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Sujet lancé par Shyama
Le 19-07-1507 à 23h17
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Posté par Shyama,
Le 12-01-1508 à 21h58
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Shyama

Le Julung 19 Julantir 1507 à 23h17

 
*** La banque... l'armurerie... les rues....
Enchanter... Clouer... aiguiser...

Les jours se suivaient et se ressemblaient pour la jeune artisane.

Le soir, elle se trouvait une ruelle abritée pour y coucher....
Elle savait qu'en allant à la Ruche elle aurait pu quémander un toit et un lit confortable.... Etant Anja, on le lui aurait donné. A regret, car la proximité de la folie n'était jamais agréable. Mais on ne refuse pas cela à une Anja.

Mais elle n'aimait pas avoir d'autre toit que le ciel étoilé.


Levant les yeux vers le crépuscule qui commençait à assombrir, elle sourit.
***


Bonsoir, Mère !

*** Elle s'installa le plus confortablement possible sur un vieux tas de chutes d'armures, rangea avec soin toutes ses possessions, puis cala sa tête contre le mur, les yeux fixés sur la voute céleste. Elle murmurait entre ses dents des mots sans suite. Des noms d'étoiles. Des idées. Cela semblait l'apaiser.

Et soudainement, elle posa ses mains sur ses tempes, s'agitant et se démènant. ***


Cela recommence ! Rhaaaaaaa... Va-t'en ! Sort de là ! Ce ne sont pas mes pensées.... Pas mon coeur !

Tu n'es pas moi ! Ce corps n'est pas le tien... Le Tableau me l'a donné ! A moi ! A moi !

Pourquoi es-tu si forte ces derniers temps ? Pourquoi ta voix surpasse-t-elle les autres ?

Répond, deuxième moi !


*** Mais visiblement, personne ne répondait aux attentes de Shyama. Epuisée, elle finit part s'endormir, au pied de son mur, sous le froid scintillement des étoiles... ***




Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Shyama

Le Sukra 21 Julantir 1507 à 02h45

 
Bonjour Nuage... Aurais tu le temps de t'occuper d'Himani et de mon armure?

*** Un peu étonnée de ne pas avoir pour réveille-matin un coup de pied dans les côtes, Shyama s'étira félinement, puis regarda celle qui interrompait de la sorte un rêve où elle était détriplée.

Une peau de lait, un visage connu.... Himani ? Oui, évidemment ! Neige de Kryg....
En voyant briller la longue lame de la Semeuse de Mort, l'artisane sourit, heureuse de retrouver une connaissance.
***


Ce sera un plaisir de leur parler à nouveau !

*** Alors que Nemès lui tendait une armure de cuir bouilli très endommagée et une Himani ébréchée, elle reprit : ***


Pourrais tu clouter mon cuir et l'enchanter légèrement? De même pour Himani, son caractère demande à s'épanouir... je sais qu'elle se sent bien entre tes mains!
Comment puis je te remercier pour ton art ?


*** Shyama passait ses doigts fins salis par l'ouvrage sur le cuir en piteux état, et surtout sur le fil endommagé d'Himani, l'air triste de les voir dans un tel état. En même temps, elle se posait des questions sans réponse, et semblait fâchée contre quelqu'un.... ou pour le moins en désaccord. Mais tout n'était qu'un murmure incompréhensible. Sa voix s'éleva un peu de sorte que Nmès comprit ceci : ***


Des p'tits clous, des p'tits clous, toujours des p'tits clous.... Il m'en faudrait un bon sac. Et l'armurière me réclame toujours 5 morions en échange.... Elle aime tellement les pierres.... Comme mon étoile, d'ailleurs....

Et mon étoile dit qu'il faut que je te réclame des morions.... Ou des objets de valeur équivalente. D'après elle, cela vaut 20 morions pour l'armure, clous compris. Et 5 pour parler avec Himani....

Et comme j'insiste pour les belles Neiges éternelles de Kryg, elle dit que je peux te faire les réparations gratuitement....


*** Le regard et les doigts de l'artisane passèrent délicatement du matériel abimé à la chair meurtrie.
Son air pouvait laisser penser qu'elle s'inquiétait un peu.
***


La neige aime beaucoup se parer du pourpre de la Vie.... Le Nuage ne la voit jamais qu'en ces habits !
Et pourtant, ce n'est pas sa place.... A l'intérieur, c'est là qu'il doit être.
N'as-tu pas peur qu'il décide de s'enfuir, un jour ?


