenue, sur un mode épistolaire, avec l'un des vôtres il y a quelques... siècles. Une bien malheureuse initiative, à ce qu'on dit.
Voyant que la dame en question - et ses deux gardes - regardent à nouveau dans leur direction, le nemen plonge son nez dans son étal et murmure :
Mais comme je le disais, ce n'est pas mon affaire.
A la tonalité qu'il emploie, Sekaï comprend que cette conversation est close.
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Le Merakih 1 Julantir 1509 à 02h42
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| Manifestement ravie, la nemen fait de même en croisant les mains d'une curieuse façon, très brièvement, comme un magicien de cabaret effectuant un tour de passe-passe. Il semble à Sekaï qu'un mince fil est apparu, puis a disparu, entre les doigts de la Coryphée.
De leur coté, les deux gardes qui l'accompagnent fixent la tydale avec nervosité, pour ne pas dire avec hostilité. D'un commun accord, ils manœuvrent pour s'éloigner de l'endroit, non sans jeter des coups d'oeils tendus en direction de la témoin.
Le trio s'éloigne donc, mais lentement : Alcyone prend apparemment tout son temps, observant les étals marchands à loisir, ne facilitant guère la tâche de ses musculeux chaperons. Elle semble chercher quelque chose de particulier, s'intéressant à des épices et autres onguents dont l'usage, à priori alimentaire, échappe pourtant à la contemplatrice.
Cette dernière se frotte machinalement la paume droite, vaguement chatouillée... avant de la regarder, stupéfaite !
En lettres déliées et très élégantes, d'une belle écriture aux arabesques soignées, elle peut lire au creux de sa main :
Aysh'hinassa, être de sable.
Ecrivez-moi votre nom, voulez-vous ?
Il semble que la langue employée soit du Rabaan...
Lorsque Sekaï en prend conscience, elle comprend alors - inexplicablement - ce qui est écrit :
Aysh'hinassa, être de sable.
Ecrivez-moi votre nom, voulez-vous ?
Et le texte, à mesure qu'il est lu, s'efface aussitôt...
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Le Merakih 1 Julantir 1509 à 09h03
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Elle fut un peu perplexe de ce qu'il venait de ce passer, et même si elle ne comprenait pas tout, l'heure n'était pas aux réflexions.
Instinctivement, elle chercha sur elle et sur les étales alentours de quoi écrire, mais parmi tous ces objets étranges, comment pourrait-elle trouver son bonheur mais elle abandonna rapidement: que ferait-elle une fois qu'elle aurait trouvé de quoi écrire?
Elle appela son mou dans un mumure qui se lova dans ses mains, elle ferma un cours instant les yeux, puis le lança doucement vers la Nemen.
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Hell dit :***
A peine sortit des mains de Sekaï, Hell se téléporta plsuieurs fois de quelques mètres plus, tantôt sur le sol, tantôt camouflé par les étals, afin de ne pas éveiller l'attention.
Arrivé près de la Théoruniste, il se met à tracer rapidement sur le sol les signes qui forment le nom de Sekaï.
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Tandis qu'il exécute ses acrobaties, Sekaï utilise, un peu sceptique, son doigt pour dessiner son nom dans sa paume, et dans un même temps, essaye d'envoyer une onde télépathique en direction de Alcyona : ***
*** Sekaï. ***
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Puis elle fixa de nouveau la Nemen pour vérifier que c'était bien ce qu'elle attendait d'elle.
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La Foi... une aveugle qui donne des yeux à l'Espérance.
Le changement prend du temps. | |
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Le Merakih 1 Julantir 1509 à 22h06
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| Des différentes stratégies adoptées par la témoin, une fonctionne... mais laquelle ? Impossible de le savoir. En tout cas, la chorégraphie de Hell a laissé la nemen complètement froide, c'est tout juste si elle l'a remarquée. Toujours est-il qu'elle jette un coup oeil amusé à sa main et, d'une façon ou d'une autre, doit y lire la réponse de Sekaï, car elle reprend sa prestidigitation rapide - à la limite du subliminal - et la jeune tydale lit au creux de la sienne :
Je suis enchantée de faire votre connaissance, Avihia.
