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Le quartier des Faiseurs d'Ombre

A la recherche de Renald Gath

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Sujet lancé par Temia Kalavador
Le 26-08-1511 à 20h05
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Posté par Temia Kalavador,
Le 12-12-1511 à 21h40
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Temia Kalavador

Le Vayang 26 Agur 1511 à 20h05

 
Le crépuscule tombait sur Syrinth. Dans les rues de la Sainte, les équilibriens commençaient à rentrer chez eux.
Les marchands rangeaient leurs étals sous une pluie d'Eté orageuse et la plupart des enseignes étaient maintenant fermées.

Rares étaient ceux qui s'aventuraient encore dans les petites rues de la Sainte avec un temps pareil.

Temia, pourtant, fait exception ce soir là.
Le capuchon rabattu sur la tête. Sa pelisse rafistolée sur ses épaules, surprise par le temps, elle trottinait dans le quartier des faiseurs d'Ombre.
Elle avait ressorti sa belle petite robe rouge pour sortir ce soir là, ce qui ne semblait pas être le meilleur choix vu le bourbier qui commençait à se formait.

Les portes de la bibliothèques sont encore grandes ouvertes. Un établissement dans lequel l'air était confiné, qui devait être aéré en Eté pour que ce soit vivable.
Et effectivement, quand Temia pénètre à l'intérieur de l'établissement, la différence de température par rapport à l'extérieur est flagrante. Et vu la marre qui s'étendait dans l'entrée, elle doutait que le Nelda, endormi à son comptoir dans l'entrée ait entendu quoi que ce soit du début de l'orage.
Précautionneusement, elle referme la porte derrière elle pour empêcher que ce lieu ne tourne en piscine, retire sa pelisse et la passe sous le bras.

http://www.youtube.com/watch?v=Sw6WIGtTQLs&feature=related

Il avait dit sur le consensus que son lieu de travail se situait à cet endroit.
Un Tchaë qui lui a fait l'effet d'une douche froide.
Un maître des arcanes. Du nom de Renald Gath.
Sans autre forme de procès, sans prévenir, elle s'était donc introduite dans l'établissement pour rechercher le mystérieux sorcier.
Pourquoi? Elle avait eu le pressentiment, quand cette voix avait vibré sur le consensus, qu'elle ne lui était pas inconnue.
Qui est-il? A quoi ressemblait-il?

Elle commence à chercher mais n'a aucune idée d'où il peut bien être. Elle fait confiance à ses sens, ses sens de symbiosés en alerte qui la préviendront si elle croise le mage…
Elle s'avance dans les rangées de livres, lentement, sur ses gardes.
L'endroit étant faiblement éclairé, il en ressort une atmosphère macabre à souhait. Certes peu pratique.

Tiens? Voilà qu'elle se retrouvait dans un rayon qui traitait de la magie sur Syfaria… Bon, et bien, ce serait l'occasion d'effectuer une recherche un peu plus approfondie sur la décrépitude. Temia dévia donc légèrement sa course et commença à farfouiller l'étagère en question.
Une étagère avec bien peu d'ouvrages contrairement aux autres. La sphère en question ne semble pas très populaire en Equilibrium.

"Affaiblir le corps et l'esprit" de Garnaken Videan
"La sphère noire et la nature" de Rizzen Deantor
"Manipulation de la matière - tome II - fragilisation et destruction" d'Olga Tinagel
etc...

Tiens, justement.

Elle extrait le bouquin de Tinagel de la bibliothèque poussiéreuse et commence à le feuilleter dans l'allée, curieuse, oubliant presque ce pourquoi elle était venue.

… Voilà qui peut s'avérer utile. Alors comme ça, ce genre de sortilège fonctionne sur tout type de matière morte. Il suffit de savoir comment… ohoh ! Voilà qui est très intéressant. Je prends.

Le bouquin se referme dans un "POF!" bruyant envoyant un nuage de poussière à son visage.

