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Faubourgs de la Perle

L'étincelle

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Sujet lancé par Sadr
Le 30-05-1512 à 11h19
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Posté par Agliacci,
Le 11-07-1512 à 19h25
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Sadr

Le Merakih 30 Manhur 1512 à 11h19

 
*** L'aube s'annonce.

Le premier soleil taquine l'horizon et disperse un ultime lambeau de brume.
La nuit, froide, le cède aux chaleurs de l'été naissant. A cette heure, les marchands et artisans s'activent déjà, déployant leurs étals aux pieds des remparts.

Contre toute attente, au terme d'une course lente d'un bon millier de lieues, l'improbable caravane de l'enfant-nuit pénètre dans les faubourgs. ***





*** Les roues cerclées de la roulotte, baroque et colorée, jouent le staccato sur les pavés. Un Yloataluk, puissant et ramassé, tracte l'attelage sans effort aucun. Juchée sur l'estrade du cocher, la jeune femme a tout d'un fantôme : blanche de pieds en cape, ne laissant guère voir que ses mains pâles et ses yeux gris, elle se protège - déjà - de la lumière. Elle a traversé l'essentiel du désert de nuit, pour y survivre, passant le jour cloîtrée dans sa roulotte, volets clos, rideaux tirés.

Sa vue est altérée. De jour, sans l'aide de ses drogues médicinales, la sibylle est misérablement myope. Elle ne voit pas grand-chose du monde qui l'entoure. Mais depuis peu, depuis qu'un parfait inconnu croisé en chemin - Vel Ihalgarm - l'a aveuglée, elle se laisse absolument guider par Phlegme. L'animal de bât se dirige donc à l'odeur et de lui-même, va se poser à proximité du marché couvert... là où d'autres créatures de son espèce sont déjà regroupées.

Dès que l'attelage s'arrête, Sadr descend lentement de son perchoir, se porte à l'arrière de sa caravane, se défait de son collier et l'accroche à tâtons au fronton de sa porte. C'est un simple bijou en forme d’œil. Il est de facture quelconque, fait de bronze ordinaire, car son propos n'est point de plaire... mais d'informer. Toutes les émigrées matriarcales ou les doctes connaisseurs de sa faction d'origine sauront le reconnaitre pour ce qu'il est : un Oudjat. ***





*** La tydale est une fille du Déclin. Ces dernières sont connues, dans tout Syfaria, pour leur art consommé de la guerre et leur goût prononcé du combat. En corollaire, elles ne sont point réputées subtiles, mais plutôt stupides. Tantôt, en fonction des circonstances, elles seront craintes ou moquées, mais fort peu respectées : leur violence, en soi, ne promet que des ennuis... et n'incite guère à la noblesse des sentiments.

l'enfant-nuit appartient bien à sa faction. Elle en est même une égérie, à sa façon. Si son art puise au cœur de sa culture, s'il est plus ancien que le Dha'pu lui-même, s'il renvoie à l'essence même du Déclin plutôt qu'à ses atours guerriers, il est ignoré.

Se levant sur la pointe des pieds, la liadha ourle ses lèvres et souffle sur l'Oudjat, pour le dépoussiérer.
En-dessous s'affiche l'horoscope de Jayar.

Sadr est astrologue. ***


Horoscope de Jayar

 
Terham

Le Merakih 30 Manhur 1512 à 19h31

 
Au loin. Il tire des flèches dans le vide. Pour tuer.
Plus près. Il creuse un trou dans le sable. Pour voir.
A côté. Il se penche sur la roulotte. Pour rien.



Alors...





Il se gratte le menton. Ne regarde l'astrologue.






...Je suis né quand déjà...?



Dubitatif.



Une science ? Un jouet ? Superstition ? Destinée ?

Haut au-dessus Kanchira se fascine... Le Yloataluk est placide.


 
Sadr

Le Merakih 30 Manhur 1512 à 22h34

 
*** Sans plus attendre, Sadr pénètre dans sa roulotte et commence à travailler.

Dans une heure, tout au plus, elle devra dormir. La lumière et la chaleur de Maelia l'accablent déjà ! Alors, elle organise son intérieur, dispose deux fauteuils en vis-à-vis du guéridon, déploie ses instruments. Ceci fait, elle ressort, débride et mène Phlegme d'une main faible jusqu'aux abreuvoirs. Elle profite un instant de la fraicheur de l'eau, s'en passe sur la nuque et les chevilles, puis revient au campement.

D'autres voitures sont garées là, sur des emplacements dédiés ; pour ce que l'enfant-nuit en comprend, toutes appartiennent à des marchands. Elle remarque une forge ambulante, tenue par un tchaë taillé comme un lutteur de foire. Cinq chars, décorés de bannières et de panneaux de bois peints, trahissent la présence d'un cirque itinérant. Un peu plus loin, des cireurs l'interpellent, avant de lorgner ses sabots avec dédain...

L'astrologue presse le pas, désireuse de se soustraire aux feux brûlants du soleil.
Elle passe devant une cage...
Elle s'arrête.

La carriole, renforcée et armée de barreaux, appartient sans doute à un montreur d'ours. Mais de fait, elle enchartre un placide.
L'animal, très âgé, trépigne sur place. Ses longs bras laissent deux mains racler le sol tandis qu'il tourne et se retourne, d'un bord à l'autre, sans vraiment marcher tant l'espace manque. Il lui reste des poils, par endroits. Partout ailleurs, sa peau squameuse et livide transparaît. Le quadrumane, abruti de douleur et d'incompréhension, a sombré dans la folie depuis longtemps. Dépourvu de toute forme d'intelligence, il n'est plus qu'une plaie béante. Une douleur vivante.

Une pancarte notifie : "l'animal est dangereux".
C'est un mensonge.
C'est un placide.

Sadr s'approche. Elle le pointe du doigt et murmure : ***


Je te maudis.

*** Elle regarde à sa droite : deux gardes armés l'ont vue et lui font signe, d'un geste clair, qu'avancer davantage est une mauvaise idée.
L'enfant-nuit pense le contraire.
Luttant contre sa peur, elle ferme les yeux et fait un pas de plus...

