Des jours avaient passé…
Temia avait tenté de faire de son côté de nombreuses choses pour intervenir, pour pouvoir rejoindre Arsille à Farnya.
Mais rien n'y fit, elle ne trouvait que porte close quand elle venait…
Cependant, elle ne désespérait pas, et chaque jour, elle se présentait devant les grands battants du palais des murmures.
Le temps avait passé… En elle, elle se sentait inutile… Nulle nouvelle d'Arsine. Seul le consensus apportait son lot d'informations.
Puis, Temia commença à se poser la question suivante : quelle était la raison qui avait poussé Mirgahal à agir de cette manière?
Quelle avait été la folie qui l'avait poussé à effectuer de telles actions malsaines…
Une folie? Une raison cachée? Damnation, elle n'en avait aucune idée…
Mais plus le temps avançait, chaque jour qu'elle se trouvait aux portes du palais des Murmures, chacun de ces jours, une pointe de culpabilité lui ressortait de la poitrine.
Pourquoi se sentait-elle coupable? En quoi avait-elle une part de responsabilité dans les ravages de Mirgahal?
Plus les jours avançaient, plus ce malaise s'intensifiait…
Au point de l'empêcher de dormir. Kiavè s'était inquiété et avait cherché de la réconforter, mais… Non, Temia ne parvenait pas à imaginer que les derniers actes de Mirgahal avaient été un simple coup de sang…
Et ce silence soudain, sur le consensus… Il avait été pris… Il ne subsistait plus d'espoir de le faire raisonner…
Et cette dernière pensée, cet "adieu" qu'il lui avait envoyé, cet "adieu", désespéré, renonçant… au qu'il avait achevé de lui transpercer son esprit déjà mal en point…
Temia avait sombré, ce matin là et avait refusé de sortir de sa cellule, refusait d'ouvrir son esprit au Mou…
Son esprit, avait libéré une ode, ode en hommage au Tydale renégat qu'elle serait jamais la seule à regretter…
Son trépas n'était plus qu'une question de jours, d'heures, de minutes, peut-être de secondes…
Tout cela ne servait plus à rien…
Ses sanglots silencieux n'avaient été entendus que par Kiavè… Lui seul avait le droit de partager sa tristesse et sa culpabilité, lui seul avait le droit de comprendre son tourment…
Puis, contre toute attente, elle s'était levée.
Une dernière fois.
Pourquoi, elle ne le savait pas. Elle s'était présentée une dernière fois au palais des Murmures.
Les gardes avaient dévisagé cette tchaë, si droite d'ordinaire, s'approcher, décavée, cernée, les yeux rougis par les larmes dorénavant taries…
Elle avait pris soin, comme chaque jour à être présentable. Une exception, cependant… Le pantalon avait remplacé la jupe et un chemisier en lin masquait ses formes de manière très prude. Elle avait noué ses cheveux en une queue de cheval dans son dos… Pourquoi ce jour là ferait-il exception? Elle ne prendrait pas la peine de rentrer au temple après s'être présentée, elle irait directement dans l'Hatoshal jouer du couteau avec les arbres… Ce matin, il régnait dans tout cet être quelque chose de tragique.
Et, ironie sinistre, ce jour là, les portes s'étaient ouvertes…
Temia déglutit quand une Nelda, grise, l'avait invitée à lui emboiter le pas…
Le bon jour pour Temia? Le bon jour pour avoir enfin le droit à son audience avec la Shaïm? Elle n'eut pu rêver pire…
Humble, ou juste épuisée, Temia suivit son guide à l'intérieur du Palais des murmures.
Non, rien, elle ne ressentait aucune chaleur en son coeur, que de la tristesse. Plus d'angoisse, elle avait froid. Juste froid…
Elle ne nota rien du dédale des couloirs qu'elle traversait… Etait-ce seulement un dédale… On l'avait juste amené là, devant cette porte.
Le chemin, elle n'y avait pris garde… Elle était assommée par le flux d'informations qui venait de courir dans son pauvre esprit tourmenté.
Ce fut lorsque, la mine défaite, elle fut introduite devant la Shaïm, qu'elle commença se rendre compte de l'énormité de la chose…
Tout était simple et sommaire, pourtant en ces lieux. Tout sauf le sujet principal :
La Shaïm Sardoryanne…
Les yeux de l'enfant de l'équilibre passèrent du sol, lentement au bureau, puis…
Elle sentit son coeur bondir… Non, ce n'était pas une plaisanterie… Cette Nelda imposante, assise, là, à ce bureau, était bien la Shaïm.
Une poigne de terreur tenta de s'emparer de son esprit… Mais elle avait froid… Il faisait trop froid. Pas la force d'éprouver de la terreur.
Juste suffisamment pour le respect et l'impression. La porte claqua derrière elle.
Une petite voix retentit dans sa tête :
Kiavè dit :“Que crois-tu être en train de faire? Incline-toi.“
La Tchaë était comme paralysée. Son regard, relevé, observait Sardoryanne ; un mélange de crainte, de froideur, et surtout de l'incompréhension - incompréhension liée au choc de l'incohérence, de l'incohérence de se trouver en de tels lieux devant une telle personnalité, si majestueuse…
Une très courte étincelle de colère.
La Shaïm… La représentante de la Déesse devant les peuples de poussière.
1 seconde, deux secondes, et enfin, l'impulsion du cerveau fatigué de Temia Kalavador parvint à ses jambes.
Elle baissa les yeux, plaça humblement la main sur sa poitrine et posa un genou à terre.
Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.