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Les Dédales du Luth

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Sujet lancé par Hohen
Le 01-08-1512 à 11h45
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Posté par Agliacci,
Le 25-10-1512 à 23h18
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Hohen

Le Merakih 1 Agur 1512 à 11h45

 
*** Paix du vieil étang.
Une grenouille plonge.
Bruit de l'eau. ***


Il y a deux siècles, un inapte quitta le Matriarcat du Déclin pour faire le tour de l'île à la découverte du monde en dehors des Ruches et de la forteresse des neiges. Il revint dix ans plus tard, transformé, sensibilisé. Malgré son statut de rejeté, il devint célèbre pour ses courts poèmes de dix-sept pieds prônant la beauté de toute chose, l'exprimant par le non-dit et exaltant la simplicité même. Plusieurs fileuses de vie suivèrent ce genre nouveau, une première à l'époque où l'inspiration venait d'un inapte. S'en suivit plusieurs déclinaisons et applications à d'autres arts : le jardinage, la peinture, la composition florale, la musique... Dans un monde frappé par le Déclin et une race maudite par l'Artisan, le concept minimaliste initié à l'époque s'inscrivait dans la philosophie profonde de mes ancêtres.

J'ai donné rendez-vous a avihia Agliacci dans une somptueuse demeure du Dédale. Bien loin des endroits populaires. Son propriétaire a fait fortune dans la forge de lames exceptionnelles, amenant avec lui une partie du savoir Matriarcal. Des techniques de forge inconnues jusqu'à lors de la Confrérie créant des lames qui firent le bonheur des uns et le malheur des autres. On disait qu'elles se retrouvaient aussi bien à la ceinture de riches nobles que dans les mains des plus terribles sombreurs. Chaque lame possédait un nom propre, une histoire, une particularité. J'ai hérité d'un de ses instruments et je ne sais toujours pas si c'est un don ou une malédiction. Je viens également pour ça. Il est aussi considéré comme le parrain des exilés du Matriarcat à la Confrérie, ses contacts sont nombreux et certains lui prêtent des liens avec le milieu.

C'est l'une des rares maisons à faire quatre étages. Dans le quartier, on ne peut la manquer tant la profusion d'arbres y est rare. Un mur d'enceintes d'un blanc immaculé l'entoure. Il n'y a qu'une seule entrée, gardée par deux tydales équipés de pied en cape au physique...diplomatique. On suppose la demeure très étendue car le tour du mur d'enceintes prend plus d'une demie-heure mais les rares visiteurs ne connaissent des lieux que la maison commune.


*** ***


Arrivé en avance à mon habitude, je m'entretenais avec un des intendants en attendant l'artiste aux yeux vairons.

 
Agliacci

Le Julung 2 Agur 1512 à 19h10

 

***
*Pendant que tu rêves
Je disperserai l’été
Ses soirs et secrets.* ***


Avant de partir, elle a vérifié le tombé de sa tenue, la courbure adéquate de ses cils, a adressé un sourire à son reflet. Jusque là, tout allait bien. De sa chevelure qui lui arrivait désormais aux épaules, la tydale n’avait su que faire : après quelques minutes d’incertitude, elle n’en avait rien fait et cela lui faisait des boucles un peu folles autour du crâne. Du coup, elle s’était dit qu’elle porterait un de ses chapeaux multicolores , mais bon !, cela aurait été du dernier mauvais goût au sus de sa sobre tunique. D’ailleurs !, elle trouvait que le kimono gris manquait singulièrement de charme et avait hésité à lui préférer sa dernière acquisition sur le souk, et une suite de considérations esthétiques du même acabit lui avaient traversé l'esprit avant que la tydale ne reprenne ses esprits et constate son retard affligeant sur l'heure proposée.

Sur le chemin, elle s’interroge : comment aborder l’Ordinant ? Du tutoiement amical et affiché qu’elle adoptait auparavant, il ne reste plus rien et lors de leurs derniers échanges, la Luthière a peiné à traduire la familiarité qu’elle éprouvait avec son confrère, toujours aussi retranché dans ses vouvoiements prudents et ses salutations polies. Pour être franche, Agliacci n’a aucune réponse à apporter à son interrogation ; Hohen reste aussi insaisissable que jamais, mais elle se fait une joie sincère de le revoir.

Les espèces de sandales que la fripière lui a vendues avec le kimono sont tout bonnement épouvantables et la Luthière est obligée d’avancer à tout petit pas, ce qui la fait rager intérieurement. Dans la rue, on lui adresse des regards bizarres : Agliacci prend cela pour un mauvais signe, persuadée que l’on se moque d’elle, et lorsqu’elle arrive enfin et avec une bonne demi-heure de retard à l’endroit indiqué par son compatriote, la Luthière est en train de sautiller sur un pied en marche arrière, affairée à essayer de retirer la chose affreuse dont a tenté de lui faire croire qu’elle appartenait à la famille des chaussures. Une flopée d’imprécations injurieuses vont de pair avec l’acrobatie jusqu’à ce que, à force de tortillements pédestres, la tydale parvienne à se libérer de la chose et, dans un cri de joie, la jette…
…droit sur la tête d’un des gardiens.
Oooops.


- Euh…j’avais…un caillou…dans la sandale. C’est ça. Exactement. Hmm...désolée, avih, il faut que je…enfin, que je rentre.