*** L'air interrogatif de Shyama n'était pas dénué d'un sourire en coin, signe que l'humour n'était pas étranger à son esprit dérangé.

L'artisane fouilla dans son paquetage et sortit une armure de cuir clouté fleurant bon la graisse. Elle était teinte dans un joli gris pâle et était couverte d'innombrables petites têtes de clous scintillantes sous le soleil du matin. Un scintillement visiblement pas totalement naturel....
Toute une face intérieure de l'armure était couverte d'inscriptions.
Elle la posa dans les mains de Nemès en disant :
***


Il est Girilal, l'Enfant de la Montagne.... Si tu le veux, il est à toi. Il est pâle, il ne faut pas l'imprégner de ton rouge, où cela fera étrange.... Mais il l'empêchera certainement mieux de s'enfuir. L'Enfant de la Montagne est un bon berger pour la Vie. Il la garde, la ramène à sa bergerie saine et sauve....
Ma mère m'a dit : Ta soeur à la Lame aura besoin d'un Enfant fort pour la protéger ! Alors j'ai fait Girilal.

Mais, si la cime de Kryg voulais quelque chose d'autre, de précis, je me servirai de sa vieille peau, selon ses instructions !


*** Pensivement, elle faisait courir ses doigts sur Himani sans même la regarder, mais sans non plus se couper, tandis que Nemès observait l'armure, et lisait les inscriptions, en verticale : ***

Rapide comme le vent, Calme comme la forêt, Implacable comme une montagne.
*** Trois phrases nominales que bien souvent les enseignantes de la Ruche répétaient à leurs apprenties danse-lame.... Un but à atteindre, un exemple à suivre.

Et, de l'autre côté, horizontalement : ***
Je suis Girilal, né des blancs sommets scintillants protecteurs de Kryg.
En bon fils, je protège ma Liadha (mère).


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Nemès

Le Sukra 21 Julantir 1507 à 05h26

 
*** Nemès haussa pensivement les épaules quand la jeune tydale sembla s'inquiéter pour elle. ***


- Himani avait soif, alors j'ai profité d'une petite promenade autour de la cité pour l'abreuver... Il ne fait pas bon se promener seule hors de nos murs en ce moment... quoi que la zone ouest est maintenant un peu plus dégagée.

*** Tout cela paraissait le plus naturel du monde pour Nemès. Par cela, entendez des vêtements lacérés en de nombreux endroits, laissant ça et la entrevoir la blanche peau de la Semeuse, striée de rigoles de sang séché.
La tydale se laissa choir avec un peu moins de souplesse qu'à son habitude, et étendit sa jammbe blessée. Une petite crispation des machoires, ca faisait encore rudement mal. ***


- La danse est un échange la plupart du temps... il faut rarement compter abreuver sa propre lame, sans que celle de tes adversaires ne goûtent à ton sang également...

*** Elle laissa échapper un éclat de rire cristallin, comme s'il y avait là quelque chose de drôle. Shyama lui présenta alors Girilal. l'Enfant étant souple et rigide à la fois. Nemès l'enfila après avoir lu les inscriptions.
Les reflets des lumières nocturnes sur les clous étaient magnifiques, presque surnaturelles, et la légèreté de l'armure donna envie à la tydale de danser. mais rien qu'à y penser, sa hanche la lançait... ***


- Tu oeuvres vite et bien Anja... Il me faut effectivement apprendre le calme de la forêt.

*** Un autre petit éclat de rire, suivi d'un sourire. ***


- J'ai presque honte de te ramener à chaque fois tes oeuvres abîmées! Mais tel est le prix des quelques zone de la neige qui ne sont pas maculées du tiède vermillon dont mes ennemis festoient tandis qu'Himani leur rend la pareille.

*** Nemès prit la main de l'anja, et y déposa une petite bourse avant de refermer les doigts de l'Artisane dessus de son autre main. ***


- Danhya... je me demande ce que deviendrait la neige sans le nuage... Merci d'être ce que tu es.