Le fauve bondit, toutes griffes dehors ! Sa patte traverse les barreaux et croche la tydale au bras avant de l'écraser contre la cage ! Le placide, ivre de rage, tente de l'égorger de ses crocs émoussés mais le métal l'en empêche ! Puis il s'écroule, transpercé de six carreaux et d'une lance de guerre, tandis que les soldats alertés éloignent la jeune femme.

Blessée au front, une oreille déchirée et le bras en lambeaux, Sadr entend sans comprendre leurs commentaires agacés. Il s'expriment en rabaan, langue qu'elle ne maîtrise pas. Elle devine néanmoins qu'ils la sermonnent avant de s'éloigner, la laissant chiffonnée sur le sol, pissant le sang à même le sable.

Sans une plainte, elle se relève et claudique vers sa roulotte, luttant pour ne point tourner de l’œil.
Elle râle à son Ombre : ***


C'est la première fois...

Ombre dit :
Bon sang, Sadr...
Quoi ? La première fois que quoi ?


*** Dans un crachat rouge carmin ***


Que je tue quelqu'un.

Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Vayang 1 Jayar 1512 à 15h05

 
C’est côté cour qu’intervient Agliacci.

Selon la coutume qui veut que tout fieffé travailleur rentre chez lui en sifflotant gaiement, elle arbore une démarche relaxée et, les mains sagement enfoncées dans les recoins les plus obscurs de sa cape moirée, exhibe toutes les caractéristiques de l’autosatisfaction la plus profonde. C’est que la pauvre et malheureuse trapéziste du cirque itinérant de Fey, de passage à Arameth et dont Agliacci vient tout juste de quitter les roulottes, est tombée gravement malade ce matin...Pas de chance ! Les choses auraient pu mal tourné, si tant est que la Luthière ne s’était pas aussitôt présentée pour sauver la face. Le spectacle doit continuer ? Qu’il continue donc ! Agliacci a toujours rêvé de s’essayer aux trapèzes… après tout, ça ne peut pas être si difficile que cela ! Et puis, soyons francs : le costume est fait pour elle, jusqu’à la dernière paillette.

C’est donc sifflant son ravissement à qui veut bien l’entendre qu’Agliacci croise deux gardes visiblement en pleine conversation, du genre qui lui fait dresser l’oreille.

-… Ces étrangers, faudrait tous les foutre dehors, pas un gramme de cervelle, j’te jure, quelle idée de s’approcher comme ça aussi !
- Momo est mort,
se lamente le second. Et crois moi, c’pas moi qui vais annoncer ça au patron ! Va nous faire la peau quand il va apprendre que Momo a une lance coincée dans l’échine dorsale…
- Pour ce que j’en ai à faire, Momo peut finir en carpette
, rétorque l’anti-étranger. Puait la mort, d’façon. Fin, pas plus que la tydale. Moi j’dis, laisse pas une tydale s’approcher de toi. Surtout si elle est étrangère, et que tu sais pas bien d’où elle sort ! Sitôt qu’elle te chope entre quatre yeux, couic !, ça te châtre ta virilité vite fait bien fait.

Agliacci en est encore à méditer sur ces sages paroles lorsque sa curiosité prend encore une fois le pas sur sa maîtrise de soi, au demeurant très faible.

Ah bon ? s’étonne-t-elle à haute voix. Une tydale vient de châtrer Momo ?
- On t’a rien demandé, à toi,
fait le premier garde en lui jetant un regard mauvais, à peu près en même temps que le second fait : « Ouais, une petite liadha, guère plus.
- Petite ? Momo est mort à cause d’elle !
- J’croyais que tu voulais qu’il finisse en carpette…
- Qu’est-ce que je viens de te dire sur les étrangères ?
- Qu’on peut pas leur faire confiance, c’est ça que t’as dit.
- Doit être salement amochée, votre tydale. Vous avez des tâches de sang sur le bras,
intervient la Luthière.
- Quoi ? Ah, oui…s’est jetée sur la cage, lui explique le second en se frappant la tempe de l’index. Complètement cinglée. Momo lui a fait sa fête.
- Et vous avez laissé une petite tydale s’enfuir en charpie dans les Faubourgs ?
- Ben…oui…l’est partie par là…doit pas être très loin…
- Occupe toi de tes affaires, la Luthière
! s’insurge le premier qui saisit son compagnon par le bras et abandonne Agliacci à sa réflexion. C’est, après tout, un bien curieux rapport de faits ! Et, en attendant, Momo, qu’il serait de bon ton de sortir de sa cage avant que la chaleur des soleils n’accélère sa prochaine putréfaction, fait toujours office de macabre cible de tir…

La Luthière ne voit, en général, pas d’un très bon œil la présence de ses comparses tydales dans les Faubourgs, des fois que les dites comparses seraient ressortissantes du Matriarcat, dont dire qu’il lui inspire du dédain est manquer une formidable occasion d’utiliser le terme d’exécration viscérale. Malgré tout, de la définition donnée par le duo de garde, il peut tout aussi bien s’agir d’une Equilibrienne, voire d’une représentante des Témoins, ou bien d'une simple d'esprit du cru, ce qui collerait bien avec le conte qui lui a été rapporté…et, toutes choses égales par ailleurs, il serait de bon ton de ne pas laisser une ‘petite tydale’, selon ce que lui ont rapporté ces charmants messieurs, esseulée dans les rues de la Perle.

Agliacci se dirige donc vers la direction vaguement indiquée plus tôt dans la conversation, à la recherche de la fameuse personne qui cause actuellement tant de troubles à au moins deux individus sur cette île. C’est après quelques minutes passées à poursuivre l’inconnue dans les rues que, finalement, la consoeur parvient à la retrouver. Ce qui, du reste, n’était pas difficile ; c’est que le terme « d’amochée » est un joli euphémisme ! Certes, Agliacci ne la voit que de loin, mais on dirait bien qu’elle a la moitié du visage en sang…et, surprise : c’est une symbiosée !

La Consoeur trottine patiemment pour se porter aux côtés de cette dernière, mais...deuxième surprise ! Cette dernière vient de pénétrer dans une petite roulotte à l'aspect obscur...