Rentrant la nuque et pestant contre sa déveine, la Luthière tente de se faufiler incognito entre les deux gardiens, toujours en claudiquant gauchement sur une jambe.
Evidemment, Hohen ne pouvait pas avoir choisi un endroit simple pour lieu de rendez-vous.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Sukra 4 Agur 1512 à 11h52

 
*** Le jour sur les fleurs
décline et sombre déjà
l'ombre des cèdres ***


Le garde en question lève un sourcil, quelque peu surpris. Il avait été toutefois prévenu. Des personnes excentriques au yeux particuliers ne courent pas les rues, il s'agissait bien de l'invitée qui était attendue. Obéissant à des années de conditionnement à la Ruche d'Utrynia, les deux gardes s'inclinèrent, lançant rentrer l'artiste. Se redressant, l'un d'eux tira sur une poignée incrustée dans le mur et à l'intérieur de la première maison une petite cloche tinta.

*** ***


La cour intérieure contrastait avec le Dédale en entier par sa simplicité et son dépouillement. Sur des graviers blancs, quelques dalles noires se dessinaient comme une invitation à suivre le chemin dalmatien. Plus loin, quelques gros rochers recouverts de mousse semblent paresser. Sous l'auvent de bois, une femme vêtue d'un kimono noir aux reflets bleus venait de sortir derrière une porte coulissante. Attendant patiemment que l'artiste arrive sous le perron, l'artiste ne put constater l'évidence d'un détail : le crâne rasé typique de la nation du Déclin.

Avihia Agliacci, nous vous souhaitons la bienvenue dans la demeure du Patricien. C'est un grand honneur de recevoir une artiste de renom dans cette modeste demeure.

Une révérence. Un instant.


Je suis au service de l'intendance, mon nom est Sitayyj.

Elle se retourne et ouvre l'un des panneaux coulissants derrière elle puis se décale.

Je vous en prie.

*** ***


La salle est à l'image de la cour intérieure et de l'impression qu'il se dégage de la villa : épurée. L'intendante ferme le panneau derrière elle puis plusieurs autres laissant les deux tydales seules dans la pièce.

Je suis...désolée mais ce sont les procédures d'usage pour chaque invité. Quels qu'ils soient.

Un instant.

Je dois vous fouiller.

 
Agliacci

Le Julung 9 Agur 1512 à 18h18

 
*** Il y a un lac
Sans ombres et sans remous
L'envol du voile.
***

« Une artiste de renom » ? Aussitôt, un sourcil perplexe s’arque sur le front de la tydale qui se demande ce qu’Hohen a bien pu raconter sur son compte pendant son absence. Troublée par les égards et la politesse de l’intendante, la danseuse finit de se débarrasser de ses sandales et la suit sans discuter, des plus intriguées par l’environnement qui lui est présenté.
Evidemment, la demande procédurale de l’intendante lui fait hausser le second sourcil et elle marque un instant de surprise. Alors ça ! Certes, elle s’attendait à quelque coup fourré,…mais la fouille, ça, c’est une farce qu’on ne lui a pas encore faite. Un instant, Agliacci songe à protester, histoire de marquer son intempestive liberté, mais très vite, ses yeux vairons prennent un tour plus malicieux.


Oh .
Et bien, si ce sont là les procédures d’usage…Loin de moi l’idée de m’y opposer.


La tydale défait le nœud de son kimono et en ôte les attaches, jusqu’à ce que le vêtement tombe à ses chevilles, aussi nue que le jour de sa naissance. Ecartant les bras, Agliacci s’enquiert :


Par quoi commence-t-on ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Julung 9 Agur 1512 à 21h47

 
*** Ce chemin
seule la pénombre d’automne
l’emprunte encore ***


C'est au tour de l'intendante de lever un sourcil. Immigrée à la Confrérie depuis presque une décennie, elle pensait s'être habituée aux mœurs si particulières des consœurs, plus... libres que les filles du Déclin. Mais ce coup-là, elle ne l'avait pas vu venir. Les autres invitées criaient au scandale, s'offusquaient mais finissaient par plier. Les invités mâles aussi lui avait raconté l'autre intendant. La pensée matriarcale de la domestique juge l'artiste avec une façade inexpressive mais ne peut s'empêcher de se poser quelques questions. Artiste voulait dire beaucoup de choses et la facilité avec laquelle l'invitée s'était déshabillée était loin de son éducation krygienne. Délaissant Agliacci, Sitayyj s'accroupit et vérifia le kimono soigneusement.

Quelques instants plus tard, l'intendante se relève en tenant le kimono.


Ziray pour votre coopération. Je vais vous aider à le remettre.

Habituée à porter ce genre de tenue, l'intendante s'occupe de refaire correctement le nœud et le serre à en couper le souffle à l'artiste. Un sourire éclair traverse son visage en contemplant le obi. La servante se redresse et fixe du regard le visage d'Agliacci. Elle s'apprête à dire quelque chose mais se ravise. Elle se tourne, ouvre l'un des panneaux coulissants et se décale. Derrière se trouve une paire de sandales d'intérieur. D'un geste du bras, Agliacci est invitée à sortir.

Vous pouvez utiliser ces sandales, elles devraient être plus confortables.

Je vous en prie.


