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Aux petites fioles

Le premier post contient le parchemin fixé sur la porte
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Sujet lancé par Zynia
Le 07-07-1509 à 13h24
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Posté par Zynia,
Le 14-08-1510 à 22h24
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Narrateur

Le Sukra 5 Jayar 1510 à 16h17

 
Ah, l'anja endormie. L'histoire d'un poème, d'une fuite éperdue et solitaire.
D'un voyage vers la mort, dont le sommeil est la soeur indigne et délicate. L'anja endormie...
Comme cela arrive de temps à autres à la Ruche, une anja se rebelle et s'arrache à la garde des Nourrices.
Celle-là n'a pas de nom, mais elle a une histoire. Pour plus de facilité, appelons-la Hesiria.

Hesiria, adolescente révoltée, écorchée vive par la vie et ses tumultes, ne pouvait plus longtemps supporter la rigueur des mères nourricières, de l'étude et des initiations éprouvantes de la Ruche. Elle souffrait, éprouvait leur intrusion au plus fort de sa nature et de son intimité. C'était son caractère. Alors, une belle nuit, où les lunes jumelles flottaient doucement dans les cieux cléments, elle s'en fut allé par-delà les murs protecteurs du Domaine.

Perdue, elle s'en vint dans les quartiers oubliés d'Utrynia, où, parmi l'abandon et la pauvreté, elle put survivre et se dissimuler. Monde plus mystérieux que l'on croit, on y joue là de drôles de tours selon des règles absurdes connues de quelques uns seulement, pratiquées par tous. C'était une plongée dans le fantastique, pour elle qui n'avait connu que les atours drapés, couverts de la Ruche. Ses rencontres furent nombreuses parmi les indigents, amis parfois.

L'énigmatique Sourire, un sorcier talentueux qui la prit sous son aile, l'extirpant quelquefois de bien mauvaises situations, fut le plus remarquable d'entre eux. Un gentilhomme des bas fonds dont elle tomba vite amoureuse puis découvrit la terrible face cachée trop tard... Sourire, escroc et criminel, était un être ambigu multipliant les affaires troubles et dangereuses.

Face à la réalité de cet homme, dont elle était pourtant éprise, le désespoir la gagna. Elle fuit de nouveau, accablée de tristesse. Prise d'un excès de folie ou s'imaginant que c'était la ville qui tourmentait la Poussière ? elle quitta Utrynia pour l'immensité qui s'étendait aux abords. Et s'aventura jusqu'aux sombres Bois Jumeaux. Aveuglée et perdue, elle s'égara dans les profondeurs de la forêt, arrivant jusqu'aux havre des tourments au coeur d'une nuit noire.

Epuisée, morte de fatigue et maudite par son amant (trop amer de l'avoir vu la quitter), elle sombra et se figea à jamais dans un sommeil sans fin. Mais désespéré, Sourire la rejoignit bientôt, regrettant son geste et ne pouvant se résoudre à l'abandonner, le mauvais garçon étreignit le corps de la belle, pour l'éternité, et sombra à son tour, de tristesse et d'amour. Enlacés l'un à l'autre, ils se transformèrent en arbre et en liane, dit la légende.

C'est pourquoi, dit-elle aussi, il faut chuchoter des mots doux et avoir les mains couvertes de sang si tu veux détacher la liane de son arbre, pour la récolter. Il n'y a que comme ça que tu pourras réveiller l'essence profonde de ce poison.


Après son long récit, le conteur se tut et tira une latte sur son vieux cigare.
Il tourna son visage et ses yeux fatigués vers Zynia, attendant une réaction quelconque.


 
Zynia

Le Sukra 5 Jayar 1510 à 19h07

 
A l'écoute de ce conte, Zynia imagina plusieurs de ses soeurs symbiosées dans le rôle de l'anja, surtout l'une d'entre elles au sujet de laquelle elle n'entendait plus rien en fait. Leurs caractères correspondaient à l'aspect rebel pour le moins.

Mais cela n'était pas assurément pas à cela que le conteur pensait lorsqu'il leva les yeux sur l'alchimiste à la fin de sa première représentation. Il lui avait parlé d'un second texte. Elle espérait pouvoir l'entendre de la même façon.

