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Faubourgs de la Perle

La Chute du Terrifiant Lombric des Limbes

Ou "de l'Art de l'exagération entre amis."
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Sujet lancé par Agliacci
Le 19-05-1512 à 15h20
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Posté par Kether,
Le 02-06-1512 à 15h52
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Agliacci

Le Sukra 19 Manhur 1512 à 15h20

 

…et alors, la flèche, si longtemps attendue !, vint percer l’œil de la créature qui, aussitôt, mugit : désormais borgne, elle lança ses grands bras puants à ma rencontre, désireuse de me réduire en charpie…mais à peine eut-elle le temps de s’avancer, qu’à nouveau Kether le Terrible perça son armure et la noya sous une nuée de projectiles, tous plus acérés les uns que les autres… ! Mais croyez-vous que cela suffit à achever la bête ? Que nenni, mes chers amis !...


C’est en ces termes que, pour la quatrième fois consécutive, Agliacci relate à un groupe de passants des Faubourgs le dernier exploit qu’il faut bien attribuer tant à la jeune et surexcitée tydale qu’à l’ombre un peu plus réticente qu’elle traîne derrière-elle, et qui n’est personne d’autre que le susnommé Kether le Terrible (il y a peu encore baptisé « Tir-au-But », mais cela n’était pas assez…terrifiant au goût d’Agliacci), ce qui fait écarquiller leurs juvéniles prunelles aux bambins qui subissent le discours extasié de la Luthière, et attire une sorte de procession attentive dans son sillage.

Du reste, si le discours ne les intriguait pas suffisamment, la tenue de la tydale peut à elle seule servir d'aimant à curieux : elle a de quoi faire rougir une amazone de Pandore. Corset...corseté et bottes toutes de cuir à l’appui, comme pour prouver qu’elle a bien un sang guerrier quelque part dans les veines, Agliacci a visiblement mal compris que le principe d’une armure est l’efficacité et non l’attrait esthétique, mais l’effet sur ses multiples auditoires est immédiat. Qui d’autre qu’une tydale parfaitement sûre d’elle peut même prétendre affronter les créatures les plus abominables de la région en cette maigre tenue ? Indéniablement, il faut être d’une audace exquise pour s’y frotter !

Au fur et à mesure qu’elle traîne Kether derrière elle en direction du Dard de Sykramen, l’auberge la plus réputée d’Arameth, le susmentionné récit évolue. Lorsqu’enfin elle pénètre dans l’auberge, avec derrière elle une vingtaine de passants curieux, et au cri aussitôt hué de :
« Tournée générale sur le compte du Chambellan, les amis ! » le monstre a gagné plusieurs mètres de hauteur et quelques griffes supplémentaires. Quant aux héros de l’affaire eux-mêmes…

Agliacci monte sur la table la plus proche, dérangeant un groupe de camarades qu’elle prend aussitôt à parti :


Et nous étions là, seuls contre la créature qui, apercevant notre présence, laissât aussitôt son repas : la carcasse décharnée d’un pauvre aventurier, qui n’eût pas la chance dont nous fîmes preuve…Lorsqu’elle s’avançât vers nous, nous manquâmes défaillir, tant son odeur était putride !

Face à nous, la bête…Derrière nous, le mur froid et humide des remparts. Aux alentours, les montagnes offraient leurs longs corps déchiquetés et abrupts à notre vue ; mais nul secours dans ces sentiers à-pic, non, et nous dûmes bien nous rendre compte que nous étions parfaitement esseulés face au monstre…Alors, je vous le demande, confrères et consoeurs : qu’aurions-nous dû faire ? Fuir ? Et laisser le monstre à son repas, et en son répit ?


La tydale bondit de son perchoir, et se met à arpenter la salle, l’air on ne peut plus dramatique et ténébreuse.

Toi ! Qu’aurais-tu fait ? s’écrie-t-elle en pointant un nelda du doigt, qui, devant la soudaineté de l’apostrophe, en avale sa gorgée de travers et recrache sa bière sur la table. Probablement pas grand-chose, rajoute Agliacci devant ce spectacle soigneusement causé, ce qui lui gagne quelques rires dans son audience improvisée. Elle-même en profite pour vider le premier verre qui lui passe sous la main, au grand dam de son propriétaire.

Moi, j’me serai battu, finit par marmonner un tchaë, et quelques-uns de ses plus proches compagnons acquiescent face à cette démonstration verbale de courage. Ni une, ni deux, Agliacci saute sur l’occasion, et rugit férocement :

Et c’est ce que nous avons fait ! Le dos au mur, nous nous sommes battus !