Une fois sorties, les tydales se retrouvent dans un couloir étroit. Le parquet émet un son étrange, une sorte de piaillement léger à chaque fois que l'on pose le pied, même doucement. De part et d'autre, des écrans de papiers blancs encadrés par des tiges de bois. Après quelques tours et détours, les deux femmes arrivent devant une nouvelle porte coulissante semblable aux autres.

L'intendante remue nerveusement ses doigts puis se ressaisit. Elle fait glisser à nouveau une partie du mur et se décale inclinée.


Je vous en prie.

Derrière Agliacci, la porte se ferme sans un son, la laissant seule dans une pièce complètement nue. Les nattes sont souples sous ses pieds et une odeur boisée imprègne la pièce. Sur sa droite, les panneaux blancs semblent plus éclairés et des ombres de grande taille semblent se dessiner vaguement.

Une minute passe.

Une porte coulisse laissant rentrer un tydale d'âge mûr s trahit par la blancheur de sa barbe taillée et par ses cheveux courts. A la différence de ce qu'on aurait pu s'attendre, il était vêtu d'un pantalon et d'une tunique noirs de jais faisant ressortir un gant blanc porté à la main droite. Faisant face à l'artiste, il affiche un visage amical comme l'archétype de la figure paternelle. Ses yeux bleus sont plissés et un sourire franc l'illumine. Il prend les mains de l'artiste pour les joindre aux siennes.

Avihia Agliacci, c'est un grand honneur que de vous voir ici. On ne tarit pas d'éloges sur vous, je suis si content de vous recevoir.

Relâchant son emprise, il recule de quelques pas.

Puis-je vous offrir quelque chose lia...avihia ?

 
Agliacci

Le Julung 6 Saptawarar 1512 à 19h31

 
Comme elle s’était assise sur ses genoux, les yeux fermés et l’air tranquille, la venue du nouvel arrivant l’oblige à se redresser. Elle détaille ce dernier avec impunité ; mais curieusement, son visage ne lui dit rien. Elle manque esquisser un pas de recul lorsque l’inconnu part pour lui prendre les mains – non mais, pour quoi se prend-t-il, exactement ? Et ses mains dans sa tête, ça lui dirait, peut-être ?- mais se réprime. Après tout, et comme le laisse entendre sa déclaration par la suite, il doit probablement la connaître de scène ; et cela ferait une bien terrible affiche que d’esquiver un simple salut.
En réponse à sa question, elle agite la main évasivement.


Monsieur, cette joie est toute partagée…quand bien même me trouvez-vous en désavantage par rapport à vous.

En effet, il apparaît que vous connaissez beaucoup de choses à mon sujet ; je suis, malheureusement, incapable de rendre la pareille.

Aussi, manü…avih, je recevrai avec la plus grande appréciation toute information qui viserait à rétablir la balance de cet échange, à commencer par le nom de l’homme qui m’accueille,
fait-elle, en le gratifiant d’un sourire poli.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Vayang 7 Saptawarar 1512 à 11h18

 
*** Sur l'éventail
Je mets le vent venant du Haut des Cieux.
Voilà le souvenir de Kryg. ***


Hésitant un instant, il reprend en souriant.

On m'a donné plusieurs noms et surnoms pendant mon existence... Mais mes proches m'appellent Ilmarinen.

Je ne suis qu'un petit forgeron immigré du Matriarcat, un artisan parmi tant d'autres.


Le tydale recule de quelques pas et hausse les épaules en signe d'humilité.


Le reste...oh, rien de bien passionnant pour une jeune fille.

Il réfléchit un instant.

Notre ami commun termine quelques petites formalités et va nous rejoindre. En attendant, que diriez-vous d'une tasse de thé ?

Le patricien frappe deux fois dans ses mains.

Mamoru ?

Un des panneaux s'ouvre laissant apparaître un jeune garçon en tenue grise la tête baissée. Du coin de l'oeil, on peut observer un tatouage imposant sur le front et dans la nuque. Sans un bruit, il dépose un plateau avec trois tasses, une théière et une assiette de biscuits.

Un autre panneau s'ouvre sur une cour intérieure.


*** ***


Les jardins, c'est mon pêché mignon... dit-il à moitié pour lui-même.

Je vous en prie, installez-vous avihia.

 
Agliacci

Le Sukra 8 Saptawarar 1512 à 12h15

 
Avec sa modestie probablement exagérée, le patricien lui évoque quelque peu la personne qu’elle était originellement venue trouver. Cela la fait sourire. Et il semblerait que le paternalisme soit un autre de leur point commun.

Ne dit-on pas qu’il ne faut pas dire « Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau » ? Je ne suis peut-être qu’une jeune fille qui ne connait rien des choses de ce monde, mais il me semble que ne pas préjuger des intérêts de son invité est une qualité chez son hôte, non ?

Certes, elle est quelque peu directe depuis son arrivée dans cette paisible demeure. Elle s’en rend compte mais n’a que peu de réserve de louvoiement à attribuer. La politesse très lisse de ces gens, associée à l’impression fugace que chaque panneau recèle une nouvelle figure espionne ou nouvelle surprise qu’elle ne peut deviner, la rende un poil de gambol irritable. Elle tourne la tête vers la cour révélée, pour y trouver un paysage étonnant et de toute beauté.