Quand une pensée lui parvint soudain, elle ne put réprimer un rictus. Korsyne était attaquée par Kysall et l'infâme créature qui l'accompagnait. La distilleuse avait vu le Tarkn'al. Dire qu'elle l'avait combattu serait sans doute un abus de langage, mais elle avait soigné ses soeurs qui avaient lutté contre lui ou plus exactement contre les flavistes qui lui servaient d'escorte... La seule exécutrice qui avait tenté d'attaquer la monstruosité de mana avait bénéficié d'un aller simple pour un pilier à vitesse accélérée. La chose s'en était allée, seules les deux sorcières de combat symbiosées du Matriarcat ayant pu tirer des enseignements suite à leurs tentatives multiples, protégées par toute l'étendue de leur savoir et leur expérience.

L'éradication d'Oriandre avait, semblait-il au cerveau de la distilleuse, entamé une bien mauvaise série. Où s'arrêterait-elle? Naturellement, Zynia pensait à sa modeste échoppe, laquelle donnait sur une rue passante du quartier central d'Utrynia. Elle avait pu en prendre possession pour une somme raisonnable étant donné l'exiguité des lieux. Mais cela faisait le charme de l'endroit. Et puis, les travaux auxquels la nouvelle propriétaire se livrait postulaient à un minimum d'intimité. Abandonner ce hâvre de paix lui serait douloureux. Mais elle pouvait aussi redouter, au-delà de ce simple confort personnel, la disparition annoncée de toutes les villes de Syfaria. Cela lui était inconcevable. Il lui faudrait trouver quelque chose, une potion comme de bien entendu, pour empêcher cela. Mais pour l'heure, d'autres travaux de recherches occupaient son esprit.

Utrynia et ses flavistes, Oriandre et ses harmonistes, quelles seraient les créatures qui seconderaient le Tarkn'al à Korsyne? Ah Korsyne...

Voir Korsyne... L'alchimiste avait formulé ce souhait. Elle espéra à cet instant qu'elle verrait autre chose que des ruines corrompues le moment venu. Elle n'avait en effet pas pu se rendre sur place. Qu'y serait-elle allée faire? Soigner? Suffisamment de soignantes devaient déjà s'y trouver. Non, son rôle était résolument à Utrynia, pour l'instant du moins. Il ne fallait pas mélanger les potions, ni les sphères.

Tout ceci ne dura qu'une fraction de seconde. Elle répondit brièvement avec tristesse à la Nelda qui l'avait informée. Puis, elle regarda le mish:


Votre histoire est intéressante. Je pense que vous avez du récolter moultes louanges après l'avoir contée dans les meilleures demeures. Il me semble que trois lignes de celle-ci me seront d'une grande utilité pour mes projets. Danhya pour m'en avoir fait part avec une telle éloquence.

Mais ne m'aviez-vous pas parlé d'une autre légende? Concernant les bois jumeaux?


L'homme restait intriguant. Zynia ne savait pas si c'était une bonne nouvelle... En même temps, les autres nouvelles qu'elle entendait n'étaient assurément pas meilleures. Donc elle prit le parti d'être satisfaite de la réalisation du Tableau jusque-là...


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Luang 7 Jayar 1510 à 21h29

 
L'autre ? Oui, certes. Les jumeaux ennemis...
Un conte fort triste, étrange aussi, qui se base sur une bizarrerie.

Cette légende là commence par une double naissance. La naissance de deux garçons, deux jumeaux, deux frères du même ventre. Chose inimaginable dans la réalité, pour nous autres tydales. Non seulement impossible, cette seule idée serait également intolérable. Ce conte l'envisage néanmoins, pour le bien de sa narration. Elle nous livre donc l'histoire de deux frères maudits, condamnés à une mort certaine dés leurs premiers jours, pour l'infamie et l'aberration qu'ils représentent.

Deux enfants qui vont pourtant survivre, par des concours de circonstances pour le moins étrange.

Il y a d'abord cette nourrice trop sentimentale, nous dit le conte, qui ne peut se résoudre à les étouffer et décide de les livrer - sort non moins enviable en vérité - à la sauvagerie de la nature, seule juge de leur destin. Abandonnés dans une grande forêt, qui n'était point encore connue comme étant "les Bois Jumeaux", les pauvres nourrissons furent là-bas adoptés par des loups. Des loups qui en prirent soin, les élevèrent comme si il s'agissait de leur propre progéniture, comme de véritables louveteaux. Des louveteaux qui grandirent et devinrent des hommes forts et solides, prompts à survivre dans un milieu hostile et sans pitié. Au milieu des ténèbres et des monstruosités dormant dans les bois.

