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Faubourgs de la Perle

Chantepleure

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Sujet lancé par Agliacci
Le 25-09-1512 à 22h48
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Posté par Agliacci,
Le 28-10-1512 à 21h28
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Agliacci

Le Matal 25 Saptawarar 1512 à 22h48

 
Sans qu’elle ne puisse définir pourquoi, les mots lui venaient ces derniers temps avec une certaine difficulté. Ce n’était pourtant pas qu’elle manquait d’entrain – l’avait-on jamais vu plus souriante et maline ? – et encore moins de travail – elle devait à sa dernière tragédie bien des heures de sommeil irrécupérables et combien d’autres à battre le pavé de la scène pour claironner ses doux refrains. La cause n’en revenait pas non plus à une éventuelle absence de compagnons de fortune, et elle ne pouvait se rappeler clairement ses derniers instants de solitude. Peut-être était-ce d’ailleurs cela, la clé du problème : peut-être ne s’était-elle pas assez ennuyée, n’avait point souligné assez la pause dans son éternelle chorégraphie.

C’est qu’il faudrait tout savoir, des fois. Mêler l’écorchure à la douceur. Alors qu’elle marche dans les Faubourgs, ses pas mesurés obéissant à un rythme qu’elle seule embrasse, Agliacci dérobe quelques visions aux silhouettes qui passent à ses côtés. Les plaies de leur visage lui renvoient les siennes. Elle se demande qui ils sont en dehors de ce moment fugace où elle glissent ses yeux vairons sur eux ; elle, la rouquine aux yeux doux, y a-t-il quelqu’un qui l’attendra à son retour sur son oreiller ? Le mioche qui passe, des cailloux plein les poches, quel être cache-t-il sous sa bedaine timide ? Et ce type fier et bien droit, avec son regard d’à tout-faire et cette certitude qu’il sait déjà tout, quelle ombre le font trembler aux heures creuses de ses nuits ? Elle se demande mais personne n’entend les questions informulées qu’elle pose, ni ne cherchent à lui répondre. En conséquence de quoi, elle marche.

L’espoir, ça vous a une âme de flocon, il ne faut pas trop y toucher, pas trop le caresser, où il n’est déjà plus que flaque entre vos doigts.

Ses pas lents naissent et meurent au rythme de ses hanches, et elle s’élance en quelques pas de danse. De ses voiles émergent deux flambeaux noirs qui, dès qu’ils s’approchent de ses lèvres, crachent des langues de flammes. En un bruissement hâtif, la foule s’écarte, et les zébrures du feu tracent des lignes oranges et noires sur leurs visages inconnus.

Sans qu’elle ne sache exactement pourquoi, il y a comme un malaise dans son ventre, une angoisse qu’elle ne peut défaire, ni même expliquer.

Mais, en une vive torsion, elle trace un cercle de feu et capte les chuchotements admiratifs de ses spectateurs d’occasion.

C’est que tout ira bien, forcément.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hir'Daeles

Le Merakih 17 Otalir 1512 à 18h38

 
***
Dans un coin des Faubourgs, un tydale est assis.
Il attend.
Frissonnant sous un costume ayant eu des jours bien meilleurs, il regarde devant lui, de ses deux yeux verts perdus dans une barbe et une chevelure en friche.

Il ne saurait vous dire depuis combien il est assis là, par terre.
Il fut un artiste, il fut un Confrère.
Il fut tant de choses encore.
Tant de choses qui se bousculent maintenant sous sa tête, et ricochent sur les murs effrités de sa conscience.

Et c'est là, assis dans un recoin de la ruelle, un quignon de pain à la main, caressant un chat famélique d'une main distraite, qu'il guette d'un oeil, soudain un peu moins vitreux, l'Artiste qui marche maintenant devant lui.

Il y a quelques années, il l'aurait abordée sans la moindre hésitation.
Mais aujourd'hui, perdu comme il est, l'esprit délité par l'Anarkan, il la laisse passer.

L'a t-elle seulement remarqué ?
***





 
Agliacci

Le Merakih 17 Otalir 1512 à 23h51

 
Comme il est long, le temps de l’attente !