A l’invite de son hôte, la tydale récupère le plateau sur lequel se trouvent les tasses de thé et le déplace à l’extérieur, où elle entreprend de s’installer et invite le patricien à la suivre tandis qu’elle sert le thé.
Hmmm. Elle ne s’y prend peut-être pas de la bonne façon. N’y a-t-il pas une cérémonie généralement associée au geste ? D’ailleurs, pourquoi tous les symbiosés qu’elle a rencontrés récemment veulent à tout prix lui faire ingérer des trucs qui poussent dans la campagne ? Est-ce vraiment sain d’esprit de s’hydrater à longueur de temps à partir de plantes qui porte des noms rigolos comme le chèvrefeuille, les feuilles de saule pleureur, ou la fleur d’hibiscus ? Un jardinier qui boit du thé est-il considéré comme un comble ou non ?

Ça fait beaucoup de questions métaphysiques en même temps, et puis elle ne sait toujours pas où se trouve Hohen et se sent de plus en plus idiote à chaque seconde passée ici. Elle se racle la gorge de manière malaisée.


Un péché mignon qui semble vous sied.
Je n’y connais moi-même pas grand-chose, mais j’en apprécie la vue. Y a-t-il des symboliques dont je devrais être au courant ?



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Dhiwara 9 Saptawarar 1512 à 15h45

 
*** De tous les côtés
Les vents apportent des pétales de cerisier
Au lac des grèbes. ***


Le patricien sourit timidement. Il ne s'attendait pas à être servi. Mais il s'attendait à être surpris.

Des symboliques ? Des tas ! Presque un sport national au Matriarcat. Dans le thé, dans l'art floral, dans l'écriture, la peinture... Partout ! Même pour ronfler, je suis sûr que ça doit exister

S'installant plus confortablement en croisant les jambes, il sirote le thé amer.

Mais n'est-il pas mieux de simplement profiter de la vue sans y rechercher un sens ? A mon âge, le sens...hum...enfin vous comprenez.

Ni une ni deux, faisant preuve d'une rapidité étonnante, il engloutit un biscuit. Autre sourire satisfait.

Goutez, goutez ! C'est une recette familiale, j'en suis pas peu fier.

Si pour lui c'était un must de gourmandise, la maisonnée et les invités qui y ont eu droit fuient comme la peste ces "choses" qui n'ont pour biscuit que le nom par temps de brouillard.

Un des intendants s'en sert pour colmater des brèches dans la muraille ouest.

Derrière eux, un panneau coulisse, le matassin rentre à genoux discrètement et s'incline.


Aka's dhanya Patricien. Les ajustements ont été complétés... Pour le pai...

Le vieux tydale secoue la main d'un air distrait puis fait signe d'avancer.

*** ***


Avihia Agliacci, ça..ça être grand plaisir de vous revoir. Pardonnez mon retard, petits travaux à terminer.

Je m'installe à coté de l'artiste. Le kimono bleu marine est usé et l'écusson se détache mais c'est le seul que j'ai. Je repère d'un coin de l'oeil l'assiette et voit les biscuits. Je m'inquiète. Je devrai la prévenir mais c'est trop risqué, il pourrait nous entendre.

Avih Ilmarinen est grand amateur d'art et il a pu arriver, par hasard, u..une ou d..deux fois, que je parle de..enfin..de vous, je..je veux dire, en tant qu'artiste hein. Il...le Patricien a été très..très intéressé pour vous rencontrer. Enfin, en tant que mé..mécène. Mais...

*** ***


...mais bien que j'ai toute confiance en Hohenheim... coupa le propriétaire.

...je souhaitais voir de mes propres yeux la fameuse artiste dont j'ai si souvent entendu parler. Et peut-être aurai-je l'honneur de la voir à l'oeuvre.

Les yeux plissés et le sourire rêveur, il conclut, les mains jointes en signe de prière.

Vous me combleriez !

Derrière eux, Mamoru toussote aussi discrètement que possible.

Ah oui, ça commence ! Nous en reparlerons plus tard.

Devant eux, dans le jardin, se présente une vieille tydale vêtue d'un kimono somptueux. Elle s'aide d'un bâton et lorsqu'elle ouvre les yeux, les auditeurs comprennent qu'elle est aveugle.

*** ***


Elle commence, un piano prend la suite.

Theme

 
Agliacci

Le Dhiwara 9 Saptawarar 1512 à 21h38

 
Le visage de la Luthière s’épanouit à l’arrivée d’Hohen tandis qu’elle s’arrange pour lui faire place.
Pour la joie de te revoir, Hohen, je te pardonne tout ! claironne-t-elle gaiement, sa familiarité tranchant avec le respect de l’Ordinant.

Ainsi donc, ce repaire est un des nombreux endroits où ce dernier travaille ? Il ne manque décidément pas d’employeurs forts étranges et sympathiques, ce qui n’est pas vraiment pour l’étonner…

En bonne inconsciente qu’elle est, Agliacci ne repère ni le regard alarmé de l’Ordinant lorsqu’il passe sur les friandises, ni le serviteur qui en arrière-plan vient de réussir à faire tenir une trentaine de kilos sur le seul support du fameux biscuit. En fait, la seule chose qu’elle voit, c’est l’appétit sincère et satisfait de son hôte, dont les manières soudainement enfantines la font sourire. Puisque c’est si bon, ça ne peut pas être si mauvais ! raisonne-t-elle – gauchement -, et elle pioche allégrement dans l’assiette proposée. (Uniquement pour le regretter beaucoup plus tard, lorsqu’elle implorerait son dentiste de ne pas approcher à moins de 100 mètres de ses molaires avec un instrument évoquant sinistrement les outils d’un Sombreur.)