Parlez-moi de la Perle... Avez-vous des nouvelles d'Axle ? Cela fait trois siècles, au bas mot, qu'il ne m'écrit plus. Je commence à m'inquiéter.
Le texte est toujours rédigé en rabaan, et toujours aussi étonnamment... compréhensible !
Bien que son contenu soit surréaliste, Sekaï le pressent sincère. Pour l'instant, les manigances des deux jeunes dames échappent à la vigilance des gardes, mais cela ne saurait durer...
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Le Julung 2 Julantir 1509 à 22h08
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| La réponse ne se fait pas attendre :
Dans la main de Sekaï et le long de ses doigts courent les arabesques, comme un lierre prendrait sur le tronc d'un arbre en envahissant jusqu'à ses branches. La témoin peut y lire :
Avih Grammath réside à la Perle, ainsi nomme-t-il sa ville. C'est un sorcier de tempérament curieux, de race...
Les mots s'interrompent soudain : les deux gardes et la nemen semblent engager une discussion brève et houleuse, au terme de la quelle tous trois s'éloignent rapidement. Les cerbères, sans avoir clairement identifié Sekaï comme la source du problème, considèrent manifestement que l'endroit n'est pas sûr : ils encadrent la théoruniste, sans qu'on ne sache vraiment s'ils la contraignent ou s'ils la protègent. Cette dernière lance un dernier regard à la poussiéreuse, avec une vague expression d'excuse contrariée, puis disparait à sa vue lorsque le trio entre dans un bâtiment... particulièrement bien gardé.
Au creux de sa paume, la témoin voit très clairement les arabesques bouger, se détacher de sa peau et tomber au sol, avant de sinuer comme un serpent et de se dissoudre dans une flaque d'eau...
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Le Sukra 4 Julantir 1509 à 13h48
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| Devant l'étrangeté du dernier mot, Sekaï regarda quelques instants la flaque avec perplexité puis se retourna pour saluer le commerçant Nemen puis poursuivit sa route vers d'autres étals. Elle se plaça à un endroit de telle sorte à être le plus loin possible de l'endroit ou elle avait échangé avec la Théoruniste, mais s'arrangea pour être toujours en vu de l'étrange bâtiment gardé.
Elle médita alors aux paroles échangées:
La Perle: elle avait tout d'abord cru que ce nom faisait référence au un surnom d'une personne plutôt qu'à un lieu. Dans tous les cas, elle n'en avait jamais entendu parler. Enfin, plus elle y repensait plus elle avait l'impression que ce terme lui disais quelque chose, mais sans arriver à mettre la main dessus.
Quand à savoir ou pouvait bien se trouver ce lieu, c'était une autre affaire. De ce qu'elle en savait, cette "ville" pouvait aussi bien se trouver à l'autre bout du monde qu'à l'autre bout de la rue... Après tout, il s'agissait peut être une expression Nemen.
La Nemen avait ensuite parlé de sorcier. Chez les Poussiéreux, les sorciers couraient les rues... Alors un sorcier au tempérament curieux, cela ne lui permettra que de s'assurer qu'il s'agit bien de la bonne personne, mais par pour la rechercher. Etait-il possible que le sorcier en question ne soit pas un Poussiéreux? Ou un Nemen? Elle avait cru bon devoir lui indiquer sa race.
Les recherches ne seraient pas évidentes: surtout rechercher une ville dont le surnom est donné par la personne que l'on cherche à y trouver...
D'ailleurs, elle avait eu beaucoup de mal à comprendre tout ce que lui disait ou faisait Alcyona. En y repensant, elle avait utilisé des codes et des références qui étaient difficiles à interpréter pour elle.
Elle regarda à nouveau du coté de l'étrange bâtiment fortement gardé. Pourquoi un bâtiment serait aussi gardé dans le quartier du bazar?
Serait-ce.... serait-ce l'entrée des niveaux inférieurs? en tous cas, cela expliquerait pas mal de chose: après tous, les Nemens du Puit étaient justement réputés pour parler en énigmes, ce qui expliquerait aussi l'atmosphère étrange de ce lieu et plus encore l'attitude des commerçants envers la Théoruniste.