Raté, songe la Luthière. Elle hésite quelques instants à insister ; mais se doute que sa présence, en la demeure d'autrui, risquerait d'être perçue comme une agression...
Ayant retenu l'emplacement de la roulotte, Agliacci se promet de vérifier plus tard l'état de la jeune dame, et tourne les talons, encore troublée par l'histoire abracadabrante qu'elle vient d'entendre, et plus que décidée à tirer cela au clair.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Vayang 1 Jayar 1512 à 15h11

 
*** Elle s'est enroulée dans un linceul et laissée choir, dans les ténèbres sépulcrales de la roulotte. De la sorte, la sibylle ne salira point les lieux : tentures de lin, coussins de plumes et tapis d'alpaga ne demandent qu'à boire son sang. Il restera confiné dans les plis du drap blanc, puis vermillon, le temps de sa guérison...

Car tandis qu'elle dort, abrutie de fatigue et d'exsanguination, la symbiose opère son troublant miracle : ses plaies se referment, ses gibbosités s'estompent, son épaule se ressoude et son front cicatrise.
Le soir, lorsque Silith fait sa révérence à l'horizon, l'enfant-nuit s'éveille en plein santé.

Elle est indemne. Mais sa toge est perdue, déchirée et croutée de vieux sang. Sadr procède à ses ablutions vespérales, brûle ses vêtements, se désaltère, puis se change avant de sortir sur son perron. Elle s'y assied, détendue, reposée.

Une heure durant, la déclinante observe la mise en place du théâtre céleste, lorsque, entre chien et loup, la luminosité du ciel décroît et que s'avancent l'un après l'autre tous les acteurs nocturnes. Les yeux de l'astrologue, martyrisés par la lumière du jour, ne révèlent leur véritable potentiel qu'au crépuscule.

Un météore illumine brièvement l'horizon Est. Partant du ventre de la Papesse, il transperce l'Excuse de part en part avant de finir sa course dans l'Essaim...
Sadr murmure : ***


Curieux présage.
Suis-je concernée ?


Ombre dit :
Tu m'expliques ? Je ne connais rien aux constellations...


Vulgariser, c'est vulgaire.

Ombre dit :
Oh l'autre, eh... Allez, quoi... juste une indication...


*** Soupir ***


La Papesse suggère l'énigme, le problème difficile, le mystère. Alors son ventre m'évoque le Dha'pu. Je suis exilée, j'appartiens à la famille des déclinantes et je viens d'accomplir mon karna ; je me sens donc impliquée par cette entame.
L'Excuse évoque l'inhibition, la procrastination, le renoncement. Dois-je comprendre qu'une tâche, apparemment insurmontable, m'attend ? La vision suggère que je l'estimerai irréalisable et qu'à ce titre, je m'en détournerai... à tort.
L'Essaim est un symbole dialectique. Il signe un grand succès, un accomplissement, un tout supérieur à la somme de ses parties.

Si j'envisage la vision comme un avertissement qui m'est destiné, elle dit :

Dans peu de temps, j'aurai l'opportunité d'accomplir quelque chose d'important.
Cette opportunité ne m'apparaitra point comme telle : je m'en détournerai, car je la jugerai trop ardue, hors de ma portée.
Mais j'aurai tort :
Si je m'attelle à la tâche, si je m'emploie à bien faire, contre toute attente...


*** La tydale garde le silence ***


Ombre dit :
Oui ?
"Contre toute attente"... Quoi ?
Alors ? Tu t'en sortiras, c'est bien ça ?


Peut-être.

Ombre dit :
Peut-être... Bah ! Tu appelles ça une prévision ?!


Non.
Ce n'est qu'une vision.
...

Tu n'écoutes pas.


Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Vayang 1 Jayar 1512 à 18h05

 
Sa curiosité n’ayant toujours pas été rassasiée, c’est après son numéro au cirque de Fey, qui, au craquement de ses articulations et aux pénibles courbatures dans chacun de ses muscles, semble avoir duré une éternité, qu’Agliacci reprend son investigation improvisée là où elle a été forcée de l’arrêter.

Tout en s’étirant comme un gros chat pour étirer ses muscles endoloris, la Luthière regagne sans difficulté la roulotte dans laquelle elle a vu plus tôt s’infiltrer cette étonnante symbiosée. Encore une fois, elle retrouve facilement la silhouette de cette dernière ; mais, cette fois, Agliacci tâche de ne pas sous-estimer ses capacités de disparition…
Elle s’approche, quoiqu’un brin méfiante. Un simple regard l’informe que, en tout cas, de blessures, il n’y a plus…Bon point, ça ! Cela rassure déjà une partie des intentions de la Luthière…

Ma Dame, salue-t-elle en tydale une fois qu’elle s’estime assez proche. Elle accompagne même la salutation d’une souple et rapide révérence qui confine à la pirouette. Après tout, elle émerge tout juste de quelques heures de trapèze.

Pardonnez mon impudence, mais j’ai ouï dire plus tôt d’un conte tout à fait étrange ! On m’a rapporté qu’une jeune tydale s’est faite agressée par un ours encagé – quoi que d’autres ont suggéré le fait que cette personne ait voulu…euh…le châtrer, ou peut-être lui arracher la jugulaire avec les dents, les faits sont obscurs, dit-elle en se remémorant les dires très terre-à-terre du premier garde avec un demi-sourire. Peut-être en savez-vous un peu plus que moi à ce sujet ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Vayang 1 Jayar 1512 à 21h20

 
*** Lorsqu'une tydale s'approche et l'apostrophe, Sadr se lève, pensant accueillir une consultante.
Mais sa tenue de saltimbanque, son port tranquille, sa révérence indue et surtout, son phrasé d'actrice démentent le présupposé.
Qui plus est, son nom de baptême précède l'ingénue : Agliacci.

Elle est donc symbiosée.

Debout sur son perron, l'astrologue a tout d'une colonne cariatide : immobile, pâle et lunaire, elle détonne complètement avec son arrière-plan, composé d'une roulotte plus décorée, colorée et bariolée qu'un char de carnaval. Le regard gris de l'enfant-nuit accroche un instant celui de la consœur puis s'en détourne, s'en décale, s'en esquive.

