*** Salash avait rempli sa mission. Les morions s'étaient accumulés petit à petit et, financée par les admirateurs du plus grand artiste de Kryg, la maison des Voroshk était une beauté architecturale. Pas très grande, à l'abandon et décrépite, c'était avec plaisir que Salash la contemplait sans cesse. Il ne voulait pas troubler ce tranquille lieu de bonheur aussi ignora-t-il le message de sa maitresse et cousine Laedel.

Dans une béate stupeur il se collait contre les murs branlants de la bicoque. ***

*** Tout à son ébahissement, Salash n'avait rien écouté de ce que sa cousine Laedel lui avait dit. Par contre, Arkana l'avait pris en traitre et il avait sursauté ! ***

*** Salash s'était abimé dans la contemplation de la maison un long moment, sans répondre à sa maitresse. Apparemment elle s'était lassée d'attendre sa réponse car lorsqu'il avait repris ses esprits elle n'était plus là.

D'ailleurs il n'avait pas entendu la question !

Il se mit à danser dans la rue en jouant de la musique et en hurlant, pour que tout le monde sache que la maison des Voroshk était la plus belle de la ville. ***

*** Une fois sa joie exprimée, une rafale de vent venu des montagnes surpris tout le monde. Et surprit aussi la maison qui "frissonna" et trembla sur ses fondations dans un grondement de mauvais augure ! ***

*** La maison tremblait toujours. ***

*** Il alluma un grand feu à l'intérieur, mais pas dans la cheminée, parce que tout le monde sait que les cheminées ça ne sert qu'à décorer et ça ne chauffe pas ! ***

*** C'est à ce moment la qu'un morceau de toit se décida à céder sous la neige et à tomber en plein milieu de la pièce principale, sur le feu de Salash.

Qui d'ailleurs était maintenant enseveli sous plus de 50cm de neige fraiche ! ***

*** L'effondrement partiel du toit avait fait grand fracas dans la cité et si Salash avait froid, au moins le feu était-il éteint et la maison ne brulait plus. Salash s'était évanoui. ***

*** Trayzh passait dans le coin lorsqu'il entendu des chants mélodieux venir d'une maison plutôt... mal en point. Les chants lui rappelait son ami Djon Lainone dans ses phases de transes après avoir fumé trop de carnine. N'étais-ce pas ce fameux énergumène dont la Neldouche de l'auberge lui avait parlé ? Il s'approcha pour en savoir plus.
Alors qu'il approchait, il vit de la fumée sortir d'une fenêtre et soudain le toit s'effondra dans un grand fracas et la musique avec lui. Il couru donc apporter son aide et commença à enlever les décombres. Il semblait bizarrement être le seul... ***

*** Des cris, peu mélodieux, mais des cris quand même. Que pouvait-il bien beugler cet individu? Et dans quelle langue? Toujours est-il que Salash était maintenant réveillé.

Il ne serait pas dit que Salash resterait sourd aux appels désespérés d'une personne en détresse. Il entreprit de déchiffrer les hurlements qui déchiraient l'obscurité sous laquelle il était enfoui.

Un tas de neige à demi fondu lui tomba sur la figure. Le froid formidable catalyseur de réflexion, comme il devait l'oublier quelques seconde après, lui donna la réponse tant attendue. L'atroce être, qui devait être plus bestial qu'humanoïde, demandait de l'aide pour dégager les débris. Il était sans nul doute enterré quelque part, ou emmuré ! Il respira un grand coup avant de lancer un appel rassurant à cette créature terrorisée. ***

*** D'ailleurs, en parlant de puant, Salash n'était pas si mal loti lui non plus. Quelqu'un avait semble-t-il éprouvé quelque difficulté à se retenir et la bienfaisante chaleur qui accompagnait l'odeur presque palpable lui réchauffait le bas du dos. Il décida de se lever. Sans succès, quelque chose, ou quelqu'un l'en empêchait ! Il faisait nuit aussi ne pouvait-il pas voir son assaillant !