*** La Semeuse laissa quelques instant un regard bizarrement intense plongé dans celui de Shyama, puis relacha sa main avant de s'étirer comme un chat. ***


- Nuage... Tu aimes dormir sous les étoiles?



 
Shyama

Le Sukra 21 Julantir 1507 à 15h22

 
*** Toute l'attention de Shyama était concentrée sur l'ouvrage qu'elle avait entreprit, enchanter Himani, si bien qu'on avait l'impression qu'elle n'arrivait pas à percevoir ce qu'on pouvait lui dire. Mais, sans lever la tête, elle sourit : ***


C'est ainsi que le Tableau est peint : L'artisane forme la lame.... la guerrière danse, use le métal.... Et l'artisane peut à nouveau travailler, afin que la danseuse puisse exécuter ses pas pour le Tableau, jusqu'à la Fin....


Et c'est le devoir du Sombre Nuage d'apporter son ombre à la Neige de Kryg. Sinon, elle ne serait pas éternelle. Le brulant Soleil les ferait fondre. C'est ainsi que c'est écrit.


*** L'artisane soupesa la bourse, puis la posa négligemment à côté d'elle, semblant réfélchir à la dernière question de Nemès. ***


Lourdes sont les pierres... Trop lourdes peut-être....

Le Nuage aime... dormir sous le regard de sa mère... et lire dans les yeux de ses soeurs. Mais elle sont si froides.... parfois mon corps en est agité sans cesse de mouvements.... Comme lorsque la Terre à tremblé l'autre fois....

Et le cotonneux Nuage aime aussi les lits douillets.

Mais il n'a pas le choix. Pour être libre, il va là où le vent le pousse. S'il n'y avait pas de vent, il tomberait. S'il était enfermé

*** Elle désignait la Ruche. ***
Il se mettrait à pleuvoir et dépérirait.
Mais parfois, le Nuage aimerait une cime de montagne à laquelle se fixer, pour s'y reposer, car le Vent n'a pas de relâche et le pousse n'importe où.


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Nemès

Le Dhiwara 22 Julantir 1507 à 11h57

 
- Le nuage.

Si loin, si proche...

Si éternel, si fluctuant...


*** Nemès sourit, songeuse. ***


- Mais le nuage ne sera vraiment libre qu'une fois qu'il aura assuré son dû... Alors seulement il pourra parcourir les cieux à sa guise.

*** La Semeuse roula sa cape en boule pour s'en faire un oreiller et s'allongea, le visage levé vers les étoiles. ***


- Perle de lumière qui me surplombe,
Je ne suis qu'éphémère, voici ma tombe...


*** Le bras de la tydale se leva, main ouverte. ***


- Prête moi ta lueur pour éclairer mon chemin,
Ecarte de moi la peur de ne plus être là demain...
Mais le chatoiement stellaire serait-il aussi fascinant,
Si de la poussière il n'était pas aussi distant?


*** Nemès laissa retomber son bras doucement. Elle était faible, il lui fallait du repos et la présence de l'anja semblait la rassurer suffisament pour qu'elle se laisse veiller par elle : après tout, si elle lui confiait Himani, alors elle pouvait lui confier sa vie. ***


- Shyama, le sommeil ne va pas tarder à m'emporter... Réveille moi quand tu en auras fini avec Himani...

*** Quelque secondes après, Nemès, exténuée, avait effectivement sombré, laissant entendre un respiration lente et régulière, son visage lisse parfois agité de quelques soubresauts... ***




 
Shyama

Le Dhiwara 22 Julantir 1507 à 15h26

 
*** Shyama avait travaillé toute la nuit sous le ciel étoilé, à la lueur des lunes, dans leurs phases pleines. Un moment qu'elle appréciait par-dessus tout. Elle en disait couramment que ses oeuvres n'en étaient que plus belles.
Dans sa tête trottaient les paroles de Nemès, tandis qu'elle réparait Himani. Si belles.... Si vraies....