Malgré leur origine commune, on ne pouvait trouver deux frères si différents. L'un était grand et fort, d'un tempérament souvent houleux, colérique, passionné. L'autre, plus petit et svelte, était calme, doux rêveur, d'une compagnie souvent agréable et reposante. Toujours prêts à se bagarrer et à en découdre, leur parentèle lupine les séparait fréquemment pour éviter un malheur. Mais cette parentèle, malheureusement, vint à jour à disparaître. Les loups n'ont pas la longévité de la Poussière. Dés lors, les conflits récurrents entre les deux garçons ne firent que s'accentuer...

Des questions bêtes ou anodines, puis des problèmes plus profonds et sérieux, comme celui du territoire. Question chère aux animaux, par lesquels ils avaient été élevés. Ils finirent par se haïr profondément, à se détester et à se faire la guerre dés qu'ils en avaient l'occasion. Mais, dans un élan de lucidité, ils décidèrent un beau jour de se départager les lieux. L'un irait vivre au sud de la forêt, l'autre au nord. Un compromis qui ne dura pas longtemps, malgré tout.

Car la frontière, la ligne de démarcation restait un soucis insoluble. L'un prétextait que l'autre empiétait chez lui, l'autre affirmait avoir hérité d'une partie plus petite que son jumeau. Alors après des années, l'un d'entre eux décida de régler la question définitivement, las de ces incessantes querelles. La mort. Il se mit à chercher un moyen de tuer son jumeau.

Comment ? Les loups leur avaient tout appris de la forêt. Y compris ses recoins les plus reculés, ses secrets les plus dangereux. Ils avaient appris à utiliser le curare pour chasser et se nourrir. Ce frère assoiffé de sang décida de l'utiliser à d'autre fin. Tuer. Malgré l'avertissement que les loups avaient formulé contre une utilisation abusive et insensée de ce terrible poison. Alors une nuit, il s'engagea sur le territoire de son double et sous couvert d'un pacte de paix, d'une volonté de réconciliation, lui offrit un repas plein de curare. Son jumeau, vite paralysé, ne tarda pas à mourir.

Il comprit alors son erreur et tout ce que signifiait pour lui ce jumeau, son propre sang. Il l'incinéra dans un bûcher funéraire et sombra dans la folie la plus totale, brutalement vidé et anéanti par ce manque insondable. Il mit le feu à la forêt dans son élan de démence, convaincu qu'elle était à l'origine de tous ses maux. Il chercha en vain à communier avec son frère mort en mangeant ses cendres et en s'aveuglant avec les braises rougeoyantes de son bûcher.

Puis, en désespoir de cause, se retira dans le havre où il avait récolté la curare et s'empoisonna à son tour.

La forêt ne brûla pas totalement, en partie seulement. Le feu avait divisé la forêt en deux parties distinctes, une au nord et une au sud, selon les frontières qu'ils avaient autrefois établis. C'est ainsi qu'elle devint ce que nous nommons aujourd'hui "les Bois Jumeaux" dit la légende. Ce qu'elle nous apprend aussi, outre la folie des hommes et leur démesure, c'est à ne pas utiliser avec excès les armes que l'on nous offre. Dont le curare naturel...

C'est à ce conte que nous devons également une partie du rituel de récolte, qui consiste à placer de la cendre fraîche dans la bouche et à s'en entourer les yeux, selon les regrets de ce jumeau comme un gage à ne pas faire un usage inconsidéré de ce terrible et mystérieux poison.


Le vieillard achève ainsi son second récit, un peu plus éteint et pensif.

 
Zynia

Le Matal 8 Jayar 1510 à 09h54

 
Décidément, tout le monde tenait vraiment à ce que l'alchimiste ne fasse pas n'importe quoi avec cet ingrédient. Il doit être véritablement dangereux. Il conviendra d'être prudente. Sans doute plus encore qu'à l'accoutumée.

Danhya pour cette histoire aussi étrange que triste. Je sens en vous un être mélancolique. Peut-être cela a-t-il aidé à votre sens artistique?

