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Le Sukra 2 Astawir 1511 à 22h15
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| *** Enfer ! Aaaah ! ***
Ce matin là il en eut vraiment assez de transporter une aussi lourde charge. Depuis qu'il avait adopté un rythme plus citadin il supportait de moins en moins de s'encombrer avec des affaires inutiles, car cela lui donnait l'impression qu'il s'encroûtait. A quand l'achat d'une maison garnie de vaisselle ? Il fallait se débarrasser de toute urgence de ce qui n'était pas nécessaire en plein nature !
Il fit le tri.
Ce sont d'abord ses anciennes bottes de marche qui lui firent froncer les sourcils. Elles étaient plus moches, assez miteuses comparées à celles que le parangon Aldarin lui avait données. Allez zou, plus besoin de les trimbaler avec lui !
Vint ensuite sa chope du S'sarkh -- édition limitée dédicacée de la fête des fous de Zarlif. Bon d'accord c'était collector mais elle pesait si lourd qu'il préférait encore la vendre.
Pour finir son lannë de sécurité. Il l'avait suivi jusque dans les sables ensanglantés d'Arameth, où il fut maintes fois lacéré par les crocs des gouailleuses. ça lui fendait le coeur de devoir s'en séparer. Il commençait pourtant à s'habituer aux lanières lingayoni, qu'il lui était d'ailleurs de plus en plus difficile à enlever tant les plantes carnivores étaient voraces.
Klathu dit :Y en a même une qui te bouffe le téton ! D'ailleurs tu peux te pencher un peu sur la droite... un tout petit peu... que je vois bien la scène là. Allez s'teuplait montre moi ton téton en train de se faire becter par une plante carnivore s'teuplait s'teuplait !
*** Klathu ! Chut. ***
A qui allait-il bien pouvoir refiler toutes ces vieilleries ? Ce serait vache de faire ça à Neira ou à qui que ce soit de Jypska en fait. Par contre il aperçut le fameux groupe de témoins dont tout le monde parlait. Parfait ! Il aborda le dit groupe de voyageurs en leur souhaitant la bienvenue en ville. Ni une ni deux il déballa ses affaires pour montrer ce qu'il avait à vendre.
*** C'est alors... ***
Qu'un jeune poussiéreux fit une remarque plus ou moins désobligeante sur les lanières lingayoni d'Hirvane. En vérité il y avait effectivement de quoi rire, car il fallait être un peu fou pour s'infliger la morsure de plantes carnivores voraces sur tout le corps. Néanmoins Hirvane était un peu remonté.
-Un artisan peut vous la fabriquer pour 150 pierres, c'est le moment de l'essayer ! Mais je comprendrais très bien que la souffrance vous effraie...
-Etrange, étrange... Savez-vous que la souffrance fait partie de chacun de nous, témoins, et que nous la supportons pour Le soulager d'un peu de la sienne ? Je n'ai pas peur, non.
Hirvane se méfiait toujours des témoins. Il ne connaissait pas bien les souffrances qu'ils enduraient mais ce dont il était certain, c'est qu'il arrivait que des témoins en viennent à aimer souffrir. Il était curieux de comprendre le rapport à la souffrance de celui qui lui faisait face ce jour là.
Vous en connaissez un rayon sur la souffrance, alors je ne vous cache pas la mienne. Mais je ne souffre pour personne, c'est mon péché, ma faute. | |
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Le Dhiwara 3 Astawir 1511 à 13h23
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| L'étranger peinait à s'exprimer dans la langue élue des témoins. Il avait dû en apprendre quelques mots à la volée durant sa jeunesse, peut-être au cours d'un voyage. Il n'était pas rare que les propages viennent parfois dans les villages pour s'asseoir à la table d'une taverne.
Il ressentit immédiatement que les mots qu'il avait choisis n'étaient pas ceux qui décrivaient pleinement le fond de sa pensée. Il grimaça car l'explication allait lui demander des efforts supplémentaires de concentration. Le pardon ? Rien à foutre. Obtenir quelque chose de la souffrance ? Non, ce n'était pas l'idée. Bien choisir les mots...
Je cherche pas la souffrance avec cette armure.
Tu comprends que... que maintenant...
Comment formuler une idée pareil en S'sarknesh ? Déjà qu'il peinait à prononcer correctement les numéraux cardinaux dans cette langue super compliquée, comment dire à ce jeune poussiéreux que tout ce qu'il cherchait en se laissant bouffer par des plantes carnivores, c'était, c'était...
... maintenant je suis mi-poussiéreux mi-plante !
Ce qu'essayait d'exprimer l'étranger, c'est qu'il voulait savoir si un poussiéreux, à force de se faire sucer l'épiderme par des plantes, pouvait développer une relation symbiotique stable et devenir lui-même une sorte de plante géante.
