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Les Dédales du Luth

Boite de Pandore : L'Absinthe.

Certains Poisons sont des remèdes... La plupart, non.
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Sujet lancé par Jemori Colcook
Le 20-09-1510 à 14h52
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Posté par Cydine,
Le 22-10-1512 à 22h55
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Jemori Colcook

Le Luang 20 Saptawarar 1510 à 14h52

 
***
Nuit.
Arameth baigne dans la lumière des Jumelles.
Les nuées d'étoiles ponctuent et habillent l'infinie voute céleste.
Sous ses draps de sable, le Perle se meut.

Cela fait plus d'une heure qu'il erre.
Sans vraiment prêter attention à tout ce qui l'entoure, il laisse les pavés du Joyau d'Amody décider de sa route. Il a l'esprit ailleurs et les sens en chamaille. Le peu de choses qu'il perçoit est déformé, transformé par cet interstice qu'il y a désormais entre le monde et lui. Et c'est non sans plaisir qu'il s'y délecte.
C'est le genre de sensation qu'il adore plus que tout.

Au changement de teneur de ses perceptions, il comprend être en train de se perdre dans les Dédales. Si tant est que se perdre puisse être un mot adéquat. Surtout concernant les Dédales du Luth. L'heure est tardive, trop en tout cas pour se retrouver pris dans la pleine effervescence du quartier.
Il le regrette.

Des pensées, complètement dénaturées, lui parviennent. Il en rit. S'amusant des tournures qu'elles prennent et de leurs associations avec les esprits dont elles sont l'engeance. Puis, délaissant sa source d'amusette, il se met à fouiller maladroitement dans ce don que lui a offert la symbiose. Pour tomber sur une pensée qui le happe. Une pensée où se mêlent odeurs, caresses et saveurs.
Il s'y perd.

Ce n'est qu'un peu plus tard, qu'il retrouve un semblant d'esprit.
Et c'est avec lassitude qu'il se rend compte se trouver devant la Vengeance des Dieux. Édifice qu'il n'a jamais apprécié. Autant dans sa conception que dans son essence. En même temps, se connaissant, pouvait-il en être autrement ? Il hausse les épaules dans un soupir et se décide à entrer.
Lui, sans curiosité.

A toutes les paroles qu'on lui adresse, il ne répond qu'une seule chose. Encore et encore. Sans se préoccuper du reste, ni même prendre un instant pour tenter de comprendre. Une chose lui tient à cœur, ne pas croiser 'Anésidora'.
***

Absinthe.

Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.

 
Cydine

Le Merakih 22 Saptawarar 1510 à 19h17

 
Partout ailleurs, Jemori aurait eu le droit à une œillade appuyée, une remarque sucrée, une obséquiosité souvent irritante. Un « très honorés de votre présence, votre grâce », un « la diplomatie n’a jamais été mieux servie que par son excellence » ou un « vous enchantez notre établissement par votre venue ». Partout ailleurs, Jemori aurait dû attendre quelques minutes dans un salon plus ou moins douteux que la fille se prépare, évacue son dernier client, rafraîchisse chambre et corps qui ne l’étaient jamais vraiment. Probablement alors lui aurait-on servi gâteaux au miel écoeurant et liqueur trop forte pour le faire patienter et gonfler la note. Partout ailleurs, Jemori aurait eu le sentiment d’effectuer une simple transaction commerciale, un achat de service, un contrat qui n’engage pas à grand-chose… En quelque sorte, comme un simple et furtif baiser échangé avec une inconnue jamais recroisée.

Mais il vient de pénétrer dans Pandore, le plus célèbre et mystérieux bordel de la Perle Sombre, là où même les plus puissants n’ont pas toujours leur entrée. Une maison ancienne, joyau d’architecture et de rumeurs, où seules les plus précieuses Perles sont admises et jalousement gardées. Non les plus belles ni les plus douées dans leur Art, non : il faut tellement plus pour pouvoir être enfermée dans la boîte…
Incarner un Maux, peut-être.

C’est une jeune enfant, une fillette de douze ans à la joliesse pleine de promesses -peau noire, cheveux neige, yeux troublants- qui accueille ce visiteur. Pleine d’intelligence, si elle reconnait très certainement le Diplomate, elle n’en laisse rien paraître. Elle ne pose pas de question, n’énumère ni les femmes ni les tarifs. A la première mention de l’Absinthe, elle pointe du doigt une petite flamme verte qui danse dans une lampe à pétrole accrochée au mur. Plus loin, une autre flammèche de la même couleur crépite. Et ainsi de suite. Libre à Jemori de suivre le chemin lumineux ou non. Mais sans guide.
Arpenter Pandore se fait toujours seul. Surtout lorsque vous vous trouvez dans les bras d’une de ses Femmes.

