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Palais des murmures

Le chemin de l'Ombre

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Sujet lancé par Temia Kalavador
Le 13-12-1511 à 09h20
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Posté par Temia Kalavador,
Le 20-03-1512 à 19h41
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Temia Kalavador

Le Matal 13 Dasawar 1511 à 09h20

 
"Pour ce qui est de la vengeance… même préventive, vous ne trouverez rien de cela."

Les paroles du premier jour. Les paroles de Ner'hion. Elle aurait souhaité sa présence.
Elle se souvenait de cet entretien de chaque mot qui avaient été échangés.
Elle regarda Kiavè en boule, sur son épaule, concentré. Lui aussi avait bien changé.
La tchaë maladroite… La Tchaë associale, de l'ombre, couteau parmi tant d'autres dans les Terriers avait grandi.
Elle avait commis nombre d'erreurs, et pas seulement des minces depuis qu'elle avait rejoint la voie des Ombres.
Elle s'était exposée. Bêtement, impulsivement, de nombreuses fois… Le contraire de la démarche à adopter.
Puis, peu à peu, elle avait appris la mesure.
Par le contact avec ses kielnos. Par le décès, le voyage au royaume des morts. Par son Mou. Par la nouvelle vie qu'elle menait depuis bientôt un an.

Puis lui était arrivé. Mirgahal. Ce damné Tydale.
Quel rôle jouait-il dans cette toile? Qu'est-ce qui avait fait qu'il se retrouve symbiosé?
Il avait joué son rôle dans l'évolution de Temia. Il l'avait aidé à accepter, finalement.
Il l'avait aidé à accepter que tout, tout ce qu'elle avait vécu avait un sens et pouvait encore avoir son utilité.
Elle l'avait aimé, prise de pitié pour cette âme perdue qui lui ressemblait tant en de nombreux points.
Elle l'avait haïe pour ce qu'il représentait. Toute la cruauté de la lie équilibrienne mise au gout du jour.
Ce Qui N'Aurait Jamais Du Sortir.
Ce qu'elle avait juré d'anéantir. Pourquoi? Elle regarda le Mou sur son épaule.
Lui avait-elle insufflé quelques bribes d'humanité, cette petite créature?
Non… C'était un tout. Le contact avec l'humanité finalement.
Soit on finit par s'y résoudre, l'accepter, finalement - quel choix ennuyeux, lui aurait sûrement dit un certain artiste de la dame Grise.
Soit on s'y opposait et on restait en marge.
Ce qu'avait visiblement choisi Mirgahal.
Et elle? Elle regarda ses mains.
Elle avait sélectionné le chemin de l'Ombre.
Une sorte d'intermédiaire.
Non. Ce n'était pas un mélange des deux voies.
Ce n'était ni l'un ni l'autre.

"La cruauté n'est pas l'apanage des abominations"


C'est en entendant l'avis de recherche qu'avait lancé Heltaïr, quelques minutes plus tôt que toutes les pièces du puzzle étaient enfin réunies pour former un ensemble cohérent.

Mirgahal l'avait d'abord, d'un ton négligent, averti qu'il était à Lerth en plein entrainement.
Puis, elle s'était faite tuer et avait eu le temps de saisir un échange entre ledit Equilibrien et son Mou au pays des morts.
Et enfin il y avait eu le message de Silindë.
Silindë…

Silindë qui l'avait forcé à prendre un miroir pour se regarder en face…
Armand… Armande...
Elle repensa à tous les éléments du conte que le Poète leur avait raconté, à elle et sa compagne…
Longtemps elle avait repensé à ce soir là. Longtemps elle s'était dit qu'il faudrait qu'elle lui reparle d'une façon ou d'une autre.
Mais quand elle était revenu, il était parti.
Parti pour une destination que tous taisaient.

Puis son message.
Ce message. Ce ton. Ce ton qu'elle ne connaissait pas à l'artiste.
Comme si une partie de son âme s'était envolée.
Et cette réclamation de sa part…
Cette reconnaissance, qu'elle aurait préféré ne jamais recevoir de lui. surtout de Lui. Le Poète.
Elle sentait que c'était annonciateur de jour bien noirs pour l'Equilibre. Et elle sentait qu'elle avait besoin d'un conseil.
Et après réunion des informations, elle s'était tournée vers le Palais des Murmures.

Et elle attendait, nerveuse, très nerveuse, même…
Elle ne savait pas du tout ce qui se passerait, une fois qu'elle aurait franchi le portail.