*** De près les lanières lingayoni étaient encore plus dégoûtantes. ***
Je pourrais souffrir pour quelqu'un. Mais non, là c'est de ma faute si je souffre.
Est-ce que je deviendrais une plante ou autre chose ? Ma souffrance ne concerne personne.
Je te souhaite de ne pas souffrir, en tout cas. | |
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Le Dhiwara 3 Astawir 1511 à 15h59
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| Mince alors, le jeune tchaë était désarmant. Non seulement il reprenait méthodiquement tout ce qui avait été dit pour tenter de comprendre, mais il faisait preuve de patience dans cet exercice. Alors qu'Hirvane avait cru s'être fait moquer par un adolescent, il réalisait peu à peu que ça n'avait pas de sens de se montrer plus désagréable que nécessaire envers lui. Eh bonne Dame ! Il parlait un shaï parfait en plus. Décidément tout Syfaria parlait shaï, c'était hallucinant !
*** Le jeune Vorondil était en train de gagner la confiance d'un être plus vulnérable que son apparence brute de fonderie ne le laisser présager. ***
Ah ben tu parles shaï, et bien en plus... tu connais donc l'équilibrium ?
C'est ma faute. C'est moi qui ai choisi de faire ça, et je savais que ça allait faire mal. C'est moi qui endure cette souffrance même si je pourrais m'en passer. C'est sûrement le prix à payer pour vivre en symbiose avec ces éléments naturels. Dans mon village, on disait que celui qui les portait devenait pareil qu'un végétal. C'est la vérité, ces plantes sont en train de remplacer ma peau.
Comment te décrire cette souffrance ?
C'est comme lorsque tu guéris d'une grave maladie. Tu a beaucoup souffert mais tu n'arrive pas à te remémorer la souffrance. Alors tu te dis que finalement, la prochaine fois que tu tomberas malade, tu pourras la surmonter. Mais c'est faux. C'est impossible de se remémorer une souffrance sans l'éprouver.
*** Il se passait la main sur l'avant bras, dont l'épiderme était véritablement recouvert de végétaux qui s'y accrochaient avec force. ***
J'ai l'impression de perdre mes forces deux fois plus vite, non, trois fois plus vite. A chaque respiration mon souffle est happé par un troisième poumon. Lorsque je bouge un bras ou quoi que ce soit le sang afflue moins dans ma tête, j'ai la vue qui se brouille.
Par contre je ressens des bouffées de mana souffler dans mon corps. C'est comme si je devenais un animal de la nature et que tous les messages de mon corps étaient différents.
*** ça avait l'air de le terrifier tout en le fascinant. ***
Souffrance physique, souffrance de l'âme, ça reste un signal d'une partie de notre être qui est atteinte, ou détruite. Parle-moi de la souffrance du S'sarkh, quelle est-elle au juste ? Pourquoi l'accepte-tu alors que, sûrement, une partie de ton être appelle à l'aide ? | |
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Le Dhiwara 3 Astawir 1511 à 17h11
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| *** La question m'arrache un petit rire. ***
Je suis né et j'ai grandi en Equilibrium.
C'est avec tristesse que la Sainte m'a fermé ses portes alors que je voulais y retourner, il y a peu, étant sorti par hasard du pilier qui se situe à côté...
La Shaïm m'a fait comprendre que je n'étais pas le bienvenu.
Ainsi vont les temps...
La question qui me vient à présent est : pourquoi vouloir vivre en symbiose avec les éléments naturels ?
J'y vois de bonnes choses, et d'autres qui peuvent devenir moins bonnes...
Est-ce que tu ne risques pas par exemple de t'éloigner de tes semblables ?
La moitié de poussiéreux que tu pourrais devenir resterait-elle dominante, ou finirais-tu par rentrer en communion la plus parfaite possible avec la nature en te laissant dominer par l'armure ?
Seras-tu prêt à perdre ta vie ?
Ton armure remplace ta peau, que remplacera-t-elle ensuite ?
*** Je reste un court instant à réfléchir avant de demander : ***
Tu souffres pour ne jamais oublier ce qu'est la souffrance tout comme tu veux profiter des nouvelles réactions de ton corps face à ce qui l'entoure ?
Tu veux simplement être... différent des autres ?
*** Parler de Sa souffrance. ***
Si je détenais la réponse à tes questions, je pense que je ne serais pas ici à parler avec toi...
Je vais toutefois essayer de répondre et corriger ce que tu me demandes.
La souffrance du S'sarkh.
Elle est au delà de toute compréhension poussiéreuse.