Comme elle l’a déjà fait précédemment dans la rue, elle écarte un pan de sa cape tâchée de sang pour révéler la cicatrice blanchâtre qui lui barre le biceps et le flanc.

Jamais, je dis bien jamais, nous n’avons abandonné la lutte.

Car, voyez-vous, j’avais à mes côtes personne d’autre que Kether l’Effroyable ! Armé d’un terrible arc bicéphale, forgé dans le sang par le maître Fontanas lui-même, ce dernier décocha aussitôt un trait vers sa cible…La tydale se met à siffler, imitant le son d’une flèche fendant les airs avec une passion quelque peu déroutante. La flèche traversait les airs, produisant ce doux son que fait la soie lorsqu’on la déchire…et soudainement, dans un craquement horrible, elle atteignit l’abdomen de la créature…et ricocha contre l’armure naturelle de cette dernière !

Loin de se laisser décourager, l’Effroyable s’arma à nouveau et, telle Diane partant chasser, tournoya autour du monstre, la foudroyant avec la vivacité d’une Exécutrice…

- J’croyais qu’ils étaient dos au mur, là, au rempart…
marmonne quelqu’un dans la salle, qu’Agliacci ignore avec superbe.

Et pensez-vous que j’étais restée indifférente à ce spectacle ? Que nenni ! Galvanisée par la persévérance de l’Effroyable, je m’avançai moi-même vers la bête, et lui adressai la parole en ces termes… : « Va te faire mettre ! »

Aussitôt, j’incantai un sortilège de la sphère honnie, pour apprendre au géant perfide ce qu’il en coûte de se nourrir de nourrissons araméthéens...


La tydale prend une pause pour vider une nouvelle chope, sous le regard attentif – et parfois perplexe- de la foule.

Les flux eux-mêmes semblèrent se tordre, désireux de punir la bête ! Le feu surgit, et la créature mugit de rage…je vis une flèche transpercer son œil et, dans sa colère, le monstre me saisit dans ses griffes, et manqua m’ouvrir en deux !

Ce qu’il aurait sans doute réussi, - et vous n’auriez alors pas le plaisir d’écouter mon incroyable récit, ce qui eût été fort dommageable pour tous, et plus spécifiquement pour moi - si je n’avais point été élevée par le meilleur des précepteurs ; car c’est Edoar Edaregord lui-même qui m’enseigna l’art des Arcanes, oui, le nelda même qui commanda le rituel et arracha la tête du Tark’Nal avec rien d’autre que sa hargne et ses crocs, pour la simple défense de sa cité !...


La révélation plonge la salle dans un état de stupeur, tantôt admirative, tantôt des plus perplexes.

- Il a fait ça ? M’en rappelle pas…
- T’étais pas là, tu peux rien dire.
- Moi, je l’ai vu faire.
- Cette fille est une menteuse, et elle est où, la tournée générale ?


Cette dernière phrase prend de l’ampleur parmi le public, au grand dam de la conteuse improvisée qui repère aussitôt la source de ses ennuis : un tydale aux allures de guerrier, et visiblement mal fagoté. Elle pointe aussitôt un doigt vers lui :

Moi, menteuse ? Arlen le Boiteux, oublierais-tu que c’est grâce à moi que tu obtins certains soins des plus intimes, et que je t’ai juré de ne jamais révéler, ce que je n’ai, à ce jour, jamais fait ?

- Rien qu’une menteuse, répond l’autre.

- Je. Ne. Suis. Pas. Une menteuse !!

Agliacci baisse son bras tendu et arbore l’expression blessée et rougissante d’une femme dont on accuse la vertu propre. Prenant une décision :

Soit ; accusez-moi tout votre saoul de mensonges et de calomnie ! Mais sachez, confrères, consoeurs, que j’ai un témoin, et que je peux prouver mes assertions !

Kether, dites-leur, vous, dites-leur comment je terrassai la créature au moyen d’un puissant sortilège… ! Dites-leur donc, que je ne suis point l’être mensonger dans lesquels ils aimeraient tant me voir !


