*** Nemès a pu jouer son art dans la sérénité.
Il fait beau.
Un vol de mouettes criardes s'abattent sur le sable.
Quelques unes s'aventurent vers les ruelles,
où les étals ne manquent pas de poissons d'argent.
La danse de Nemès doit rivaliser avec une ville peinte avec les couleurs du Rêve.
Une fine poussière embrume le marché,
là où scintillent poissons, assiettes de cuivre finement ciselées et gravées,
fruits gorgés de sucre, piments-gryott,
épices ocres dans leurs paniers d'osier.
Chaque mur est décoré,
détenteur d'une expérience du Rêve,
de motifs courbes, droits, hybrides.
Les habitants se drapent eux-mêmes de pareils motifs,
y ajoutant les teintes du quotidien.
Les habitants restent à distance.
S'attacher un public,
le convier à participer au spectacle,
à encourager et applaudir,
cela fait partie des arts de la rue,
cela n'est pas donné.
Némes voit quand même qu'elle a impressionné.
Son art est respecté en tant qu'art,
et n'est pas vu comme une sauvagerie à Jypska.
Quelques temps après la fin de la démonstration,
une femelle nelda s'approche de la tydale pour lui parler.
Pour peu que Nemès peut en juger,
elle est laide.
Son mufle et ses dents partent exagérément vers l'avant,
lui donnant l'air d'un rat mal dégrossi,
au poil noir et rêche.
En contrepartie,
sa taille et sa carrure sont colossales,
difformes sur certains membres,
c'est un monstre !
La superbe chaîne-épée à son flanc ne laisse aucun doute :
c'est une combattante.
« Votre art est divin.
Ma petite fille m'a dit que des soeurs du Déclin étaient en ville.
Je ne regrette pas d'être passé voir. »
Elle parle en tydale avec un fort accent nelda.
Mais elle parle bien, au demeurant.
« Je m'appelle Upsehud.
Bienvenue à Jypska.
C'est la première fois que vous venez ? »
***