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Le Matal 26 Jangur 1510 à 21h59
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| Il faisait presque nuit lorsqu'Arkana se présenta devant les portes de l'imposant édifice qui abritait les plus féroces guerrières du Matriarcat. Le Fleuron du Fatalisme, prêt à tout pour servir sa Faction. L'ancienne Némésis réajusta sa capuche et ramena en arrière une longue mèche de cheveux. La Voroshk avait fait des efforts pour l'occasion : armure propre -mais portant les entailles de trop nombreux combats-, gants de cuir, bottes hautes et moulantes -simples, élégantes-, capes dénuée de fioritures. Les nattes blondes d'Arkana étaient ramenées en arrière, formant des dread-locks improbables où s'entremêlaient perles et petits anneaux de bois ou de métal. Le tatouage violet qui ornait le visage de l'ancienne tueuse lui donnait des allures lugubres, se découpant sur la pâleur presque maladive de la peau de la Déchue.
Arkana ne prit pas la peine de frapper. Elle était entrée de nombreuse fois dans le bâtiment et -à qui lui demandait- affirma simplement qu'elle venait échanger avec ses anciennes compagnes. La voix était posée, la Déclinante ne semblait pas agressive. La Voroshk passa les contrôles sans mal. La forteresse des Lames n'hébergeait pas des femelles dénuées de défenses -elles étaient toutes loin d'être d'inoffensives Anja's.
La Voroshk se dirigea immédiatement vers la salle d'entraînement, ignorant les différents regards qui se posaient sur elle. Dans la pièce où Dansaient quotidiennement les Guerrières, la Libertaire repéra les Némésis's et leur indiqua d'un signe de tête qu'elle désirait leur parler. S'adressant à la plus vieille et la plus respectée de celle qui lui répondit, Arkana demanda s'il était possible de rassembler les sorcières dans une salle à part, pour "simplement discuter". Elle n'obligeait personne à l'écouter et ne désirait pas perturber l'entraînement des Filles du Fatalisme.
Simplement cherchait-elle des réponses... Arkana semblait désorientée et avide des paroles de ses anciennes Soeurs de Sang... Si son regard n'était pas implorant, on pouvait sentir une certaine détresse dans la démarche de l'ancienne combattante.
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Le Julung 28 Jangur 1510 à 10h05
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| *** Maëlys, bien qu'appartenant au corps des Némésis, elle passait la plus part de son temps dans la salle d'armes.
Elle passait sont temps a regarder les guerrières faire leurs gammes, spectacle fort intéressant, une recherche de la perfection constante à chaque mouvement. Elle aimait leur acharnement au geste parfait. Cependant le souci majeur de la tydale était de pouvoir expliquer aux combattantes son art, Comment expliquer simplement l'Entropie sans être soporifique, Maëlys était certaine de pouvoir le faire en regardant les méthodes d'apprentissage des maîtres d'arme. Elle avait déjà compris que la théorie n'avait aucune place ici, seul une démonstration pouvait être le meilleur moyen d'arrivé à ses fins. Mais comment faire cette démonstration? La était son principal souci.
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*** Une des jeunes Némésis s'approcha de Maëlys. ***
Némésis Maëlys, vous êtes attendu dans la salle d'étude de magie, nombre d'entre nous s'y trouve déjà.
Ha ? Est qu'elle est le sujet de cette réunion?
Vous devriez veni,r vous aller avoir un choc, la Voroshk est l'instigatrice de cette réunion.
*** La tydale se leva d'un coup, étonné par le choc de cette nouvelle. ***
*** Arkana Voroshk est de retour ici, étrange que peut elle bien nous vouloir se demanda t'elle. ***
Bloody dit :Tu devrai te méfier tu sais.
*** Maëlys rentra dans la pièce en dernier dans la salle d'étude, elle commença à incanter en Anarkan,sous les regards ébahis de ses congénères, son corps se mit à luire d'une couleur rouge sombre tout en maintenant un sourire en coin en signe de défi à la Voroshk. ***
J e suis prête, et encore désolé pour mon retard mes soeurs dit elle, tout en allant s'asseoir au fond de la salle pour anticiper toute action néfaste.
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Le Julung 28 Jangur 1510 à 18h39
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| Il y avait une quinzaine de sorcières -et un mâle- rassemblées et mélangées avec quelques guerrières, principalement en train de discuter plus que s'entrainer, vu l'avancée de la soirée.
