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Le Matal 19 Manhur 1509 à 00h06
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 | Cela doit faire dix fois que Penthésilée fait le tour des lieux, toujours incrédule, toujours estomaquée par la magie du moment présent :
Qui eut cru que son voyage comporterait une telle étape ? Qui eut cru que sa mission verrait s'initier, en préliminaire, une telle amorce de coopération ? Partie pour une exploration solo quelque peu hasardeuse et dangereuse, sur un simple questionnement logique, la jeune nelda se retrouve avec un associé équilibrien - non, deux - et un partenariat martial et culturel avec la civilisation du Déclin !
En fait, elle n'en revient pas. Le temps qui passe ne change rien à l'affaire.
Le budget conséquent alloué à l'acquisition de l'Etoile du Rêve inclut, fort heureusement, le mobilier : à la mode tydale, il est à la fois rationnel et élégant. Les filles du Déclin ne font pas dans le massif, elles font dans le solide, ce qui n'est pas la même chose.
La Haut-Rêvante, imprégnée de culture onirique et symbolique, a déjà disposé ses tentures de veille, ses tapisseries cynégétiques et ses capteurs de rêves dans toutes les chambres. Comme ses sœurs Griffes, elle est coquette et reproduit en ses murs le nid douillet de leur pavillon de chasse ; des coussins et des tapis épais sont disposés sur le sol serpillé de frais, de l'encens brûle et un magnifique narghilé déniché sur le souk trône sur la table basse du salon. Les tonalités sont à dominante chaude : ocre, terre de sienne, et autres variations automnales. Un feu ronronne dans la grande cheminée.
Si ce n'étaient les murs de pierre et les poutres apparentes, on pourrait se croire dans une yourte familiale, telle qu'il en existe à Korsyne.
Après trois bonnes heures de travail, estimant le résultat à la hauteur de ses attentes, l'Onÿr attrape un sac et sort pour aller faire quelques courses alimentaires.
Elle ouvre la porte principale, non verrouillée, et tombe nez à nez avec Veiglaigh. Souriante, elle s'exclame :
Oh, mais vous êtes là ? Vous alliez sonner ?
Vous voulez entrer ? Vous voulez visiter ? Vous voulez laisser vos affaires ? Vous avez soif ? Ou faim ?
(...)
Vous voulez vous poser un peu ?
A l'évidence, rester sur le seuil ne fait pas partie des options recevables.
Penthésilée
Vigie du Rêve
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Le Matal 19 Manhur 1509 à 21h32
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| Venez, profitez de la chaleur du salon, installez-vous près de l'âtre dont le feu vous séchera. Il y a un fer à bottes pour les décrotter, juste ici, et une brosse à crin pour votre cape. Tout le nécessaire à l'entretien du cuir et du fer se trouve dans cette grande étagère. C'est quelque chose que j'ai achalandé à peine installée, aujourd'hui même, car cette maison a pour vocation l'accueil des Griffes de Korsyne, les guerrières de l'Ordre dont j'ai la charge. Nombre d'entre elles portent un équipement qui ne jurerait pas avec le vôtre...
Vous avez même la tête de l'emploi, avec vos yeux de loup et votre crinière blonde, ose-t-elle ajouter amicalement.
La jeune nelda tire une chaise cossue devant la cheminée et part en cuisine chercher deux verres, autant de tasses et de bols, ainsi qu'une bouteille de vin et un broc de cidre. Elle passe un coup de torchon dans une marmite en cuivre rutilante, tout en parlant :
Que souhaitez-vous boire ? J'ai du vin de Jypska, du cidre local acheté sur le marché, du thé et du café. Ensuite, pour le repas du soir, j'ai prévu de préparer une soupe à base de purée de choux, de carottes, de patates, de croûtons aillés, de piment et de poitrine fumée : vous aimez ? Comme tout n'est pas encore installé, je n'ai pas d'autres invités, alors il y a de la place !
Vous pouvez profiter des lieux plutôt qu'aller dépenser vos sous à l'auberge, ça me fait plaisir d'avoir un hôte ! Vous n'aurez qu'à dormir dans la chambre individuelle, ce ne sont pas les couvertures qui manquent.