Un silence s'installe. Puis ***


L'étrangeté est une qualité bien banale, pour un conte.
Ne pourrions-nous même considérer qu'un conte digne de ce nom l'a toujours, en essence ?


*** In petto, ou presque ***


Je ne sais rien des contes. Ils m'échappent. Ils appartiennent à un monde auquel je n'ai pas accès. Je les confonds avec les échos, alors ils me perturbent. Ils trompent mes analyses, compliquent mes calculs et fragilisent mes augures.
Leur bruit de fond est extrêmement puissant.


*** Plus clairement ***


Si nous parlons d'un fait avéré, ce qu'on t'a rapporté est inexact.
L'être en question n'était point un ours, mais un placide.
Bien qu'animé, présentant toutes les apparences de la vitalité, il était mort depuis fort longtemps.

Qu'une créature défunte s'agite ainsi va à l'encontre des lois intemporelles qui nous gouvernent, tant sur la terre qu'au firmament. La trame en souffre et s'en défend, jusqu'à résolution - violente - du paradoxe. Une résolution d'autant plus brutale que le paradoxe est ancien.

J'ai résolu ce paradoxe. La violence était inévitable.


*** S'étreignant les mains ***


La disparition du placide te cause-t-elle des ennuis ?
Demandes-tu réparation ?





Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Sukra 2 Jayar 1512 à 11h41

 
Pour être lunaire, ça, du point de vue d’Agliacci, Sadr est lunaire tout comme il faut. Peut-être même un peu lunatique. A ses yeux hétérochromes, cela pourrait être Kvetha en personne, aussi droite qu’un présage d’albâtre ! En somme, l’exact opposé de la chamarrée et souple consoeur…qui, loin de s’ombrager du fait que la tydale semble plus à l’aise sans l’avoir dans son champ de vision, continue à détailler cette dernière. En effet, Agliacci ne peut s’empêcher de se demander si ces traits-là lui rappellent quelque chose…

A la première question de la tydale, elle rétorque :

Je ne saurai dire, ma Dame. Tout ce que l’on m’a jamais appris de l’étrange est qu’il convient qu’il soit toujours beau. Pour ce qui est des contes, c’est à peine si je reconnais une chute lorsque j’en vois une, et je vénère des fées bien plus vertes qu’il n’est conventionnellement admis. Il me semblait que le lyrisme constituait l’essence de ces derniers ; mais sans doute êtes-vous plus adepte de l’étrange que moi-même, ce qui augure une conteuse hors pair, glisse-t-elle sereinement, peu troublée par l’aparté de Sadr, dont, au demeurant, elle n’ouï pas grand-chose…

Le reste du discours de la tydale fait froncer les sourcils à Agliacci. Pour sûr, elle a rarement entendu quelqu’un lui évoquer une mise à mort en termes de résolution de paradoxe…ce choix pour le moins singulier lui évoque vaguement les Nemens.

Croisant les bras.


Le devrai-je ?
Je n’ai rien à voir avec ce placide, mais je ne doute pas qu’à un moment ou l’autre, quelqu’un viendra t’en demander réparation. Quant à savoir qui, et de quelle manière…


Au vu du tutoiement de Sadr, et selon sa politique personnelle, Agliacci a tôt fait de répondre sur le même ton.

Me signifies-tu que ce placide était mort de par sa privation de liberté ? demande-t-elle, ouvertement intriguée par la formulation équivoque de Sadr. Et de rajouter :

J’avoue être des plus surprise de croiser une enfant du Tableau dans ces Faubourgs, et a fortiori seule. Ta place n’est-elle donc pas dans la Ruche qui t’a élevé et nourri ? J’ai du mal à imaginer qu’Arameth puisse être une destination de choix pour les amantes du Déclin ; l’histoire veut que cela soit en général mauvais présage…


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Sukra 2 Jayar 1512 à 19h33

 
*** Le visage neutre, Sadr ne donne à voir nulle expression d'humeur, si tant est qu'elle en ressente l'ombre de la queue d'une...
Mais elle écoute, Agliacci le sent, avec une attention - voire, une tension - plutôt surprenantes, si l'on considère que le débat demeure informel et courtois. Mais peut-être n'est-ce là qu'illusion et qu'en vérité, le dialogue se révèle plus profond ou plus incident qu'il n'y paraît ? ***


Si l'absence de liberté s'avérait mortelle, nous discuterions en enfer. Puisque qu'il m'est donné de t'exprimer mon avis, la liberté, comme l'autorité, sont une vue de l'esprit. Une chimère.
Toi et moi sommes des enfants du Tableau. Ce qui nous sépare n'est pas réel, mais idéel :
Je fais avec, tu fais sans.


*** Descendant de son marchepied, la sibylle s'approche de la consœur. Son regard demeure fuyant. ***


Liadha, as-tu quelque connaissance de la culture du Déclin ?
J'entends : au-delà des lieux communs fort réducteurs qui circulent sur mes sœurs, sais-tu ce que professent nos sages ? Tu me donnes l'impression d'avoir bien des réponses toutes faites, à mon endroit, quand bien même ne m'aurais-tu jamais croisée... lors que j'admets, pour ma part, ne rien savoir de toi.
Le Déclin est riche de courants, d'opinions, d'écoles de pensée et d'expressions variées. Voire contradictoires.
Le crois-tu ?
Je suis astrologue, membre de l'école du Fatum. J'appartiens à la famille des déclinantes. Par ces mots, je signifie à la fois mon appartenance farouche à ma communauté... et ma singularité.


*** Le ton est doux, la question indiscutablement amicale ***


Cela prend-il sens, pour toi ?

*** Un ange passe ***


Pour te répondre : Ce n'est point l'absence de liberté qui a tué le placide. C'est l'absence d'espace. Pour cette créature, noble mais frustre, ces deux mots sont synonymes.
Mais pour nous...


*** Avisant l'immense désert d'Amody qui les entoure ***


... c'est différent.