Kof, kof !

Ah, S'sarkh ! Bon, assez perdu de temps, reprenons.

Le bouquin sous le bras, elle repart dans le dédale d'étagères à la recherche du maître des arcanes.

Point de Tchaë symbiosé en vue jusqu'à présent.

Plic-ploc, dans la bibliothèque vide, le son de sa pelisse s'égouttant sur la pierre froide lui donne des frissons.
Elle commence à désespérer, quand soudain, légèrement à l'écart, elle aperçoit, une lumière derrière une porte entre-ouverte.
La jeune Grise s'approche, intriguée, et frappe à la porte ;

Excusez-moi. Il y a quelqu'un?


Doucement, presque en chuchotant.

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Renald Gath

Le Sukra 27 Agur 1511 à 22h49

 
La lumière diffuse entre davantage dans le couloir tandis qu'un tchaë s’immobilise dans l'encadrure de la porte.
Deux gouffres sombres détaillent en silence la jeune femme.

Bonsoir, Kielna Kalavador je présume.

Le titre du livre, son âge, sa présence à cette heure, par ce temps.
Il tait le chuchotement qui lui confirme cette hypothèse et identifie avec certitude sa visiteuse.
Il goute si peu à cette faculté qu'ont les symbiosés de se reconnaître immédiatement, comme si le nom de chacun était part d'un ensemble qui les répertorierait.
Un pas de coté et il invite d'un signe de tête l'apprentie à entrer.

La longue pièce est chichement éclairée, trois lustres pendent inutiles au plafond, les grandes fenêtres qui ouvrent un mur sont fermées et seule la rumeur de l'eau perce leurs carreaux.
Malgré lui, car il aime l'odeur de la pluie en été, si seulement les innombrables ouvrages qui couvrent les murs en faisaient autant...
La luminosité vient en fait du fond de la salle et une petite sphère posée sur un bureau semble en être la source.

Il s'avance d'un pas lent jusqu'au meuble, referme un livre posé dessus ("Limites de la symbiose") et l'ajoute à la pile des autres ouvrages qui occupent le coin droit du secrétaire.
Puis il effleure la sphère qui perd progressivement de sa puissance avant de laisser la pièce à l'obscurité.
Un lustre s'éclaire au dessus de leurs tête et des flammes d'abord très vives projettent leurs ombres dansantes sur les deux tchaës.
D'un geste de la main il lui désigne un petit porte manteau sur lequel est déjà posé un somptueux vêtement sombre et aux rayures brodées de fils d'argent. Si l'on s'y attarde, on découvre que celles-ci forment des images et des runes, la cape est visiblement lourdement enchantée et transmet une impression sourde de douleur et de clarté à celui qui s'en approche.
Le tchaë présente ensuite un fauteuil universel à son invitée et s'installe lui même dans le sien en face, plus adapté à la morphologie de sa race.

Je suis Renald Gath.
Mais cela elle le sait déjà.
Ce qu'il sait lui par contre est par trop fragmentaire pour qu'il s'avance davantage.


 
Temia Kalavador

Le Dhiwara 28 Agur 1511 à 18h11

 
Dès qu'il apparait et pose son regard noir sur sa petite personne, elle sait, sans même faire appel au don de sa symbiose, à qui elle a affaire.
Elle se fige un instant, glacée comme le marbre, droite comme un piquet.
Cette sensation. Ce frisson qui lui traverse l'échine, gelée, entre ce qui pourrait s'apparenter à un excès de peur ou de timidité. Ou de respect.
Il faisait une petite tête de plus qu'elle. Mais la taille n'est pas ce qui le maître des arcanes aussi impressionnant à ses yeux.
Cette froideur très formelle qui faisait façade à son visage, ces yeux noirs jais qui détaillait méticuleusement chaque parcelle de sa personne.
Ces yeux justement. Elle, est habituée à estimer le comportement de ses interlocuteurs en lisant dans leurs yeux.
Et là… deux onyx. Et deux gouffres opaques dans lesquels on ne pouvait plonger sans risquer de s'y noyer.
On y lisait tout et rien.