Sur ce, la Haut-Rêvante attend que Veiglaigh fasse son choix. Elle parie silencieusement sur le cidre.
Achille dit : Tenu... Moi j'dis qu'il va prendre le vin...
Penthésilée
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Le Merakih 20 Manhur 1509 à 19h57
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Veiglaigh jeta un regard plutôt admiratif à l'endroit. Lui qui n'était pas un farouche adepte de l'urbanisme et des grandes cités en général, devait bien reconnaitre que cette demeure était tout de même fort accueillante et très bien équipée. La civilisation avait parfois ses avantages...Surtout après un voyage solitaire, et à pied, entre Syrinth et Utrynia.
Il s'avança près de la cheminée afin d'occuper le siège proposé par la Nelda.
*** Derynn pour votre accueil Dame Penthésilée. Je m'occuperai de mon équipement tout à l'heure....rien ne presse. Dans l'immédiat je veux bien boire un peu de cidre s'il vous plait. Le vin de Jypska devra attendre jusqu'au repas.
Et si vous m'assurez que ma présence ne vous dérange pas, je passerai volontiers la nuit ici.
***
Puis, observant plus attentivement son hôtesse en train de s'activer il ajouta un brin amusé par la situation :
*** Je constate que les Griffes ne sont pas seulement d'excellentes combattantes....elles sont aussi de redoutables maitresses de maison. Je ne dois finalement pas avoir tant de points communs que cela avec vos paires.
***
Il enchaina :
*** Ainsi cet endroit vous appartient...? C'est étonnant. Auriez-vous conclu un partenariat martial avec les Matriarches ?
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Le Merakih 20 Manhur 1509 à 22h43
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| A la question du Preux, Penthésilée sourit un petit peu plus que nécessaire, comme s'il évoquait là un sujet des plus sensible :
Oui... ou presque ! En vérité, la bourgmestre Khamaat et moi-même travaillons dans ce sens, mais nos autorités respectives sont prudentes. Notre projet est assez modeste, en fait, car il n'implique pas nos factions : il s'agit simplement d'associer deux cités - Utrynia et Korsyne - dans un partenariat permettant des échanges sur les plans martial et culturel. Nos guerrières pourraient apprendre les unes des autres, nos sages pourraient confronter et enrichir leurs savoirs respectifs... via des échanges libres, non contractuels, soumis au seul bon vouloir de leurs participants. Nulle fille du Déclin n'est tenue d'entrainer mes veilleuses, nul oniriste n'est censé instruire une astrologue... mais si l'une ou l'autre désirent le faire, ils le pourront, et disposeront de bâtiments dédiés. Il n'est pas question d'obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit... mais de construire un climat de confiance et de favoriser les contacts. L'échange de maisons destinées à l'accueil de ces contacts, c'est un premier pas.
L'Onÿr tournoie sur elle-même en écartant les bras, sa queue jouant les hulla-hop, comme pour désigner tout ce qui l'entoure :
J'ai acquis cette demeure dans le cadre de ce projet, avec l'accord d'Arc'Rhona Khamaat et l'approbation des lames Anandra et Kaliss. Elle est enregistrée à mon nom, mais appartient de fait aux Griffes. J'espère vraiment que la cité d'Utrynia, via l'une de ses habitantes, fera la même démarche à Korsyne : alors, je commencerai vraiment à croire qu'un rapprochement, à petits pas, est possible... et que cette idée a de l'avenir.
Les yeux pétillants, elle ajoute :
La bourgmestre a davantage de mérite que moi, car ses sœurs sont certainement plus méfiantes que mes pairs. La Lumière du Rêve, Firydor, voit cette tentative de partenariat d'un bon œil. J'ignore ce qu'il en est de la première des filles du Déclin, mais je crois deviner, à quelques signes récents, qu'elle demeure... réservée. Il ne tient qu'à nous de mériter mieux !
Penthésilée
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Le Merakih 20 Manhur 1509 à 23h01
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Le Tydale hocha la tête tout en en avalant son premier bol de cidre, comprenant le dessein de la Nelda, mais fit une mine plus désappointée lors de sa conclusion.
*** Ha, les filles du Déclin....
***
Il n'enchaina pas sur cette pensée.