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Kether

Le Sukra 19 Manhur 1512 à 18h02

 
*** Comment en était-il arrivé jusque là ? Accompagnée de cette tydale surexcitée, dans cette taverne des faubourgs, grouillante de poussiéreux en genre et qui commencèrent soudainement à rivé leurs regards sur le Chambellan. Fermant les yeux il revit tout le déroulement, du début jusqu'à maintenant. ***




*** Il était parti s'attaquer à une aberration qui se trouvait, soit disant, trop près de la cité. Et comme une routine bien huilé le tydale le cribla de flèches, profitant de l'une des tours pour éviter toute représailles de la par de son adversaire.
Tout ce passa sans soucis et il eut même le soutien d'une tydale, qui devait passer par là sans doute. A eux deux ils eurent raison de la créature qui s'effondra dans un horrible râle. C'est à ce moment-là que tout dérape complètement. La jeune tydale ce lança alors dans un long monologue dont Kether n'avait retenu que peu de choses. Quelque peu surpris par ce soudain accès de folie, et celle-ci devait-être contagieuse, car le chambellan proposa un verre à sa consoeur, Agliacci de son nom, qui venait de tuer l'une de ses premières créatures. Grave erreur.
Jamais il n'aurait proposé cela à une tydale auparavant, mais de cette dernière ce dégageait de la joie et une folie, semblable à celle des femelles du matriarcat, mais dans le bon sens cette fois-ci. ***


*** C'est donc ainsi qu'Agliacci entraîna Kether, par la manche, à travers la ville jusqu'aux faubourgs de celle-ci. Durant la traverser, la tydale retraça le récit de leur combat, combat qui se larda de quelques notes épique au fur et à mesure, beaucoup trop d'ailleurs, car Kether se vit bientôt attifé du titre de « Tir-au-But », mais ce dernier changea aussitôt et devint bientôt « le Terrible » ***
.

*** Ils arrivèrent maintenant au Dard de Sykrame, auberge récemment reconstruite. La jeune tydale ne se fit pas attendre et ordonna sur le coup une tournée générale. Tout cela sur son compte. De quoi ? Il n'eut pas le temps de répliquer que déjà Agliacci entama pour la énième fois son fabuleux récit digne d'un conte de fées ou le brave et preux chevalier terrasse le dragon pour sauver la belle princesse. La vérité, elle, était hautement plus sombre. Le chevalier n'avait absolument rien de preux, pas d'armure rutilante à la lumière du soleil, pas de lame à la blanche pureté, non, plutôt des armes à l'utilisation douteuse qui n'avait certainement pas occis que des méchants dans l'histoire. Rien de majestueux pour le dragon non plus, pas d'écailles n'y d'ailles, à la place des chairs putréfié ou ce mêle selles et urine, pas de flammes non plus, mais une odeur nauséabonde à la place et enfin, un essaim de mouches vint embellir le tout comme on peut embellit quelqu'un avec des paillettes. Seul constante à ce tableau ? La princesse. Dans tous les cas elle reste belle, jeune, souriante, à la longue et soyeuse chevelure quoi qu'il arrive, quoique pour la chevelure on repassera ici.
***

*** C'est dans cette ambiance, ou les vins commencèrent sortir des caves et ou les fût de bières allaient couler à flots que la tydale ce plaisait à continuer sa magnifique histoire. Mais celle-ci tourna rapidement au vinaigre, car certains convives commencèrent à douter de ses dires et certains traitèrent la conteuse de menteuse. Mais cette dernière avait apparemment un témoin pour approuver la véracité de son récit. Celui-ci n'était autre que Kether. Il avait été vite dépassé par les évènements aussi soudains que rapide qui se déroulaient autour de lui et il ne put en être que le spectateur, perdu dans une histoire durant laquelle il avait perdu le fil de l'intrigue. Et soudainement le voilà relayé au rang d'acteur.
***



*** Il ouvra ses yeux. Tout fut un peu plus clair maintenant. Une sacrée histoire à vrai dire. Le tydale ce souvint ensuite d'avoir souri à certains passages du récit héroïque d'Agliacci, il se souvint aussi d'avoir été heureux d'être ici avec cette tydale qu'il connaissait à peine. Cela lui rappelait les bons et mauvais moments passés avec son camarade et ami Morkreek, ceux-ci restant de très bon souvenir. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas lâché. Trop longtemps.
Kether offrit un sourire rassurant et à la tydale et fit taire les mauvaises langues en y joignant quelque notes mélioratif a l'égard d'Agliacci.
***

Non ! Elle n'est point une menteuse. C'est une fière et belle combattante. Aussi terrible qu'une vierge guerrière, elle fauche les monstres comme les âmes à l'aide de sa puissante magie. Traiter là encore une fois de menteuse et elle vous fera rétrécir à vie ce qui fait votre statut de mâles. Croyez-moi ! Je l'ai vu jeter cette effroyable sort sur son ennemi qu'il n'en reste que des cendres. Elle commença à briller de milles-feux qu'on aurait dit un quatrième soleil. La créature s'en brûla les mains ainsi que le reste de son corps.
Voyez vous, Agliacci la Vierge Guerrière n'est point une menteuse.