Je me sens bien, ici.
Je suis toujours à ma place, sous le ciel étoilé.


*** Désignant la porte de sa roulotte ***


Désires-tu converser davantage ? Si oui, je t'invite à boire ou à manger.
J'ai des tisanes et de bonnes dattes sucrées, achetées chemin faisant à un négociant ambulant.


Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Luang 4 Jayar 1512 à 21h39

 

Le corps comme immobilisé, Agliacci guette l’approchée de Sadr avec l’expression que prennent certains animaux qu’on traque ou rêves qu’on disperse. Bien malgré elle, elle est intimidée par la douceur apparente de la jeune tydale qui lui fait face ; ça lui fait comme un drôle de malaise, au coin du cœur…


Ne me nomme pas « liadha », souffle-t-elle en baissant les yeux, sans chercher à cacher l’inflexion douloureuse que ce mot lui fait dans la bouche.

Elle semble hésite et fait un pas en avant, reprenant, le ton plus bas et rauque – pressé ? :


Ton analyse est juste, pâle Dame. Mais ce qui est idéel est souvent le plus essentiel, et je ne saurai caresser des chaînes, aduler le bourreau, aimer le dieu odieux...quel genre d’enfant cela fait-il de toi et moi ? Chimères et ignorance sont mot lot quotidien ; tout prend du sens, avec le temps ; mais si peu en fait.

Puisque j’ai insinué là où j’aurai dû me taire, je te prie de me pardonner ces bruissements et les insultes que j’ai pu te causer ; je ne connais pas la disparité de ta culture, la part que tu prends dans le mensonge du monde, tes mécanismes, tes causes. Je ne sais comment tu vis, respire, prédis ou croit, si tu crois encore ; ni le soupir réfléchi de tes sages ou la douceur de tes étoiles. Ne sais ce que tu es ou pourrais être. Je ne vois ni tes énigmes ni tes réponses, n’ai pas idée du sens de tes paradoxes. Ne saurai t’indiquer ta place, n’ai jamais su ni d’où tu viens ni où tu désires secrètement d’aller. Je ne sais pas ce dont tu rêves, si tu rêves encore, tes illusions, tes certitudes, ton érudition, tes méthodes et ton propre savoir.
Je ne connais que ton nom et je dois cette désarticulation littéraire à un autre que moi. Cela ne s’apparente qu’au vol.


Agliacci lève ses yeux voilés vers le visage étrange et singulier de l’astrologue, puis s’écarte gracieusement, pour mieux offrir son propre faciès au vent nocturne.

Maintenant que nous sommes sur un statu quo d’ignorance commune, permets-moi de te faire don d’une indication quant à ce qu’il y à savoir de moi, en guise de réparation pour les préjugés dont je t’ai visiblement faussement affublé : j’aime apprendre.
Alors, détrompe-moi.

Si cela te sied tout de même, pâle Dame, j’accepterai ton offre d’hospitalité avec plaisir et reconnaissance.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Matal 5 Jayar 1512 à 22h18

 
*** Sadr désigne sa porte et s'écarte d'un pas de coté, invitant ainsi Agliacci à pénétrer dans sa demeure. L'intention est louable, mais la réalisation laisse manifestement à désirer puisque le pied de la sibylle... se coince entre deux marches. L'enfant-nuit n'essaie même pas de rétablir son équilibre : en silence, comme résignée, elle s'écroule de tout son long sur les pavés !

Le choc est brutal, mais elle ne crie pas. Tout juste peut-on l'entendre énoncer, plus sur le ton d'un constat que d'une exclamation : ***


Zut.

*** Se relevant et s'époussetant aussitôt, dans une chorégraphie qui traduit une belle habitude, l'astrologue précise à son hôtesse : ***


Tout va bien. Je tombe souvent.
La providence, qui ne manque point d'humour, m'a voulue maladroite. Sans doute m'invite-t-elle ainsi à honorer la Chute, dans tous mes gestes quotidiens...
Entre, je t'en prie.


*** La consœur s'avance et découvre l'espace intérieur de la roulotte. Elle est immédiatement frappée par son aspect baroque, à la décoration de style rococo : tout est outrageusement chargé, décoré, coloré ! Le salon d'une vieille fille à la fois richissime et fétichiste semblerait quelque peu austère, par rapport à cet endroit ! Dire qu'il jure avec ce que donne à voir la maîtresse des lieux, fantôme blafard à la peau de porcelaine, est assez faible... ***




*** Et ne voit-on là que le plus trivial : il manque encore le guéridon et ses fauteuils Voltaire, tout droit sortis d'un cauchemar de bouffon schizophrène. En fait, les yeux d'Agliacci peinent à accommoder, tant ils sont saturés d'informations violentes. La visiteuse doit marquer un temps d'arrêt, pour poser ses marques et ne pas prendre ses jambes à son cou...

Juste derrière, elle entend la voix de Sadr. ***


Pardonne l'étrange chaos qui préside en ce lieux. Lorsque j'ai acheté cette roulotte, elle était ainsi aménagée. J'ai d'abord envisagé de tout brûler, mais la plupart des tapis, des tentures et des moletons sont cousus et fixés à même les panneaux, les marqueteries et les lattes de bois de la structure. Et puis, je ne cesse de me cogner partout ; alors, ces tissus amortissent les chocs et m'évitent d'avoir trop de bleus.

Ombre dit :
Je te l'ai déjà dit : c'était un bordel de campagne confraternel. Il a été vendu à ton marchand par le gérant de la maison close d'Utrynia, à l'époque où la cité était en bon terme avec son comptoir.
Je le sais, je l'ai lu dans le cahier des comptes qui traine au fond d'une des grandes malles planquées sous le lit...