Une aberration…

Et ce sentiment indéfinissable, qui à la fois la retenait sur le pas de cette porte et lui donnait envie de s'enfuir à toutes jambes loin du regard de cet individu.
Un autre frisson. Son être tout entier frémit alors qu'une petite goutte de sueur froide apparait le long de sa tempe.

Bonsoir, Kielna Kalavador je présume.

Elle s'incline légèrement, tout en essayant de rester stoïque.
Il s'écarte de l'embrasure de la porte, l'invitant à entrer, d'un geste de la main.
Lentement, elle s'avance, peu rassurée, en tentant de garder toute contenance, malgré le tremblement qui commence à assaillir ses genoux.
Heureusement, sa robe, si ce n'est par un léger frémissement, n'en laisse rien paraitre.
Elle détaille le placement des divers éléments de la pièce, et attend au milieu de la pièce que le maître des arcanes lui donne la suite des instructions.

Lentement, Renald Gath s'écarte de la porte pour se porter au niveau du bureau - de son bureau -.

Flûte… Cette démarche, cette voix, cette silhouette. Je connais ce type. Qui est-il?… Putréfaction.

Il effleure une petite sphère sur le bureau, seule source de lumière de la pièce.
Lentement, la lumière disparait avant de laisser place à l'obscurité.
Elle se rend alors compte à quel point les lieux sont silencieux.
Seules les gouttes d'eau tapant contre le carreau brisaient ce silence presque macabre et rendaient l'atmosphère encore plus glaçante.
Et, comme si cela ne suffisait pour faire mourir de peur le moindre poussiéreux cardiaque, les chandeliers au dessus de la pièce s'allumèrent d'eux même.

Il faut que le maître des arcanes lui indique le porte-manteau pour la faire sortir de l'espèce de torpeur, dans laquelle elle était plongée durant quelques secondes.
D'une démarche mécanique, aucun geste perdu, ni laissés au hasard, elle s'approche de la chose en question.
Elle constate le manteau ; sans le vouloir, y laisse son oeil ; et sent son estomac se nouer un peu plus et son esprit s'embrumer comme en prélude à une profonde migraine.
Elle écarte le regard en sentant les spirales commencer lui monter à la tête en émettant, bien malgré elle, un grognement à peine perceptible.
En prenant garde à ne pas salir et mouiller la précieuse étoffe, elle pose sa pelisse sur le montant opposé et observe, gênée, l'ensemble.

Très tache de boue dans salle du trône...

Plic… Plic… Plic… L'eau, de seconde en seconde continue à tomber, au goutte à goutte de la pelisse.

Gênée, elle se retourne et constate que le maître des lieux, tend lentement la main vers un grand fauteuil face auquel se trouve un autre, idéal pour ceux de leur race.
Le regard toujours braqué sur lui, elle se dirige lentement, vers le premier et s'y installe, tant bien que mal avant de poser son livre sur ses genoux et de joindre les mains au dessus.
Le Tchaë assis en face, lance :

Je suis Renald Gath.

Silence.
Cette assertion était évidente, mais, curieusement, le fait de l'entendre le confirmer la rassure légèrement et lui permet de répondre d'une voix enrouée :

Enchantée.

Elle se racle la gorge et murmure en baissant la tête et les yeux, respectueusement :

Temia Kalavador.

Stupide… Il t'a appelée par ton nom quand tu es entrée… Evidemment qu'il le sait… Stupide, stupide, stupide…

Elle se ressaisit, mais, à nouveau muette, elle ne trouve rien à dire. Le silence s'installe.
Elle dévisage son interlocuteur.
Non. Elle ne se souvenait pas d'un tel poussiéreux. Ç'aurait été trop marquant dans sa vie…
Et pourtant, cette voix.
Cette fichue voix.
Où l'avait-elle déjà entendue? Ce souvenir semblait trop réel pour que cette rencontre n'eut pas lieu en chair et en os.
Non.