Elle jeta un coup d'oeil à la forme pâle étendue à ses côtés....
Si calme, si lisse et pourtant si agitée..... Elle aussi avait son propre tourbillon intérieur, visiblement. Mais elle, avait décidé de n'en rien laisser transparaitre.
***


C'est ainsi qu'est la neige....
Blanche aux douces courbes, lisse et cotonneuse, brillante et froide en apparence.... Mais qui sait quelle congère ou quel volcan se cache dans ses profondeurs, quand elle se transformera involontairement en traîtresse à sa personnalité ? Seul l'infortunée victime de ses attraits le saura jamais.
Mais tout le monde se méfie de la Neige. Précaution..... et pourtant, bien souvent la neige reste elle-même.... Prévisiblement imprévisible.
*** murmura-t-elle.

De ses deux mains jointes, elle leva vers le ciel Himani, à la verticale. Lourde mais bien équilibrée. Les rayons lunaires vinrent faire scintiller l'épée à deux mains de cet étrange reflet bleuté, glacé, et donnant l'impression qu'elle était transparente.... Shyama la laissa retomber, retenant sa chute. Dans le mouvement, la lame effilée de neuf lui trancha légèrement la paume de la main. Elle n'émit aucun cri, habituée qu'elle était à ce genre de facéties de la part de ses compagnes de la vie. Un sentiment de froid envahit l'artisane, et elle frissonna. Elle reprit, toujours à voix basse : ***


Maintenant que la vie est revenue en toi, tu es pressée de t'abreuver, n'est-ce pas, impatiente ! Mais on ne mord pas la main qui te met au monde pas plus que celle qui te nourrit. Car bientôt certainement, tu auras besoin de moi pour atteindre un niveau de conscience supérieur.... Epargne ton fil, tranche sans relâche, grand pic de glace, et protège les Neiges, lorsque le Nuage n'est pas là.

*** Elle regarda à nouveau Nemès, qui semblait s'être un peu apaisée pour le moment et avait un aspect un peu plus reposé. Elle se résolut à désobéir à ses instructions, et, au lieu de la réveiller, étendit une couverture sur la tydale.
Elle rengaina la longue lame et la déposa aux côtés de la danse-lame, y rajouta la monnaie de la bourse qu'elle lui avait donnée... 5 morions de trop....
Profitant des lunes toujours claires, elle se mit en devoir de réparer la vieille armure de cuir bouilli de la Semeuse, afin de voir ce qu'elle pourrait en faire.
Elle semblait insensible à la fatigue, comme si cette nuit claire lui donnait de nouvelles forces.

Au petit matin, seulement, avant que la ville s'éveille, elle posa ses outils et se rapprocha de Nemès, qui dormait toujours, mais avait le visage un peu plus reposé.
Elle approcha doucement ses doigts fins de la peau blanche qui la fascinaient toujours autant et la caressa délicatement comme elle caressait ses lames. Une lame vivante et pensante ! L'oeuvre ultime !

Elle approcha le revers de sa main du visage de la tydale et en caressa maternellement sa joue. ***


Neige de Kryg.... Le Soleil t'appelle.
Tu aurais mieux fait de dormir à l'Auberge du Lac qu'avec la Folle des Rues.... Tu aurais peut-être mieux récupéré de tes blessures....

Himani revit, elle est assoiffée.... Comme toi tu es assoiffée de vivre....

Neige de Kryg.... prend garde à la conserver, et n'aies pas peur de suivre tes étoiles ni de t'écouter.... Si tu ne te parles pas, si tu ne te comprends pas, si tu ne t'aime pas, comment pourrais-tu aller dans la même direction que toi-même ?
Moi, j'aime toutes les Neiges de Kryg !


*** Elle se leva lentement et regarda vers le lac. ***


Le Sombre Nuage va se ressourcer et s'éclaircir dans la grande étendue.... La poussière le rend plus sombre qu'il ne le devrait....
Cela ferait aussi du bien à Neige de Kryg, je crois....


*** Shyama se mit à refaire son paquetage, visiblement décidée à aller prendre son bain. ***


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Nemès

Le Dhiwara 22 Julantir 1507 à 21h45

 
*** Les yeux de Nemès s'ouvrirent d'un seul coup quand l'Artisane l'éveilla.
Quoi qu'elle en dise, cette nuit passée à ses cotés lui avait fait un bien fou. La tydale fit jouer sa jambe pour en vérifier l'état.
Pas encore génial.