Chaque seconde était une goutte de sueur de plus sur son front.
Chaque seconde avait lieu d'éternité.
Son esprit, concentré pour le futur entretien qui devait venir semblait amplifier tous ses sens.
Elle se sentait les mains moites.
Elle avait un gout amer dans la bouche.
Elle reniflait l'air doux et épicé de l'automne Syfarien.
Elle entendait chaque grincement infime des plaques de l'armure des gardes qui regardaient ce petit bout de poussiéreuse, habillée sobrement à la manière des Grises du temple, capuchon rabattu sur les épaules, et bien peignée, se demandant ce qu'elle faisait, là, plantée raide comme un piquet devant la porte du Palais des Murmures.
Elle percevait chaque motif entrelacé sur la porte finement ouvragée du palais, sur les colonnes, et leurs chapiteaux, ou encore à même le parterre qu'elle foulait.
Tout semblait avoir un sens.
Tout n'était qu'Equilibre.
Equilibrium.
Syrinth.
Sanctuaire de la Dame Grise.
Cité de la Shaïm.


Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Sardoryanne

Le Luang 9 Jangur 1512 à 22h17

 
Ce ne fut que quelques jours plus tard que Temia Kalavador fut reçue.

Sans fioritures, on la conduisit après quelques circonvolutions dans un bureau sobre.
Une pièce anodine, fonctionnelle, encombrée de parchemins administratifs.
Ceci n'était pas habituel : normalement la Shaïm ne recevait pas en de tels lieux sans âme...

Assise derrière le bureau, elle attendait en silence, tandis que la porte se refermait derrière l'apprentie.


 
Temia Kalavador

Le Vayang 20 Jangur 1512 à 15h42

 
Des jours avaient passé…
Temia avait tenté de faire de son côté de nombreuses choses pour intervenir, pour pouvoir rejoindre Arsille à Farnya.
Mais rien n'y fit, elle ne trouvait que porte close quand elle venait…
Cependant, elle ne désespérait pas, et chaque jour, elle se présentait devant les grands battants du palais des murmures.
Le temps avait passé… En elle, elle se sentait inutile… Nulle nouvelle d'Arsine. Seul le consensus apportait son lot d'informations.

Puis, Temia commença à se poser la question suivante : quelle était la raison qui avait poussé Mirgahal à agir de cette manière?
Quelle avait été la folie qui l'avait poussé à effectuer de telles actions malsaines…
Une folie? Une raison cachée? Damnation, elle n'en avait aucune idée…
Mais plus le temps avançait, chaque jour qu'elle se trouvait aux portes du palais des Murmures, chacun de ces jours, une pointe de culpabilité lui ressortait de la poitrine.
Pourquoi se sentait-elle coupable? En quoi avait-elle une part de responsabilité dans les ravages de Mirgahal?
Plus les jours avançaient, plus ce malaise s'intensifiait…
Au point de l'empêcher de dormir. Kiavè s'était inquiété et avait cherché de la réconforter, mais… Non, Temia ne parvenait pas à imaginer que les derniers actes de Mirgahal avaient été un simple coup de sang…
Et ce silence soudain, sur le consensus… Il avait été pris… Il ne subsistait plus d'espoir de le faire raisonner…
Et cette dernière pensée, cet "adieu" qu'il lui avait envoyé, cet "adieu", désespéré, renonçant… au qu'il avait achevé de lui transpercer son esprit déjà mal en point…
Temia avait sombré, ce matin là et avait refusé de sortir de sa cellule, refusait d'ouvrir son esprit au Mou…
Son esprit, avait libéré une ode, ode en hommage au Tydale renégat qu'elle serait jamais la seule à regretter…
Son trépas n'était plus qu'une question de jours, d'heures, de minutes, peut-être de secondes…
Tout cela ne servait plus à rien…
Ses sanglots silencieux n'avaient été entendus que par Kiavè… Lui seul avait le droit de partager sa tristesse et sa culpabilité, lui seul avait le droit de comprendre son tourment…

Puis, contre toute attente, elle s'était levée.
Une dernière fois.
Pourquoi, elle ne le savait pas. Elle s'était présentée une dernière fois au palais des Murmures.
Les gardes avaient dévisagé cette tchaë, si droite d'ordinaire, s'approcher, décavée, cernée, les yeux rougis par les larmes dorénavant taries…
Elle avait pris soin, comme chaque jour à être présentable. Une exception, cependant… Le pantalon avait remplacé la jupe et un chemisier en lin masquait ses formes de manière très prude. Elle avait noué ses cheveux en une queue de cheval dans son dos… Pourquoi ce jour là ferait-il exception? Elle ne prendrait pas la peine de rentrer au temple après s'être présentée, elle irait directement dans l'Hatoshal jouer du couteau avec les arbres… Ce matin, il régnait dans tout cet être quelque chose de tragique.