S'il s'agissait effectivement de l'entrée des niveaux inférieurs...
*** Elle regarda avec une attention renouvelée les Nemens qui se trouvaient autour d'elle, et surtout les commerçants. ***
Elle repensa alors au dernier mot d'Al Cyona Kath (ou Alcyona: le Nemen avait l'air hésitant). Ce mot n'avait pas "agit" comme les autres: et elle était persuadé que cette action avait une signification. Encore une autre énigme de la part de la Nemen.
Peut-être que ce mot étaie censé lui indiquer l'endroit ou se trouvait la Perle. Près d'une étendue d'eau? Et quelle était la raison des mouvement sinusoïdes du mot? Y en avait-il seulement une?
Certainement que tout s'éclairera lorsqu'elle en saurait un peu plus.
Elle s'adressa au commerçant qui lui faisait face:
Bonjour, excusez moi, je suis à la recherche de plantes ou de boissons agissant sur les rêves. Vendez vous ce genre de produit, ou sauriez vous m'indiquer ou je pourrais trouver cela s'il vous plait?
La Foi... une aveugle qui donne des yeux à l'Espérance.
Le changement prend du temps. | |
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Le Luang 6 Julantir 1509 à 16h51
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| Le petit décalage de temps entre les deux sujets semble faire son office, puisque la méfiance du marchand n'est pas - apparemment - éveillée. C'est d'une voix claire de guide touristique bon teint qu'il répond, sans se formaliser outre mesure et en semblant d'une sincérité bon enfant :
Oh, ça n'a rien d'incompatible. Oui, il arrive que des résidents des niveaux inférieurs montent par ici, particulièrement dans le quartier ; ce ne sont pas des créatures de caves, vous savez. Leurs contacts sont limités au strict nécessaire, et de toute façon, ils sont toujours accompagnés. Il n'est pas question de les aborder sans raison majeure, bien entendu. Et je parle des habitants d'Ulmendya, cela va sans dire. Vous-même, en tant que visiteuse, ne pouvez leur parler sans enfreindre... disons nos lois, pour faire simple.
Si vous le faisiez, quelqu'un aurait des ennuis : soit vous, soit la personne contactée, soit... un tiers. C'est ainsi.
Semblant soudain prendre conscience de quelque chose, il ajoute :
C'est d'avoir vu dame Kath'Alyn qui vous intrigue ?
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Le Merakih 8 Julantir 1509 à 19h03
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| Le marchand dévisage Sekaï, un doute traversant son regard clair. Il se redresse, matérialisant soudain une certaine distance, l'expression pincée et comme... lourde de reproche :
Vous ne voyez pas de qui je parle...
Vous autres, poussiéreux, avez moins de mémoire dqu'un poisson rouge. Je me demande parfois si c'est une malédiction ou une bénédiction, un handicap ou une force... les deux, sans doute.
Oubliez donc cette dame. Celles et ceux qui l'approchent sont rares, puissants et motivés. Et, sauf votre respect, ils sont nemens, et non membres de factions. Enfin, ils ne le sont plus.
Désignant son étal, manifestement désireux de changer de sujet :
Je vends toutes sortes d'épices qu'on ne trouve pas chez vous, chère cliente : que diriez-vous d'essayer cette poudre ? C'est du pollen de Colluthane, absolument divin mélangé au thé...
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Le Dhiwara 12 Julantir 1509 à 00h25
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| Le nemen écoute d'un air curieusement attentif ce que dit Sekaï.
Un silence s'installe. L'expression du marchand, d'âge indéterminé comme bien des siens, est grave. La témoin a du mal à qualifier le sentiment qui s'en dégage : est-ce de la mélancolie, de la tristesse, de la colère ? Un subtil mélange des trois? Toujours est-il que le personnage dit finalement, dans un souffle, comme s'il crevait une vieille baudruche :
Votre mauvaise mémoire est une bénédiction, jeune dame...
Nous, nemens, n'oublions pas.