Il y a un silence pendant lequel la Luthière adopte un sourire figé et quelques gouttes de sueur dégoulinent de son front. Du coup, ça l’empêche de faire montre de sa répartie flamboyante et elle loupe plusieurs occasions de s’immiscer à tort dans la conversation. Inutile de spécifier que l’arrivée soudaine de l’aïeule est doublement salvatrice : non seulement elle lui permet de profiter de la diversion pour essuyer une larme de regret amer, mais en plus elle parvient à mimer une extase soudaine et tout à fait compréhensible en sortant un petit mouchoir blanc d’une de ses poches intérieures, qu’elle plaque contre sa bouche dans la plus grande minauderie. S’assurant que personne ne regarde de trop près, elle se sépare de la chose infecte et le mouchoir disparaît. Agliacci tâche de conserver une face stoïque et de passer incognito, parce qu’elle vient juste de connaître une deuxième expérience limite avec le mauvais goût le plus absolu et qu’elle l’a plus ou moins recraché dans les très, très beaux et très, très propres jardins d’un patricien avenant qui vient tout juste de parler de mécénat. Sur sa personne. A elle. Un mécène. Oh, la, la.

Elle sent que là, tout de suite, comme entrée en scène, ça commence mal, et espère très fort que l’aïeule va chanter longtemps.

Et ce d’autant plus que, malgré son tour de passe-passe – vite, elle s’empresse de boire plusieurs gorgées de thé -, la voix forte et intacte de la cantatrice en impose. Elle ne comprend pas toutes les paroles, mais il y a quelque chose de très sincère et universel dans la mélodie, quelque chose que son oreille fureteuse de Luthière reconnaît aussitôt et elle enregistre mentalement les gammes qu’elle choisit de superposer et d’entraîner. Elle se rappelle avoir eu l’occasion de côtoyer un musicien spécialisé dans ce courant de musique. Chaque faction possède ses sous-courants culturels, en marge de la musique populaire sur laquelle les individus festoient en taverne ; des choses plus traditionnelles, codées, symboliques. De ces codes, elle n’a pas appris grand-chose. En grande caméléon qu’elle est, elle a surtout appris les rythmes et les sons qui faisaient la particularité de zen tydale un peu reculé. Elle voit là l’occasion d’approfondir ses tâtonnements.

Lorsque la musique se clôt, Agliacci sert une énième tasse pour la chanteuse et guette. Après tout, pour ce qu’elle en sait, ce n’est peut-être pas la fin du spectacle qui est représenté, et l’exclamation du patricien tend à lui faire croire que le programme est plus chargé.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Merakih 12 Saptawarar 1512 à 22h39

 
*** Même un sanglier
Est sur le point d'être emporté
Dans cette tempête. ***


Le chant s'éteint presque dans un murmure. Les trois spectateurs restent silencieux, personne n'ose rompre le silence, briser le charme. Même le Patricien maître des lieux et à la tête d'une "modeste" entreprise familiale avait quelques scrupules à mettre fin à ce silence. Sans un bruit, il se lève et s'approche de la vieille aveugle. Il lui prend les mains comme il l'a fait auparavant et se penche en avant. Il murmure quelques paroles.

*** ***


Profitant que le Patricien soit occupé, je me penche rapidement vers l'artiste et chuchote.

Je suis désolé de vous avoir embarqué là-dedans. Je...je..ne sais pas ce qu'il a derrière la tête. Il est...enfin...vous voyez...de la vieille école. Il rend des services, et en échange, on a un dette qu'il faut payer un jour. Mais...très gentil..protecteur, il a été bon avec moi. C'...c'est mon parrain. Enfin...c'est celui..de toutes les tydales ici.

Je me redresse, Mamoru s'approche pour changer le plateau. On dit qu'il a eu la langue coupée pour avoir oser critiquer une décision du Patricien. Je n'ai jamais su si c'était la vérité. Nombre de rumeurs courent sur lui, je ne veux pas alarmer l'artiste. Pas la peine d'être deux à paniquer. Les biscuits ne sont pas les outils les plus dangereux dans cette maison.

Le serviteur apporte un nouveau plateau laqué de noir sur lequel une petite jarre d'alcool fumante est posée ainsi que trois coupelles. Sans un bruit, il sert une première tournée puis disparait derrière un panneau. Le Patricien est toujours occupé à parler.


 
Agliacci

Le Matal 25 Saptawarar 1512 à 22h22

 
*** **Tout est un torrent
D’or brut. Danse la Poussière
L’écume des jours. ** ***




Agliacci regarde poliment Hohen et hoche la tête à intervalles réguliers.

Hmmm hmmm, fait-elle en guise de réponse.
Elle coule son œil vert vers le Patricien, toujours en grande discussion chuchotée à sa camarade. Une ligne en virgule sur son front dénote le souci que lui provoque la révélation d’Hohen.


Donc, commence-t-elle, attendant que la servante s’en aille pour répondre, vous êtes en train de me dire, cher Hohen, que vous venez de me donner rendez-vous chez un proxénète spécialisé dans les fantasmes Déclinants.