Et, ironie sinistre, ce jour là, les portes s'étaient ouvertes…
Temia déglutit quand une Nelda, grise, l'avait invitée à lui emboiter le pas…
Le bon jour pour Temia? Le bon jour pour avoir enfin le droit à son audience avec la Shaïm? Elle n'eut pu rêver pire…
Humble, ou juste épuisée, Temia suivit son guide à l'intérieur du Palais des murmures.
Non, rien, elle ne ressentait aucune chaleur en son coeur, que de la tristesse. Plus d'angoisse, elle avait froid. Juste froid…
Elle ne nota rien du dédale des couloirs qu'elle traversait… Etait-ce seulement un dédale… On l'avait juste amené là, devant cette porte.
Le chemin, elle n'y avait pris garde… Elle était assommée par le flux d'informations qui venait de courir dans son pauvre esprit tourmenté.

Ce fut lorsque, la mine défaite, elle fut introduite devant la Shaïm, qu'elle commença se rendre compte de l'énormité de la chose…
Tout était simple et sommaire, pourtant en ces lieux. Tout sauf le sujet principal :
La Shaïm Sardoryanne…
Les yeux de l'enfant de l'équilibre passèrent du sol, lentement au bureau, puis…
Elle sentit son coeur bondir… Non, ce n'était pas une plaisanterie… Cette Nelda imposante, assise, là, à ce bureau, était bien la Shaïm.
Une poigne de terreur tenta de s'emparer de son esprit… Mais elle avait froid… Il faisait trop froid. Pas la force d'éprouver de la terreur.
Juste suffisamment pour le respect et l'impression. La porte claqua derrière elle.

Une petite voix retentit dans sa tête :

Kiavè dit :
“Que crois-tu être en train de faire? Incline-toi.“


La Tchaë était comme paralysée. Son regard, relevé, observait Sardoryanne ; un mélange de crainte, de froideur, et surtout de l'incompréhension - incompréhension liée au choc de l'incohérence, de l'incohérence de se trouver en de tels lieux devant une telle personnalité, si majestueuse…
Une très courte étincelle de colère.
La Shaïm… La représentante de la Déesse devant les peuples de poussière.
1 seconde, deux secondes, et enfin, l'impulsion du cerveau fatigué de Temia Kalavador parvint à ses jambes.

Elle baissa les yeux, plaça humblement la main sur sa poitrine et posa un genou à terre.


Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Sardoryanne

Le Matal 7 Fambir 1512 à 23h09

 
Sardoryanne laisse s'écouler quelques secondes.
Qui paraissent sans doute une éternité à Temia Kalavador...

Elle a le visage grave, visiblement fatigué.
Elle s'exprime d'une voix ténue, presque inaudible.

Vous avez attendu, enfant de la Dame, bien des heures pour vous trouver face à moi.
Toute une existence.
Ne passez pas plus de temps agenouillée car vous n'êtes pas là pour ça, je suppose.
Je ne suis pas une relique.
Pas une statue devant laquelle on vient prier.

Qui suis-je donc pour être assise ici avec vous agenouillée devant moi ?
Qui suis-je donc pour mériter tant de patience ? Tant de respect et d'humilité ?

Qui suis-je donc, Temia Kalavador, pour vous ?



 
Temia Kalavador

Le Sukra 11 Fambir 1512 à 07h28

 
Silence…
Son hésitation l'aurait-elle compromise aux yeux de la Shaïm.
Chaque seconde semble mettre fin à une année de son existence. Elle attend.
C'était à la Shaïm de parler en premier… a priori. Elle attend, le poing du stress serrant son pauvre petit coeur.
Plus une respiration, elle n'inspire et n'expire plus qu'un mince filet d'air, aussi imperceptible que si elle eut été morte.
Ses joues la brulent, fourmillent… Des perles humides se forment à la surface de son front.
La situation devenait intenable, il fallait faire quelque chose, quand...

Sardoryanne prend la parole… Et l'estomaque. Littéralement.