*** La sibylle propose un siège à la consœur, relance son poêle pour chauffer sa bouilloire et lui propose un plat de dattes. La conversation reprend mais toujours, les yeux de Sadr peinent à se fixer sur sa vis-à-vis : ***


Je serai flattée de te détromper, si j'en suis capable. C'est là une démarche que je qualifierai d'ambitieuse ; je la dirais même prétentieuse, si tu ne m'y invitais.
Mais avant, je dois comprendre quelque chose :

Si j'en crois les pensées qui circulent sur notre consensus, les miennes vouent les tiens aux gémonies. Il en va ainsi depuis que ta faction est convaincue d'avoir trempé dans une sombre affaire de vol et de meurtre, perpétrée à l'encontre d'un de nos Gardes des Morts.
L'histoire, en elle-même, ne me bouleverse point : que mes sœurs pestent parce que d'aucuns se sont montrés cruels à leur endroit... a quelque chose d'indiciblement ironique. C'est un peu comme si la Confrérie tombait sur plus mercantile qu'elle-même : cela prêterait tant à rire qu'à pleurer...
En revanche, cet épisode souligne notre propension usuelle à la violence. Or, de mon point de vue d'astrologue, cet aspect de notre faction était déjà on ne peut plus prégnant dans l'imaginaire collectif de la Poussière. Et maintenant, c'est encore pire.
Cela me navre, parce que l'essence même de notre philosophie, émanée du fatalisme, n'en est que plus ignorée.


*** Sadr regarde ses mains, puis la table, puis la théière.
Son regard passe sur Agliacci, puis s'esquive à nouveau.
Manifestement agacée, elle sort un long stylet d'obsidienne d'un étui d'ivoire et murmure : ***


Tu es plus floue qu'une brume matinale planant sur les marais.
Je t'en prie, laisse-moi te regarder.


Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Merakih 6 Jayar 1512 à 21h24

 
Dire que l’endroit est visuellement agressif est un doux euphémisme…le demi-sourire que la tydale tente de dissimuler depuis la chute théâtrale de sa comparse devient de plus en plus difficile à réprimer, aussi, pour ne point vexer son hôtesse, Agliacci prend-elle soin de détourner le visage et d’affecter un grand intérêt pour ce qu’il faut bien appeler un guéridon, même si la Luthière est à peu près certaine que ce spécimen-ci constituerait un cauchemar d’ébénisterie.

Entre deux quintes de toux simulées, Agliacci a le temps de complimenter malgré tout la roulotte : « Charmant », ce qui manque à nouveau provoquer une crise de rire chez l’artiste qui ne se remet décidément pas de l’arlequinade…c’est le visage en proie à des convulsions parfaitement incontrôlées qu’Agliacci tâche d’accepter le siège de sa comparse, entreprise d’autant plus ardue qu’elle tente envers et contre tout de recouvrir une certaine impassibilité. Les épaules très droites et les jambes sagement croisées au-dessous du genou, elle fixe un point à quelques centimètres du visage de Sadr et tâche de s’y tenir.


Pourquoi ne pas profiter d’être à la cité des caravanes pour vendre celle-ci et en racheter une autre plus à ton goût, si cette demeure te déplaît ? Je pourrai te mettre en lien avec des négociateurs si tu crains de goûter au commerce confraternel. Quelque chose me dit qu’un ancien bordel ambulant n’est pas un décorum qui sied à ton rôle…et avec ce cahier des comptes que mentionne ton mou, je suis convaincue que l’affaire ne saurait se révéler difficile, parvient-elle finalement à avancer, un sourire ancré aux lèvres.

La consoeur écoute le discours de l’astrologue avec attention. Son expression se fait plus douce. Les déclarations de Sadr semblent induire que cette dernière souffre de soucis de vision ; mais sans doute cette dernière ne fait-elle pas référence à cette simple défaillance oculaire, au vu du stylet qu’elle tient désormais en mains. Certes, l’idée que l’étrangère, au fond, ne fait rien d’autre que lui agiter une arme tranchante sous le nez traverse l’esprit d’Agliacci…mais, supposant une pratique ésotérique ou métèque qu’elle ne maîtrise pas, la tydale finit par tendre la main après quelques secondes d’hésitation, espérant que c’est bien le geste qu’attend la sibylle.



Et que cherches-tu à comprendre dans cet épisode ?

Je ne peux qu’en déplorer la violence navrante avec toi. A mes yeux, la violence est essentiellement mutique : c’est un échec, une expression superficielle. Néanmoins, certaines choses que tu as dites m’interloque ; l’imaginaire désire certes les tydales guerrières, et nul ne saurait leur ôter cet attrait, mais sans doute que les autres Factions ont des raisons de percevoir ta communauté différemment ? J’ai une image…tronquée du Matriarcat, et je considère ma propre Faction trop diverse pour oser la représenter dans cette conversation, mais je peine à croire que la philosophie des tiennes soit si méconnue. Peut-être est-ce là une expression de ma naïveté, j’avoue ne savoir le dire. Mais il m’a semblé que, à choisir entre une matriarcale et un confrère, les Syfarians tendront à porter plus de crédit à la première qu’au second…du reste, le fatalisme ne découle-t-il pas du D’hapu, en faisant une contingence idéelle – justement – de l’évolution de notre race depuis son séjour sur Syfaria ?

Cette histoire dont tu parles et ses suites m’ont moi-même beaucoup interrogé. Où s’arrête et où commence la culpabilité et l’innocence, lors que l’on ne commence pas l’histoire…mais qu’on la continue ?



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Luang 11 Jayar 1512 à 23h13

 
*** Plus vif qu'un frelon, le bras de Sadr se détend et son dard d'obsidienne épingle le dos de la main tendue. Autant ses gestes sont usuellement empruntés, maladroits et gourds, autant celui-ci... est parfait. Lorsqu'une vague sensation de piqure taquine la consoeur, la sybille porte déjà l'ichor à ses lèvres et laisse son parfum l'envahir.

Les yeux fermés, elle se recule dans son fauteuil et reste un instant silencieuse. Une moue curieuse envahit ses traits ; une sorte de sourire, en fait. L'astrologue soupire, non sans langueur. Son expression se fait détendue, sereine... assouvie. Elle murmure : ***


Quelle extase... de voyager ainsi, d'âmes en âmes...
Tracer la route prend tout son sens, quand le paysage des êtres s'avère si riche, et l'escale d'un soir, si plaisante...
Depuis quelques temps, la providence me gâte. Je vais devoir tempérer ma faim, mon désir d'expériences nouvelles, sans quoi... je vais me brûler les ailes...