*** En tout cas je vois que vous avez bien fait les choses. Cet endroit et aussi accueillant que chaleureux.
Décidément, vous ne laissez rien au hasard.
***
Puis Veiglaigh se servit un nouveau bol de cidre. Il se cala ensuite confortablement dans son siège afin de bien profiter de la chaleur dégagée par l'âtre.
*** Je tiens à m'excuser de ne pas avoir pu vous rejoindre plus tôt, mais cette histoire de convocation par notre révérée Shaïm a duré plus longtemps que prévu.
Ceci étant dit, m'expliquerez-vous plus en détail le déroulement de la mission pour laquelle vous m'avez choisi ?***
Les yeux du Tydale semblaient émettre une lueur aussi intense que l'intérêt qu'il portait à sa question.
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Le Julung 21 Manhur 1509 à 08h29
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| Achille dit :Du cidre...
Je l'aurais dans l'os, si j'avais un os...
Mais l'us est là, hélas, c'est là qu'est l'os !
L'idée de cette mission m'est venue lors de discussions mentales, sur le consensus de l'Ordre, à propos de l'affaire Flymeur. Il faut savoir qu'elle a eu des conséquences plus que douloureuses chez les Hauts-Rêvants, puisqu'un oniriste symbiosé s'est perdu dans la bulle où réside le Sieur. Il était Gardien des Préceptes, un poste important sur le plan spirituel, qui n'est aujourd'hui plus représenté.
Je vous en parle car les miens n'aiment pas s'investir dans les affaires du monde. Ils s'en méfient, pour des raisons essentiellement culturelles. Si de surcroît un investissement éventuel ne leur attire que des malheurs, j'ai peur qu'ils ne se retirent définitivement de la scène. Des voix s'élèvent parfois en ce sens, et j'avoue que moi-même, j'y suis... sensible.
Il n'est pas dans mes attributions de partir sur les routes et de mener des enquêtes. Mais force est d'admettre que peu le font, dans l'Ordre ; et nous sommes en temps de paix : je puis le faire maintenant, je ne pourrai peut-être pas demain.
Voici pour le contexte général. Concernant la mission elle-même, l'argument est le suivant : parmi les zones d'ombre qui demeurent, je n'en vois qu'une susceptible d'être à ma portée, en terme de recherche. Elle concerne le lieu de retraite de la guerrière tydale, bras armé du P'khen S'sarkh dans cette histoire...
Elle a tenté d'atteindre Flymeur en opérant depuis une grotte perdue au cœur des collines maudites, loin des siens et de sa ville maudite, Rostrygen. Elle s'est installée dans un repaire mal protégé, pratiquement indéfendable, coupée de tout axe de communication, que les devins de l'Ordre n'ont eu aucune difficulté à localiser très précisément. De fait, Kysall fut rapidement rejointe et contrariée par une petite troupe de poussiéreux, au risque d'échouer dans sa tâche et de se faire tuer.
Estimer la valeur d'un poste militaire fait partie des choses que l'on enseigne aux veilleuses. Rien ne justifiait le choix douteux de celui-ci ; je dirais même plus : tout justifiait de faire un autre choix, bien plus sécurisé, bien mieux gardé et défendu, inaccessible aux nôtres. Je ne connais pas cette Kysall, mais je doute qu'elle soit bête. Or, en apparence, son choix n'a aucun sens.
Sauf, bien sûr, si quelque chose d'essentiel réside sur place. Quelque chose qui ne peut être déplacé, sinon bien sûr, elle l'aurait emporté dans un meilleur endroit, voire à Rostrygen. Je pense à un passage secret, à une base souterraine, à un objet de puissance, à un artefact nemen ou éduen, à l'un des six objets de légende recherché par les confrères, à...
A quelque chose, que nous devons dénicher sur place.
Qui peut savoir ?
Penthésilée
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Le Julung 21 Manhur 1509 à 20h25
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| Penthésilée écoute le Preux avec attention, soulignant une partie de son discours :
Oui, un groupe d'éclaireurs furtifs...
Elle boit une bonne gorgée, plisse les yeux sous l'effet acidulé du liquide et poursuit :
A propos, vous ne m'avez pas dit ce qui, in fine, vous a convaincu de participer à cette mission. Je conçois qu'elle ne vous déplaise pas, que son coté osé et incertain vous séduise, mais ce sont là des arguments par défaut : Syfaria propose mille et une façons de risquer sa vie... pourquoi choisir celle-ci, plutôt qu'une autre ?
