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Le Quartier de l'or

Carnet de Bord

Milien Moreno
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Sujet lancé par Milien Moreno
Le 20-05-1508 à 11h48
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Posté par Milien Moreno,
Le 20-05-1508 à 18h14
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Milien Moreno

Le Matal 20 Manhur 1508 à 11h48

 
Le milieu d'après-midi classique, en Zarlif, baigné par la lueur pourpre de Drajl, attendant patiemment l'heure de Silith. La nuit est douce et mystérieuse, les rues sont calmes, le vent timide.

Faites de pavés et de creux irréguliers, de morsures entre les carrés arrondis des rues de la ville, les trottoirs à piéton de Zarlif cheminaient vers des destinations diverses.
J'avais quitté la Perle depuis plusieurs jours déjà et jamais ne m'étais autant amusé tout au long de ma vie. Sans nouvelle de Tempéro, le doyen des Moreno, et désormais seul héritier de la froide fortune de la famille, mes seules occupations étaient mes recherches et l'apprentissage.
Au sortir de la bibliothèque municipale, la bourse allégée mais le coeur en liesse, j'attendais donc patiemment que Silith baigne la ville de ses rayons capricieux et imprévisibles, dans l'espoir qu'ils ne se coucheraient pas avant très tard, pour prolonger un peu le plaisir d'une nuit de labeur. Je n'avais encore rien compris des écritures tout en relief sur les parchemins que j'avais pu acquérir, et je n'avais pas la moindre idée de la façon dont je devrais m'y prendre pour pouvoir enfin les comprendre, les interpréter, les adopter. Car il s'agissait bien d'adoption, en magie. L'adoption de ses signes, tordus aux dires de tous, mais que je savais à ma portée.

C'était le moment de la journée que je préférais. Le levé de Silith, l'heure où Drajl irait coucher sa lueur menaçante, chassé par les rayons chaleureux et capricieux du Soupir. L'étude de l'astronomie et du ciel m'avait permis d'appréhender chacun de ses mouvements, mais pour Silith, tout était toujours tellement plus compliqué, plus inattendu. A force de l'observer se lever chaque jour, j'avais perdu la connaissance de son orbite. Car chaque jour, avec Silith, était différent, ce qui rendait son étude tellement plus délicate.
A mes heures perdues, et elles l'étaient toutes, je contemplais donc ce ciel capricieux, et étudiait les signes qu'il me revoyait parfois. Le plus souvent, ils étaient des hallucinations lancinantes, fruits de mon imagination fertile, destinées à excuser que je me perde dans des réflexions jugées, pour beaucoup, sans intérêt. L'observer au clair d'une montagne dégagée changerait peut-être les choses.

Depuis quelques jours, pourtant, plus que l'étude passionnante du ciel et de ses occupations malades, la compréhension de ce que je devenais était une priorité devenue obsession.
J'avais, alors fou et enfant, fait apparaître quelques bulles, au terme d'une concentration innocente. Des gosses avaient crié, ri, applaudi, tandis que j'observais, béat, les sphères maladroites et fragiles qui s'étaient élevées au dessus de ma tête, avant d'exploser dans un ciel qui n'occupait alors plus toutes mes pensées. Ce mystère, il me fallait le résoudre.
Les témoignages que j'avais recueilli aux détours d'une boutique ou d'une échoppe faisaient état de sorcellerie. Quel terme idiot. Mais, dans le même temps, quelle chance !

A lire les parchemins achetés à grand prix à la bibliothèque, j'en étais à me demander si, franchement, j'en étais réellement capable. L'incompréhension d'une langue qui m'était totalement étrangère, l'ignorance de ses subtilités orales et écrites, l'abondance de ses rugosités de papier, tout me poussait à croire que c'était là un simple accident de parcours. Et pourtant.
L'arrivée de ce Mou était bien le signe que j'en avais les capacités, et le symbole qu'il me fallait le travailler, ce que je fis.
Difficile, ô combien difficile, est-il, de décrire avec précision l'effet que l'on ressent dans ses moments là.


*** Assis sur une marche, la lueur rouge de Drajl baignant la rue de ses contrastes sanguinolents, le vieux tchaë ferma les yeux un instant.
Dans son esprit, la sensation d'un vide éprouvant mais aussi apaisant. Tandis que quelques mots s'envolent...
Il trembla quelques secondes puis se calma. Le visage serré, presque rouge de concentration, les traits tirés par l'effort, les yeux plissés sous l'effet de l'incantation, il prit une profonde inspiration, serra les poings, respira.
Du bout de ses doigts désormais dépliés, quelques petites bulles s'évadèrent, certaines grosses comme une tête de Nelda, d'autres aussi minuscules qu'une goutte d'eau. Elles éclatèrent un peu plus haut dans le ciel, comme des taches d'encre perturbées par le contact du papier. ***


 
Milien Moreno

Le Matal 20 Manhur 1508 à 18h14

 
La sensation de planer était désagréable, ce vide immense, presque aussitôt comblé par l'hémorragie d'émotions qui affluaient alors, comme sorties nulle part.
A force de manipuler ainsi ces bulles capricieuses, de m'exercer et de contracter cette force pour la relâcher bêtement et sans intérêt immédiat, il m'est venu l'idée que c'était peut-être de la Magie, ou de la Sorcellerie. Mais comment, comment pouvait on ainsi matérialiser une forme de vie à part, aussi inutile soit elle ?
Par forme de vie, il convient toutefois de préciser que l'autonomie vitale n'est pas à l'œuvre et que vie est un terme bien trop fort pour désigner cet amoncellement inutile de couleurs et de matière.


Silith se lève dans Zarlif et baigne la cité de ses rayons capricieux.

Dans toutes les études que j'avais pu accumuler au fil des années, jamais je n'avais évoqué un tel phénomène, ni ne m'y étais, de près ou de loin, intéressé. Et pourtant, je savais cette partie de l'Univers, inaccessible à mon grand regret, existante, quelque part. Où était une question que je ne me posais pas. Quand était une idiotie de rêveur.

En manipulant les énergies, je découvrais donc que j'étais capable de tels exploits. Des bulles qui, faute d'être inutiles, avaient au moins le mérite d'orienter un peu mes recherches vers ce qui devait devenir, plus tard, une obsession.


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