*** Sadr frémit. Ses paupières s'ouvrent, son regard accroche celui d'Agliacci et ne s'en détourne plus. ***


Tu portes un manteau d'Incandescence. Le Feu et l'Ether sont en équilibre. Ils règnent. Ils se partagent ton Aura.
Souvent, tu te contrôles mais parfois, tu t'embrases...
C'est harmonieux. C'est beau. C'est... élégant...
Ô, ma sœur !
Si tu te voyais comme je te vois...


*** Nouveau soupir ***


Les autres Principes sont dominés, écrasés par la flamboyance de ton Alliage.
Tu es à la croisée des chemins, jeune muse. Tu glisses d'un pas gracieux sur le fil de l'existence, entre l'Art et la Folie. Partout, tu dévies le cours des vies. Tu influences, tu inspires, tu bouleverses, tu incendies, non : tu catalyses.
Et tandis qu'aux alentours, les gens changent et se métamorphosent grâce à toi...
Toi, toujours, tu demeures une promesse.

Ainsi sois-tu, Agliacci :
L'Etincelle.




Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Merakih 13 Jayar 1512 à 21h55

 
Tandis que l’astrologue affiche une mine des plus épanouies, Agliacci, pour sa part, reste interdite et éprouve un léger malaise quant à la mine presque…repue – aucun autre qualificatif ne lui vient en tête- de la pâle tydale. Faut-il signifier à Sadr que, bien qu’elle soit une créature des plus délicates, non, vraiment, elle ne penche pas de ce bord-là… ? Malgré tout, elle écoute le discours de la sibylle avec attention, quoi que franchement surprise quant à son contenu. Pas qu’il soit déplaisant à l’oreille – il sonne au contraire très bien, jusqu’à l’apostrophe finale…à l’égal de la plupart des discours de charlatans, ne peut-elle s’empêcher de notifier. Est-ce une manière de l’amadouer ? Agliacci, qui a toujours porté une certaine méfiance quant aux arts divinatoires, ne peut s’empêcher de se le demander…tout en pressentant qu’il y a peut-être quelque chose de plus sous le tain d’albâtre que lui renvoie l’augure.

Par-dessus le dos de sa main qu’elle a ramené contre sa bouche pour en pourlécher la plaie, ses yeux vairons parcourent à nouveau le tracé de la silhouette de Sadr, avec une lenteur et une minutie plus appuyées.


Et moi ? Puis-je te voir tel que tu me vois ? finit-elle par demander.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Fontanas

Le Merakih 13 Jayar 1512 à 22h25

 
Fontanas se rend dans les faubourgs où un équilibrien l'attend pour affaire lorsqu'il aperçoit au loin une drôle de femme. D'après les bruits qu'il a entendu à droite à gauche, il s'agit sûrement du contact matriarcale avec qui il devrait négocier et fournir des algues de feu

*** Discrètement et sans me faire remarquer je bifurque pour prendre un chemin annexe jusqu'à mon client et ainsi éviter de croiser cette avihia Sadr... ***


Fontanas, marchand de comptoir d'Arameth, Forgerêve invétéré maître en armes, armures, bijoux et autres merveilles

La vie, on est toujours à pester contre elle et quand elle nous quitte, on râle.

 
Sadr

Le Merakih 13 Jayar 1512 à 23h45

 
Non, tu ne le peux.

*** Se tournant au son du sifflet, Sadr prend sa bouilloire et ressert son hôtesse. Le geste est gauche, de nouveau ***


Ma réponse est dans ta question. Nul besoin de grand mystère pour le savoir : qui sait cette mantique ne s'interroge point dessus.
Sans doute penses-tu que j'en pourrais user sur moi-même ?
Que nenni...
Dès lors que je prétends m'envisager, je suis aveugle. Il n'existe point d'augure auto-référent qui ne s'abime dans un chaos de paradoxes insolubles.


*** Malicieuse ***


Connais-tu le goût de ta langue ?
Non ?
Et bien, si tant est que cette image te parle : d'une manière étrange et similaire, je ne me vois pas.


*** Philosophe ***


Et c'est heureux. Je pourrais me déplaire.
Imagine...

J'aurais l'air fine !


Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Julung 14 Jayar 1512 à 16h07

 
La Luthière sourit doucement et accepte sans broncher la tisane de son hôtesse. On ne refuse pas les marques d'hospitalité, même lorsque celles-ci sont constituées de dattes et d'herbes disposées dans de l'eau.

Je vois mal ce qui pourrait tant te déplaire, Sadr…, objecte-t-elle. Et puis, si tu es comme un miroir – incapable de te refléter à toi-même -, un autre…devin…ne saurait-il te révéler ?

C’est vrai, quoi : l’astrologue euthanasie des créatures encagées, accueille des consoeurs et semble pratiquer un art aussi pointu que le bout de sa lame. A première et brève vue, le tableau ne se présente pas si mal que ça…Néanmoins, Agliacci n’insiste pas, même si l’affaire l’intrigue.

La consoeur se redresse, conservant la tasse chaude entre les mains, et entreprend un étrange tour des lieux…C’est cette fois-ci à son tour de ne pas regarder sa comparse, quoique son visage exprime un questionnement qu’elle ne cherche pas à dissimuler. Elle évolue gracieusement, bien qu’ostensiblement gênée dans ses mouvements par l’exiguïté des lieux. De toute évidence, la tydale a quelques problèmes à rester en place.


Ton don est-il vrai, ou bien esbroufe de charlatan … ? Cela doit être une condition bien étrange, que de distinguer autrui à la tessiture de son ichor, et je peine à concilier l’image de l’haruspice à celle de la vestale, observe-t-elle, animée d’une curiosité sans doute mal placée, mais évidente.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Vayang 15 Jayar 1512 à 18h20

 
*** Une moue fugace visite l'expression de Sadr.
Un sourire ? ***


Tu es pleine d'astuce. Je pourrais consulter une pythie. Mais je crois savoir ce qu'elle verrait, et me dirait.
Je suis la Cendre.
Ce qui reste, ce qui demeure. Lorsque le feu, lorsque la vie, se sont éteints.
Lorsque le temps lui-même a disparu.
Grise. Froide. Morte.
Éternelle.
C'est pourquoi te rencontrer est un grand bonheur, Etincelle. Nous sommes sœurs, parce que notre opposition est également une union. Celle qui relie les deux faces d'une même pièce. Je ne pourrais croiser la route d'un être plus complémentaire. Le Tableau m'offre ta présence ; elle embellit la Chute.