La distilleuse s'abstint d'imaginer à haute voix que sa condition d'inapte avait sans doute également influencé son développement artistique macabre. Mais, en narrant ces deux légendes à l'alchimiste, il aura fait oeuvre utile pour ses soeurs. C'était déjà extraordinaire pour un mâle que tout prédestinait aux quolibets, railleries et à l'oubli. Il avait vraisemblablement eu à subir les deux premiers, mais Zynia pouvait faire en sorte qu'il évite le dernier. Elle glisserait certainement le nom d'Homesch à quelque part dans ses notes. Ainsi un mish survivrait par-delà le mur de la mort dans la connaissance de ses soeurs.

Finalement, si les recherches concernant cette nouvelels potions avaient débuté dans une perspective plus... directe, le cheminement pris par Zynia donnait, par la force des choses, un côté social et empathique à ses études empiriques.

Le vieillard semblait fatigué. Sortant sa bourse, Zynia lui tendit quelques morions.


Tenez. Cette nuit, vous dormirez à l'auberge.


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Matal 8 Jayar 1510 à 20h06

 
Après une brève hésitation, le conteur accepta les quelques pierres.
Il engloba les morions dans sa vieille main usée par des travaux difficiles.

Vous êtes bien aimable, jeune fille.

Son regard délavé se posa sur le visage de la jeune femme.
Qui eut l'étrange impression que Homesch ne la voyait pas vraiment.

Puissiez-vous trouver ce que vous chercher...
Et accomplir votre destin, mademoiselle.


 
Zynia

Le Merakih 9 Jayar 1510 à 09h31

 
"Accomplir votre destin"... Quel était-il, ce destin? Voilà la question.

Le destin de la distilleuse n'était en tout cas pas d'empêcher la contamination de Korsyne par les effluves. La cité venait de tomber. Zynia necontemplerait donc jamais l'Etoile du rêve telle que Rialda la lui avait décrite. La jeune tydale eut une pensée à la fois émue et pleine de rage pour le peuple Haut Rêvant. Puis, elle serra ses doigts autour de son bâton d'afflux.

A Homesch, elle se contenta de répondre, les yeux dans le vague:


Que j'accomplisse mon destin, pour apporter ma touche au Tableau.

C'est à ce moment-là qu'elle quitta le vieil homme. Elle regagna son laboratoire et entama les préparatifs pour se rendre dans les Bois jumeaux, plus précisément dans celui des deux situé le plus au sud, puisque c'était là que ce trouvait ce qu'elle recherchait et qu'elle était désormais en possession d'un protocole de collecte.


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Zynia

Le Julung 10 Jayar 1510 à 09h39

 
C'est avec son sac de voyage sur les épaules que Zynia quitta son laboratoire ce jour-là. Elle se rendrait aux Bois jumeaux. Elle n'irait pas y faire un pic-nic en forêt, ni même de la chasse à la bestiole à la manière de Matroshka. Non, elle pénétrerait dans les sous-bois pour une toute autre raison.

Munie de notes contenant les informations collectées concernant le protocole de cueillette de l'ingrédient, l'alchimiste avait également pris soin de placer un poulet vivant dans son sac. Il lui fournirait nourriture une fois cuit au feu de bois et le sang et les cendres nécessaires à l'accomplissement du rituel.

Arrivée aux Bois jumeaux, la distilleuse prit une inspiration forte et gagna le couvert des arbres du bois situé le plus au sud. S'enfonçant dans les régions sombres de la forêt, elle y chercha un lieu dans lequel "les arbres y étaient souvent torturés, rongés par les champignons et étouffés par ces maudites lianes"
ainsi que le lui avait conté Grevia Zol.


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Sukra 12 Jayar 1510 à 18h24

 
Zynia, aussi vigilante et discrète que possible, évita la majorité des monstres et des animaux qui habitaient la forêt et pouvait s'avérer être un danger pour elle et ses recherches. Les Bois Jumeaux, comme la plupart des domaines naturels de Syfaria, étaient infestés de créatures en tout genre. La sorcellerie aidant, elle put se prémunir efficacement contre les dangers - quelquefois mortels - que représentaient les rejetons, aberrations et autres chimères qui peuplaient l'endroit.