Ou alors?.. avant?

Elle fouille dans ses souvenirs… et se rend compte que le temps passe et que rien n'a encore été dit des deux côtés.
Mais elle ne peut pas se permettre de dire n'importes quoi.

Un maître des arcanes… Ça peut désintégrer les impudents.

Elle déglutit.

Un maître des arcanes… Ça peut aussi perdre patience.

Il attendait peut-être qu'elle lui expose le motif de sa visite.

D'ailleurs plusieurs questions lui reviennent à l'esprit.
Elle sent Kiavè se téléporter sur le livre, devant elle.
Lentement, mécaniquement, elle commence à caresser le petit Mou.
Ses muscles se détendent et elle sent son corps se réchauffer peu à peu. Puis, d'elle même, sa bouche s'ouvre et les mots s'y forment d'eux mêmes :

Puis-je vous prendre un peu de votre temps, maître?

Et, comme pour lui prêter main forte, le Mou surenchérit, l'oeil froncé, d'une voix inquisitrice :

Kiavè dit :
Est ce que d'aventure ma symbiosée et vous, vous connaitriez?


Le visage de Temia perdit les dernières couleur qui lui restaient. Le Mou avait parlé pour elle.
Mais curieusement, au plus profond de son coeur, la peur déjà bien incrustée aurait tendance à se muer en terreur :
Une image venait de lui traverser l'esprit, mais elle était trop terrible pour être évoqué sur l'instant.


Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Renald Gath

Le Matal 6 Saptawarar 1511 à 01h04

 
Vous le faites déjà Kielna...

Nulle trace d'ironie ou d'impatience dans le ton, une simple invitation à développer la question.
En d'autres occasions il aurait peut-être laissé la bride à une légère point de sarcasme mais l'attitude de la jeune tchaë l'en empêche.

Il hume sa peur, perçoit la raideur de ses membres et sa respiration précipitée, voit son corps se préparer malgré elle à la fuite. Quelque chose dans sa visite est un plaisir de contradiction, elle sent qui il est en cette heure, sait qui il peut être et est attirée par ce qu'il peut lui apporter. Papillon n'ayant rien d'éphémère attiré par une lumière laissant de trop larges zones d'ombres.

Le petit jeu est plaisant, mais n'explique pas comment la jeune tchaë réalise ce tour, elle qui pique au vif sa curiosité et le laisse avec ses suppositions.
Que sait-elle de lui ?

Car malgré le caractère cérémoniel de l'endroit, la morgue qu'il lui a témoigné jusqu'à présent et son aspect qu'il sait rebutant, il ne pense pas que cela suffise à expliquer la crainte qui couve sous la peau de la jeune femme.
Il y a autre chose, qu'on lui a dit, qu'elle a oublié ou qu'elle devine.

L'a-t-il connu ?
Il se pose à son tour la question, considérant pour la première fois les paroles d'un symbiote autre que le sien. S'il s'exprime en son nom, ignorer le mou l'affecterait-elle et il ne souhaite pas la malmener davantage. Poursuivant

Et je ne crois pas avoir le plaisir de vous connaître.
Pas sous une forme symbiosée en tout cas, où l'aurait-il connu avant cela ?
A Abroine, dans une jeunesse commune et oubliée par tout deux, mais elle avait si peu d'une enfant de la campagne.
A Zarlif peut être, alors qu'il écumait les bas-fonds en quête de violence et de stupre pour remplir les turpitudes d'une existence dissolue.
Ou simplement dans un esprit fragile qui s'invente des démons pour en conjurer d'autres, apprivoise sa peur en la revêtant du familier.