Elle est liée à notre réalité toute entière.
Sa souffrance est infiniment plus grande que celle de chacun d'entre nous.
Certains d'entre nous tentent de se rapprocher de S'sarkh car nous savons qu'il souffre, et nous pensons qu'essayer de partager ses souffrances nous aidera à le comprendre et à le soulager de sa peine.
La plupart des poussiéreux rejettent sur lui la faute des maux qui s'abattent sur nous. Mais il n'est qu'une victime.
Il n'est bien sûr pas responsable de ce qui arrive.
Là où tu dis qu'une partie de mon être appelle à l'aide, c'est surtout mon cœur qui me guide vers lui pour répondre à sa souffrance... Essayer de l'apaiser.
Est-ce que tu comprends mieux ce que je veux dire, à présent ?
La souffrance qui est la tienne te rapproche de lui...
Essaye de le comprendre. Essaye de l'aimer.
Essaye de le plaindre.
Alors tu auras la révélation, et tu trouveras ta Voie.
Ce jour là, s'il arrive, tu seras plus serein.
Ce jour là, tu seras des nôtres.
*** La conviction et l'émotion placée dans ma voix sont absolument surprenantes compte tenu de mon âge.
Hirvane est peut-être tombé sur quelqu'un d'étrange...
Ne jamais se fier aux apparences.
Lire le cœur des gens est difficile.
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Le Luang 4 Astawir 1511 à 15h00
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| *** Sans hésitation, je réponds : ***
Pourquoi parler de survivre ?
La véritable question ne concerne pas la survie.
Est-ce que tu vas vivre comme ça ?
Je suis d'accord avec toi concernant l'équilibre, il te faut le ressentir pour pouvoir faire ce choix, sinon tu ne l'aurais sans doute pas fait.
Mais si tu penses légèrement différemment, interroge-toi pour savoir si tu aurais été prêt à laisser les plantes se nourrir de toi sans contrepartie.
Est-ce que tu les aurais laissé mourir, ou est-ce que tu aurais fait don d'une partie de toi pour elles ?
Si la Dame te protège, pourquoi ne pas t'en remettre à elle quelle que soit ta rétribution ?
*** Un regard à l'équipement de l'Equilibrien.
Il a de quoi régénérer son énergie physique assez rapidement pour que les plantes ne le tuent pas à petit feu.
Puis la question revient à la souffrance de S'sarkh.
Avec une passion mal dissimulée je m'empresse de l'éclairer :
***
Tu n'entends pas car tu n'écoutes pas.
Tu restes trop focalisé sur certaines choses au détriment d'autres.
Une personne l'a déjà vu, et nous déchiffrons les signes témoignant de sa souffrance.
Il n'y a aucun doute à ce sujet, il faut pour cela observer.
Les effluves, comme tu dis.
C'est là une preuve évidente de sa souffrance.
Pourquoi penser qu'il nous voudrait du mal, et qu'il essayerait d'agresser la nature ?
Non, les effluves sont autant de gouttes de sang qu'il perd, autant de gouttes de sueur perlant alors qu'il est torturé, rongé...
Ce n'est pas S'sarkh. C'est l'expression de sa douleur.
Je suis parfaitement d'accord avec toi : c'est une tragédie de voir toute la perversion.
Mais n'oublie pas que la perversion est dans le cœur des poussiéreux - et des Nemens.
Ne confonds pas S'sarkh avec son soi-disant "fils" qui n'a rien à voir avec lui.
Le P'KhenS'sarkh n'est qu'une incarnation du mal.
C'est lui qui pervertit tous ceux qui s'écartent trop du chemin à suivre.
Grand manipulateur des âmes, il représente un danger terrible, ainsi que tous ceux qu'il a à présent sous sa coupe.
Pourquoi penser que la nature et S'sarkh sont opposés ?
Non, ce n'est pas le cas.
S'sarkh mérite notre amour, et nous n'avons rien à attendre en retour.
Peut-être y verras-tu quelque chose contraire à l'équilibre que tu prônes.
Je te souhaite de comprendre ceci au plus profond de ton cœur... Je ne peux hélas rien de plus pour toi.
Sache entendre.
Apprends à reconnaître les signes de sa souffrance.
Chéris-le.
Peut-être que tu auras la chance infinie d'approcher la compréhension plus que d'autres ne l'ont fait avant toi...
*** Je place une main apaisante sur son bras, délicatement, le regard plein de tendresse presque maternelle... *** | |
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Le Luang 4 Astawir 1511 à 18h06
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| La Dame me protège, la Dame me protège, c'est une façon de parler. La Dame n'est pas comparable au S'sarkh. C'est l'harmonie naturelle de Syfaria à qui nous adressons nos prières. Il est devenu naturel pour nous de la prier comme une déesse dont nous reconnaissons l'oeuvre grandiose, même si c'est Syfaria en vérité que nous aimons.