Grincement de dents.
Après tout, l’Ordinant vient bien de parler de « protecteur de toutes les tydales », phrase qui, avouons-le, porte quelque peu à confusion…


S’il y a un message que vous cherchez à me transmettre, je préférerai que vous le fassiez de manière plus directe, tranche-t-elle.

Agliacci vide cul sec une des tasses disposées devant eux, et manque aussitôt s’étrangler. Pouah ! Que c’est fort ! Elle se sert aussitôt dans la tasse destinée à Hohen, afin de se venger de la blague que ce dernier lui a faite.


Bien. Et comment est-ce qu’on sort d’ici vivant(e)s ?

Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Merakih 26 Saptawarar 1512 à 16h06

 
*** Le printemps passe.
Les oiseaux crient
Les yeux des poissons portent des larmes. ***


Je deviens rouge comme une pivoine.

Non non avihia..je me suis mal exprimé. Avih Ilmarinen n'est pas du tout de ce genre. Ce..ce genre d'agissements, pas du tout la mentalité matriarcale. Le Patricien est vraiment un protecteur, de toutes la communauté tydale, f..féminine et masculine. Il donne du travail, un toit et toutes sortes de services. Pour aider. Arameth n'est pas une ville facile quand on a fuit le Matriarcat quelle que soit la raison...

Je regarde d'un oeil inquiet le Patricien.

Si...si je suis vivant, c..c'est grâce à lui. Longue histoire. Pas intéressante.

Oubliant la bienséance, je descend d'une traite la soucoupe d'alcool. Je me ressaisis et laisse échapper un soupir de soulagement.

*** ***


Le vieil homme laisse la chanteuse repartir avec un serviteur tandis qu'il revient vers ses deux invités.

Avant que ne débute le prochain intermède musical, avihia, si vous le permettez, j'aimerai beaucoup que vous me parliez de vous et de vos projets. Après cela, j'aurai une question très simple.

 
Agliacci

Le Sukra 29 Saptawarar 1512 à 17h07

 
*** Il y en avait
Des secrets à confier
Il n’y en a plus. ***


Le regard vairon de la tydale s’adoucit.

Je n’ai pas eu l’heur de le connaître. Mais j’ai été aidé, aussi – je leur dois beaucoup.

Elle regarde un peu plus attentivement son compagnon.

Je ne savais pas que vous étiez originaire de la Terre Mère, a-t-elle le temps de glisser avant qu’Ilmarinen ne se retourne vers eux.
La demande de ce dernier amuse Agliacci, mais elle acquiesce lentement, le pourtour de ses lèvres s’acérant en un demi-sourire.


Eh bien, parlons de moi, puisque c’est cela que vous voulez entendre ; sur ce point, vous ne divergez pas des hommes de notre race. Quel homme ne désire pas délier les énigmes d’une femme… ?


Elle repose la soucoupe, inconsciente des us et coutumes du lieu, et étend plus confortablement ses jambes.

Mon très cher Hohen a dû vous confier que je portais le nom d’Agliacci, un dérivé assez visible et féminisé d’un personnage clownesque peu réputé. De mon vrai nom, je suis Ileïness dite « le Fol », et vous devinerez aisément que j’ai choisi moi-même cette dernière partie.

Je suis une orpheline originaire d’Utrynia. La culture du Déclin n’a eu que peu d’emprise sur mon esprit plus volage, et j’avais en admiration un jeune garçon du fundeq, fils de diplomates araméthéens – désormais mort. Vous devinerez que je garde de cette époque mes envies d’ailleurs et mes rêves d’escapade. Ce que vous ne devinerez pas est le trajet tortueux qui m’a mené jusqu’à ce jour, où je puis m’asseoir auprès de vous et tenter de vous conter ce que je suis. Question au demeurant bien étrange…

J’étais déjà Luthière bien avant que la Perle et ses symbiosés ne m’ouvrent leur porte. Le travail de l’Art m’est une seconde nature, tant par l’acharnement que j’ai mis à le saisir que par les facilités qu’offraient ma personnalité à son encontre. Ma tâche est d’incarner au plus près cette petite chose sur laquelle vous ne pourrez jamais mettre le doigt et vous échappera toujours, mais qui donnera sens et relief à tout ce que vous avez vécu, vivez et vivrez. Il y a un je-ne-sais-quoi dans la vie qui fait que l’on attend toujours encore ce qu’elle a à dévoiler, et il se retrouve dans l’Art et dans chacun d’entre nous. Que ce soit le regard qui nous a soudainement frappé, le frisson incontrôlable, la soudaine lucidité, l’appel de la liberté, tous les possibles sommeillent en chacun et n’attend qu’une caresse pour s’éveiller et briller.

Ma passion n’est rien de plus que faire en sorte que ce processus prenne lieu. En ce sens, mes projets ne se réaliseront jamais complètement et chaque seconde qui passe m’apporte un nouveau défi.

Si j’ai pu pourtant déranger vos frontières et, pour un bref moment, apporter un peu de magie et d’espoir dans votre être, alors je considèrerai que j’accomplis vraiment le travail d’artiste que je désirai faire.

Je répondrai à votre question, Patricien. Posez-la.



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Luang 1 Otalir 1512 à 15h40

 
Les yeux du Patricien se plissent de plaisir et il ne peut contrôler le tic qu'est de caresser sa barbe taillée patiemment. Un sourire se promène sur son visage et prend son temps pour y rester.

