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La Ruche

Enfance : Souvenir II

L'Art de Vivre
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Sujet lancé par Umbre
Le 11-09-1509 à 07h32
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Posté par Umbre,
Le 16-09-1509 à 11h59
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Umbre

Le Vayang 11 Saptawarar 1509 à 07h32

 
***

La Ruche.
Antre majestueuse de tant de destinées.
Coeur de la Faction.
Usine de vie.

Reproduction, Naissance, Education...

Les fondations du Matriarcat.
Pièce maîtresse dans la survie de l'espèce.
Labyrinthe d'existences en devenir.

Devoir d'être.

Depuis un toit, il observe son ancienne demeure.
Là où son esprit s'est ouvert au monde.
Là où un acte majeur s'est joué.

Vénérable temple de l'enfance.
Palais de la poussière et de la création.
Laboratoire eugéniste.

...

Souvenirs, souvenirs.
...Souvenir...

***


Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

 
Umbre

Le Merakih 16 Saptawarar 1509 à 11h59

 
Il y a 21 ou 22 ans...


L'enfant que la Ruche avait cueilli n'était pas normal. Il s'exprimait peu, et quand il le faisait, le faisait très étrangement.
Il était très clairement la victime de troubles mentaux qui frisaient la folie. Une folie douce, infantile, fantaisiste mais une folie tout de même. En plus de ses délires réguliers, l'enfant fuyait tout contact. Ne réagissant qu'à des éléments très particuliers de son environnement. Des éléments ayant à voir avec une certaine forme de sensibilité esthétique.

C'est pour cette raison qu'on l'avait confié aux soins personnalisés d'une jeune Fileuse de Vie.
Une Nourrice qui n'était elle-même pas très nette, traînant derrière elle un passé de Sang-Âme.
Elle était vite apparue comme étant la personne parfaite pour ce travail délicat.
Et jusque là, rien n'avait contredit la clairvoyance des autorités de la Ruche.


*** ***

En pleine nuit, la Nourrice tire tendrement l'Orphelin de son sommeil. L'arrachant de son dortoir à grands coups de baillements intempestifs. Il la suit, sans mot dire, toujours confiant en les manigances de sa protectrice. Les deux se sont vite adoptés, après plus d'un an de cohabitation. Elle le tient par la main et l'entraîne doucement dans les couloirs de la Ruche. Labyrinthe de salles et de présences. Il se sent toujours inconfortable dans cet endroit, et les années ne vont pas le guérir de cette impression.
Pendant les secondes d'errance qui défilent, la Nourrice parle :


Tu as fait des progrès, ces derniers temps. Tu apprends à écrire, à lire et à compter.
Tu parles plus et mieux. Tu divagues moins. Ta curiosité grandit et tu t'intéresses à ce qui t'entoure.
Un ensemble de bonnes choses pour lesquelles nous ne pouvons que nous réjouir.
Ton esprit acquière les bases pour son épanouissement futur.
Mais il manque une chose indispensable à tout cela.
Et ce soir, je vais te montrer quoi.


L'étrange couple entre dans une petite salle sombre, que la Nourrice illumine bientôt du feu de nombreuses bougies.
Les flammes vacillantes révèlent les contours de la pièce et ses murs bleu-nuit, ornementés de points blancs et de fils.
Au centre, pendu par des câbles descendant du plafond, un tableau lévite au-dessus du vide.




L'enfant s'approche, fasciné, conscient que cette vision est en train de le changer à jamais.
Dans sa beauté, sa virtuosité, son élégance et dans son mystère, son propos, son sens caché.
Allégories, formes et éclats, fragments et couleurs, énigmes mystiques et poésie.
La Nourrice l'accompagne et pose une main aimante sur son épaule.


Kvetha la blanche, la cajoleuse. Muse chagrine, douce et triste.

Silence, coeurs qui battent, respirations hachées.

« Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poête pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
»

Umbre écoute le poème, avec la même intensité qu'il contemple le somptueux tableau.
Et, après un long moment, se détourne pour lever les yeux vers sa Nourrice.
Celle-ci comprend immédiatement son regard et sourit.

L'Art, mon enfant. Voilà ce que c'est. L'Art est la quête du Beau et de l'Absolu.
L'Art est la transcendance, l'illumination, l'élévation de l'âme, la vérité.
L'Art parle de l'univers. L'Art révèle ses secrets, ses mystères.
L'Art est la magie du monde, son rêve et son essence.
Le monde et l'existence sont un Tableau.
L'Art est son but et son moyen.


Elle se baisse et s'agenouille, pour se mettre à la hauteur de l'enfant.
En ce moment présent, une autre clef de son Destin prend forme.
Une clef complexe, tourmentée, sibylline et obsédante.

Et toi, Orphelin, tu seras un Artiste.



Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

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