Cela lui reviendra il le sent dans cette lèvre qui tremble, à son tour cette poussière devient une question.
La folie possède cette odeur acre de musc et d'épice qui l'attire tant...


 
Temia Kalavador

Le Julung 15 Saptawarar 1511 à 14h07

 
Elle se raidit. Bien entendu qu'elle lui prend déjà de son temps
stupide…
Elle soupire et relève les yeux, réfléchissant à toute vitesse.
Il ne croit pas avoir le plaisir de la connaitre. Elle, à la fois oui... et non…
Le maître des arcanes semble être présent dans plusieurs loges de son esprit, mais, lorsqu'elle croit avoir trouvé, l'image s'estompe s'envolant en fumée dans le brouillard de son esprit.

Il faut qu'elle se concentre, qu'elle reprenne le contrôle.
Elle fixe la boule qui est au niveau du bureau et se concentre, attend un instant que l'équilibre revienne en elle.
Elle bouge, elle léviterait presque. Elle, a le sentiment de la manipuler avec les doigts.
Ça y est le rythme cardiaque est de nouveau normal, elle allait pouvoir commencer à parler.

Lentement, elle pose une main, sur son genou, redresse la tête et fixe le maître des lieux :

Vous m'évoquez de bien mauvais souvenirs, maître des arcanes.

Le ton sombre avait brisé le silence qui s'était établi dans la pièce depuis son arrivée :

Mais, étrangement, je n'arrive guère à les cerner. Comme si ils étaient enfouis au plus profond de mon être. Comme si il était une facette de ma propre vie qui m'était inconnue, mais qui résiderait là, cachée au plus profond de mon esprit. Pourquoi...

Qu'évoque-t-il pour elle?
Un paysage violent, coloré, chaotique. Le sentiment que derrière cet être sobre se cache… Se cache un être dont l'évocation ferait frémir toute personne saine d'esprit.
Elle a un frisson.
Un paysage obscur, ou peut-être?..
Un endroit plutôt glauque… Une fenêtre vers l'extérieur. Sans oser en approcher la tête, elle ne pouvait s'empêcher d'apercevoir ce qui se passait là bas.

Il l'invite à parle, à aller plus loin :

Pourquoi cette terreur quand je vous fais face?

Ses yeux se plissent et tentent de plonger dans ceux de l'archimage. Elle veut comprendre.
Comprendre ce souvenir qui la perturbe et pourquoi...
A l'extérieur, la pluie redouble d'intensité.

Vous avez été dans les terriers de Zarlif, n'est-ce pas?

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Renald Gath

Le Julung 22 Saptawarar 1511 à 00h50

 
Vous êtes une jeune femme très perceptive.

Les mots sont prononcés sur le ton de la conversation mais le commentaire a un petit quelque chose de doucereux qui enlève toute trace d'appréciation.
Pourquoi... Pourquoi autant que comment l'accaparent et l'intriguent. Comment fait-elle alors qu'il ne s'épargne aucun effort pour éviter ce genre de question.


J'imagine que ce doit être une différence de nature.
Excepté la lueur froide au fond des yeux, éternelle étincelle de noirceur, le visage du Sorcier se métamorphose rapidement et devient pareil à celui d'un enfant enthousiaste et gêné. Malgré la peau terne et les cheveux prématurément argentés, le sourire est celui d'un tout jeune être, simple, communicatif.

J'ai parfois l'impression de projeter l'image d'un poussiéreux un peu plus vieux encore que ce que mon apparence laisse présager, cela peut perturber les repères physionomiques et empathiques.
Son organisme, lui, est déjà ravagé mais le temps n'y est pour rien.

Et en effet il m'est déjà arrivé de m'aventurer quelque fois dans les terriers. Peut-être nous-y-sommes nous croisés ?
"S'aventurer quelque fois"... Traquer, s’enivrer, jouir, ou même danser un pas de deux avec Ner'hion et ses sbires à l'époque où ils étaient les yeux de l'Equilibre. Que de délicieux moments passés au milieu de la misère la plus sordide. Quelle tragédie que la perte de la Glorieuse.
Il laisse une poignée de secondes passer.