Avant leur intégration au Fatalisme les Nemesis avaient, comme les Erudites ou autres membres de l'Art, des locaux à disposition à la bibliothèque, mais du fait de leur rôle de guerrières, elles restaient aussi beaucoup (et surtout) à la salle d'entrainement, et avec les Lames.
Depuis leur intégration au Fatalisme, les quartiers des lames étaient donc aussi devenus les leurs, et c'était là qu'elles se réunissaient désormais, lorsqu'elles n'étaient pas en mission.
Quand Arkana vint les voir et leur demander de se réunir, la majorité d'entre elles suivirent.
La Némésis à qui Arkana s'était adressée, Eldra Lhess, était de fait une des plus vieilles et respectées de l'ensemble de la profession. La cinquantaine passée, age relativement exceptionnel pour une combattante, depuis quelques années elle endossait désormais le rôle de mentor et professeur pour les Nemesis de Kryg.
Elle n'en faisait pas étalage, mais elle avait la réputation de maitriser à la perfection les quatre sphères d'arkan.
Lorsque Maëlys entra à son tour, Eldra Lhess lui lança un regard non pas ébahi -le maniement de l'arkhan était certes moins courant, mais pas pour autant exceptionnel- mais au contraire vaguement réprobateur : ce n'était pas le lieu ni le moment pour déclencher de quelconques hostilités.
Puis elle se tourna vers la libertaire, la détaillant d'un regard neutre, peut-être juste vaguement curieux.
Voilà bien longtemps que nous ne t'avions pas vue ici, Arkana.
Tu voulais nous parler, tu as la parole. | |
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Le Julung 28 Jangur 1510 à 18h49
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| D'un regard, Arkana remercia chacune de sa présence. Elle connaissait ces Tydales ; avait longtemps combattu à leurs côtés. La Voroshk était entrée très jeune chez les Némésis's. Cette fonction, c'était sa raison d'être. De vivre.
Sa Fierté.
Nulle, en cette salle, ne devait l'ignorer -à la seule condition d'avoir côtoyé Arkana un temps soit peu durant ces longs cycles de combat.
Le regard ténébreux, voilé par l'ombre de la folie, passa de Maëlys à sa voisine, du mâle à la plus jeune puis finit sa course sur la Doyenne. Déférence profonde et sincère.
Arkana souffla un grand coup et tenta d’apaiser les remous de son Âme –incessants depuis son éviction-, avant de demander d’une voix qui se voulait posée :
Mes Soeurs. Respectées Guerrières... Sage Lhess. Je ne viens pas contester ma destitution ni m’apitoyer sur mon sort. Je ne viens pas vous pousser à vous révolter ni semer la dissension. Je viens… tenter de comprendre.
L’ancienne Némésis leva un doigt en l’air, pour énumérer ses questions. Première interrogation, donc :
Êtes-vous satisfaites de la fusion avec le Fatalisme ?
Bien entendu, l'interrogation sous tendait l'argumentation des gains que les Némésis's avaient tiré du regroupement...
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Le Vayang 29 Jangur 1510 à 20h09
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| Lorsque la libertaire demanda aux Nemesis si elles étaient satisfaites de leur récente condition, avant que Maelys ne réponde un rire s'élèva parmi les non symbiosée.
Si on est satisfaites de la fusion avec le Fatalisme ? Qu'est-ce que tu crois, soeurette ? On l'a demandée, cette fusion ! Bien sûr qu'on est satisfaites ! Tu trouves qu'on a plus notre place dans une bibliothèque poussiéreuse ?
Le rire et la réponse provennaient de Kordel, une entropiste connue pour son franc-parler, son sens de l'humour parfois peu conventionnel et son caractère insaisissable.
Après l'intervention de Maëlys, Eldra Lhess prit à son tour la parole, mais c'est d'abord à cette dernière qu'elle s'adressa :
L'autre camp ?
L'autre camp est celui de l'Artisan du Déclin, liadha. Les Lames sont dans le même camps que nous.
Voilà déjà une chose à ne pas oublier. Ajouta-t-elle en se tournant vers Arkana.
Et pour te répondre, Arkana, oui nous en sommes satisfaites. Comme le dit Kordel, c'est nous qui désirions ce changement. Pour l'instant nous n'avons aucune raison de le regretter. Notre statut de combattantes est enfin ouvertement reconnu. Nous avons désormais voix au chapitre dans les domaines qui nous concernent.
