Levée avant l'aube, Carrha parcourt sans hâte les ruelles pavées du quartier marchand. Du bord des toits enneigés des échoppes pendent d'épais stalactites de glace dont certains descendent jusqu'au niveau de la rue. À chaque inspiration, l'air glacé chargé de l'arôme âcre du bois brûlé gèle la fine couche de condensation qui recouvre l'intérieur de ses narines.
Le raclement régulier de la semelle de ses bottes sur la pierre rugueuse est pour l'heure le seul bruit audible dans la venelle peu fréquentée qu'elle remonte en direction de l'Auberge des Cimes. Un nid de rats dans un caveau funéraire, un nuage solitaire perdu dans un ciel bleu uni, un silence de mort au beau milieu d'un quartier habituellement bruissant d'activité. Carrha aime les contrastes et apprécie donc particulièrement sa promenade matinale.
Arrivée devant l'établissement , elle pose sa main ouverte sur l'une des ferronneries ornant les lourds battants de la porte d'entrée. Elle caresse quelque seconde une fleur stylisée de métal noir couverte de minuscules aspérités. Malgré la nuit passée à des températures bien inférieures au point de congélation, le fer forgé parait agréablement tiède au toucher.
Elle abandonne son examen et pousse la porte. Elle est accueillie par une bouffée d'air chaud parfumé d'effluves appétissants. La videuse emporte ses armes dans la pièce forte aménagée à cet effet puis, à sa requête, lui indique la direction de l'escalier menant à la salle commune souterraine.
Le caveau est entièrement vide et moins d'une lampe sur deux est allumée à cette heure matinale. Elle parvient tout de même à se faire servir une infusion adoucie de miel qu'elle sirote en admirant l'un des bas-reliefs du plafond. La scène représente de manière particulièrement graphiques le combat d'une poignée de guerrières contre une marée de rejetons sans forme définie. L'œuvre laisse à la Murmure une telle impression de ruine et de fatalité qu'elle se promet de se renseigner sur l'artiste et d'étudier sa technique.
Quelques temps plus tard, alors que le personnel commence à s'affairer pour préparer la salle en vue de l'affluence du matin, le Visiteur fait son apparition.
La joie est partagée Pédagogue Kaïlïn.
Elle le suit et s'installe en face de lui à l'extrémité de l'une des longues tables. Des galettes de shrétim tièdes, un plat de pains roulés aux fruits secs et un quart de fromage à pâte dure de Meliasol sont déposés devant eux par un serveur marqué du sceau de l'Inaptitude.
Carrha prélève une pâtisserie du plat de terre cuite.
Vos mouvements et actions seront en effet restreintes durant votre séjour. Je ferais de mon mieux pour vous renseigner et m'assurer que l'expérience soit la moins... oppressante possible.