Merveilleux !

Enjoué, il ouvre les bras.

Merveilleux n'est-il pas Hohenheim ?

L'ordinant incline la tête.


Pardonnez à un vieil homme sa curiosité insatiable. Comme vous le disiez, je ne suis qu'un homme comme les autres. Mais comprenez que cette question n'était que pure formalité. Mon administratrice souhaite un minimum d'éléments de jugement avant que je "n'aide" quelqu'un.

Sur le ton de la confidence, il se rapproche.

La rigueur matriarcale, vous savez ce que c'est. Une main de fer dans un gant de titane.

Se redressant, il respire les vapeurs d'alcool et laisse échapper un "ah" de bien être. Il reprend la conversation, plus sérieusement, les yeux pénétrants.

Ma question est très simple et à la fois, je le confesse, terriblement...importante. Quelle que soit votre réponse ou votre non-réponse, cela n'influera en rien la suite de cette rencontre.

Si le Déclin était sur le point d'emporter Syfaria, si vous n'aviez plus que quelques minutes, quelques heures ou quelques jours..


Il boit une gorgée sans quitter des yeux Agliacci.

...que feriez-vous du temps restant ?

A coté de l'artiste, l'ordinant se raidit.

 
Agliacci

Le Luang 1 Otalir 1512 à 23h36

 
La Luthière ne cille pas et renvoie des yeux calmes, mer sans vague ni accrocs, au regard incisif du patricien.

Qu’il juge comme il veuille de ce qu’il peut discerner dans le tracé de ses paupières. Il suffirait d’un battement de cil, comme d’un battement d’ailes, pour mettre fin au jeu ; mais elle se pique bien trop de ces derniers.


Ce que je ferai… ? répète-t-elle, s’assurant que son point d’interrogation cambre sa courbure de la manière la plus affriolante.

Monsieur, je me suis déjà posée la question en une occasion.
A l’époque, je voulais en faire une apothéose, une cacophonie. Je voulais inviter tout Syfaria à venir épancher ses rêves et ses désirs les plus ardus au sein de nos murs, et dans cette ville mimer la fin aux pas de loups pour mieux essuyer les rires et les folies des miens. J’aurai aimé voir ce grand brasier prendre corps et flamme et s’épancher aussitôt, une grande lumière dans la nuit, comme un phare – et puis, plus rien.
Ce que je ferai… ?

Elle se lève, et fait quelques pas légers dans les sandales qu’on lui a prêtées. La grâce lui vient naturellement, malgré l’étroitesse de sa tenue.

Croyez-vous que cela leur aurait plu ? Après tout, ce n’est pas là chose qui se fait ou se donne.
Est-ce que cela m’aurait plu ? Pour tout dire, et à mourir, avhihis, je ne crois pas que j’aurai porté le visage de la foule. Parce que je serai bien trop occupée à danser.

Il y a certains rendez-vous qu’il ne faut pas manquer.
Dansez-vous, monsieur ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Merakih 3 Otalir 1512 à 10h44

 
*** Au milieu du champ
et libre de toute chose
l’alouette chante ***


Le Patricien regarde l'artiste avec un air surpris. Evidemment, cela le changeait des réponses typiques de personnes endoctrinées comme l'ordinant ou les membres de sa maison. Evidemment, quoi de plus logique pour un habitant de la Cité des Perles. Ce "carpe diem" que l'on retrouve si rarement dans les familles matriarcales est, a-t-il l'impression, l'essence même de la Confrérie.

Danser ?

Le terme est malheureux. Pour un matriarcal, la question peut paraître...ambigüe. Les fameuses danseuses du Matriarcat sont plutôt "armure-double lame-exécution" que "jupon-pas chassé-sourires en coin". L'ordinant aussi se raidit, craignant une impolitesse involontaire.

Oh avihia, à mon âge, ce n'est pas sérieux. Et on jaserait.

Un instant.

Qu'à cela ne tienne, je regarderai de loin de rendez-vous ! Mamoru !

L'hôte frappe dans ses mains deux fois et dans un premier temps, il ne se passe rien. Quelques instants plus tard, une petite troupe de musiciens habilléss de kimonos et coiffés d'un chapeau noir pointu avancent rapidement par petits pas. Chacun portant un instrument. Ils sont 12 au total. Certains à la flûte, d'autres avec un tambour, d'autres avec une sorte de cithare. Sans dire un mot, il s'agenouille et commencent sans attendre.


Thème.

 
Agliacci

Le Julung 4 Otalir 1512 à 19h52

 
*** ** Jusqu’à la source
Chacun peut marcher
Seules les lunes s’y baignent.** ***


Agliacci ne sait trop ce que l’on attend d’elle, mais ce dont elle est à peu près sûre, c’est qu’elle déçoit ces attentes.
Elle évolue à petit pas, mais aucune de ses avancées timides ne se brise en coupé. A aucun moment son poignet ne se casse, ni sa taille pivote. Très droite et très digne, elle se contente d’avancer, la tête légèrement baissée, le vent baignant à peine ses boucles impatientes. La tydale paraît absorbée dans ses pensées.

Elle passe derrière les musiciens, observe curieusement la manière dont sont tenus les instruments et paraît juger froidement d’une octave un peu téméraire. Et, pendant les minutes durant lesquelles durent la musique, c’est bien tout ce qu’on peut la surprendre faire.