Elle progressa autant que faire se peut dans l'étendue sylvestre, mystérieuse et inconnue, s'aiguillant grâce à son sens de l'orientation. Après de longues heures de voyage, où elle dût faire quelques arrêts pour se reposer de sa longue et éprouvante marche, mais aussi pour vérifier la direction dans laquelle elle s'engageait. La nuit venue, elle aboutit finalement dans une région du bois qui semblait correspondre plus ou moins à la description que lui en avait fait Grevia Zol. Et que le poème de la bibliothèque, à sa manière, avait aussi décrit aux détours de ses vers intrigants.

A première vue, le lieu n'était pas différent du reste de la forêt. A première vue seulement, car à y prêter une attention plus soutenue, on pouvait y deviner certaines distinctions. L'espace entre les arbres était plus libre, la végétation plus sauvage et plus envahissante. Buissons chaotiques, fourrés plus présents, une forte odeur d'humus qui évoquait celle de la décomposition naturelle, souches, branchages morts, champignons en abondance et des grands arbres pauvres en feuilles et en force, aux racines tordues, vaincus par la vampirisation inéluctable de lianes fines et longues...

Calme, dépourvu des bruits habituels de la forêt, l'étrange bosquet était aussi nimbé d'une fine brume au sol.
C'était un spectacle un peu fantastique, qui renvoyait aux descriptions qu'elle en avait eu.


 
Zynia

Le Luang 14 Jayar 1510 à 10h38

 
Ainsi donc cet endroit existait bel et bien. Non pas que Zynia eût mis en doute la véracité des affirmations de Grevia Zol, mais les lieux très spécifiques dont le sol était de surcroît recouvert d'une couche de brume semblaient sortis d'un ouvrage de mythes et légendes.

L'alchimiste observa, de façon à repérer ce qu'elle cherchait, un arbre ceint de lianes renfermant le précieux ingrédient.

Il faisait nuit, mais la distilleuse atteindit encore, pour agir au milieu de celle-ci. Attentive au moinde bruit autour d'elle, elle prépara alors un campement avec un petit feu circonscrit. Ainsi elle pourra utiliser les cendres pour s'en souligner les contours des yeux et en placer un peu sous la langue. Sur le feu, elle pu rotir le poulet dont elle aura recueilli le sang frais pour s'en recouvrir les mains ensuite. Et elle reprit ainsi des forces avant l'instant attendu. Elle se leva tranquillement au plus profond de la nuit, utilisa cendre et sang, et s'approcha de l'arbre en lui chuchotant:


Hajar, arbre des arbres, que tu es puissant et fort. Et la solidité de ton écorce n'a d'égale que la tendresse de ton coeur.

Hajar également, liane gracille, que ta taille est fine et sculptée. Et la souplesse de ta corde n'a d'égale que l'ivresse dispensée par ton fluide.


Zynia attendit ensuite, sur ses gardes.


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Matal 15 Jayar 1510 à 18h35

 
Il ne se passa rien de particulier au premier abord, mais elle avait - semble-t-il - respecté le rituel de récolte.
Puis un très léger craquement se fit entendre, tout près, provenant de la liane et de l'arbre.
Un craquement si léger qu'elle ne sut dire si c'était son ouïe qui lui jouait un tour ou bel et bien un son réel.


 
Zynia

Le Matal 15 Jayar 1510 à 19h20

 
Son bâton d'afflux toujours en main, l'alchimiste s'approcha lentement de la liane, pour voir si le bruit entendu provenait bien d'une liane qui se séparait de l'arbre qu'elle étreignait. Plus exactement, elle tenta de scruter la liane de manière à vérifier qu'elle était plus détendue et moins proche de l'arbre que précédemment, lorsqu'elle avait observé les lieux avant le rituel.


Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Merakih 16 Jayar 1510 à 14h53

 
Il lui apparut, sans certitude absolue néanmoins, que la liane avait légèrement bougé.

 
Zynia

Le Merakih 16 Jayar 1510 à 15h45

 
L'alchimiste répéta alors les paroles tendres et s'empara de la liane pour la détacher de l'arbre. Durant toute la manipulation, Zynia était attentive, à la fois à la liane et à l'arbre, mais aussi à tout ce que l'entourait. Les Bois jumeaux recelaient nombre de dangers. Il ne fallait pas prendre de risques inutiles.