*** Son petit récit finit, Kether fit un discret clin d'œil à sa consœur et se retourna vers leur public. ***


Et pour fêter cela j'offre à tous une grande tournée générale.
*** Un regard vers le tchaë au bar. ***
Tavernier !! Amène-nous tes meilleurs vins et tes meilleures bières. Aujourd'hui tout cela coulera à flot au Dard de Sykramen pour Agliacci la Vierge Guerrière et Kether le Terrible.

*** Oui la folie devait-être contagieuse et la soirée ne faisait que commencer. ***



 
Tymnaïs

Le Luang 21 Manhur 1512 à 16h38

 
** La jeune Tchaë sortit de la forge, frissonnant brièvement dans l'air du soir. Elle étira ses muscles lassés par le maniement du marteau et prit la route de son rade préféré, hors les murs, là où les poussiéreux de passage évoquent le vaste monde d'au-delà du désert, ou dévoilent furtivement des merveilles de cités lointaines. **

** Alors qu'elle parvenait au Dard, une foule bariolée menée par une Tydale vociférante arriva sur la place. Il fallut quelques instants à Tymnaïs pour reconnaître sous ces atours de ...guerrière(?)... la Luthière qui papillonne d'ordinaire dans la cité, jouant des tours de ci de là aux paisibles artisans qui ne demandent pourtant rien à personne...
Mais la jeune Tchaë n'y peut rien, elle adore le grain de folie d'Aggliacci. Et alors que l'artiste lance son invitation générale, elle ne peut s'empêcher de prendre pour elle le petit signe de bienvenue que la conteuse adresse, sans doute, à quelque connaissance dans la foule. **

Et pis une tournée générale, ça ne se rate pas!

** Usant de sa petite taille, elle se faufila dans la salle comble, avant d'écarter d'un coup d'épaule le Tchaë chauve qui visait sa place habituelle sur les grandes chaises du comptoir. Bien installée à ce poste d'observation stratégique, elle se laissait entraîner par le talent de la conteuse. **

** Alors que l'interruption du Tydale prend de l'ampleur dans l'assemblée, la rêverie se brise. Quel gâcheur celui-là! Qu'en a-t-elle à faire que ce soit mensonges! Elle veut la fin de l'histoire! **

** Les assertions du Chambellan calment la salle, mais son talent est loin d'égaler celui de sa compagne d'aventure, et se saisissant d'une chopine, Tymnaïs s'empresse vers la conteuse pour lui extorquer d'autres récits merveilleux : **


Hé, aviha! Vous pourriez me raconter les hauts faits d'Edaregord? ... s'il vous plaît!

 
Agliacci

Le Dhiwara 27 Manhur 1512 à 16h07

 
La folie, c’est un fait, est toujours contagieuse…C’est son propre même : une terrible expansion, spécialisée dans les soupirs de l’ivresse. Un domaine qu’Agliacci se targue de maîtriser…

Agliacci, en observant Kether prendre – non, arracher – la parole et mener son preux discours, ressent un petit pic de fierté. Indéniablement, son talent emphatique pouvait prétendre à concurrencer ses dons au tir à l’arc, et son intervention semble effectivement rallier la salle à ses côtés. La tournée générale promise n’étant sans doute pas pour rien dans l’affaire, car il y a certaines constantes dans l’équation universelle qui ne changent jamais, et les applaudissements et huées ravies à la suite d’une si brave proposition, surtout dans la taverne la plus fréquentée d’Arameth, sont légion.
Néanmoins la Luthière éprouve un petit problème face au récit de son camarade de combat. Il peut se résumer ainsi :
Vierge. Guerrière.

Fait-elle vraiment office de créature angélique et virginale ? A-t-elle une tête à chanter à longueur de journée à propos de douces hyménées ? L’idée l’inquiète quelque peu. C’est peut-être un signal discret que lui lance le Chambellan pour qu’elle revoie sa garde-robe façon minimaliste. Dans tous les cas, cela ne fait pas de doutes : le patronyme que vient de lui assigner Kether fera sûrement la joie de nombre de ses camarades Luthiers peu avares de jeu de mots. Agliacci se dépeint déjà sa prochaine ballade dans les Dédales avec un mélange d’horreur et d’amusement…Agliacci, la Vierge Guerrière. Ça sonne pas si mal que ça, finalement…
Profitant de la ruée générale vers le bar, Agliacci dérobe deux verres de vin et vient en offrir un à Kether, lui proposant de trinquer :


A notre victoire, et que d’autres triomphes y succèdent ! La faune locale n’a qu’à bien se tenir !