Quand Shyama lui tendit Himani, elle s'en saisit avec douceur des deux mains et posa son front contre le plat de la lame, comme on embrasse l'être aimé.
Examinant le fil de l'arme, elle s'aperçut que l'enchantement le rendait tellement fin, afuté, qu'il en devenait presque difficile de le distinguer clairement.
Un fin sourire étira la comissure de ses lèvres. Le croc de glace n'en serait que plus mordant.

La Semeuse se leva et enfila Girilal, autant pour en éprouver à nouveau le confort que pour masquer la déchirure qui lui mettait le dos à nu. Il allait falloir qu'elle aille renouveler sa garde-robe... La tydale boucla par dessus son fourreau dorsal. ***


- Merci de ton conseil Anja... Mais tu sais aussi bien que moi que seul décide le Tableau. Et sa décision envers moi est marqué du sceau de la douleur. Ho oui, j'écoute les étoiles... elles ne me laissent guère de choix...

*** Nemès se tourna vers la rue. D'un geste souple, Himani virevolta et vint se percher dans son dos, blottie dans son fourreau. ***


- ... A moi de t'en donner un également.

Profite de l'eau apprivoisée de la ville, car sur les berges du lac tu ne trouveras que les cadavres des créatures dont Himani a pris la vie, ainsi que ceux qui n'en sont pas encore et qui m'ont mis dans cet état, m'obligeant à trouver refuge en ville... Une Anja aussi précieuse que toi ne devrais pas aller par là bas.

Mais si tu y tiens vraiment, fais moi signe, et je demanderai l'autorisation de te dégager une zone sûre...


*** Boitillant légèrement, Nemès s'éloignait déjà. Sans se retourner, elle salua de la main Shyama. ***


- Au cas où, je serai en ville encore quelques temps, l'histoire de me refaire une santé...

*** Elle était partie en oubliant - ou en laissant à dessein, qui sait? - les cinq morions supplémentaires. ***




 
Shyama

Le Dhiwara 22 Julantir 1507 à 22h18

 
*** Shyama finit de ramasser ses affaires pensivement, et remit dans sa bourse les morions oubliés.
Assurant son lourd paquetage sur son dos, elle se dirigea droit vers le port. Les rues étaient encore calmes et vides, elle avançait sans encombre.

Arrivée entre la jetée principale du port et le marché, elle déposa toutes ses affaires dans un coin, et se déshabilla totalement, sans même se soucier de savoir si quelqu'un la regardait faire ou non.
La totalité de ses tatouages ainsi révélés impressionnaient par la surface qu'ils recouvraient.... Par endroits, il avaient d'étranges formes.... Comme déformés par l'étirement de la peau. Ils semblaient être là depuis son enfance.
Sur son dos, les traits incarnats se faisaient plus denses et plus fins, comme une étrange écriture mêlée à des dessins harmonieux.

Frissonnante, elle pénétra dans l'eau froide, se glissant entre deux petits bateaux de pêche qui clapotaient doucement sur le lac et commença ses ablutions.

Puis elle nagea un peu, plongea, semblant prendre plaisir à ce jouer de l'eau, indifférente aux pêcheuses qui la regardaient, habituées à la voir en cette posture le matin.
***


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Shyama

Le Matal 24 Julantir 1507 à 23h00

 
*** Shyama regardait sous toutes les coutures depuis une bonne demi-heure deux turquoises qu'elle venait d'acheter au marché, et les plus jeunes passants se moquaient d'elle, mais elle ne semblait pas s'en préoccuper.

Elle finit par les remettre dans la bourse où elle les rangeait.
La nuit commençait à tomber, et elle l'attendait depuis bien longtemps, cette nuit-là.... ***


Te voici, mère.... La Nuit qu'une autre Nuit m'a indiquée. Toi-même tu t'es désignée une autre fois....



*** Elle s'installa dans une nouvelle ruelle, pour y dormir. Elle n'aimait pas rester toujours à la même place. Et les habitants non plus.... Ils la chassaient parfois à coup de pierre, plus pour l'effrayer qu'autre chose, évidemment, car il la savaient ne pas être bien méchante....

Elle regarda le ciel maintenant bien noir, où brillaient déjà quelques loupiotes.

Alors, elle s'empara d'un paquet soigneusement enveloppé, bien caché au fond de ses affaires, et l'ouvrit précautionneusement.