Le pressentent-ils, seulement ? Le désastre qui naît dans son ventre ? Elle voit tout autour d’elle des loups et des femmes auréolées de flammes, des créatures à morphologies adaptables et elle ne sait plus où donner de la tête, où accrocher ses yeux grands ouverts, et cela fait bien rire les ombres qui dansent autour d’elle. C’est qu’il n’y a plus d’ancrage qui l’attire, plus de chair promise qui la capte. Parmi tout ce brouhaha Agliacci cherche le seul visage vrai mais les grands bâtons de feu qu’elle manie lui dérobent toute strie de chair en une nappe uniforme de lumière.

Les gens ont des sourires de chiens, des sourires qui ne se relèvent que pour mieux montrer la canine.

Elle pivote sur elle-même, les voiles qui l’habillent épousent à peine sa peau ; quelques passants semblent s’intéresser à son numéro, mais elle, elle ne s’intéresse pas à eux.

Alors, comment aurait-elle pu distinguer la forme recroquevillée, là, au coin de la rue ? Deviner, sous le renfroncement du front, les yeux malicieux de qui lui a un jour tendu la main ?

Et elle-même, a-t-elle grand-chose à voir avec la tydale pernicieuse et trempée qui quémanda un jour l’asile ?...
A un moment, elle souffle sur son bâton de feu et celui-ci s’éteint aussitôt, laissant émerger, au grand plaisir d’un duo amoureux, une folle série de papillons.

Et peut-être est-ce grâce à cette obscurité retrouvée qu’elle croise une gueule qui en vaut peut-être la peine. Elle discerne par-dessus les omoplates siamoises de ses deux admirateurs enlacés le regard marginal et absent d’un prince en haillons.
Agliacci ne remarque pas le confrère sous la pilosité et l’amaigrissement, ne note pas une seconde les traits de l’Ordinant, ne s’avise pas de reconnaître le félin grincheux qui lui tient compagnie. A aucun moment son esprit n’aperçoit le symbiosé et elle ignore tout de cet homme, mais il devra suffire. Il y a quelque chose qui achoppe son attention et ce sera donc celui-ci.

Celui-ci : son public.

Car après tout, s’il y a un écart entre le fou déchu et la nymphe enflammée, ce n’est que celui du caniveau : la nuit, à leur retrousser la peau, tous deux seraient matous de gouttières.

Or donc, ce soir il sera son but pour une poignée de minutes. Comment lui plaire ? Comment attirer son regard ? Faut-il mieux danser, poursuivre son jonglage incendiaire, pousser la chansonnette, tirer un air de violion, marcher sur la tête, que veulent-ils donc, à la fin, que veut-il ? Comme une bête à l’affût, elle guette le mouvement qui inspirera son prochain jeu, la petite chose qui fera balancer son esprit d’un côté ou de l’autre.

Et comme les yeux peuvent être aveugles… ! Car l’essentiel, on le sait bien, ne se voit pas avec ceux-ci.



L’a-t-il seulement remarqué ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hir'Daeles

Le Luang 22 Otalir 1512 à 22h34

 
***
L'ombre s'agite, agacée par les mouvements agressant son esprit embrumé.
Alors qu'il saisit le col de sa veste pour garder le peu de chaleur encore présent dans son corps transi, un papillon vient se poser sur son bras.

Ce téméraire lépidoptère agite ses ailes devant les yeux de l'ancien Ordinant, ses couleurs chatoyantes ravivant quelques lueurs enfouies au fond de ses yeux.

D'une main tremblante, le tydale tente de toucher le papillon posé sur son bras.
Alors qu'il le frôle, celui ci se volatilise, dans une nuée de couleurs irisées ...

Refermant sa main sur de la fumée, le tydale tourne son regard vers la nymphe, et, toujours tremblant, écarte d'un geste peu sûr les quelques mèches grasses lui masquant totalement la vue de la symbiosée.
***


 
Agliacci

Le Matal 23 Otalir 1512 à 23h22

 
Elle est comme piquée au vif par le geste tremblant du vieux, et ses yeux se détachent avec difficulté de l’explosion fumigène qu’elle a elle-même conçu mais qui lui paraît sur le moment le signe d’une très grande fatalité.

Elle redresse lentement le regard, la main allant pour faire naître un oiseau mécanique au bout de ses doigts fins, quand elle accroche quelque chose comme une particule mentale, cette légère friction qui saisit toujours des symbiosés lorsqu’ils sont proches.