Peut-être votre nouvelle "immortalité" -il crache presque le mot- ne vous a pas fait acquérir encore ce mépris du danger qui caractérise les symbiosés...
Peut-être votre hypersensibilité, ou un fort instinct de survie amplifié par votre récente résurrection vous passent les messages que je ne souhaite pas émettre.
Peut-être que les tréfonds les plus archaïques de votre cerveau vous chuchotent que je suis l'une des choses les plus dangereuse que vous ayez rencontré, une ombre qui passe au dessus de vous et vous fige.

La voix est calme mais y est apparu une pointe d'humour espiègle.
Il ne se moque pas ouvertement d'elle mais lui laisse la pleine appréciation de juger ses paroles. Directement par pensée.

Vous avez peu à craindre de moi, je tiens désormais d'une poigne d'acier les recoins les plus tumultueux de mon âme.

Le sourire n'est plus tout à fait enfantin.
Une partie de la vérité, éventuellement suffisante pour débouter la jeune femme dans ses tentatives d'approfondissement, la voir se morigéner pour reprendre contenance, laisser à cet effleurement toute sa saveur.


 
Temia Kalavador

Le Luang 3 Otalir 1511 à 20h47

 

Le compliment - et elle est persuadé qu'il n'en s'agit pas d'un - s'écrase sur elle comme une frêle esquif sur un récif.Elle reste de marbre et veille. Surveille. L'atmosphère de la salle de la bibliothèque était devenue étrange et la flamme vacillante des bougies semblait tracer d'étonnantes expressions sur les visages des deux Tchaës.


Temia passe le doigt sur le bord de ses lèvres comme pour en éloigner une tâche inexistante.
Renald prend alors une toute autre attitude, celle du Tchaë qu'il est vraiment… Non. Celle du Tchaë qu'il aurait dû être, si… si tout ce qu'il avait véc s'était passé normalement?
Enfin, quand on fricote avec l'arkhan, et, Kiavè le lui avait appris, l'anarkhan, il était normal que l'on ne soit plus dans son état normal même à cet âge là.
Une plaie.
Temia la percevait au fond de ces gouffres.
Une âme déchirée, froissée.

Son attitude était toute différente mais sa nature...


Vous êtes vieux, maître des arcanes, lança-t-elle gravement, on peut arriver facilement à tromper par son attitude, on peut arriver à tromper par son ton, mais rares sont ceux qui arrivent à dissimuler les fenêtres de leur âme. Vos yeux vous trahissent…


Elle ferme les yeux et achève de tisser sa toile en son for intérieur. La stabilité est là, maintenant. Le calme avait envahi son être.
Elle releva le regard vers le maître des arcanes.
Les émeraudes croisèrent les sphères noires, mais cette fois-ci fixes et sans se laisser emporter.
Deux. Deux pierres vertes dures, fixes dans l'espace. Ne montrant plus qu'une seule expression.
Ou l'absence de toute expression. Le rien. L'absence et la présence. La raison, la chute des sentiments.
Les mains jointes sur ses genoux, le visage inexpressif.
Une forteresse.


Je ne pense pas, mon cerveau ne me chuchote pas… je sais., dit-t-elle lentement, je sais que vous êtes le poussiéreux le plus dangereux que j'ai croisé jusqu'à présent. Un maître des arcanes… au multiples visages. Je vous ai déjà vu. Mes oreilles sifflent en entendant votre voix, mes yeux reconnaissent ce visage, et mon esprit vacille en tentant de saisir votre ombre dans mon propre passé.