*** Une pause ***


Tu sembles oppressée. Je me cogne un peu partout, attribuant cela à ma maladresse coutumière... l'exiguïté des lieux serait-elle en cause ? Veux-tu que nous sortions, et marchions un peu ? Me ferais-tu la grâce de m'escorter en ville ? Je suis curieuse ; j'aimerais beaucoup découvrir ta cité.

Ne te méprends point : je n'ai aucun don. Le terme adéquat est fonction, puisqu'elle résulte d'un lourd apprentissage. L'école du Fatum m'a enseignée. Dès ma naissance, je fus confiée aux bons soins de Melancholia et du Soleil Noir et sous leur férule, j'ai appris le peu que je sais. Cela m'a pourtant coûté... car de fait, je ne sais rien, strictement rien faire d'autre que mon métier. Mon métier d'Astrologue.

Est-ce que j'y crois ? Certes non. Le terme est bien trop fade.
Je vis par mon travail. Sans lui... je ne suis rien...

... qu'un peu de Cendre.


Horoscope de Jayar

 
Agliacci

Le Dhiwara 17 Jayar 1512 à 14h45

 
Quelque chose, à un moment, dans le discours de Sadr semble atteindre la Luthière. Le dos résolument tourné à l’Astrologue, elle marque définitivement un temps dans son évolution jusque-là parfaitement calculée. Un bref abaissement de la nuque, et elle pivote pour faire face à la jeune femme. En retournant vers elle, elle prend soin de déposer la tasse qu’elle n’a pas touché des lèvres.

Vraiment, Sadr : la Cendre et l’Eteins-Celle ? …Admets que la farce est riche, et qu’il fallait y penser !
Qu’est-ce que cela fait de nous ? Les aléas polymorphiques d’une même pièce de Janus ? Le terne lacérant de l’ombre des braises ? Les noms qui effleurent tes lèvres ont des allures de baptême ; recevoir un de tes baisers, c’est délier son âme pour l’en signer !

Mais fais donc, ouvrière des étoiles, appose tes titres et tes prisons de tes mots justes, en attendant que tout s’éteigne…puisqu’il faut toujours que tout s’éteigne !


Agliacci s’agenouille devant l’astrologue et prend ses mains entre les siennes, avec une douceur attentive qui dément l’émotion animée de ses intonations.

Grise ? Froide ? Morte ? T’entends-tu seulement parler ? Comment peux-tu ainsi te qualifier ?

Pourquoi faut-il toujours que vous ayez ces manières de sacrifiées héroïques autour de vous, et ce sérieux bienveillant et calme, Sadr ? Ces bécasses si pleines de potentiel, et qui vont amoureusement à l’abattoir pour quoi ? Le panache du martyr, la jolie gueule du bourreau, le frisson que la finalité vous fait lorsqu'elle achoppe le monde à votre place… ! Et tu voudrais encore que « j’embellisse la Chute » ! Pourquoi cette passion pour le souffle qui raye la flamme, cet amour étiolé pour l’agonie du crépuscule qu’on avorte ?...Qu'est-ce que je peine tant à comprendre, Sadr, pour que je ne puisse me réjouir de ce que tu prétends révéler ?



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Sadr

Le Merakih 20 Jayar 1512 à 00h03

 
*** Sadr écoute attentivement son invitée puis lui répond sans tarder, la tête penchée en signe d'intérêt ***


Est-ce un soupçon d'amertume, qui pimente ton phrasé et ombre ton visage ?

Je crois - je crois - comprendre quel est ton ressenti. J'apprécie vraiment l'intention. Mais je me dois, par honnêteté, de clarifier un point important :
Ta nature te porte à l'empathie. Donc, la providence nous présentant l'une à l'autre, tu revêts mes habits... louable intention, mauvaise idée. Tu peux te mettre à ma place, bien sûr. Mais ce faisant, tu passes à coté de l'essentiel : ce que tu vois, à travers moi, est sans rapport avec ce que je vois, moi.
Ma condition t'insupporte ? Non. Ce qui te tourmente n'est point ce que je vis ; c'est l'idée que tu t'en fais, en t'imaginant Sadr. L'entreprise est vouée à l'échec...


*** Laissant ses mains dans celles de la consoeur ***


Te voyant, je me dis : Agliacci, c'est l'Etincelle. Ce doit être grisant, mais quelque peu effrayant, de vivre ainsi. De jouer les boutefeux, d'incendier les cœurs et les âmes, de tracer un sillon de vie rayonnant chez les plus désabusés des êtres...
Mais j'ai tort, évidemment. Et je le sais. M'imaginer toi ? Quelle farce...


*** Délicatement ***


D'un point de vue ésotérique, si tu m'autorises cette dimension, l'évidence s'impose d'elle-même : l'Etincelle peut tout embraser.
Tout...
Sauf ?
Sauf la Cendre.


*** Presque joyeuse ***


Mais n'est-ce point préférable ? Si nous pouvions vivre d'autres vies, que seraient nos rencontres ? Qu'aurions-nous à dire, à expliquer, à échanger ? Je préfère mille fois t'écouter qu'inventer, en pure perte, ce que tu pourrais dire. Louons notre différence, ma sœur : elle est le sel de l'instant présent.

*** Un temps, puis ***


Pourquoi cette "passion pour le souffle qui raye la flamme" ?
Mais parce qu'aimer la flamme, c'est trivial. Franchement...
Tout le monde aime la flamme. Elle brille, elle brûle, elle s'agite, elle vit...
Or, qu'est-ce qui importe ?

D'où elle vient, Où elle va.
L'origine, le destin.

Autrement dit...


*** CQFD ***


L'Etincelle et la Cendre.

Horoscope de Jayar

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