La haut-Rêvante fixe alors Veiglaigh avec intensité, comme s'il était seul au monde. Elle parle d'une voix douce et pourtant, à l'évidence, quelque chose polarise toute l'attention de la nelda :
Parlez-moi de votre ami, de notre allié et compagnon d'aventure, Syin Lothar : Qui est-il ? Qu'est-ce qui, dans cette histoire, le motive ?
Par honnêteté, je lui poserai ces questions, mais j'aimerais au préalable connaître votre avis. Je pense que vous savez jauger quelqu'un, et j'imagine que le choix de cette personne n'est pas le fruit du hasard. J'ai confiance en votre jugement... mais j'aimerais en savoir plus, puisque nos vies sont dans la balance :
Pourquoi lui, Arc'Rhon Veiglaigh ?
Penthésilée
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Le Vayang 22 Manhur 1509 à 19h04
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| La première partie de la réponse du Preux provoque des réactions variées chez la jeune nelda : elle sourit, puis regarde attentivement ses pieds, avant de tripoter son bol puis d'attraper sa queue et de réviser une belle série de nœuds marins. Soit elle n'a pas l'habitude d'être flattée, soit elle s'est assise sur une fourmilière, soit les paroles de Veiglaigh ont un poids particulier. A moins que ces hypothèses ne soient toutes trois valides ? Elle va pour dire quelque chose, puis se ravise et se contente d'écouter en gardant les yeux baissés.
Etrange, je ne sais, souffle-t-elle enfin dans un murmure.
Vous êtes un tydale... cela a son importance. Vous, les mâles de cette race, vous avez quelque chose qui me fascine, comme une flamme fascine un papillon. Je crois que cela est lié au drame de votre existence, je ne vois que ça... je dois le lire dans vos auras, d'une façon ou d'une autre, et y être sensible... à moins qu'il ne s'agisse de votre rapport au temps, à cette façon que vous avez de brûler la chandelle par les deux bouts, de traverser votre courte vie tels des météores...
Je suis amoureuse d'un tydale. Un autre m'impressionne par son mental et son érudition. Vous, je vous vois comme une sorte de... grand frère. C'est fou, non ? Les miens ne me font pas le quart de cet effet, et j'ignore pourquoi. J'en ai même un peu honte ! Mais c'est ainsi...
Passons, vous allez me prendre pour une folle !
Puis, reprenant son quant-à-soi, Penthésilée s'intéresse à la seconde partie du discours de l'équilibrien. Veiglaigh doit dire quelque chose qui lui plait, ou qu'elle attendait, car elle sourit de nouveau. Elle demande cependant, lorsque le Preux conclut :
Siyin Lothar a participé directement à l'affaire, dites-vous ?
De quelle façon ?
Penthésilée
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Le Sukra 23 Manhur 1509 à 09h16
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Ce fut au tour du Tydale de marquer un temps d'arrêt dans la conversation. Semblant peser le pour et le contre quelques instant, il se lança finalement sans arrières pensées.
*** Peut-être serait-il préférable que je m'occupe de mes affaires à notre retour....Je ne sais pas vraiment combien de temps cela va prendre.
En fait, je suis venu jusqu'ici afin de savoir si ma famille est encore en vie.***
Il marqua une nouvelle pause.
*** Je suis né ici...et je n'y suis pas revenu depuis dix ans. Depuis ma sortie de la Ruche.
Je n'ai jamais vu ma mère, je ne connais que son nom. Et j'ignore jusqu'à l'existence d'une sœur. Car, comme vous le savez, les mâles de notre race ne viennent au monde que par grossesse gémellaire, toujours accompagnés d'une fille.***
Le Tydale écarta les mèches de ses cheveux qui lui barraient le front, laissant apparaitre une cicatrice au milieu de celui-ci. L'empreinte caractéristique que laisse un marquage au fer rouge.
*** Cette faction m'a rejeté. J'aimerais savoir si c'est le cas de ma famille....tout simplement.
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Le Sukra 23 Manhur 1509 à 09h44
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| Oh, dit simplement Penthésilée.