Chaque question est une attaque directe, un coup de poignard, un reproche implicite.
Temia flaire l'erreur de jugement, une erreur dans une étiquette peut-être imaginaire quant à la tenue qu'elle aurait dû afficher.
Ce n'est pas ainsi, ainsi qu'elle aurait dû l'aborder.
Comment alors?
Comme une poussiéreuse, élue de la déesse? Comme la Voix de la Déesse? Comme la maîtresse de l'Equilibrium?
Qu'était la Shaïm à ce moment précis?


***
L'enfant des bas-fonds relève la tête, perplexe et calme, à la fois.
Ces mots, doux, l'ont, tout-de même rassurée, et, de nouveau, elle peut respirer.

Elle pose son pied gauche à plat et se relève lentement.
Son regard vitreux remonte vers le visage majestueux de la Shaïm;
Elle tente de ne point fléchir cette fois-ci et de garder son équilibre devant la poussiéreuse, maîtresse de son peuple.
Et c'est avec une voix lente, froide, presque mécanique que l'apprentie prend doucement la place de la jeune femme apeurée :

"Tant de patience? Un espoir… L'espoir de trouver un début de réponse dans les méandres de ce qui me sert d'esprit.
Tant de respect? Vous, par la voix de celui qui fut l'Aveugle m'avez accordé la chance d'un repentir.
Tant d'humilité? Douter est un crime. L'arrogance est le plus court chemin vers le doute. Et je ne doute pas. Cette voie-là, je l'ai déjà empruntée et n'en ai tiré que des ennuis.
Vous êtes Shaïmya Sardoryanne, vous êtes la Shaïm. La voix de la Déesse, le Verbe de la Dame Grise."

Tout aussi froidement, d'un ton tellement monocorde, qu'on eut pu avoir peine à imaginer que quelque chose de vivant l'ait employé :

"Tel est ce que je sais, tel est ce que je crois. Que j'ai raison, que j'ai tort, cela n'est pas de mon ressort. "

Jusque là, les faits avaient accompagné la parole, ou plutôt l'inverse.
Son propos avait tenté d'illustrer son attitude.

Le regard de la Tchaë est profond ; Les yeux verts de l'apprentie brillent là d'une intensité que peu lui connaissent ; il faut de la volonté pour soutenir le regard de la Shaïm. La peur et la terreur ont ceci de miraculeux qu'ils amplifient une image réelle pour la mener au seuil du cauchemar.
Or, Temia était effrayé… terrifiée même. Aux fins-fonds de son âme, l'assassin criait à l'aide ; lui avait tout à perdre à cet instant et il savait pertinemment que cet entretien pouvait devenir bien plus qu'une simple doléance. Preuve en étaient les questions déjà posées.


Une pause brève, puis, la voix, plus faible, plus douce, plus complice, peut-être, reprend.
L'ébauche d'un sourire s'est dessiné sur le coin de ces lèvres pincées, devenues mutines et un brin provocatrices :

"Mais vous êtes aussi poussiéreuse, comme nous tous… Puissante entre les puissants, sage parmi les sages, Equilibrienne parmi les Equilibriens… Survivante mais…"

Le regard de Temia s'adoucit et ses yeux commencent à briller :

"Survivante, reprit-elle la voix tremblante, mais… Mais, nul n'est immortel en Syfaria, vénérable Shaïm…"

Plus que Sardoryanne, c'était maintenant les souvenirs qui la plongeaient dans cet étrange état d'émotivité.
Elle frémit.

Elle déglutit et enchaine :

"Il y a eu commencement. Il y aura donc fin. Ainsi est l'Equilibre. Telle est sa loi. A ceci nous sommes soumis, symbiosés ou non. A ceci je suis soumise. A ceci, vous êtes soumise, Shaïmya. N'est-ce pas là, la chose qui nous définie le mieux, vous, vénérable Shaïm, comme tout habitant de l'île, comme moi-même?"


Si Kiavè avait pu pâlir, à cet instant, il serait devenu livide.

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Sardoryanne

Le Merakih 15 Fambir 1512 à 22h36

 
Sardoryanne acquiesça, visiblement satisfaite.
Elle reprit d'une voix douce.

Je ne suis pas née ici.
J'y suis arrivée.
Ce ne fut pas mon commencement.
Mais ce fut un éclairement, une vision d'une réalité qu'il me fallait protéger et propager.
J'entends la Dame Grise, et je suis sa voix.
Je ne suis qu'une parcelle parmi Sa Vérité, Sa Réalité.