Nous côtoyons à égalité nos soeurs d'armes, et nous le faisons justement plus facilement maintenant qu'une Cariatide nous unit.
Il reste peut-être du chemin à parcourir, mais ce chemin a maintenant le mérite d'exister.
Pourquoi penses-tu que nous pourrions en être mécontentes ? | |
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Le Sukra 30 Jangur 1510 à 10h41
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| Arkana écouta avec attention les différentes interventions puis répondit calmement à la question de la Doyenne :
Intégrer le Fatalisme offre des avantages, en effet. En terme d'image, surtout. Mais la façon dont nous l'avons intégré m'a... chagriné. Le Fatalisme est une Cariatide millénaire, fondée sur l'Art guerrier. Or, depuis des cycles et des cycles, seules les Lames en faisaient parties. Le Fatalisme a pris leurs valeurs et il me semble que, lorsque nous l'avons intégré, on a attendu de nous que nous adoptions ces valeurs. Esprit de groupe et entraide, à l'image des Escrimeuses qui Dansent d'une façon très soudée.
Les Faucheuses on ainsi été explicites sur leurs désirs de nous voir intégrer leurs groupes, comme une pièce complétant un puzzle.
Toutefois... il me semble -je m'exprime ici de mon humble point de vue- que les valeurs des sorcières de combat ne sont pas celles de l'esprit de groupe et de l'entraide. Une sorcière, pour survivre dans la bataille, doit être centrée sur elle-même. Nous avons une faiblesse physique que les Lames n'ont pas et que nous comblons de nos sorts, nous obligeant à un certain égoïsme lors de toute Danse. De plus, notre Art est complexe et notre gestion difficile. La confiance en notre discernement s'est considérablement affaiblie depuis la Fusion, à ce que j'ai cru remarquer.
Une pause. Arkana cherchait ses mots, tentait de faire court et clair :
Nous mettre sous la direction de Faucheuses Lames n'avait pas de sens à mes yeux. Nos chemins sont parallèles au Fatalisme, point communs. Si notre but est le même : servir le Matriarcat par un Art guerrier, nos cheminements sont différents -voir radicalement opposés. Les unes se servant de la réalité de leurs forces, les autres usant d'une manipulation de la Trame pour combler la faiblesse de leur simple matérialité.
Ainsi, j'ai la cruelle impression que la fusion fut plutôt une assimilation et a entraîné notre "moulage" dans les valeurs des Lames. "Moulage" qui ne m'a personnellement pas convenu, du fait de son inadéquation avec ce que je considère les nécessités de mon Art... Indépendance et réflexion personnelle.
Respectée Lhess, vous dites que nous avons voix au chapitre. Je n'en ai vraiment pas eu l'impression. J'avais plutôt le sentiment de devoir justifier le moindre de mes actes, la moindre de mes différences avec les Lames. L'impression d'être jugée et le sentiment de devoir me conformer à un rôle qui n'avait jamais été le mien auparavant. Les Lames attendaient quelque-chose de nous, quelque-chose qu'il n'a jamais été convenu que nous leur accordions ; des avantages à notre venue dans "leur" Caritatide si soudée et hiérarchisée... J'ai eu... le sentiment qu'on cherchait à nous conformer à une norme qui niait les spécificités de nos Danses...
D'être une pièce de puzzle difforme qu'on tentait de faire coller à un ensemble lisse et dénué de nuance. Il fallait que j'adopte les valeurs des Lames pour subsister. Elles étaient explicitement mes supérieures, mes modèles. Pourtant, je pensais que le Fatalisme était pluriel, qu'il ne se limitait pas, pour un unique objectif, à un unique chemin.
Une minute de silence. Puis les yeux triste se reportèrent vers Kordel et s'emplirent d'une malicieuse complicité. Arkana ne remettait pas en cause les paroles de l'entropiste mais essayait simplement de les nuancer...
Kordel, je suis d'accord avec toi : notre place est dans les rangs des guerrières, non celui des grandes savantes. Toutefois, il ne faut pas extrapoler. Nous comblons par l'esprit ce que la nature n'a pas accordé à notre corps. Nous ne pouvons nier que notre apprentissage se base sur un savoir millénaire et sur des sortilèges qui s'acquièrent et se maîtrisent avec force d'intelligence et de réflexions. Notre Art ouvre un monde de possibles immense ; bien au delà de la simple normalité, et si nous sommes avant tout des combattantes, nous ne pouvons nier que la magie est étroitement liée à l'univers de l'Erudition.