Cet itinéraire là serpente dans des couloirs baignés d’ombre, où les portes s’alignent, toutes différentes les unes des autres : certaines grandioses, croulant sous l’or et les moulures, d’autres presque miteuses. C’est un véritable labyrinthe, une succession de coursives sans fenêtre où le temps est aboli. Le silence est absolu et, si Jemori pourrait se croire dans une demeure abandonnée, la Danse des guides vertes ainsi qu’un étrange sentiment d’être constamment observé dément tout sentiment d’abandon ou de désintérêt. Oui ; une oppression diffuse pousse à accélérer le pas…

Enfin, la porte de la chambre cherchée apparaît au bout d’un ultime couloir. C’est une cloison de bois, toute simple, encadrée de deux bocaux où volettent paresseusement quelques lucioles. La poignée est d’un cuivre bien entretenu mais nullement luxueux. Pas de fioriture inutile, nul effet grandiloquent, aucune apparition soudaine. La porte n’est pas verrouillée et la voix de Cydine invite la Chambellan à entrer dés qu’il manifeste sa présence.

La chambre se résume à une spacieuse pièce au sol intégralement recouvert d’un immense tapi sur lequel est brodée avec finesse une forêt de ronces : tiges noires pleine de reflets, fond d’un étonnant rouge sang, innombrables épines. De-ci de-là y sont perdus des oiseaux colorés. Ils semblent pépier et leurs plumes scintiller tant l’oeuvre est de qualité.

Des dizaines de coussins multicolores ont été disposés en un cercle parfait, dégageant le centre de la pièce. Les murs ont disparu sous d’épais rideaux de rouges, de jaunes et d’oranges profonds. Un lustre de pierre noire, lourd et brillant, illumine un plafond ouvragé. Les véritables meubles se résument à une petite table ronde au milieu de la salle sur laquelle repose un Tarot antique, et quelques malles de bois. Trois ou quatre lampes à pétrole sont éparpillés négligemment, ménageant quelques recoins de lumière dans une ambiance tamisée. La pièce est conviviale et douillette, agréable dans sa simplicité. Cydine, debout derrière la table, accueille Jemori d’un large et sincère sourire –bien qu’il soit fortement supposable que la sincérité à Pandore relève d’un Art plutôt maîtrisé. La Flammèche est habillée d’un désuet morceau de cuir noir lacéré, ceinturé au cou et à la taille par deux fragiles chaînettes d’argent. Les jambes, la hanche, les flancs et le dos sont laissés nus. Les longs cheveux cascadent librement ; le parfum est fruité : de pêche ou d’abricot, léger et sucré. Comme à son habitude, la Poison marche pieds nus et n’arbore pas de bijou ou d’ostentation. De même, nul maquillage ne vient dénaturer la finesse des traits que sublime une éclatante jeunesse comme une inquiétante force intérieure.

D’un geste de la main, Cydine invite le Mâle à entrer dans la chambre. La porte se refermera d’elle-même. La Poison laisse à l’invité le soin de briser le premier le silence.
S’il le désire.


 
Jemori Colcook

Le Luang 4 Otalir 1510 à 19h34

 
***
Silence.
C'est un Jemori Colcook bien différent de celui connu qui passe le seuil de la Chambre de Cydine.
Un sourire évasif se dessine sur son visage, visiblement à l'adresse du Poison. L'Ephèbe s'immobilise en entrant. Son regard églantine caresse l'endroit. Il cligne lentement des yeux. Sourit pour lui-même. Et finalement, en silence, fait quelques pas, au hasard. Après quelques zigzagues, le dit Dandy se retrouve non loin des coussins. Il vacille et s'y laisse tomber de tout son long.

Le Bouffon des Six inspire grandement, et dans son soupire, il laisse échapper quelques mots.
***

Bonsoir, Terrible Fée.

***
Son regard se tourne alors lentement vers la silhouette qui se trouve derrière la table.
Et si elle y prête attention, cette dernière peut remarquer que ses pupilles, sont complètement dilatées.
***


Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.