C’est le moment que choisit Tymnaïs pour l’accoster. La Luthière se retourne gracieusement vers cette dernière, et quelque chose dans son visage change : la demande de la tchaë semble la ravir de joie ! Un grand sourire barre la figure de l’artiste qui s’incline aussi tôt, la main sur le cœur :

Dame, rien ne me ferait plus plaisir, assure-t-elle.
Et comment ! Qu’y avait-il de plus plaisant pour une Luthière, que de se voir demander une histoire… ? Elle espère être à la hauteur de ce qu’on attend d’elle. Se redressant, elle offre un coup de coude amical à Kether, et chuchote en aparté :


Que l’Effroyable n’aie crainte ; la pure guerrière que je suis aime mener ses batailles sur le champ des mots croisés…

Puis elle reprend, à voix haute cette fois, de sorte que chacun puisse l’entendre s’il le souhaite :

Il y a une légende dans le Luth…, Agliacci pause et paraît réfléchir, oui, exactement, un très vieux conte, en réalité… que l’on m’a rapporté. Il veut que, à chaque âme qui naisse, soit associée une note, un son, car, c’est bien connu : il faut toujours mordre à l’âme-son !…

Certaines âmes naissent aigues, d’autres graves…beaucoup sont mineures, rares sont celles qui sont faites pour l’Accord. On dénombre quelques âmes-useurs, drôles de personnages dont chaque souffle, chaque mot bat la cadence pour le reste du monde ; il y a ceux qui vibrent, bien sûr, ces vibratos tout en langueur avec lesquels vous ne pouvez rien prévoir ; et c’est sans oublier les échos, les adagios, les âmes blanches et celles qui sont lourdes de silence…Et les notes bleues, bien sûr.
Mais parfois, il arrive que les âmes à naître soient dotées d’une si forte volonté, qu’aucune note ne peut s’y imprégner ; elles sont d’une trempe si inflexible, qu’on les appelle ‘les résonnants’ : figures critiques qui lient toutes mesures, autour desquelles se courbent la partition, musiciens plus qu’instruments, toujours annonciateurs de changements !
Et c’est là, jolies sieurs et belles dames, maîtresse Tymnaïs, que la légende rejoint la réalité : car je crois que l’on peut bien dire que les frangins Edaregords, comme quelques autres rares figures de notre Confrérie, sont nés pour faire couler le son !

Frangins, me direz-vous ? Mais vous n’en avez mentionné qu’un !

A cela je réponds : méfiez-vous des antagonistes qui changent le monde ; l’un peut toujours en cacher un autre !
Nos héros sont donc bien deux – et quel duo ! – mais l’histoire qui nous intéresse ne nous livrera que le plus clair des deux, la seconde étant bien trop futée pour se laisser attraper par les rets de l’Histoire…


Agliacci pause, laissant le temps à l’assemblée d’intégrer sa petite introduction improvisée. Les hauts-faits d’Edaregord…jamais elle n’aurait cru broder sur le sujet, et pourtant. Elle se demande quelle thème va-t-elle aborder : la mystérieuse naissance des frangins ? Leur long voyage initiatique jusqu’à la Perle ? Leur montée en puissance ? Leurs multiples quêtes au service de la Confrérie ? et pourquoi pas la bataille contre le Tark’Nal … ? Tymnaïs est nouvelle symbiosée ; les clients sont peut-être plus rôdés, mais ne peut-il être bénéfique à chacun de se voir rappeler quelques grains de sel, et comment ils furent tous sauvés il y a si peu de temps de cela ?... Et, sa décision prise, de reprendre :

Tout commence par une nuit froide et lointaine. Tout commence toujours par une nuit froide et lointaine.

La poussière, alors, était livrée au désespoir, et à l’émoi le plus profond ; vous vous le rappelez sans doute ; en-dehors de nos remparts de sable, la créature connue sous le nom de Tark’Nal mettait chaque cité de poussière, une à une !, à feu et à sang, et son sillage corrompu faisait saigner chaque mur, chaque pierre de ces cités qui ont nourri et protégé la poussière, pour ne laisser plus que cendres et effluves, ombres et douleur…


Quelqu’un, dans la salle, approuve vivement.