Tout d'abord, elle en sortit une longue et fine épée dans sa gaine de cuir. Elle la tira hors de sa protection, et la présenta vers le Ciel comme on présente une offrande à un dieu.
Elle était longue et fine. Une longue rainure de plus en plus profonde courait tout le long de son centre, pour finir par devenir un trou, près de la garde. Elle était ornée de fines gravures représentant, pour les danse-lame qui savaient les lire, des signes mnémoniques d'une chorégraphie mortelle.
***

Jamini, ma mère, j'ai écouté tes paroles....
Tu as dit : "Ta soeur, Celle qui Danse, aura besoin d'une Lame pour être entière danse-lame. Elle aura besoin d'une partenaire enjouée pour ses pas compliqués."

Alors, j'ai fais Lilamayi... Celle qui danse, joue dans le Tableau !

Tu te souviens? Je ne l'avais pas fini, mais j'avais commencé à t'expliquer....
Par ce trou-ci, elle chantonne gaiement lorsqu'on la fait danser... Je me suis inspiré de Gitali pour cela, mais la chanson de Lilamayi est moins élaborée.... Par contre, elle danse mieux.... Vois comme elle virevolte au vent ! C'est qu'elle n'est pas équilibrée comme les autres lames.... Cela la rend imprévisible, et si légère dès qu'elle prend de la vitesse. Regarde cette éclat joyeux qu'elle a lorsqu'elle est en mouvement....
Elle te convient toujours, n'est-ce pas?


*** ...
Un long moment de silence. Shyama, les yeux rivés au ciel, semblait lire un livre, car seules bougeaient ses lèvres et ses yeux.
... ***


Oui, oui, ne t'inquiète pas.
Je le savais.

Ensuite, Nuit ma Mère, tu as dis ceci : "Ta soeur à la Lame aura besoin d'un Enfant fort pour la protéger !"
Alors j'ai fait Girilal. Mais tu as dis : Tu t'es trompée de soeur. Girilal n'est pas l'enfant du Tableau, pas l'Enfant de Celle qui Tranche le Fil du Destin. Tu as précisé : "le Tableau sera son manteau".

Alors j'ai fait Sahadev, les Mailles. J'ai vu les Pêcheuses. J'ai lu tes Pêcheuses.
Regarde, sur le cuir, j'ai transformé les clous en mailles.... Comme une chemise de maille, mais en plus léger... Et chaque Maille est une Maille de la Tenture du Tableau.... Elles sont un destinée, une Union.... Et tous les Enfants du Destin ensemble forment un Tableau Fort.


*** Et cette fois-ci, elle tendait vers le ciel un ensemble de cuir visiblement taillé pour un corps de femme. Il n'était fait que pour protéger les points les plus vitaux tout en préservant avant tout la mobilité, la légèreté.... Un costume de danse. Le cuir sombre était recouvert d'un nombre infini de petites plaques octogonales ressemblant un peu à ces griffes sur lesquelles les bijoutiers montent leurs pierres pour en faire des bagues. Et ces plaques étaient reliées entre elles par une nombre encore plus grand de mailles de métal. Le tout donnait l'impression d'un filet aux mailles serrées dont chaque noeud aurait été une étoile. Un filet brillant étendu sur une Nuit de cuir brune.
***


C'est cela n'est-ce pas ?
Et quand ?
C'est vrai, si tôt ?


*** Le sourire aux lèvres, Shyama se laissa à aller, appuyant son dos contre le mur de la maison devant laquelle elle était installée.
Après un moment à discuter encore avec le Ciel, elle rangea son paquetage et s'endormit, visiblement heureuse. ***


Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Shyama

Le Julung 26 Julantir 1507 à 21h41

 
*** Shyama s'acharnait à tailler ses turquoises, toute le journée. Elle voulait comprendre. Apprendre. S'améliorer. Créer.
Avec des gestes précis, attentionnés, elle maniait le ciseau et le marteau, si durs, si petits.
Déjà, elle avait réussi à en créer une. Une turquoise taillée, qui serait probablement revendable. Mais elle n'était pas satisfaite. Elle pouvait mieux faire. Elle devait mieux faire.
Enlever un peu de matière par ici... creuser par là....

Soudainement, la tydale laissa tout tomber au sol avec grand fracas, elle qui prenait tant de précautions tantôt à manipuler les objets.