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Le Matal 2 Fambir 1510 à 23h54
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| Lorsqu'elle répondit à Arkana, après un bref instant de réflexion, la Némésis ne cachait pas une certaine perplexité :
Liadha, tu dis qu'on nous a demandé d'intégrer les valeurs du Fatalisme... Mais ces valeurs étaient déjà les nôtres.
Contrairement à ce que tu sembles penser, l'entraide et l'esprit de groupe fait tout autant partie de nos façons d'être que de celles des Lames.
Ce sont les valeurs du Matriarcat, celles qui nous permettent de perdurer pour pouvoir assister au Déclin.
Quant à la faiblesse physique que les Lames n'ont pas ? Le D'hapu touche toutes les tydales, qu'elles soient lames, sorcières, musiciennes ou autre.
Nous sommes toutes vulnérables. Toi moins que nous peut-être, grâce à ta symbiose.
Mais notre art ne requiert nulle indépendance, pas plus qu'un autre. Manier une arme demande tout autant de concentration, d'habileté, et ne laisse pas plus droit à l'erreur.
Et au contraire, en cas de blessure une non lanceuse de sort est bien plus démunie que nous.
Là où tu penses que nous sommes plus faibles que les Lames, je crois au contraire que nous sommes bien mieux loties. Mais pourtant je ne pense pas pour autant que cela nous oblige à un quelconque égoïsme.
En fait je ne comprends pas bien ton point de vue : essayes-tu de dire que chacune d'entre nous devrait patrouiller et combattre seule ?
Quant à ton expérience personnelle de cette fusion, es-tu sûre qu'elle soit issue de ton statut de Némésis... et pas à ton caractère propre ?
La question était ce qu'elle était, dénuée de jugement ou de sous-entendu, juste une simple question.
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Le Merakih 3 Fambir 1510 à 17h49
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| Arkana hocha la tête, signe qu’elle avait bien compris. Elle laissa planer quelques secondes de silence puis répondit calmement :
Bien entendu que je suis consciente que mon éviction du Fatalisme est en grande partie liée à mon caractère de cochon. Mais je sais aussi, de par mes observations et mes voyages, que je ne connais aucun mage symbiosé qui aurait pu rester longtemps dans ce corpus. Elara. Matroshka. Rhyss… Mais aussi Nelle ou Grim : la similarité entre toutes ces entités, outre l’Art de la magie, était leur caractère indépendant. Elles oeuvrent pour leur Faction –avec plus ou moins de sacrifices- mais d’une façon autre que les font nos Lames et leurs guerriers.
Ainsi, il y a certainement une part de l’individu qui ne convient pas au Fatalisme, mais la multiplication des cas de symbiosés magiciens s’y cassant les dents m’inquiète simplement.
La Voroshk soupira, ne parvenant pas à s’exprimer clairement. Elle repartit sur une autre piste, consciente que son précédent argumentaire souffrait de trop d’imperfections pour être entendu par des non-symbiosées Matriarcales qui avaient tout sacrifié et pour qui l’Altérité était une notion toute relative.
Je crois que vous faites erreur sur un point, Liadha. Avec tout le respect que je vous dois, les Lames du Matriarcat disposent de forces très spécifiques, que nulle autre ne peut se targuer. Ces Maîtresses Lames et ces légendaires Exécutrices bénéficient d’un Art destructeur forgé par et pour le Matriarcat, sans nulle comparaison possible dans toutes les Contrées.
Leur Art est délicat, je ne le nie pas : comme le notre, il demande entraînement intensif et sacrifices incommensurables. Ce que je souligne, c’est qu’il est profondément autre. Qu’il n’est pas basé sur la même logique que nous : les Lames bénéficient d’armures solides, d’un art d’esquive, de possibilités de parade et d’une constitution qui ne sont pas nôtres. Et que nous ne pouvons compléter sans briser notre Art propre, qui comble au quotidien nos tuniques fines, notre lourdeur à échapper aux coups et nos chairs tendres. Contre une créature lambda, je ne suis ainsi pas certaine de résister plus longtemps qu’une Lame, fut-ce grâce à mes sorts de soin…
Ainsi, quand je dis que notre Art requiert de l’indépendance, c’est comme affirmer qu’une Lame ne peut mener ses Danses si elle doit prêter son épée et son armure toutes les cinq minutes à sa voisine de droite. Car cela la met en danger et la dépouille de son essence même. Y-aurait-il de l’égoïsme dans un refus de se conformer systématiquement à ce « prêt » ? Y-a-t-il de l’égoïsme quand une sorcière ne veut pas dépenser ses sorts pour une personne autre qu’elle ? Pour moi, la question est la même.