Je ne suis pas immortelle.
Il y aura une fin. Pour moi, mais pas pour la Dame Grise, pas pour Syfaria.
Il n'y a de fin que pour ce qui peut finir...


Un silence.

Dites moi ce que je puis faire pour vous, et j'essaierai du mieux que je peux de vous éclairer.


 
Temia Kalavador

Le Vayang 17 Fambir 1512 à 10h00

 
Chaque mot de Sardoryanne sonnait comme un absolu.
Kiavè siffla dans son esprit :

Kiavè dit :
"Si tu me refais un coup comme ça, une frayeur, comme celle-ci…"

"Chut, pensa Temia…"

La Dame Grise et Syfaria seraient donc des absolus, inaltérables par le temps et par les ravages impliquant poussiéreux, Nemens et la coalition? Syfaria n'aurait jamais été créé, Syfaria existait déjà?
Temia, à mesure que Sardoryanne parlait, corrélait les fragments de la loi d'Argile avec ses paroles.
Ainsi, elle venait d'ailleurs…

Elle reprit son souffle et se mordit la lèvre.

"J'étais venue, au début, pour… pour…"

Elle reprit sa respiration :

"Pour obtenir le droit de partir à la recherche du symbiosé Mirgahal. Un élu de la Dame… m'a demandé de surveiller ce poussiéreux à la dérive sans passer par ma hiérarchie, en s'attachant tout particulièrement à ce point là. "

Elle relève la tête…… Mais ce même poussiéreux ignorait tout des lois de l'Ombre. Il ignorait qu'à toute action malencontreuse de ma part, c'était Nerhe Jade qui devrait en faire les frais. Et celle-ci - outre les représailles qu'elle aurait pu lui faire subir - avait déjà suffisamment trinqué par sa faute.

"C'est une chose que je ne souhaitais guère… J'ai suffisamment fait preuve d'irresponsabilité par le passé pour me permettre de prendre une telle décision sans l'aval de mes Nerhe… Intimement, je savais que j'aurais dû partir, que j'aurais dû, pour lui faire répondre de ses crimes devant la justice Equilibrienne. "


La voix de la Temia avait pris une teinte amère et l'arrière gout amère de culpabilité remontait dans sa gorge.

Et essayer de comprendre, pensa la Tchaë avec un sourire triste, ce qui l'a fait tomber dans cette folie…

"En laissant la raison museler l'instinct pour la première fois de ma vie de poussiéreuse, c'en sont ensuivis mains crimes horribles que j'aurais peut-être pu empêcher. J'ai trahi la confiance d'un de mes kielnos équilibriens en restant ici, en la Sainte, pendant que le sang entachait la fraternité Tchaë.

Je cherchais à défaire le passé en entrant au sein de la branche du Gardien, et voilà que je me retrouve entrainée dans des tourbillons que je ne peux pas contrôler, non pis, que l'on m'ordonne de ne pas contrôler. Je me sens perdue, je ne sais pas vraiment que faire, je ne comprends pas. Quel était le dessein de la Dame Grise lorsqu'elle m'a tiré de la fange pour me montrer un compère à qui elle a laissé les mêmes chances s'y enfoncer plus profondément encore? Est-ce là ce que l'on appelle l'équilibre?"


Temia baissa la tête humblement et soupira :

"De toutes ces questions, nulle réponse n'a surgi, si ce n'est une impression écrasante d'impuissance, d'inutilité et de trahison vis à vis de mes pairs et d'une morale que j'avais fait mienne depuis que la dame m'a accordée le don… Voilà pourquoi je me trouve aujourd'hui devant vous. Je suis perdue et déroutée, je ne sais que faire, quel chemin emprunter, et je ne sais même pas si je dois m'obstiner à le poursuivre…"


Kiavè dit :
Mes félicitations, tu viens d'affirmer que tu doutais. La merveilleuse contradiction...


La Tchaë lève ses yeux émeraudes vers la petite boule qui flotte, atterrée, à ses côtés et lui envoie une pensée :

Comme toujours, Kiavè, comme toujours... Il y a un fossé entre l'idéal que l'on veut atteindre et la réalité...

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

 
Sardoryanne

Le Dhiwara 4 Marigar 1512 à 12h54

 
Sardoryanne prend le temps et la mesure des paroles de Temia Kalavador.
Elle reprend finalement la parole en fixant l'apprentie.