 
Cydine

Le Vayang 8 Otalir 1510 à 12h28

 
Au regard du Bariolé, Cydine répond d’un charmant sourire ; à ces mots d’un regard d’une redoutable intensité.
Comme une promesse ou un défi…

Lentement, d’une démarche au charme naturel, la Poison s’approche du Dandy et, sans jamais le quitter de ses prunelles mordantes, se penche vers lui. Ses longs cheveux s’en viennent encadrer le visage du mâle, l’enveloppant d’un parfum de fruit léger et sucré. Les lèvres de l’adolescente sont à quelques centimètres de celles de l’homme, pleines et sanguines, n'attendant qu'un espoir, démentant tout plaisir. L'attrait des Flammes, déjà si près...

C'est une pensée, d'abord, qui s'adresse à Sire Colcook, triste de mélancolie :


Bonsoir, Doux Astre.

Puis, dans la continuité du fil télépathique, la bouche s'entrouvre et laisse échapper quelques mots, avec une certaine violence propre à ce qui brise un lien fragile et intangible :


Voulez-vous boire quelque chose, Jemori ?


 
Jemori Colcook

Le Luang 18 Otalir 1510 à 22h39

 
***
En spectateur, l'Esthète dévore la néréide empoisonnée.
Sa silhouette. Son allure. Sa fragrance.
Elle s'approche, il la suit.
Elle l'effleure presque, il reste impassible.
Des volutes de pensées lui parviennent, il les caresse.
Elle brise le silence, il sourit.
Mi-agacé. Mi-réjoui.

Son regard planté dans celui du Poison.
Leurs souffles se croisant.
C'est une pensée qui répond, à la fois défiante et de velours.
***

Si vous savez préparer l'Absinthe.

Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.

 
Cydine

Le Merakih 20 Otalir 1510 à 22h15

 
La pensée du Chambellan se perd dans les abysses de la jolie tête. Résonne sans fin, est aspirée en un instant. Comme une pierre qui perce la surface d'une étendue d'eau à la profondeur inquiétante, comme une sonde qui ne cesse de descendre sans jamais toucher le fond.
Sans le moindre remous.

Cydine ne se départit pas de son sourire, laisse ses échardes vertes plantées dans l'âme de Jemori quelques instants de plus puis se détourne. Déracinant tout sur son passage, le regard de la Poison n'accorde rien, ne laisse aucun présent à son départ.

La Perdue se dirige vers une petite malle qu'elle ouvre avec une féminité qu'elle ne calcule admirablement pas. Avec des gestes experts, efficaces, mais sans se hâter, la jeune femme sort de quoi préparer le breuvage et se met immédiatement à l'oeuvre. D'une bouteille noire, elle verse un liquide d'un merveilleux vert dans une coupe spéciale -gonflée au bas, resserrée puis évasée. Puis, sans hésiter, elle place un sucre sur une étrange cuillère qu'elle dispose au sommet du récipient. Après quoi, elle verse sur le sucre un deuxième liquide -de l'eau, visiblement-, goutte à goutte. La Danseuse fixe chaque perle d'eau qui se fend sur le sucre avant de s'en venir troubler l'émeraude. La préparation prend de longues minutes mais Cydine n'accorde son attention qu'au seul mélange.
Finalement, elle stoppe son geste.

La dose préparée semble forte -à peine trois fois plus d'eau que d'alcool.
L'ivresse viendra vite. Comme les songes honnis que ce Poison amène...

Laissant tout son matériel sorti, la Flamme porte la boisson au mâle. Elle tend l'aphrodisiaque avec charme et dans son sourire couve, un instant, toute la tristesse des femmes. Cydine devance toute interrogation d'une voix sans timbre, justifiant le fait qu'elle n'accompagne pas son invité dans ce puissant arbotif :


Je suis déjà stérile.

Sans autre cérémonie, la Sacrifiée s'assoit aux côtés du Puissant, non en face de lui mais à sa gauche, de sorte qu'il ne puisse la voir qu'à condition de tourner la tête. Le visage est mangé pas les cheveux, le profil d'une belle finesse -d'une belle jeunesse serait probablement plus exact. Elle est très proche du mâle -leurs bras se touchent presque- mais ménage soigneusement ses distances.
Ce n'est pas à elle de provoquer le contact : elle ne reste que la marionnette.

D'un trait mental elle interroge, avec un sérieux et une curiosité qui dément toute coquinerie :

Que cherchez-vous dans cette folie ?