Nous déclarer « mieux loties » est abstrait. Un poisson est-il mieux loti qu’un oiseau, sur cette île ? C’est incomparable. Les buts sont communs, les moyens ne sont pas identiques : la Magie ne peut être rapprochée de l’Art du Fer au point de faire des Némésis’s une copie conforme des Lames. C’est simplement… destructeur.
Un haussement d’épaule un peu remplit de désuétude.
Je pensais que le Fatalisme laissait filtrer une image d’égoïsme et de détachement marqué ; la Fataliste moyenne n'attendant rien de la vie sinon sa fin... Que ses membres étaient connues pour la fureur de leurs Danses et l’aveuglement qui noyait leurs esprits au summum du combat. N’étais-je pas le parfait exemple de cette ardeur à la tuerie ? N’était-ce pas la force du Matriarcat : cette colère orientée sur le champ de bataille vers l’Ennemi, cet abandon à la mort ?
Hors, en arrivant dans cette fameuse branche guerrière, je découvre que tout n’est que réflexion stratégique, que cohésion sur le champ de bataille –certaines sommées de ne pas combattre pour en soutenir d’autres-, qu’organisationm hiérarchisation, rationnalisation et optimisme. J’étais Sang-Cesse : devant ma colère envers une Sœur qui m’a ravi ma proie, on m’a viré de la Cariatide. Qu’attendait-on de moi ? Que je renie les valeurs de ma Famille –obstination, pessimisme, violence, solitude et hargne ? Que je réagisse en Nelda ou en Tchaë, en posant la main sur l’épaule d’Anandra en murmurant « je te pardonne, c’est mieux ainsi : le plus important est d’être en vie » ? Devais-je me comporter en Erudite ? En Artiste ?
Ce monde est sans pitié. Je pensais le Fatalisme à son image. Je découvre une Cariatide où ne sont pas tolérées certaines valeurs pourtant centrales de notre Faction. Je ne dis pas que la cohésion et l’esprit d’équipe sont néfastes au Matriarcat ou ne sont pas bénéfiques sur un champ de combat : je dis qu’elles n’ont jamais été mes crédos –ceux de mon Art et de ma personnalité profonde. Et qu’avant ce regroupement, mes valeurs et méthodes de Némésis’s n’avaient jamais été remises en cause, provoqué de friction ou fait preuve de critiques quant à leur efficacité.
Bref. Je ne prône pas les patrouilles solitaires. Je prône la tolérance des unes envers les autres. Je prône les Lames s’occupant des Lames et les Némésis’s s’occupant des Némésis’s, comme les oiseaux réunis entre eux et les poissons entre eux provoquent moins de remous qu’un mélange hiérarchique douteux. Je prône un Fatalisme fondé sur la diversité, non sur le conformisme. Un Fatalisme uni, fort, acceptant la différence et cette brutalité autrefois caractéristique du Matriarcat....
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Le Vayang 12 Fambir 1510 à 00h11
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| Eldra Lhess écouta la jeune Voroshk avec intérêt et patience, et sembla réfléchir longuement avant de lui répondre. Lorsqu'elle était lancée, la symbiosée semblait ne plus pouvoir s'arrêter et abordait simultanément une quantité de sujets qui auraient pourtant mérité qu'on s'attarde sur chacun.
Nous ne connaissons pas, si ce n'est que de nom par les remous ou actions qui les concernent, les sorcières étrangères dont tu parles, et de ce fait je ne me risquerai pas à formuler d'hypothèse sur leur possible adaptation à ce corpus.
Et je ne me risquerai pas non plus à généraliser comme tu le fais, le caractère des pratiquantes de sorcellerie. Il y a parmi nous des caractères plus solitaires que d'autres, plus indépendantes que d'autres, mais je doute que ceci soit lié à la pratique de la sorcellerie, il y en a tout autant dans tous les corps de métier. Et il y en a également de moins solitaires. Pratiquer la sorcellerie ne nous range pas dans une case, et en tout cas pas dans celle que tu prône.
Quant à la multiplication des cas de symbiosées se cassant les dents au Fatalisme... en comptant Rhyss, qui n'est restée que quelques jours et n'a même pas eu l'occasion de commencer à y pratiquer cet Art, vous n'êtes que deux...