Le chemin est toujours sinueux.
Il ne s'encombre pas de facilités ou de pancartes pour trouver sa voie.
Il n'y a pas de voie légitime, ni même de route pavée aisée à emprunter.

C'est ainsi.

Votre doute est intérieur.
Il n'est pas fixé par la Dame, par la vie ou par votre passé.
Votre doute vous appartient.
Il est un serviteur de votre existence. De votre foi.

Douter n'est pas se tromper.
Se tromper ou échouer n'est pas une fin en soi, sauf si vous désirez que ça le soit.
Vous vous accusez de maux qui ne dépendaient pas de vous.
Vous avez fait des choix, vous avez suivi un chemin.
Celui-ci a été sanglant, mais ce n'est pas vous qui avez versé ce sang.

La Dame Grise n'est pas bonne ou mauvaise.
Elle est.
Votre route n'a pas plus d'importance que celle de la feuille qui tombe de l'arbre, sans savoir où sa chute l'entraine.
Ce serait présomptueux de songer que vous auriez pu changer le cours des choses.
Car c'est ainsi que cela devait se passer.

Vous pouvez vous repentir, vous accuser de n'avoir pas su deviner la tragédie.
Mais vous ne pouvez pas croire que vous auriez pu mieux faire.
Vous ne devez désirer qu'une seule chose, et vous battre pour cela : qu'à l'avenir vos choix seront dictés par l'espoir, et non par la faiblesse.
Espérer est votre seule voie possible.

Douter est une chose, se perdre dans un regard prétentieux sur ses actes possibles en est une autre...


 
Temia Kalavador

Le Matal 20 Marigar 1512 à 19h41

 
Il n'y a rien à ajouter. Tout a été dit.
La Tchaë, deux doigts sur la poitrine s'incline. Quelle puissance ! Quelle spontanéité!

L'espoir? Ses décisions étaient-elles guidées par l'espoir? Elle espérait sans doute un jour la rédemption.
Mais ses décisions n'étaient-elles pas guidées par une volonté de destruction? Par un flot qu'elle ne pouvait empêcher de déborder? Peut-être. Possible.

Mais était-elle faible? le regard attentif mais ô combien pesant de Sardoryanne ne lâchait pas.

Etait-ce prétention que d'affirmer que ses actes auraient pu changer ce qui avait été fait?
Probablement.
Mais ça ne répondait pas à sa question. Qu'est-ce qui avait poussé le roublard à agir ainsi...
Quel acte avait engendré une telle folie?

Etait-ce pour cela qu'il avait quitté Syrinth? Pour aller massacrer des innocents à proximité de Farnya?
Probablement pas.
Lerth avait été sa première destination. Ils s'étaient croisés dans le pilier...
Il devait quitter l'équilibrium...

Que s'était-il passé?..
Mirgahal avait été tué par quelque chose...

Ou par quelqu'un...

Temia tiqua. Bien sûr, elle n'avait pas pensé à cette possibilité... Si Mirgahal avait été assassiné, alors, ça changeait tout. Ou rien...
De toute façon, il était perdu, maintenant... Et ne pouvait se venger.
Qu'est-ce que cela devait être amère ! Qu'est-ce que cela devait-être douloureux.

Mais elle était vouée à l'Ombre, elle ne pouvait pas remuer les cendres des vaincus et venger leur volonté...
Mais c'était ça. Elle le savait... L'amertume peut vite faire perdre la raison et l'humiliation, pousser à s'en prendre à des innocents...
Alors, pour une âme déjà instable de base, quels ravages cela avait dû causer...
Et Silindë savait, il avait voulu qu'elle le surveille... Il avait compris que ce qui s'était passé avant la mort de Mirgahal risquait de le perdre à jamais.
Silindë avait-il voulu qu'elle le protège contre lui-même...

Elle ne le saurait probablement jamais. Le poète ne se répèterai pas. Il avait dit tout ce qu'il avait à dire...
Restait la cause de la mort et ce qui avait précédé, c'était là qu'il fallait chercher.

Mais elle était toujours devant la Shaïm et le temps coulait...
"La Dame Grise n'est ni bonne ni mauvaise... Elle est. "
C'était une affirmation qui n'admettait pas de réponse.

La Tchaë resterait là, à demi inclinée, respectueuse.

Digne ou indigne,ma vie est ma matière, ma matière est ma vie.

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