 
Jemori Colcook

Le Luang 25 Otalir 1510 à 16h59

 
***
Alors que sa pensée sombre, le Triste Sire s'agrippe au regard acide Femme de mauvaise Vie.
Point d'amer dans le Néant.
Egal, l'Arlequin laisse son être s'imprégner de Colombine.
Lorsqu'elle se retire, arrachant ses épines acérées dans son sillage, le dit Dandy frémit dans un soupir de douleur, dans un frisson d'extase.

Tandis que l'Empoisonneuse s'attèle à son philtre, il la contemple. La scrute. La dévore.
Lorsqu'elle revient à lui, et au fur et à mesure que la distance les séparant s'amenuise, le regard du Tydale perd de son intensité. Jemori se saisit délicatement de la fiole, dans un geste ressemblant à une caresse. Colcook répond d'une voix terne et tranchante.
***

Je sais.

***
L'églantine suit l'émeraude dans son mouvement, pour se plonger dans celui de la fiole une fois que Cydine s'est arrêtée. Jemori laisse venir l'interrogation. L'accepte et la maintient. Il meut le venin de la folie dans sa prison de verre. Le fait danser sur ses parois.

Relâche, la question et y réponds avec la satisfaction d'une expiration suivant un inspiration forcée.
***

La Fin.
Une fois qu'elle aura tout ravagé. Que rien ne subsistera assez pour former un tout. Nous aurons une réponse.
Loin d'être la bonne. Loin d'être suffisante.
Simplement la dernière.


Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.

 
Cydine

Le Merakih 27 Otalir 1510 à 23h14

 
Les yeux de Cydine se perdent dans la liqueur honnie et la catin laisse planer un long silence après la réponse du Chambellan. Errante, elle se laisse porter par ses pensées et, un instant, Jemori sent le monde mental de la symbiosée l'effleurer avec une dangereuse proximité.

Finalement, l'Aventurière répond doucement, mentalement, comme le murmure d'un enfant qui avance une analogie incertaine :


Oh. Comme un baiser.
Qui promet tant et ne livre jamais tout. Mais qui a, dans sa tendresse imparfaite ou sa violence délicate, toujours quelque chose de... définitif.

D'à peine acquis que de déjà perdu.


Les prunelles, soudainement, se reportent vers le profil du Dandy. La Curieuse n'ose lui poser la question suivante : peu de ses clients aiment à être interrogés. A la place, d'un infime mouvement de l'épaule, elle déchire un peu plus le morceau de cuir qui l'habille, crée sans pudeur une fissure qui pourrait rapidement mettre toute l'oeuvre en péril... Ses yeux ne quittent pas le mâle tandis qu'elle entrouvre les lèvres, exhale son haleine fruitée et remplace l'interrogation suivante par une affirmation :

Vous êtes l'un des maçons de cette douce Apocalypse.

 
Jemori Colcook

Le Luang 1 Nohanur 1510 à 15h03

 
***
Aux mots de la Fée Verte, le dit Dandy se fend d'un sourire. Il tourne légèrement la tête, tandis que son regard oblique vers les lèvres de la Curieuse. Et s'il note le quasi-imperceptible mouvement d'épaule, il n'en fait remarque.
Il marque un temps, savourant cet instant, où il ne regrette en rien d'être venu.
Puis susurre.
***

Douce...?
A cette barbarie, qui ne serait-ce que dans son évocation -Dyspareunie- écorche les lèvres, sans parler de l'Epée de Damoclès qui peut s'en suivre, y entrelacer une accorte délicatesse fut assurément l'un des plus grands coups de génie de l'Histoire Poussiéreuse.
Mais vous n'êtes pas sans ignorer que lorsque le charpentier fait le mal, c'est le maçon que l'on pend.
Ceci dit, faudrait-il encore que l'un d'entre-eux veuille bien bâtir quelque chose...


***
L'Arlequin ferme lentement ses paupières. Lorsqu'il les rouvre, son regard est de nouveau posé sur la fiole.
Avec délicatesse, il porte le breuvage à ses lèvres. Et lentement, en prend une gorgée.
Alors que sa main se retire, ses pensées diffusent avec langueur.
***

Comme un baiser.
Un baiser empoisonné. Qui s'affirme être le dernier, ne laissant derrière lui la promesse de ce qu'il aurait pu être. De ce qu'il aurait pu offrir. De ce qu'il cachait.


***
En même temps que ses pensées, la posture du Chambellan change sans changer.
Dans ce mouvement immuable, Cydine peut percevoir une invitation à l'interdit. Un non-dit qui s'exprime. Mais à cette invitation discrète, se mêle une condamnation franche. La chaleur d'un mur de glace. Cette dualité est volontairement transparente. Laissée là, comme un parfum qui s'échappe.
***


Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.