Elle ajoute sans quitter le maître des yeux :


C'est très humiliant de ne pas s'y retrouver. C'est même vexant. La nuit, un mur rougeoyant sous un brasero, des hurlements de terreur, de douleur. La fresque dépeinte par mon esprit est vive de couleur. Vous y êtes, je le sais, mais ne parvenez pas à trouver place.


Elle ajouta :


C'est ce peu qui me fait peur en vérité. Qu'est ce qui contrôle cette poigne d'acier, maître?


Elle sourit, volontairement provocatrice, et joignit les mains :


Votre âme?..


Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Renald Gath

Le Merakih 19 Otalir 1511 à 00h46

 
Si seulement !

Il lui sourit gentiment en retour. Il y a presque de la tendresse dans cette inclinaison des lèvres et composition du visage.
Elle s'intéresse encore à lui mais s'est reprise.
Envolée, cette frayeur initiale qui la poussait à découvrir une irrationnelle vérité.
Disparue, la créature apeurée entrée dans son bureau, car à sa place siège une thaumaturge impassible, maîtresse d'elle-même et qui patiemment teste les limites d'une sérénité retrouvée.
Progressivement, par amour propre, elle va finalement abandonner son instinct et laisser logique et mémoire traquer cette hypothétique rencontre.

Lui l'y encourage, sa petite provocation est la bienvenue et sans s'établir tout à fait, elle ressent comme une complicité bienveillante dans l'expression du sorcier.
Complicité. Sous la surface d'autres pactes se lient, des promesses de délices sont ignorées tandis que des parts entières de son esprit sombrent dans le néant. Le plaisir, ils lui font sentir cette joie simple qu'il aurait à briser ses certitudes, à entendre ses hurlements, ses sanglots, à renvoyer à la terreur enfantine sa confiance retrouvée.
Les cellules cancéreuses sont méthodiquement et impitoyablement éliminées par des composantes plus stables.
Il sait qu'elles reviendront, une chose innommable gouverne ses abysses et assiège ses fragments de conscience depuis presque deux ans, mais il devine ce qu'elle est désormais, pressent ses réveils, ses accès de rage, et les nœuds de spontanéités, les plus durement touchés et les moins bien défendus, ont laissé place à un diktat d'airain autrement plus tenace.

L'ensemble est par certains aspects plus incohérent encore que les assemblages précédents, oubliée l'anarchie sardonique et simple des premiers temps, la menace extérieure a transformé ses centres décisionnels en citadelles de murmures aux murailles léchées par les flammes de la plus cruelle des entropies.

La voix vibre doucement.


Je crois qu'il serait intéressant de comparer la signification que nous attachons chacun à ce mot - âme -, mais ce que je possède est davantage passivité que volonté. Un lieu plutôt qu'une animation.
Et ce qui la gouverne en cette heure est malheureusement trop ennuyeux à définir pour que je puisse répondre de manière satisfaisante à votre question.


Sa moue sincère et désolée ne dépareille en rien de l'empathie bienveillante témoignée tantôt.

Mais je m'interroge sur la place que vous occupez dans le tableau décrit.
Si cela est aussi flou, peut-être devriez vous vous y intéresser davantage, trouver d'abord votre rôle dans cet ensemble afin d'identifier plus aisément ensuite la position de chacun des personnages de notre petite séance de torture.

Pour ma part, je n'ai toujours pas remembrance de vous très chère, mais peut-être étiez vous insignifiante alors.


Le ton garde tout sa chaleur.

 
Temia Kalavador

Le Luang 12 Dasawar 1511 à 21h40

 
"Etais-je signifiante avant la Symbiose? Etais-je signifiante avant que Zarlif ne chute?"

Elle regarda Renald Gath avec un sourire.
Signifiante?
C'était bien tout le contraire qu'elle recherchait à cet époque. Un homme de l'ombre connu de tous pouvait être considéré comme mort, surtout dans un lieu comme les Terriers de la Glorieuse.
Et elle était restée dans l'Ombre, jusqu'à ce que sa symbiose la tire à la lumière la plus vive.
Une lumière insupportable, insupportable et surtout très périlleuse pour quelqu'un qui ne souhaitait qu'une seule chose.
Se faire oublier.