L’oiseau de bois et de métal peint qui naît du creux de ses seins est un petit rouge-gorge artificiel qui, lorsque son pouce effleure le bouton qui enclenche son mécanisme, pépie comme pour de vraie et bat lentement des ailes. Il s’agit de l’œuvre d’un alchimiste surdoué qui, avisant sa jeune sœur en larmes devant le cadavre de son animal adoptif, avait pris sur lui de lui offrir ce jouet, désormais entre les mains de l’Artiste.

Il peut se propulser jusqu’à trois mètres de haut et planer de manière autonome pendant plus d’une minute. Il rentre dans une poche de chapeau ou dans n’importe quel renfoncement secret que les amuseurs publics aiment à porter sur eux. Et il s’appelle Hugo. Ça, Agliacci le sait très bien.

Ce qu’elle sait moins bien c’est que son vieux tydale, son public élu, porte presque des traits qu’elle reconnaît et soudainement, et avec une exclamation de surprise pure :

Hir’Daeles… !

La tydale est effarée.
Que lui est-il donc arrivé ?
Son visage se fait doux. Elle s’approche à pas de loups, et ses spectateurs suivent ses timides enjambées tandis qu’elle s’agenouille au-devant du symbiosé et, guettant un signe de reconnaissance, lui tend le petit oiseau comme une enfant faisant offrande à un faune.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hir'Daeles

Le Julung 25 Otalir 1512 à 17h03

 
***
Le tydale esquisse un mouvement de recul pour se cacher de l'Artiste, avant de se rendre compte que ce n'est que peine perdue.
Au fond de lui, quelque chose à honte de ce qu'elle va voir, du fait qu'elle le reconnaisse.
Elle l'a quitté riche, puissant et sûr de son fait.
Elle le retrouve allongé dans la fange.

Puis cette main, chargé d'un présent qui, aux yeux du pauvre hère, n'est qu'un jouet enfantin.
Cette main, un jour, c'est elle qui lui a tendu.
Mais alors c'est elle qui était dans la rue, comme lui, sans aucun chez soi.

Soudain, un choc ébranle la muraille qui surplombe la ruelle ou se déroule cette étrange scène.
Des pierres tombent dans la rue, semant le chaos.
Non loin, un corps en armure s'écrase sur un étal.
La panique prend possession de la rue, du quartier, de la ville.

Bientôt, seuls les deux Luthiers sont là, couple improbable au coeur de la tourmente
L'ancien Ordinant tend alors sa main droite vers celle de l'Artiste, et referme les doigts de celle-ci sur l'oiseau.
Puis, dans un souffle, presque rieur.
***


Je vous en prie. Je ne suis pas de ceux qu'on achète avec des cadeaux.

***
La brume dans ses yeux s'est dissipée.
Ce n'est plus le même regard. Quelque chose, son éclat, a changé.

Un nouveau choc ébranle la muraille, et de sombres coulées d'effluves commencent à se déverser depuis le haut de l'enceinte millénaire.
Le tydale fixe intensément ses yeux vers dans ceux, vairons, de celle qui est sans doute sa dernière amie. ***


M'accorderez vous cette dernière danse ?




 
Agliacci

Le Julung 25 Otalir 1512 à 23h42

 
Hir’Dales…

Le nom est confus, presque balbutiant, implorant.
L’angoisse au fond de son ventre était donc fondée, songe la symbiosée. Son regard s’accroche aux pas de fuite des habitants des Faubourgs et elle frémit d’envie de les suivre – ce vieil instinct animal de la fuite qui l’a toujours poursuivi et finalement, l’a guidé jusqu’à Arameth. Elle a peur, elle aussi, parce qu’elle pressent quelque chose d’affreux, quelque chose comme un gouffre, le cauchemar familier qui murmure son nom la nuit venue.

Elle sursaute quand Hir’Dales referme sa main sur le faux oiseau. Autant pour ses affections buccoliques. Le contact l’arrache au poids de son cœur affolé et elle tourne la tête avec difficulté.


Ça m’appelle, confie-t-elle d’un ton doucereux.