 
Cydine

Le Merakih 3 Nohanur 1510 à 18h47

 
La Perdue s'étonne sans violence, dans un murmure qui se meurt juste après avoir été formulé :

Bâtir ? Abscons dans ce Paradis raté. Cet Éden perdu à peine éclos.
Tout réside désormais dans la plus parfaite Destruction.


Et, alors qu'il lui narre mentalement un lyrisme empoisonné, Cydine fait glisser sa main blanche sur le bras de Pierrot, entrelace ses doigts aux siens, s'en vient se blottir contre lui. Sans être intrusive, avec douceur, sans même qu'il ai à bouger, elle se trouve une place. Si près du coeur...

Elle se coule contre son torse, écarte à peine la liqueur des lèvres fines du Chambellan. Son front vient trouver refuge dans le creux de son cou, ses lèvres purpurines frôlent sa clavicule. Une main entoure le poignet qui enlace le verre à l'émeraude infernale tandis que l'autre s'échoue sur la nuque du mâle. Ses jambes crochètent les siennes, sa chaleur écarte toute improbable résistance. Le parfum de la Flamme envahit bientôt les narines de Colcook, doux, aérien, tandis qu'un trait mental d'une intensité nouvelle -comme décuplé par le contact des peaux- perce le songe avec langueur et gravité, comme un ultime avertissement :


Vous êtes venu pour payer et ravager, livrer amour et bataille.
Astre qui perce le néant...

Mais à l'aube de la toute Fin, tandis que Némésis rôde au dehors, nous nous consumons trop volontairement pour prétendre au Pardon. L'absolution est impossible, désormais, et moi même ne puis pardonner au Monde...

Jemori... Mon plaisir ne vous livrera aucune poésie et Pandore est depuis longtemps exsangue de pitié. Vous n'y trouverez rien, sinon que la beauté des larmes.


Les yeux se plantent soudainement dans ceux du Chambellan, brûlant d'une intensité dérangeante, d'un sérieux qui n'a rien de frivole ou de joueur.

Il vous faut me haïr.

Et les lèvres se posent sur celles du Puissant, douces à en mourir. Le baiser est furtif et délicat ; il dépose surtout au seuil de l'Âme du mâle un infime écho mental, comme échappé des tréfonds de l'Enfer.

Aime-moi...

 
Cydine

Le Luang 22 Otalir 1512 à 22h55

 
Des semaines, des mois, des siècles plus tard.
Une minute à peine.

Une Fleur fume à la fenêtre, tandis que la Ruine qu'a été Arameth tombe dans la Folie. L'ombre du Monstre hideux est à l'horizon. Les cris, les fumées, le Désespoir grondent, de plus en plus haut. Cydine contemple l'Apocalypse incarnée, enroule ses doigts dans ses épais cheveux noirs.

Elle est désormais seule dans le Bordel.
Toutes ont fui, ont couru à mille lieux mourir dans le désert, s'imposer chez le riche amant où elles se sont murées. La plupart vont tenter de survivre, coûte que coûte, par tout moyen. Les Confrères sont des battants avant tout. D'autant plus les prostituées Tydales, pour qui rien n'a jamais été facile.
Quelques unes, enfin, sont allées chercher l'absolution.
Même finalité pour toutes. Certaines mourront un peu moins seules que les autres. En apparence.

Elle, elle est désormais seule. Comme toujours. Pour toujours.
Une unique larme roule sur sa joue d'ivoire, naît dans ses yeux verts, ses beaux yeux verts Absinthe, pour mourir sur ses lèvres carmines. Comme un, un ou mille regrets.
Nulle tristesse, toutefois.

Cydine s'accoude au bord de la fenêtre et se met à chantonner. Un chant plein d'Âme. Son Âme.
Sa pensée dérive, effleure quelques belles Silhouettes rencontrées.
S'éteint peu à peu.

Le Destin. Le Destin vient tous les engloutir. La croquer comme tout en sa vie a été croqué.
Parfois avec plus de douceur, parfois avec plus d'acidité.
Avec plus... d'attachement ? De Malheur.
Alors une Ombre de plus. Un peu plus crochue. Un peu plus dangereuse. Un peu plus Définitive...
Qui s'engouffrera en elle pour tout annihiler...
Allons.

Cela fait longtemps, maintenant, que Cydine n'a plus peur de la Divine Noirceur.




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