Je suis très mal placée pour saisir ce qui vous est arrivé... ou ce qui vous arrive. Les Hauts-Rêvants sont très attachés par les liens de parenté, très respectueux de leurs familles. Il est inconcevable qu'un père ou qu'une mère se détourne de ses enfants, et très mal vu que ces derniers ne s'occupent plus de leurs parents l'âge venu... Les plus anciens enseignent aux plus jeunes, et les plus jeunes les aident et les soutiennent au crépuscule de leur vie.
En vérité, l'organisation de la sphère privée se construit autour de la cellule familiale et de ses extensions : je connais mes parents bien sûr, mais aussi mes oncles, mes tantes, mes cousins et cousines au premier et second degré. En cas de soucis, je peux compter sur eux. Je suis fille unique, c'est assez rare, mais la plupart des familles de l'Ordre comptent plusieurs dizaines de personnes. Ce sont parfois de véritables petites meutes !
Alors, j'ai autant de compétence ou de légitimité à comprendre votre situation que je n'en ai à conseiller un sorcier tchae dans le choix de ses sorts. Si je n'avais plus de famille, je serais complètement paniquée !
Découvrant la cicatrice de Veiglaigh, la jeune nelda fronce les sourcils et poursuit :
Cette marque, sur votre front... je l'ai déjà vue sur d'autres visages, à Arameth et ici même, au hasard de mes pérégrinations.
Que signifie-t-elle ?
Penthésilée
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Le Sukra 23 Manhur 1509 à 13h28
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Veigleigh inspira profondément, son regard se perdit de nouveau dans les flammes qui dansaient au centre de la cheminée.
*** Hmmm....Vous connaissez des Tydales mâle certes, mais apparemment pas nés par ici.
Ici se sont les femelles qui font la loi. Les mâles ne sont utiles que pour assurer la reproduction de l'espèce. Comme vous le savez sans doute, les Tydale femelles n'enfantent qu'une fois au cours de leur vie.
Elles mettent généralement au monde une fille, et de temps à autres, une fille et un garçon car les garçons ne naissent jamais seuls.
Une naissance de deux filles à la fois est encore plus rare et c'est un évènement dignement célébré.
Bref, tout cela pour dire que dans cette société, les enfants ne restent que rarement avec leurs parents. Ils sont pris en charge officiellement par la faction et élevés au sein de la Ruche. Car une fois leur devoir d'enfantement accompli, et c'est une obligation, les femelles sont libres d'aller mourir en glorifiant le Déclin.
Pour les enfants, les filles seront éduquées selon les préceptes de la faction et préparées à leur vie future. Elles sont à la tête de la faction et règnent sans partage.
Pour les garçons.....et bien ceux-ci feront l'objet d'une sélection afin que ne soient retenus que ceux qui feront de parfaits géniteurs. Ce ne sont donc que des pères biologiques qui n'auront jamais rien à voir avec l'éducation de leurs enfants. Lorsqu'ils auront suffisamment rempli ce rôle de géniteur, ils seront libres de trouver leur place dans la faction, hormis des fonctions dirigeantes bien sûr.
Pour les garçons qui ne sont pas retenus comme géniteur, vous voyez sur mon front le résultat de la sélection. Un marquage au fer rouge qui fait de vous un "inapte" pour reprendre le terme officiel. Et à partir de ce marquage, on vous sort de la Ruche...votre prise en charge est terminée. Vous devenez un citoyen de seconde zone...tout juste bon à des tâches subalternes et à servir les Matriarches.
Les premiers rejetés le sont à l'âge de 13 ans....ce qui signifie qu'ils doivent se débrouiller seuls dès cet âge car, comme vous l'avez compris maintenant, les Tydales n'ont pas de père au sens familial du terme. Et les mères.....elles se préoccupent plutôt du sort de leur fille que de celui des garçons. Quant elles ne sont pas déjà mortes "au service du Déclin".
Le sens du mot famille par ici diffère bien de celui qui a court chez vous....
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Le Sukra 23 Manhur 1509 à 19h27
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| Penthésilée, bien calée sur sa queue de nouveau lovée, écoute attentivement le Preux.