Elle ne se défend pas contre l’intensité recouvrée de ses yeux sans questions ni réponses.
Ceux-là ont déjà tout vu, et elle sait bien, tout comme lui, qu’elle est peut-être – non, sûrement – le dernier visage ami que verra le tydale.

Elle souhaiterait ne pas être celle-là mais on ne refuse pas les caprices du destin et des mourrants.
Elle pose avec calme et lenteur le petit oiseau en bois contre le mur de la ruelle.


J’espère que quelqu’un le retrouvera et s’en occupera bien, énonce-t-elle à voix haute.

C'est absurde, c'est un jouet de bois dont même un clochard ne veut pas.
Mais elle le dit avec la claire certitude que peut offrir la lucidité.

C'est qu'il y a son nom gravé tendrement dessus.


Je connaissais quelqu’un qui disait qu’il ne fallait se courber que pour aimer. Et qu’à mourir, il fallait aimer encore. Il disait aussi qu’on ne devrait parler que de choses qui puissent se murmurer à l’oreille d’un ivrogne ou d’un mourrant. Je me demande ce qu’il me dirait. Je me demande ce que je lui dirai.

Enfin…


Elle réfléchit, ôte le châle blanc et perlé qui protégeait ses épaules et en enveloppe le jouet. C’est qu’elle y a tenu, à ce petit rouge-gorge.

Alors, Agliacci se retourne vers son comparse, toute vêtue de blanc comme pour des fiançailles. Les pierres craquent, encore, et sous peu, elle le sait, elle disparaîtra comme une étoile, réfléchira longuement et ses mains trouveront le cuir d’une armure et son cœur battra la chamade comme dix mille tambours. En ville, il y aura ses toiles et ses poèmes et ses journaux et ses pièces, cinq cent rêves fracturés à la racine et des souvenirs à s’en fendre les tempes. Il y aura sa vie derrière les murailles et puis il y aura elle de l’autre côté.

Mais chut, intime-t-elle à sa tête et à son palpitant déraillé, chut, chut ; pour le moment, il y a ce délice hors du temps, cette dernière provocation, cette amitié de mourrants lucides qui s’offrent la gourmandise et la délicatesse de se moquer encore de ce qu’ils savent et devinent.
Elle va pour enlacer l’Ordinant déchu.


Allons-y.

Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hir'Daeles

Le Vayang 26 Otalir 1512 à 00h41

 
***
L'Ordinant, tel une feuille de papier froissée, se déplie avec difficulté.
Il est maintenant debout, et malgré sa maigreur extrême, ses rides et ses cernes violacées, il n'a rien perdu de sa stature.
Enlaçant à son tour l'Artiste, l'Ordinant l'entraîne, d'une main sûre, dans une valse lente.

Fredonnant d'abord doucement, un air lent, entraînant, une vieille chanson d'amour Araméthéenne, il s'adresse à sa cavalière en ces termes après quelques douces révolutions dans la ruelle.
***


Connaissez vous cette chanson ?

***
Bien évidemment qu'elle connaît cet air, elle, l'Artiste.
Il se met alors à chanter, d'une voix chaude et légèrement éraillée, et si le coeur de sa cavalière lui en dit, elle le reprendra avec lui.
***



Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ça me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est lui pour moi. Moi pour lui
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l’aperçois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des ennuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ça me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l’aperçois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat




***
Le monde s'obscurcit autour d'eux, mais pour l'Ordinant, il peut bien s'effondrer sur lui, il a enfin trouvé ce qui lui manquait depuis que son Mou l'avait trouvé.
Entouré par des Poussiéreux fuyant l'inéluctable, le couple tourbillonne sur la placette, alors que dehors, les hérauts de la tempête déchaînent leurs assauts sur Arameth.
***




Un grand merci à Edith Piaf.

 
Agliacci

Le Vayang 26 Otalir 1512 à 15h32

 
Bien sûr qu’elle le connaît, et la question la fait sourire parce qu’ils en savent tous deux la réponse.

Oui, dit-elle.

Elle a fermé les yeux et elle suit posément les pas de valse. Elle ne pèse presque rien entre les doigts d’Hir’Dales et ses gestes trouvent naturellement leur place et leur accord, dans une fluidité sans accrocs ni maladresse.
Elle respire doucement, à peine, comme pour mieux écouter la voix chaude et ronronnante de ce damné qui se redresse une dernière fois.