Y a mes deux aînés qu’étaient à Korsyne. Ont pas voulu évacuer avec les autres. Z’ont toujours eu le sang chaud, ces fichus aventuriers, tenaient tout d’leur mère…Le Tark, il a tout ratiboisé, qu’ils ont dit, plus que des effluves, qu’ils ont dit…bon sang les gars, j’crois que mon verre est pas assez plein pour toutes ces histoires…Et on y serait tous passé, nous aussi, et ma petite avec…

…Mais cela n’a pas été le cas,
reprend Agliacci d’une voix douce, tandis que le vieux nelda au pelage grisé se voit, sans un mot, offrir un verre par un de ses voisins qui jusque là l’avait parfaitement ignoré.

La poussière a beaucoup perdu. Et, oui, nous aurions bien pu tous y passer ; si ce n’avait été pour Edoar Edaregord le Noir.

Car il fallait tenir bon.

Tout Syfaria était présent sous les remparts d’Arameth, qui avait été promise à la destruction au même titre que ses sœurs de l’île…La bataille, c’était décidé !, se jouait ici, et maintenant. Plus que jamais, les enjeux étaient élevés : il s’agissait de mettre un terme définitif aux exactions du monstre, il fallait bien lui rendre la monnaie de sa pièce, se défendre bec et ongles, et gagner, surtout, gagner pour qu’Arameth ne soit pas la prochaine à tomber !...


Ce disant, Agliacci fait les cent pas et frappe dans son poing, enjointe par un murmure appréciatif de la part de la salle. L’appel au patriotisme, particulièrement dans les débits de boissons, fait toujours de l’effet.

La terre et l’eau se conjuguaient sous un ciel blafard, attirant le Tark’Nal et sa cohorte gigantesque de servants et monstres dans son sillage. Toutes les factions, depuis les Hauts-Rêvants jusqu’aux Matriarcales, Témoins comme Equilibriens, avaient uni leurs forces avec celles de la Confrérie !

Mais la force brute n’y faisait rien : l’on pouvait retenir les nuées monstrueuses, mais comment défaire le géant de mana qui les commandait ? Rien ne semblait le toucher ou l’effleurer, et aucun poussiéreux n’avait jusque là réussi à l’anéantir, et par les Six, ce n’était pas faute d’avoir essayé !
Edaregord le Noir réfléchissait à la question.
Il avait passé les mois précédents à réfléchir à la question.

Car il fallait tenir bon.

A minuit comme à l’aube, sans relâche, il défaisait les minutes et défrayait les secondes pour gagner encore un peu de Temps, juste un peu plus de Temps, car il fallait bien qu’il y ait une solution ! Et cette solution, voyez-vous, fût de mettre en résonnance…
Le Son et les Mystères chatoyants des arcanes.

Car ce monde est Harmonie, et aime la caresse de ce qui équilibre ses plus beaux Arpèges…et qui mieux qu’un résonnant pouvait faire face à cette difficile tâche ?


Ce disant, Agliacci, qui faisait les cent pas dans la salle et naviguait entre chaque tablée pour mieux caresser du regard son auditoire silencieux, se rapproche du grand piano qui se trouvait dans la salle ; Arameth est le genre de ville où l’on ne manque jamais d’un instrument de musique…
Le conte se suspend. La Luthière dédaigne le piano mais s’approche d’un longiligne instrument à cordes, de confection équilibrienne. Elle laisse courir ses doigts le long de l’ehru, et penche la tête de côté, comme pour mieux entendre quelques murmures qu’elle serait seule à entendre…elle se glisse sur un chétif tabouret et, attirant l’instrument à elle, fait naître quelques notes du bout des doigts. Tout est ce qui est précieux se tient du bout des doigts.
Il lui faut quelque chose de simple. Et, à chaque note avalée sous la pression minutieuse de ses mains, c’est d’une voix de plus en plus forte et dispensée avec calcul entre chaque mesure, qu’elle reprend :


Alors, tandis que le monde courait à sa perte et que la ligne de fuite du Temps allait s’amincissant, le maître Edaregord prit sur lui de créer un rituel qui réunirait ses plus grands amis, et héros de l’île ; courageux arcanistes, Nemen mystérieuse, premier violon blanc comme neige, que manquait-il à cette recette pour faire de ces participants des héros ? Mais une pincée de danger, un brin de mort, un souffle d’échec…

Les armées Syfariannes se jetaient dans la lutte avec la force et le courage que seul procure le désespoir. Sous Drajil l’Ecarlate, les dunes baignaient dans le sang ! Les ombres elles-mêmes dansaient ; il aurait presque semblé que le monde plongeait plus vite que jamais au gré des courbes d’une spirale impie et destructrice…

Dans la salle où le rituel mis au point par Edoar le Noir prenait place, la Balafre de Vie était si bien tordue et tordue et brisée et remodelée par les chanteurs de mystères, que le mana dégagé suffisait à faire fondre la pierre aux alentours, et nombre de volontaires ne purent supporter la décharge magique qu’Edoar le Noir cherchait à maîtriser…quelques heures après le début du sortilège le plus complexe de Syfaria, deux des arcanistes tombèrent au sol, la cervelle tout bonnement grillée par l’effort surnaturel qui leur était demandé.