"A vos yeux, j'en doute…

La Tchaë s'arrête un instant, regarde ses doigts s'ouvrir, se fermer lentement.

"Je fus et restais longtemps prisonnière de mes propres pensées, de mon passé…"

Elle ferma les yeux :

"Mais je m'en extirpe. Un peu plus tous les jours… en suivant un chemin tout tracé par la Dame. Chemin qui m'a mené à vous."

Elle releva la tête vers Renald Gath… Elle l'observe. Les traits de son visage ont maintenant quelque chose de machiavélique.
A la lueur du chandelier, elle essaie de décrypter cette figure plus qu'énigmatique qui provoque encore dans son dos des sueurs froides.
L'impossible. L'incohérent.
Chaleureux. Complice. Mais… elle flairait une instabilité.

"N'y voyez là aucune bigoterie de ma part, riemto… J'ai été particulièrement sensibilisé au dogme au cours de ces derniers mois par les prêtresses de la Dame Grise… Mais je reste sceptique quant à l'existence d'une telle entité. Elle pourrait très bien s'appeler S'sarkh ou Destin ou même Âme. Ce n'est qu'un nom à mettre sur ce qui guide mes pas. "

Elle avait confiance. Elle avait tort, mais elle croyais commencer, non pas cerner la personnalité du maître des arcanes - ç'aurait été d'une arrogance extraordinaire, et, quand bien même, elle l'avait appris grâce aux pensées de Silindë, son interlocuteur pouvait très bien avoir de multiples visages -.
Ses paroles qui pouvaient passer pour de l'hérésie n'étaient pour elle qu'une avancée de plus vers une vérité… Quelle vérité?
Que cherchait-elle à prouver?
Un éclair dehors illumina les traits de la Tchaë transfigurant pendant une brève micro-seconde un sourire beaucoup trop large pour être sain.

Elle posa, deux doigts sur son menton et murmura, pensive :

"Âme… Un lieu plutôt qu'animation?.."

Son regard se plissa :

"Comment interpréter cela? Cela signifie-t-il que votre esprit est-il à ce point dompté par votre volonté au point d'en être statique et inerte."

Il y eut un instant de flottement.

"Je n'en crois rien."

Ses yeux se ferment tout à fait. Elle sourit malicieusement :

"Non… Je n'y crois pas un instant. A cette hypothèse. Voulez-vous, par là, dire que vous êtes arrivés à un stade où votre volonté est devenue indépendante de votre âme."

Temia se mordit la lèvre inférieure :

"Cette éventualité serait terrifiante mais tellement plus excitante. Vous n'auriez aucune emprise sur votre esprit… Vous ne feriez que cohabiter avec lui."

Le coeur de Temia recommença à battre avec plus de force, d'intensité…
En entremêlant les différents éléments depuis les quelques minutes qu'ils discutent maintenant, elle commence à comprendre.
Et c'est en déviant qu'elle obtiendrait les autres nuances du tableau.
Elle déglutit, toujours le sourire aux lèvres:

"Pouvez-vous… Pouvez-vous me montrer? Pouvez-vous me montrer comment?.."

Elle secoua la tête, se frotte d'un doigt hésitant le haut du front :

"Pardonnez-moi, je vous pose la mauvaise question…"

Elle redressa la tête un sourire en coin au bout des lèvres :

"Pouvez-vous me montrer ce que signifie ceci? Ce que sont les conséquences d'une âme gouvernée d'une main de fer sur celle-ci?"

Un sourire sombre.
Sa voix est maintenant lente, et chacun de ses propos sont calculés :

"Pouvez-vous me montrer votre âme, maître des arcanes?"

Question qui paraitrait insensée à la plupart des poussiéreux.
Mais...

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

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