En réfléchissant bien elle n’a jamais entendu un homme chanter si bien.

Et cette vieille chanson…, combien de fois l’a-t-elle claironné au détour de ses nuitées éthyliques, aux abords des canaux, aux clairs des lunes ! Elle a toujours secrètement adoré cet air, cette simplicité des mots et la puissance de son chant. C’était tout le mystère de l’odeur d’une peau dont on ne parvenait à se défaire, la grande énigme d’une promesse qu’on tenait avec peine, c’est le genre de chansons qui se gueulent et s’abreuvent directement au ciel, celle qu’on entend murmurée par toutes ces filles qui valsent secrètement dans leurs chambres en songeant à ce bel artiste pour qui elles se pâment –les pauvrettes ! -, et puis celle qu’elle-même claironnait lorsque l’aurore la trouvait ivre et ravissante aux croisements des Dédales.

Elle la connaît par cœur, absolument par cœur.

Elle laisse filer le premier refrain, toute entière à son appréciation du moment présent. La clôture de ses paupières lui offre l’intimité reposante de ses pensées et la délivre du spectacle des Faubourgs évidés. Elle sourit. Ça aussi, c’est quelque chose qu’elle emportera avec elle, un souvenir qui lui fera un soleil quand il fera sombre.
Et elle rejoint l’Ordinant au détour d’une parole. Sa propre voix a des tonalités plus grave qu’on ne le supposerait, et des rondeurs bien plus sages que ne le suggère son caractère turbulent ; elle commence tout doucement, d’abord, sa voix s’assurant qu’elle s’accorde bien à celle de son compagnon :

Et des que je l’aperçois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place


Et puis, plus fort :

Des ennuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.


Plus fort encore.

…Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ça me fait quelque chose.


Et maintenant, elle chante à tue-tête, comme il ne se fait pas de chanter ainsi.



Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie !
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l’aperçois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat… !


Lalalala, lalalala….,

C’est une chanson dont on connaît tous le refrain.
Et elle ne regrette rien, rien de rien, de rien.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Hir'Daeles

Le Vayang 26 Otalir 1512 à 21h26

 
***
Avec le dernier refrain s'achève la chanson, et avec elle, le ballet improvisé par les deux tydales.
L'Ordinant relâche son emprise sur les hanches d'Agliacci, mais ne les retire par pour autant.

Il se sent en paix.
Depuis quelque temps, son esprit naufragé errait dans l'océan tourmenté de sa conscience, mais l'Artiste a su lui servir de radeau.
Au vu des évènements,on pourrait cependant parler de Radeau de la Méduse

Regardant avec un semblant de tendresse entremêlé de tristesse les yeux encore clos de l'Artiste fredonnant encore la chanson qu'il semble avoir choisi avec raison.
Un fin sourire aux lèvres, il attend que sa cavalière ouvre les yeux.
***


Et maintenant, si nous allions voir le dernier feu d'artifice qu'Arameth puisse nous offrir?



 
Agliacci

Le Dhiwara 28 Otalir 1512 à 21h28

 
Agliacci n’est pas étrangère à l’expression émue qu’elle devine encore perceptible dans le regard de son vis-à-vis.
Elle sourit et, à son grand étonnement, pose tendrement une main contre la joue d’Hir’Dales.

Il n’a pas besoin de parler parce qu’elle comprend, elle devine la paix retrouvée sous le visage calleux et elle n’a pas peur de la barbe drue sous sa paume ou des cernes qui abîment ses yeux mais n’entâchent rien de leur vivacité. Tout cela importe peu : il y a des visages qui sont plus vrais que d’autres, c’est un fait. Il aurait pu être tout autre, pacha ou clochard, Agliacci n’en aurait cure. Ils sont deux au bord de l’abîme et s’en moquent bien, c’est ce qui compte.

En réponse à l’invitation d’Hir’Dales, la tydale hoche lentement de la tête.


Oui.

Mais, vous savez, après, je vais partir,
murmure-t-elle. Je finis toujours par partir, ce n’est qu’une question de temps.
Et c’est probablement ce qu’elle a jamais dit de plus sincère et de plus vrai.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

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