Mais à chaque âme perdue, le rituel lui-même s’affaiblissait, et perdait en Harmonie. Le chant du violon n’était plus relayé, et le mana allait se dispersant et brûlant ceux qui le manipulaient… Et au-dehors, même si les nuées avaient été défaites par l’union syfarianne, le Tark’Nal restait invincible, et s’attaquait déjà aux Faubourgs de la Perle…

Edaregord savait que le rituel ne tiendrait pas. Or, il fallait tenir bon.

L’un d’entre eux devait prendre sur lui l’énergie résiduelle dégagée, et permettre à la Nemen Syrtaï d’accomplir ce qu’elle seule pouvait faire : figer le Tark’Nal par l’union incongrue du Son et du Mystère, et le rendre vulnérable aux morsures de la poussière…

Le Noir manipula alors les flux de telle sorte qu’ils le touchent lui, plutôt que ceux qui étaient encore debout…il escomptait que sa symbiose et ses talents hors-normes le sauvent ; la douleur fût si terrible, dit-on, que son hurlement réveilla jusqu’à Arameth elle-même… !

Dès qu’il absorbe la terrible énergie, le mana et la musique se rééquilibrèrent enfin ; la nébuleuse Nemen eût tôt fait de figer le Tark’Nal dans la Trame, et chacun des participants pût être libéré du cercle mortel dans lequel ils étaient entrés… ! Epuisés et vidés de toute énergie, ils voulurent se précipiter vers le corps de celui qui avait tout initié…mais le retour de mana avait été si puissant que le symbiosé en avait été dissous !

Sur le terrain, l’espoir s’approchait en catimini. Syphine Andromar elle-même sortit de sa Pyramide cette nuit-là, et s’avança sans peur vers le Tark’Nal qui ravageait sa cité et menaçait de la corrompre jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de chacun de ses habitants…pour pénétrer dans la ville, encore le monstre devrait-il passer sur son corps !
L’union syfarianne se lançât alors au dernier assaut. Ils avaient tenu bon, toute la nuit, contre les hordes et les vagues de monstres ; ils avaient perdu des frères, des amis, mais pourtant, avaient tenu bon, et ils se promettaient de le faire encore, de ne rien lâcher au monstre, et de venger leurs cités perdues !

Mais le Tark’Nal, même si considérablement vulnérable, ne pliait point le genou…Certes, il était immobilisé, mais les attaques de tout à chacun se résorbaient si aisément que cela paraissait un jeu.

Alors surgit des murailles d’Arameth une ombre géante et monstrueuse, de deux fois la taille du Tark’Nal…
Après s’être agenouillée devant dame Andromar, l'impalpable géant se releva et se jeta sur le Tark’Nal !
Les deux créatures s’enlacèrent en une parodie amoureuse sanglante…jusqu’à ce que, d’un coup de crocs, l’ombre arrache la tête du Tark’Nal et plante ses griffes en son cœur !

Certains crurent que c’était là l’incarnation de l’Horloger lui-même, désireux de protéger ses enfants. Mais ceux qui le virent de plus près savent mieux que cela, et pourront vous le dire : ce n’était autre qu’Edoar le Noir lui-même, ranimé par on ne sait quelle rage, grésillant de mana, et l’ombre possédait son visage.

Lorsqu’Edaregord se détacha du Tark’Nal, il n’en restait que le cristal noir que nous connaissons désormais tous… et, après s’être agenouillé devant Syphine, il plongea à nouveau dans les méandres obscures d’Arameth où il disparut…quoiqu’on dit que, certaines nuits où les lunes sont cachées, on peut l’apercevoir rôdant autour des cristaux ou au détour d’une ruelle, cherchant en vain à s’extirper de l’état dans lequel son sacrifice l’a plongé…

Les étoiles cette nuit-là tombèrent.
Et une nouvelle aube se leva sur Syfaria. Rien ne serait plus jamais comme avant...