Alors pour ma part, ça ne m'inquiète pas vraiment, à ce stade.
La tydale resta un bref instant pensif, avant de continuer de la même voix docte et patiente :
Une Lame ne peut pas Danser si elle doit toutes les cinq minutes prêter son arme et son armure, certes. Mais pour autant elle ne clame pas son indépendance, justement. Alors pourquoi le ferions-nous ?
Personne ne cherche à faire des Némésis une copie conforme des Lames.
Mais la différence entre nos Arts n'empêche pas d'autres similitudes d'exister, et ce rapprochement de ce faire. Une archère ne combat pas de la même façon qu'une escrimeuse ou qu'une sorcière, mais toutes les trois mettent leurs armes au service du Fatalisme et du Matriarcat. En cela, elles ne sont pas si différentes que peut l'être un poisson d'un oiseau.
Quant à l'image que tu as du Fatalisme, elle est fausse, justement, et de là vient sans doute, depuis le début, ton problème avec cette fusion : là où tu reproches aux fatalistes de ne pas t'écouter et tenter de te comprendre, tu es toi-même pleine d'aprioris et fermée au dialogue.
Non les Fatalistes ne sont pas forcément des furies aveugles et sanguinaires. Les Sang-Cesse le sont, certaines Fileuses de Mort également, mais le Fatalisme ne se résume pas à ces deux Familles.
Simplement parce que le Fatalisme n'est pas une Famille, mais un organe hiérarchique de notre Faction, reflétant un but, une organisation et pas seulement un état d'esprit.
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Le Julung 18 Fambir 1510 à 17h28
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| Arkana hoche la tête. Elle entend. Elle comprend.
Je vous donne mon ressenti et j’accepte le vôtre. J’aimerais l’embrasser sans hésitation –car il est vrai qu’il sonne plus juste et logique. Idyllique. Mais ce que j’ai vu chez les Fatalistes symbiosées dément la perfection de vos propos.
A l’aube de cette fusion, une Aimée Carias est venue me demander mon avis sur tout ceci. Humblement, je lui ai murmuré « je trouve le regroupement logique mais je vous mets en garde : mettre des sorcières sous les ordres de Lames n’apportera que des frictions et nul gain ». Le lendemain, nous étions subordonnées aux Faucheuses.
Par tact –et après bien des remous- ces Faucheuses ont consenti à me –nous ?- laisser une relative indépendance. Mais elles demeuraient mes supérieures hiérarchiques… Elles qui ne connaissaient absolument rien à mon Art ni à mon potentiel… Avais-je la légitimité de me révolter ? Non, sûrement pas, puisque l’intérêt servi était celui, plus grand que tous, du Matriarcat.
Avaient-elles la légitimité de me commander ? Selon la même logique, j’affirme que non. Puisque sous leur commandement, je servais largement moins bien le Matriarcat que lorsqu’elles n’interféraient pas dans mes actes, que la Faction avait confiance en mon discernement et où toutes comptaient sur une bonne intelligence dans la coopération.
Où nul n’avait à se plaindre de mes Sacrifices.
A la poubelle le discernement, la bonne intelligence et le respect. Un bon vieux lien hiérarchique, un bon gros écrasement par le statut, une bonne vieille dilution et une violente insertion dans un Fatalisme où on ignore nos méthodes mais décrie nos –mes ?- valeurs d’indépendances. Vous parlez de diversité des Familles et des manières : j'entends bien. Je ne l'ai pas vu. Comme illustré, j'ai été virée, en partie, pour avoir eu une réaction de Sang-Cesse là où on exigeait de moi que je me conduise en Fileuse de vie.
Oui. Nous avons été soumises. D’entrée de jeu. Officiellement. Alors quand vous venez me parler de pied d’égalité et de respect de la différence… hum.
Arkana lève encore une fois la main en signe d’apaisement, avant de reprendre doucement :
Les Lames ne sont pas de mauvaise nature et ont une volonté de bien faire, d’avancer : c’est indéniable. Elles ne sont ni sourdes ni idiotes. Elles ne sont ni mesquines ni malfaisantes. Elles ont simplement leurs œillères, comme j’ai les miennes ; des préconçus sur notre Art et nos capacités, sur ce que nous pouvons leur apporter. Mais comment leur faire ôter si la seule alternative est le silence obéissant, l’attente servile ? Je me suis exprimé. Encore et encore. Rabâchant jusqu’à l’épuisement. Suis-je butée d’affirmer que non, une mage de combat n’est pas une mage de soutien ? Que notre Art n’est pas celui des Lames et que, si elles ont leurs talents, nous avons les nôtres : comme elles, nous ne pouvons pas à la fois l’exercer et en faire bénéficier une Sœur…
Alors je garde les miennes, d’œillères, et elles gardent les leurs.