Sur ces mots, il dévoile son avant-bras dans un geste lent : il est décoré d'une Rune, qui serpente étrangement autour de cicatrices fines mais innombrables, qui couturent la peau presque en continu. Sekaï comprend que ce sont ces dernières que le camelot veut lui montrer.
Après des millénaires de guerre acharnée, mon âme n'est qu'un immense dépotoir d'images si laides que leur seule évocation vous rendrait folle à lier...
J'ai vu tant de choses que vous, éphémères, ne pourriez pas croire.
De grands navires en feu surgissant du septentrion,
Des légions entières aspirées par le vide,
Mes frères d'arme s'écrasant dans un brasier d'obscurité,
J'ai vu... j'ai vu...
Tous ces moments se perdront dans l'oubli,
Comme les larmes dans la pluie.
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Le Dhiwara 12 Julantir 1509 à 21h46
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| Certains disent que plus on est bête, plus il on est heureux. Cependant, qui serait prêt à abandonner son intelligence dans le but d'atteindre ce bonheur? Ce serait une solution égoïste, et ce n'est pas ça quoi nous permettra de faire en sorte que le S'sarkh souffre moins.
Et puis, se voiler la face ne nous sauverait pas longtemps du PenS'sarkh.
Vous parlez d'horreurs que vous avez vécu, de choses que vous souhaitez oublier. J'ai ressenti à travers vos mots presque une honte dans ces souvenirs. Pourtant, vous devriez être honoré: car les batailles que vous avez livrées sont certainement liées à des idéaux qui valaient que l'on se batte pour eux, ainsi qu'à des souvenirs de moments plus heureux, de moment forts que cous avez vécu notamment avec vos frères d'armes, de souvenirs plus chaleureux auxquels vous devriez vous raccrocher.
J'ai bien conscience que pour vous dire ça, vous devez penser que je suis arrogante, j'ai pourtant la conviction qu'elles demeurent une vérité. D'ailleurs, après toutes les batailles que vous avez livrées, vous êtes toujours vivant. Vous devez donc avoir mené une vie digne pour que le S'sarkh ne vous ai pas encore rappelé à lui. Cessez donc de ressasser ces souvenirs angoissants et portez plutôt un regard vers l'avenir, aussi sombre puisse t-il se présager. Les remords n'ont jamais aidé personne.
Encore une fois j'en ai bien conscience que la naïveté des paroles d'un être aussi jeune que moi peuvent vous sembler futiles et voir même vous énerver. Si tel est le cas, veuillez m'en excuser car ce ne fut nullement mon intention.
La Foi... une aveugle qui donne des yeux à l'Espérance.
Le changement prend du temps.
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Le Luang 13 Julantir 1509 à 08h50
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| Le nemen ne semble guère apprécier les premiers commentaires de Sekaï sur les vertus supposées de la mémoire. Mais elle comprend, aux crispations du marchand et à son expression de plus en plus fermée, que ce sont ses allusions au S'sarkh qui ne passent pas. Sobre, comme la plupart des gens d'Ulmendya, il laisse cependant la témoin achever son discours, puis reprend :
La mémoire n'est pas l'intelligence.
Avoir conscience de sa naïveté est une chose, jeune dame. Mais si cette lucidité ne vous incite pas à tourner sept fois votre langue dans la bouche avant de parler, à quoi bon ? Taxer d'égoïsme un vétéran de guerre que ses souvenirs hantent jour après jour est au mieux, une bêtise. Au pire, c'est une insulte.
Ceci étant, puisque vous aviez manifestement anticipé ma réaction en me proposant d'avance vos excuses, je les accepte.
Quant au S'sarkh...
Les miens, c'est un euphémisme, ne l'apprécient pas. La cité-puits est le dernier endroit où venir prêcher sa cause. Si vous souhaitez respecter nos us, pensez-y.
Plongeant la main dans son étal pour en extraire un petit pot de pollen de Colluthane, il conclut avec une certaine froideur :
Je demande quatre cristaux pour cet article. Par ailleurs, vous ne m'en voudrez pas, mais je dois reprendre mon travail.
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