La musicienne fait sonner son ultime accord et ses yeux vairons lancent un regard aigu vers la salle, tâchant de prendre la température de son improvisation soudaine (mais assonée avec une certitude qui ferait plier l’acier.) Et de demander :

Et dites-moi donc…
Quelle est la morale de cette histoire ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Kether

Le Sukra 2 Jayar 1512 à 15h52

 
*** La fin du discours prononcé, quasiment tous les clients du bar se ruèrent vers le bar. La note allait être salée pour le Chambellan. Ce dernier descendit de la table sur laquelle lui et la tydale étaient montés pour narrer leur formidable combat, chacun y rajoutant des détails à sa sauce, celle de Luthière étant particulièrement épaisse, peut-être trop, mais cela n'avait dérangé personne ou presque.
Tandis qu'il s'apprêtait à s'asseoir, le tydale vit sa consoeur dérobée habilement deux verres de vins en profitant de la foule amassé au comptoir. Kether pourrait la dénoncer pour cela, mais il n'en fera rien. Dans une autre situation, il se serait certainement servi cet acte et en aurait profité pour passer à tabac la voleuse. Comme avec une certaine Teoxana. Mais après avoir faillit aller en prison, maintenant il ne réserve ce traitement qu'as ceux ou celle qui s'en prendrait à lui ou à ses possessions. Par contre, pas besoin de prétexte pour les Matriarcat, elles le méritaient tous autant qu'elles sont. Et puis Agliacci n'avait pris que deux verres de vins, cela ne valait vraiment pas la peine que l'on s'égosille.
Il afficha un léger sourire en direction de la tydale et trinqua avec elle. ***


Oui, a notre victoire et aux prochaines qui ne sauront tarder j'espere.

*** Il vida son verre de moitie avant de la reposer bruyamment en un soupir de soulagement. Soudain une tchaë, aux yeux rêveur, apparu près d'eux. Kether crut au début que ce fut une enfant venue pour admirer le Terrible et la Vierge Guerrière en chair et en os, pendant qu'ils l'étaient encore. Mais ce ne fut pas le cas. Juste une tchaë demandant une histoire sur les exploits d'Edoar. Dans la tête du Chambellan cela ravivait bon et mauvais souvenirs. Et bizarrement avec ce nelda les bons souvenirs finissaient tragiquement en mauvais souvenir. Premier voyage, avec Edoar, première mort. Chasse à la voleuse avec Morkreek, Direction le bureau de l'oeil Edoar pour avoir été suspecté de meurtre. Heureusement cela s'arrêtait là.
Un coup de coude de la tydale vint le sortir de ses pensées et des mots glissèrent jusqu'à ses oreilles. Mots croisées ? Que voulait telle dire par là ? Pas le temps d'y réfléchir un peu plus longtemps qu'Agliacci commença son récit. Ou plutôt son introduction à celui-ci.
Celle-ci fit lâcher quelques petits sourires au tydale, reconnaissant quelque jeu de mots. Mais dans l'ensemble, il se laissa lui aussi prendre dans la vague de mots de la Luthière. ***


*** L'introduction passée, commença le véritable récit. L'assaut du Tark' Nal sur la perle. Kether n'était encore qu'un simple caravanier à l'époque, tout juste arrivé à l'Horloge du Suaire. Il n'avait donc pas pu voir le combat contre le titan et encore moins y participer. Il était donc désireux d'entre la version de sa consoeur à ce sujet. Et il se laissa porté par son récit héroïque. ***


*** Soudain, une pensée vint l'interrompre dans l'attention qu'il portait à la narration d'Agliacci. Partit. Son plus cher ami au sein de la confrérie, Morkreek avait décidé de s'exiler pendant un certain temps de la ville. Kether lui renvoya une pensée, mais aucune réponse ne lui parvint. Il était bel et bien partit. Ils s'étaient quittés à Lerth après le Séminaire, partant chacun de leur côté, pensant tout deux se revoir bientôt. Apparemment cela n'allait pas être le cas. Quand pourra-t-il le revoir ? Ou ça ? Il ne lui avait rien dit de plus. Et s'il ne revenait jamais ? Kether aurait voulu au moins lui dire au revoir une dernière fois. De vrai adieu et lui dire à quel point il comptait pour lui. Mais il était trop tard maintenant. La vie vous apporte parfois son lot de surprise, mais elle peut tout aussi bien se montrer cruelle et injuste.
***

*** Tandis que la dernière note vibra dans l'air de la taverne, une larme tomba en silence sur l'une des tables de celle-ci. ***



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