L'Equilibre naturel de ce monde existait bien avant que nous arrivions. Il est normal que nous le respections et que nous voulions le préserver. Mais notre simple existence le perturbe d'une certain manière. Nous cherchons alors un nouvel équilibre.
C'est pour cela il est hors de question que je laisse ces plantes me tuer. Je veux vivre avec elles. Elles ont trouvé de quoi se nourrir et moi j'ai trouvé de quoi me protéger. Je dois préserver cet équilibre pour vivre en harmonie.
Toute nouvelle modification de l'équilibre du monde en dehors de notre volonté de vivre ici est exclue. Ne plus contrôler ses propres impacts sur l'équilibre est la marque d'une volonté destructrice et aveugle. Le jour où nous demanderons trop de cette terre la balance sera déséquilibrée.
La Dame méritait l'amour des équilibriens. Ils attendaient en retour de pouvoir vivre paisiblement sur ce monde. Il n'y avait aucune dévotion fanatique dans cet amour de la nature, juste le besoin de respecter son oeuvre et d'y trouver sa place. Le S'sarkh contribuait d'une manière ou d'une autre à une atteinte envers la nature. La question était de savoir si il faisait aujourd'hui partie de l'Equilibre ou s'il devait être combattu parce qu'il le détruisait.
D'accord, les effluves prouvent qu'il existe quelle que soit sa forme. Mais après ? Je vois pas pourquoi ça prouve qu'il souffre. Il n'y a aucune raison de dire ça plus qu'autre chose, de notre point de vue.
Le S'sarkh tel que nous le concevons en Equilibrium n'est pas obligatoirement mauvais. Nous ne lui prêtons pas une volonté destructrice. Tout ce que nous disons est que nous n'avons aucun moyen de connaître ses intentions. Ce que nous voulons connaître c'est sa place dans l'Equilibre du monde. Dans le cas où il le menace nous ne pourrons pas l'aimer.
Mais c'est évident que ce jugement peut donner lieu à bien des erreurs s'il est fait à la va-vite.
*** Il mit son bras un peu en retrait, pour marquer une certain distance. ***
Je veux bien chercher le S'sarkh, savoir ce qu'il est, essayer de comprendre ses intentions, situer sa place dans l'Equilibre naturel. Je veux bien rencontrer Batyias ou ceux qui lui ont parlé. En faisant ça je découvrirai peut-être la preuve formelle que le S'sarkh souffre en effet ; peut-être pas. Peut-être que je trouverais tout autre chose.
C'est comme ça que j'ai appris à aimer la nature... | |
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Le Dhiwara 10 Astawir 1511 à 18h51
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| Tu dis vouloir vivre avec elles. Mais ça ressemble uniquement à un caprice.
Est-ce que ces plantes ont eu le choix ?
Certainement pas...
Donc tu brises peut-être un équilibre en leur imposant de te fournir de l'énergie, quelle que soit la contrepartie.
Qui te dit que l'équilibre n'aurait pas été de laisser mourir ces plantes ?
Comment savoir où est la limite qui vous est imposée ?
Elle est certainement subjective.
Je doute que tous les Equilibriens voient l'équilibre exactement de la même façon.
*** Puis, repassant à Son sujet. ***
S'sarkh était là avant les Equilibriens.
Avant que nous arrivions.
Donc peut-on partir du postulat qu'il faisait partie de cet équilibre ?
Sinon, on pourrait remettre en question votre équilibre.
Qu'est-ce qui nous prouve qu'un équilibre a jamais été trouvé, et qu'il est possible qu'il y en ait un ?
Peut-être est-ce le chaos qui dominait, domine, et dominera.
C'est là encore une question de croyance.
Du moins, sur le papier c'est le cas.
C'est notre cœur, notre âme qui nous aident à ressentir si telle ou telle chose est, ou n'est pas.
Ton cœur te rend attentif à la nature et tu veilles à son équilibre, le mien me rend attentif à Sa souffrance, et j'apprends à l'aimer.
Tu es quelqu'un d'intéressant et de bon, Hirvane.
*** Je lui adresse un sourire franc et chaleureux.
J'ajoute d'une voix qui ressemble plus à l'enfant que je suis :
***
J'aimerais pouvoir te compter parmi mes amis Hirvane.
Un jour j'espère pouvoir te faire découvrir Lerth, et te faire rencontrer Batyias.
Calion dit :T'es tombé sur quelqu'un d'ouvert.
Ça change de ceux qui jettent des cailloux...
Chouette. | |
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