Après plusieurs autres essais infructueux, il décida que comme il ne pouvait se mettre debout, c'est qu'il l'était déjà. Il tenta donc de marcher. Etrangement, ses pieds ne rencontraient aucun appui alors que son dos reposait sur un mur très solide mais incrusté de cailloux qui roulaient sous ses épaules et qui ne semblaient pas décidés à tomber par terre. il y avait aussi quelqu'un qui lui appuyait dessus. Cela n'était pas très agréable et l'empêchait de respirer correctement. Il se décida à pousser l'importun. ***

*** Malheureusement, le toi à demi effondré ne l'entendait pas de cette oreille, voire ne l'entendait même pas du tout. Salash restait donc coincé par un mystérieux admirateur. Il fallait chanter pour l'apaiser. ***

*** Sa patience atteignait sa limite. Et l'autre qui appelait toujours à l'aide ! Il fallait l'aider ! ***

*** Aaaah quelle chanson magnifique... Trayzh ne put s'empêcher de sortir son tout nouveau Cavaquinho acheté récemment, qu'il ne maîtrisait encore aucunement, pour l'accompagner. Quelques pseudos "accords", deux ou trois notes soutenues et quelques bémols suffisaient grandement. ***

*** Dwen qui passait par là pour se rendre à la ruche ou il devait faire revitaliser son sceau entendit le chant on ne peux plus caractéristique........Salash !
Loin de s'imaginer que son ami pouvait avoir de la concurence en matière de mélodies douteuses, il lança au passage un salut, pensant que Salash chantait pour se donner du courage à reconstruire la bicoque. ***

*** Il était difficile de supporter une mélodie tant désaccordée, ce chant était un supplice et Salash avait vraiment envie d'aider ce pauvre hère à aller mieux, pour qu'il cesse bien vite cette ignominie.

S'arque boutant, il poussa un bon coup sur ce qui le retenait. ***

*** Une main apparu dans un tas de neige, rapidement suivie par un poignet, puis un coude, une épaule, une tête, puis le reste du corps de Salash. On ne sait comment le monticule de gravas avait glissé et dégagé une sortie pour le musicien. ***

*** Arf quelle aventure !! Le pauvre Salash, assurément envouté par la mélodieuse voix de Trayzh, tenta désespérément de se débattre. Mal lui en pris car un tas de neige lui tomba directement sur le visage le recouvrant ainsi un peu plus.
Alors que Trayzh, amusé par ce gaffeur malgré lui (cela lui rappellait une histoire qu'il avait entendu durant son long voyage au sujet d'un certain... Gaston Lagaffe...), devait se battre contre le fou rire qui s'emparait de lui, une inconnue accouru de derrière pour elle aussi venir en aide au malheureux.
Quand Salash eut enfin la tête dégagé il prononça de vagues mots : "troll", "sauve"... Sauver un Troll ? Surement un délire ! Trayzh répondit aussitôt, toujours en chantant : ***

*** En entendant cette voix, cette puissance sonore, contenue mais déjà tant éprouvante pour les tympans, Salash ne pouvait douter de l'identité de l'être qui l'avait ainsi appelé. ***

*** Il tenta de se redresser fièrement mais sa jambe droite s'enfonça jusqu'à la cuisse dans un tas de neige qui recouvrait un trou dans les décombres. Ainsi coincé, il arbora son plus beau sourire, plus convainquant que celui d'une jeune enfant gnome, et tendit les bras vers sa destinée. ***

*** Eh bien, eh bien... Pauvre Salash...
Après s'être fait lâchement dégagé par l'inconnue derrière lui, il eut juste le temps de sortir son tout nouveau cavaquinho et d'expérimenter une nouvelle complainte faite maison avec deux doigts... ***

*** Puis, se tournant vers sa maitresse, il se prosterna à ses pieds, souillant ses bottes de ses mains souillées par cette mélasse chaude qui l'environnait peu de temps auparavant. ***

*** Il resta prosterné, bien conscient que la moindre erreur de sa part lui couterait très cher. ***

*** Encore ce troll ? Mais où vois t-il un troll ce foutu Salash ?
Trayzh se retourna tout de même histoire d'être sûr qu'il ne craigne rien. C'est alors que la dame lui adressa la parole... plutôt... abruptement... ***

*** Salash était ébahi par l'impudence de cette créature puante. Il tourna légèrement la tête, s'écorchant le front au passage. Tant pis pour son tatouage qui serait maculé de sang, il avait quelque chose à dire et il le dit ! ***

*** Il marqua une pause, une pensée germant dans son esprit normalement aussi calme que l'eau d'un lac. ***

*** S'égratignant dans l'autre sens, il avait les yeux plein de sang et il n'était pas beau à voir. Déjà qu'il n'était pas beau en temps normal. Il se leva et couru en cercle, hurlant à pleins poumons ! ***