Lorsque les musiciens closent leur pièce, elle prend soin de s’agenouiller à côté de l’un d’eux, mimant la tenue rigide de sa colonne vertébrale. Se penchant à son oreille, elle lui chuchote quelques mots, sans que le musicien ne marque d’expression réelle. Un accord semble se faire entre les deux personnages. Rapidement, celui-ci lui lègue son ehru et se dirige vers le piano qui a servi plus tôt à la première chanteuse invitée par le Patricien.
Agliacci prend place au milieu des artistes, qui ne savent trop comment prendre la situation mais qui conservent une impassibilité toute matriarcale.
Elle débute un accord long et lent, ses doigts arqués comme de grandes araignées ambrées dans la pâle lueur du jour. A côté, le musicien s’applique à son accompagnement. La tydale sourit.


La vie est une danse.
Une danse à travers une grande salle close, pleine de gens et de musique.
Il ne s’agit jamais que de passer la pièce.
Un jour ou l’autre, on s’en rendra bien compte…
Vous dansez tous ici autour de moi. Vous ne le voyez juste pas.
Vous le verrez, une de ces nuits, lorsque votre cœur prendra la couleur de la neige : chaque poussière est grain d’étoile, et en tant que telle, toujours filante...

Ah ! Si vous vous voyiez comme je vous vois !...


Et la musique de continuer.

Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hohen

Le Vayang 5 Otalir 1512 à 18h17

 
Merveilleux !

Le Patricien qui écoutait cérémonieusement l'improvisation était aux anges. Lui qui se lamentait d'une somnolence bonhomme de l'Art à Arameth s'en trouvait rassuré qu'il existait encore ça et là quelques oiseaux rares qui avaient suffisamment de tonus pour réveiller ce petit monde endormi. Ronflants sur leurs lauriers et leurs sardoines, certains artistes qu'il finançait n'avaient rien produits de bon depuis des mois. Voilà de l'argent qui sera bien utilisé !

Enthousiaste, il applaudissait à s'en rompre ses mains de forgeron. L'ordinant à côté était plus timide.


Ah avihia, et si vous ressentiez ce que je ressens ! Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais autant amusé.

L'ordinant resservi les coupes d'alcool que le Patricien s'empressa de vider la sienne aussitôt.

Ca me rappelle un conte pour enfants, vous devez sûrement le connaître avihia.

Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ; puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.

Respirant à pleins poumons, Ilmarinen savourait le moment présent. Quelque part en lui il se rappelait l'impermanence de toute chose et que son attachement n'était qu'illusion. La chance de n'être pas déchirée entre deux cultures antagonistes est une bénédiction pour son invitée. Quant à lui même et l'Ordinant, ils ne savent que trop bien le sens du devoir.

Gardiens malgré eux.

Voyant le soleil commençant à descendre, le moment lui semblait venu.


Avihia Agliacci, daigneriez-vous m'accompagner à table ? Je crains que ce ne soit bien modeste et pas aussi élaboré que ce que l'on peut trouver en ville toutefois. J'avoue que l'alcool m'ouvre l'appétit et malgré les recommandations de mon docteur, je ne peux m'empêcher de bien manger. Mais vous savez ce que c'est, les docteurs...

Se relevant lentement, imité par Hohen, le Patricien s'étire, oubliant les convenances.

Je crois que c'est un célèbre homme politique de la Fraternité qui disait "Une pomme par jour éloigne le médecin. Pour peu qu'on vise bien."

Ah ces tchaës...


S'approchant de l'artiste, il tend son bras.

 
Agliacci

Le Dhiwara 7 Otalir 1512 à 20h05

 
Le compliment et l’applaudissement du tydale semble véritablement toucher Agliacci, pourtant rarement la première à rougir des émois du public. Le métier lui avait appris qu’éloges comme insultes avaient une durée de vie très limitée, et qu’il ne fallait point bâtir son travail sur ses impressions éphémères. Néanmoins, voir s’esclaffer Ilmarinen de cette façon lui procure une réelle satisfaction : il y a quelque chose d’assez amusant, à observer ce tydale si noble d’apparence et de verbe, proclamer sans honte ou mièvrerie son enthousiasme. La mention du conte la fait aussitôt réagir :

Oui, bien sûr ! s’exclame-t-elle puérilement. J’aime beaucoup cette histoire. Pourtant, je dois admettre avoir du mal à me la représenter, et qui plus est à la comprendre. Que se serait-il passé, si le philosophe ne s’était pas éveillé ce jour-ci… ?

La tydale se déplie d’un pas de biche et rejoint le bras tendu du Patricien, murmurant un léger : « Merci ». Elle coule un bref regard vers Hohen, qui n’a pas pipé mot depuis quelques temps ; que pense-t-il et que sait-il, exactement, de cette saynète… ? Difficile à savoir.

La réplique d’Ilmarinen fait évidemment sourire la Luthière.

Il a été mentionné lors d’une convention de l’ordre médicinal qu’à ce sujet, l’ananas était statistiquement considéré comme générant un taux de mortalité plus élevé que celui de la pomme. Cette étude me laisse personnellement mi figue-mi raisin.

Agliacci enjoint le pas aux deux hommes, songeant néanmoins à rendre son instrument au musicien sur son passage.
Elle se demande – avec inquiétude - si les talents culinaires du Patricien seront à nouveau à l’honneur…





Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

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