Un soupir, de plus en plus résigné.
Ainsi, nous pouvons raisonnablement nous projeter dans l’avenir, oui. Ce n’est pas demain la veille qu’une Némésis symbiosée accédera au poste de Faucheuse. Je n’en ai personnellement jamais eu la volonté, pas plus que ma cousine : pas pour commander des Lames. Quant aux nouvelles symbiosées Némésis’s, elles sont aussi rares que frileuses à s’engager de prime abord dans le Fatalisme. De fait : les Arts leur laissent bien plus de marge de manœuvre à l’aube de leurs apprentissages.
Chez les Symbiosés, donc, aucune ne représente activement les Némésis’s, aucune n’incarne un modèle, une ligne de conduite ou de repère. Pourtant indispensable à la motivation, le respect et l’évolution d’une fonction déjà très peu dotée…
Les yeux se tournent vers Maëlys, plein de franchise et sans agressivité :
Ne m’en veux pas, Soeur, mais tu as encore plus de l’alchimiste qui marchande ses potions que de la mage de combat capable de tuer pour le Matriarcat…
A toutes, d’une voix devenue presque monotone de découragement :
Rien ne changera de sitôt. Les Faucheuses symbiosées ont toutes des ambitions différentes pour les Némésis’s symbiosées, rêvent toutes d’optimiser nos talents sans voir notre nature profonde. Oui. J’ai été engoncée dans une niche creusée par d’autre, de force. Peut-être vous convient-elle. Peut-être vous y épanouissez-vous, y êtes-vous libres d’y fructifier votre diversité et vos opinions variées, vos Arts atypiques.
Je ne pense pas l’avoir été. Je ne pense pas que je le serais. A moins d’être une Fileuse de Vie qui jetterait un sort offensif une fois l’an pour ensuite passer son temps à soigner des bobos, je ne peux y trouver que frustration et opposition.
Le Fatalisme est le fleuron du Matriarcat. Il est surtout le carcan le plus étouffant et destructeur de la Faction. Vous m’affirmez le contraire mais je maintiens cette observation : aucune diversité profonde ne peut y fleurir.
En fait, je pense que les Némésis’s Symbiosées sont définitivement mortes. Et cela m’attriste profondément.
Et le silence. Arkana avait entendu les points de vue de ses Sœurs et exprimé le sien. S’ils étaient si profondément divergents, qu’y avait-il de plus à rajouter ? Le problème venait en effet peut-être de la Voroshk. Celle-ci se désolait simplement qu’elle soit la seule dans cette pièce à l’avoir effleuré. Si d’un côté tout allait parfaitement bien dans le meilleur des mondes, c’est peut-être qu’Arkana était le grain de sable qui grippait la machine. Et qu’il était tant pour elle de s’en retirer.
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Le Sukra 27 Fambir 1510 à 18h20
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| Encore une fois, Arkana se lance dans ce qui semble être un monologue interminable.
De quoi se demander si elle est réellement venue chercher des réponses, avis ou conseils, ou simplement des oreilles compatissantes pour l'écouter parler.
Les réponses n'ont guère leur place quand les rares questions s'effacent aussitôt pour laisser la parole aux simples affirmations et aux certitudes tranchées.
Eldra Lhess, cependant, et les autre Némésis non symbiosées derrière elle, l'écoutent sans l'interrompre. Lorsqu'elle lui répond finalement, la voix de la Némésis exprime une certaine compassion. A la tristesse qu'Arkana vient d'évoquer, ou bien autre chose...?
Et bien, je ne partage pas ton point de vue, Arkana.
Le Tableau nous montrera ce qu'il aura décidé pour nous.
Que dire de plus... ?