Une fois récoltée, la distilleuse regagna son petit campement et entrepris la préparation de l'ingrédient. Elle râpa l'écorce et plaça celle-ci dans un récipient apporté à cet effet. Puis, elle plaça l'écorce dans un filtre formé de roseau et garni de feuilles, avant de la laver avec de l'eau plusieurs fois.

Est-ce que la couleur du liquide allait être la bonne?



Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Merakih 16 Jayar 1510 à 22h09

 
Le liquide qui sortit de ces lavages successifs était rouge vif.
Selon toute vraisemblance, la distilleuse s'engageait sur la bonne voix.


 
Zynia

Le Julung 17 Jayar 1510 à 13h08

 
Le liquide ayant la couleur souhaitée, l'alchimiste mit celui-ci à feu vif jusqu'à ébullition. Une dizaine de minutes à forte température devrait suffire, lui avait dit Grevia Zol. Dès que cela fut bouillonnant, Zynia transvasa le contenu du creuset dans un récipient propre et elle le chauffa alors à feu doux durant de longues heures, de manière à en faire évaporer l'eau. L'objectif de toute cette étape était d'obtenir un épais liquide noirâtre.

C'était une opération longue, difficile et délicate, assurément.



Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Vayang 18 Jayar 1510 à 20h22

 
Malgré la complexité et la longueur de l'entreprise, malgré aussi les conditions peu optimales - en pleine nuit dans une forêt inconfortable et dangereuse - Zynia obtint l'effet voulu. Au fond du récipient patientait désormais un liquide dense et sombre, qui correspondait à ce qu'on lui avait décrit du fameux "curare" aux propriétés uniques.

 
Zynia

Le Sukra 19 Jayar 1510 à 12h35

 
L'alchimiste plaça un couvercle sur le récipient qu'elle empaqueta soigneusement dans son sac. Elle rangea ensuite le reste de ses affaires, prit bien soin d'éteindre le feu qu'elle avait allumé et quitta la forêt toujours sur ses gardes. Il lui faudra faire quelques haltes d'ici qu'elle parvienne à rejoindre Utrynia mais elle veillerait sur son précieux chargement désormais.

De retour en ville, elle rentra à son laboratoire et déballa le contenu de son sac. Elle prit soin du récipient, guignant simplement pour vérifier que tout était en ordre. Elle le posa sur sa table de travail le couvercle refermé, là où il ne risquerait rien.

Elle reprit ensuite en main les ouvrages d'alchimie qui, selon la cartothèque qu'elle avait élaborée, pouvait lui être utiles pour lui expliquer comment altérer cette substance pour obtenir l'effet désiré.



Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

 
Narrateur

Le Matal 20 Julantir 1510 à 19h46

 
Zynia s'attaquait à l'autre partie délicate de son entreprise. La mise au point concrète de sa potion.
Après la récolte des ingrédients, il fallait désormais manipuler pour atteindre son objectif, ce qui n'était jamais évident, surtout dans ce cas précis. Comme la récolte, elle savait que cette seconde partie comporterait deux phases : inerte et philosophale, ou, plus grossièrement, scientifique et mystique. Elles s'entremêlaient tout au long d'une création.

Autour de l'idée de rendre moins radicaux les funestes effets de ce vieux poison, pour se centrer sur ses propriétés uniquement paralysantes, elle s'engageait maintenant dans des calculs logiques, des influences d'humeurs, de quantité, aidée par les aiguillages plus ou moins habiles, plus ou moins maladroits de ces livres d'études (autant de médecine que d'alchimie). Altérer une substance était bien évidemment un des principes fondateurs de son art. Mais même des siècles de théorie n'avaient pas toujours eu, en pratique, des conclusions heureuses. Surtout quand la magie s'en mêlait...

Zynia s'évertua à suivre certains conseils, à se méfier d'autres, et surtout, à fonctionner à l'oeil, à l'instinct, au nez.
Formules, équations, propositions se suffisaient rarement. Son expérience et l'improvisation aidaient. Beaucoup de ses rats moururent durant ses essais, succombant aux équilibrages, aux doses, aux erreurs. Elle avançait, à petits pas, mais elle avançait. En fin de journée, ses tentatives structurées, rationnelles, sans être un franc succès, lui offraient un horizon.
Elle avait un peu atténué l'effet de mort que provoquait la paralysie, en la ralentissant, l'adoucissant.