Ses doigts enserraient convulsivement ses tempes.
***


Noonn pas encore !
Cela recommence !
Petite Etoile, arrête-moi ça !


Sitara dit :
Quoi, ça ?


Mais ça... cette chose... elle vit dans mon corps.... Sa peau est la mienne, sa main m'appartient... et pourtant elle sait faire des choses que jamais je n'ai pratiqué !

Sitara dit :
Pour changer... Je ne comprend absolument rien à ce que tu racontes !


Là... Ecoute ! Une voix... Quelqu'un me parle... me réprimande, et pourtant il n'y a personne ici !
Elle veut que j'aille me battre... On dirait... on drait la voix de cette faucheuse... cette guerrière d'Utrynia aux soeurs jumelles !

Il n'y a que toi qui transmet les voix !


Sitara dit :
Si je puis me permettre, des voix, tu ne m'as pas attendue pour en entendre.... Là j'y suis pour rien... Enfin... je crois !


Je t'en prie... fait que cela cesse.... Je veux récupérer mon corps... ma peau... mes sensations... je ne veux pas me battre ! Je veux arrêter d'avoir envie de danser, alors que je ne sais pas.
Je veux arrêter de vouloir éliminer les engeances du S'sarkh, alors que je suis une Anja pacifique et sans défense !
Mon Thème n'est pas celui-ci !

Elle est si proche... dehors et dedans... Tout près... Je peux presque la voir...



Shyama,
Sombre comme un Nuage

 
Shyama

Le Sukra 12 Jangur 1508 à 21h58

 
*** Cette fois, Shyama s'installa contre une maison, face au quai.

Seule Kvetha était visible pour l'instant, rendant la nuit claire, et se reflétant sur quelques rares plaques de neige épargnées par l'activité de la cité. Les bateaux de pêche, amarrés, grinçaient doucement, se heurtaient parfois au ralenti.

Elle leva les yeux vers le ciel glacé dans lequel scintillaient les étoiles, milliers de flocons suspendus dans leur chute.
Elle souffla pour voir s'élever de sa bouche vers le ciel un nuage de vapeur.

Elle murmura : ***


Mère....



Mère.... Pourquoi ce silence ?


*** Soudain, elle se prit la tête entre les mains. ***


Aaaaah les Voix !
Silence !
Silence ! C'est ma tête ! Mon esprit ! Cesse d'y crier ! Oui, toi! Celle qui hurle dans une langue que je ne reconnais même pas ! Cela résonne, je ne m'entend plus penser !


Sitara dit :
Voilà qu'elle se met à demander à une Voix imaginaire d'arrêter de crier dans une langue inconnue... Mais al Voix peut-elle comprendre le tydale, là est toute la question... Sinon, cela restera un dialogue de sourds... ou de folles. Aaah, on dirait que la Voix Etrangère cesse de vociférer... Elle n'avait pas l'air très contente.... Tiens, voilà que les Voix tydales se réveillent :


Enfanter.... Il est... devoir... temps.... KARNA !
...responsable.... Tableau.... le fil.... qu'il reste.... la Fin.... trancher.... mêle.... nouveau... nœud... lier...


*** Les Voix s'entremêlaient, tentant de se faire entendre toutes en même temps, et formant un flot continu, comme le bruit d'un torrent de montagne. Quelques mots seulement parvenaient à surpasser les autres avant de retomber dans le grondement continu, et céder la place à d'autres mots, tissant une phrase sans le moindre sens. ***


ASSEZ ! Le Nuage sait. Le Nuage a vu. Le Nuage a lu son Thème. Mais elle n'a pas envie.... Elle a peur.... Elle ne veut pas souffrir.... Elle ne veut pas qu'un mâle lui....

*** Son ton se fit suppliant, et elle chouina : ***

Mèeèere... Je vous en prie, dites-moi !

*** Alors que deux larmes coulaient sur ses joues, elle décrypta le ciel et les astres pendant un long moment.

Elle eut finalement un soupir résigné. ***


Le Tableau est gravé. Il ne peut être effacé. Ses nœuds ne pourront être défaits, seuls lui peut rompre ses propres fils.

Demain, le Nuage ira à la Ruche, puisque Mère insiste.


Shyama,
Sombre comme un Nuage

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