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Le Matal 2 Marigar 1510 à 17h06
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| Arkana se tordit la main. Au fond d’elle-même, elle s’attendait à cette réponse : le nombre de ses incriminations était beaucoup trop élevé pour que quiconque se risque dans un démenti précis. Toutefois, la Voroshk était bien venue chercher des réponses : en quelque sorte, elle les avait trouvé. Les Némésis’s non symbiosées n’avaient saisi aucune des perches qu’elle avait tendue avec force arguments, ne semblaient pas réagir à aucun de ses propos. La Fracture résidait là : Arkana concevait un problème dans l’intégration des Némésis’s au Fatalisme en l’état. Ses anciennes paires n’en voyaient aucun. Quelles réponses pouvaient-elles lui apporter, alors ? Si tout allait bien dans le meilleur des mondes, qui était Arkana pour venir tenter de changer les choses ? Puisque ces choses n’avaient visiblement nullement besoin d’être changées. Aussi, la Déclinante reprit finalement la parole, la voix emplie de résignation –ironiquement, pleine de fatalisme :
En effet, votre vision n’est pas la mienne, et je ne suis qu’une poussière dans une machine qui me dépasse. Je venais savoir si vous étiez épanouie au Fatalisme, dans ce Fatalisme qui m’a fané : vous me répondez que oui, que puis-je rétorquer ? Je n’ai nulle volonté de voiler votre contentement, de flétrir votre satisfaction devant ce changement.
La réponse est là, depuis le début, je la connais bien. Le problème venait… vient de moi. De ma vision des choses, de ma façon d’envisager la fonction de Némésis et sa place dans le Tout. J’accepte l’aberration de mon individualité : si je la subis, je ne peux m’en défaire. Mes convictions sont mon essence et si je peux m’adapter un minimum, je ne peux renaître totalement.
Ainsi, je pensais, j’espérais que vous aussi, vous aviez trébuché dans l’ornière du regroupement ; d’une fusion qui ne pouvait laisser nos habitudes indemnes et notre Art sans nécessité d’adaptation –et donc d’altération. Cette altération m’a été néfaste mais je sens qu’elle a à peine pesé sur vos cœurs. Tant mieux pour vous, tant pi pour moi.
Je vous pensais mal assise sur un fauteuil qui m’a brisé les reins : ce n’est manifestement pas le cas. La position que j’avais sur ce siège était probablement mauvaise : oui. Simplement pensais-je jusque-là qu’elle était la notre et qu’en changer si radicalement dénaturerait dramatiquement notre Art. Je me fourvoyais à votre compte : j'ai été la seule à devoir me contorsionner. Mon caractère trop buté, sans doute, mais probablement, aussi, une erreur de vision qui prend sa source bien en amont de tout ceci. Je l’accepte. Je m’y résigne. Et s’il n’y a rien à changer, rien sinon moi, j’arrêterai simplement de me débattre pour que tout change.
Arkana haussa les épaules dans un mouvement qui n’avait rien de désuet. Elle pensait avoir été forgée par le Matriarcat pour la fonction de Némésis, caractériser la force et le caractère atypique de ses guerrières aux dons multiples. Ce n’était pas le cas. Elle ne représentait qu’un échec, qu’une excroissance se pensant utile alors qu’elle était juste embarrassante. Au fond d’elle, la Voroshk continuait de penser qu’il se passerait des cycles avant qu’une Némésis symbiosée incarne une véritable Danseuse de guerre : toutefois cette hypothèse l’attristait et elle n’espérait nullement la voir se réaliser. D’où sa présence ici. Elle comprenait les propos des siennes : mais ces mots incarnaient à ses yeux une utopie, une perfection des places et des rôles qui n’avait pas court, pour l’heure et à son goût, dans le monde symbiosé. Peut-être cette vision venait-elle simplement de la déformation possible du regard que la Déclinante posait sur le monde…
Bref. Arkana avait tenté de remettre de l’ordre dans le chaos, mais manifestement cela ressemblait plus à semer le chaos dans l’ordre. Il était enfin temps de cesser ces vains efforts. De laisser ces Némésis’s si différentes continuer leur chemin sans le poids de ses doutes et de ses craintes, sans la fardeau de sa différence.
Toutes sentirent l’abandon de la cause, l’acceptation ultime. La Voroshk ne retrouverait pas sa place de sorcière de guerre et, illégitime, n’exercerait sûrement pas ce rôle comme Libertaire. Alors, les yeux d’Arkana passèrent d’une magicienne à une autre, interrogateurs. Si quelqu’un avait quelque chose à rajouter, c’était le moment ou jamais. Puis, si aucune ne prenait la parole, la Voroshk remercia ses Sœurs pour leur attention, les salua sans l’ombre d’une rancune et quitta la pièce, n’accaparant pas plus longtemps le temps précieux des vraies Némésis’s du Matriarcat.
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