Immobile devant l'affiche, Carrha relit pour la dixième fois le message laissé à leur intention par les membres d'une civilisation censée posséder sur son peuple une avance intellectuelle incalculable. Rendu confuse par les implications du texte, elle se laisse ballotter par la foule nombreuse et bruyante qui se presse aux abords de l'avis.
La guerre.
Quelque soit le fil de probabilité qu'elle suit mentalement, c'est la conclusion logique à laquelle elle parvient à tout coups. Les différents groupes poussiéreux serrés sur le micro-continent qu'est Syfaria ne se tiennent tranquille depuis des siècles que pour une seule raison: la supervision des Nemens qui, par une plus ou moins habile distribution d'avantages particuliers à chaque peuple et un strict contrôle des conflits, ont réussi à maintenir la paix.
Et voilà que par ce geste qu'elle considère comme stupide, le chien de garde montre à tous qu'il n'a plus les moyens d'être menaçant. Elle imagine que cet appel à l'aide a comme objectif de resserrer les rangs poussiéreux autour de la figure maternelle de la civilisation Nemen. Un coup de fouet destiné à faire émerger en eux le courage, l'altruisme, les mener à former une union sacrée.
Elle a été témoin du comportement des confrères alors même qu'ils étaient sur le point d'être réduits en cendres.
Duperie, égoïsme, mensonge.
Elle est bien placée pour savoir ce que ses sœurs rêvent de faire subir à ceux qui les ont volé et ont fait couler leur sang.
Justice, vengeance, violence.
Une jeune non-symbiosée, la tresse décorée de rubans colorées et de clochettes, l'accroche par la manche de sa robe.
«
Que va-t-il advenir de nous maintenant?»
Carrha ne répond pas. Doucement elle détache les doigts de l'inconnue de son vêtement. Puis la main autour de son poignet, elle l'éloigne de la cohue et du bout de papier qui sonne le début du chaos.
La guerre.