Elle a parfois les yeux fermés, ou perdus dans la contemplation de l'âtre ronronnant. Elle a allumé des chandelles, joliment réparties sur la table. Lorsque Veiglaigh conclut son explication, elle se lève en silence et dispose sur la table de bois lourd quelques légumes qu'elle entreprend consciencieusement d'éplucher.
Tandis que ses mains travaillent, elle parle à nouveau :
J'avais connaissance de la tonalité générale de la vie au Matriarcat, et de la différence évidente de statut entre les sexes. Mais je ne savais rien des détails, si ne n'est cette spécificité de la naissance gémellaire des garçons. Le rôle de la ruche, en particulier, m'était inconnu. En fait, autant je puis comprendre - au sens intellectuel du terme - la propension des filles du Déclin à protéger les futures mamans, autant je m'explique mal la mise à l'écart et les traitements cruels infligés aux non-pères. En quoi êtes-vous une menace ?
Mais sans doute devrais-je vivre ici pour espérer vraiment saisir toutes les subtilités, fussent-elles si dures, de la société matriarcale. Et cela ne suffirait peut-être pas : je ne subis nulle malédiction dans ma chair, et ne puis émettre de jugement honnête. Tout au plus puis-je compatir... la belle affaire...
Le tydale que je... connais le mieux n'a pas votre marque ; il m'a dit s'être enfui, sans doute pour échapper à ce que vous vivez certainement comme une infamie... ou par refus de servir de géniteur. Je n'ai pas creusé la question, estimant qu'il m'en parlerait de lui-même s'il l'estimait souhaitable. Je suis curieuse de nature, mais aussi le fruit d'une éducation plutôt pudique, peu encline à s'immiscer dans la vie privée d'autrui. Votre confiance me touche, Arc'Rhon.
Aux féculents et autres cucurbitacées épluchés qui s'accumulent dans la marmite, la jeune nelda ajoute de l'eau fraiche, une poignée de gros sel et des épices. Puis elle accroche un gros morceau de lard sur un crochet, pendu dans la fumée du foyer, suivi de la marmite qu'elle installe précautionneusement sur son support. Tandis que la poitrine de porc grésille et sue sa graisse dans le bouillon de légumes, elle reprend :
Je vous souhaite sincèrement d'obtenir les réponses que vous attendez, Preux Veiglaigh. Et si la réalité devait vous décevoir, comme elle le fait si souvent... songez qu'aussi triste soit votre passé, il n'écrit pas l'histoire de votre avenir.
Sur ce, elle dispose quelques ustensiles adaptés à la prise d'un bon repas.
Penthésilée
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Le Sukra 23 Manhur 1509 à 22h28
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| Désignant l'amphore de vin cachetée d'un geste théâtral, Penthésilée répond :
Mais faites, cher invité. Débouchez donc le vin, nous trouverons bien quelque chose de digne à trinquer !
Plissant du museau au-dessus de la marmite, elle y ajoute le fond du broc de cidre et un bel oignon avant d'ajouter :
Voilà, ça va gentiment mijoter une bonne demie-heure, puis nous devrions enfin nous régaler ! Qui sait quand nous pourrons de nouveau profiter d'un peu de confort ? Je vous montrerai vos quartiers après le repas, ainsi que la salle d'eau. Il y a même une bibliothèque ! Ne manquent encore que les livres...
Et puisque vous m'êtes sympathique, je pousserai l'hospitalité jusqu'à vous épargner quelques notes de mon Cavaquihno flambant neuf, gracieusement offert par votre compatriote Bakean : grâce à son instrument, qui donne un aplomb extraordinaire, j'ai pu accélérer mon entrainement et désormais, je connais absolument tous les "trucs" susceptibles d'encourager mes pairs. L'instrument est magnifique mais malheureusement, je suis bien en peine d'en tirer autre chose que des cris de chat écorché vif ! C'est à regretter d'être né(e) avec des oreilles...
Si vous êtes musicien, essayez-le, surtout n'hésitez pas !
Ses doigts jouant dans sa crinière, la queue de nouveau buissonnière, elle saute soudain du coq à l'âne :
Oh d'ailleurs, si vous voulez laisser des affaires avant de partir pour les collines, il y a un grand coffre... profitez-en !
Puis elle attend d'être servie en vin.
Penthésilée
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