Mais ses cobayes décédaient toujours. Elle le sentait, ça se jouait à peu de chose.
Et ce peu de choses, elle ne le trouverait sans doute pas dans la science.


 
Zynia

Le Merakih 21 Julantir 1510 à 15h41

 
Zynia se demanda un instant quelle tête feraient les rats s'ils savaient qu'ils étaient pris pour des cobayes. Mais, tout bien considéré, ils devaient être à des années lumière d'une revendication identitaire dans le moment présent. Heureusement qu'ils se multipliaient rapidement, sinon la chair à expérience finirait par manquer. Elle pensa alors à un conseil qu'il faudrait donner aux générations de futures chercheuses, si un jour elle écrivait son propre ouvrage d'alchimie: toujours avoir une animalerie bien pourvue sous la main.

L'alchimiste, devant l'infructuosité de ses essais, et ce malgré toute la bonne volonté de ses assistants, des petits rats de laboratoire, se décida à retourner à la bibliothèque d'Utrynia, de sorte de vérifier le protocole du sort de décrépitude que la distilleuse ambitionnait de mettre en potion. Peut-être trouverait-elle un élément intéressant sous cet angle. De plus, on était en fin de journée et la bibliothèque se trouvait tout près de l'enseigne "Aux petites fioles". Il lui parut donc approprié d'aller passer sa soirée dans ce lieu culturel de la cité des bords du Lac des Mères.

En chemin, après avoir pris soin de bien refermer la porte de son laboratoire, elle se demanda ce qu'il allait advenir de la ville. Les effluves allaient-elles prendre le dessus comme cela avait été annoncé? Un mois. C'était le temps qu'il restait aux habitants pour profiter de lézarder près de la fontaine, flâner à travers le marché, observer les eaux depuis le ponton auquel venait acoster les embarcations.

En d'autres temps, sous d'autre cieux, on aurait dit qu'Utrynia était cancéreuse et qu'aucun traitement de chimiothérapie ne pouvait endiguer la maladie. Mais sur Syfaria, rien n'était impossible. Du moins, l'alchimiste aimait à le croire.

Ses pas l'ayant conduite sur le parvis de l'institution du savoir, ses pensées se dissipèrent. Elle gagna alors bien vite l'alcôve consacrée à la sorcellerie et entama ses recherches dans les ouvrages traitant de décrépitude.



Zynia Mestre érudite, Maître Alchimiste

MJ (retraité)
 
Maître de Jeu

Le Dhiwara 25 Julantir 1510 à 06h10

 
Comme toutes les sphères, Zynia le savait, la décrépitude avait une discipline et une catégorie qui lui étaient liés. Dans le cas précis de cette magie aux sortilèges souvent délétères, c'était la médecine et le naturalisme. Elle devait donc, en fouillant les ouvrages à sa disposition, trouver ce qui pouvait - dans ces domaines - se rapporter à l'altération des substances naturelles et, plus précisément, à l'amoindrissement des effets biologiques de ces substances. En ligne de mire : la paralysie et la tétanie sans la mort. Mais, tâche plus difficile et essentielle, il lui faudrait alors essayer de traduire ce savoir en Arkan, le langage ésotérique de la sorcellerie poussiéreuse.

Elle s'attela donc à la tâche, faisant appel à ses propres connaissances en magie et compulsant les savoirs qu'elle avait sous le nez. Les signes de l'alphabet mystique se bousculaient sur les lignes de parchemin, sous sa plume ou sous celle d'un de ses prédécesseurs. Au bout de plusieurs heures, longues et pénibles, de travail et d'étude, elle aboutit à une formule arkanique qui lui parut plausible. Elle était essentiellement basée sur celle du sort dont elle s'inspirait, en une version un peu détournée, plus adaptée au support complexe de l'alchimie et de son aspect rituel. Mais là encore, des essais allaient être indispensables. On ne brodait pas un tel ajout dans le vide, il lui faudrait sans doute revoir deux ou trois fois les symboles évoqués, leur agencement, la prononciation et, bien évidemment, le chronométrage.

Car elle devait aussi voir à quel moment de l'assemblage de la potion la récitation de cette sentence magique serait la plus appropriée. Elle savait que c'était primordial pour le bon déroulement et l'aboutissement de son objectif.
La petite étincelle qui devait parfaire le tout devait arriver au bon moment.



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